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Des algorithmes pour cartographier le Canada, ou comment compléter le tableau en instruisant la technologie

Par Clement Nocos

Deuxième pays du monde en superficie, le Canada a un vaste territoire et plusieurs types de couverture terrestre à cartographier, dont des zones urbaines, de l’eau, des déserts, du roc, de la glace et de la neige. Pour les décideurs du secteur des ressources naturelles, des cartes exactes de la couverture terrestre sont essentielles. Elles aident à comprendre les impacts climatiques, à suivre l’évolution des habitats fauniques et à mieux faire face aux situations d’urgence.

Pour planifier et bâtir un avenir durable, les scientifiques, chercheurs, planificateurs et gestionnaires de ressources ont aussi besoin de savoir comment la couverture terrestre se transforme au fil du temps.

 

 

Comment différents types de couverture terrestre sont représentés sur la carte de la couverture terrestre du Canada.

Le Canada fait 9,985 millions de kilomètres carrés. Il est humainement impossible d’en parcourir physiquement chaque mètre carré. Les spécialistes du Centre canadien de télédétection (CCT) ont donc recours à des images satellitaires pour aider à produire un portrait très détaillé de la couverture terrestre du Canada.

Le processus prend des années, mais les Canadiens ont maintenant accès à deux cartes de leur pays très détaillées et d’une grande exactitude (produites à cinq années d’intervalle) et peuvent, en comparant ces cartes, voir comment les écosystèmes, la biodiversité, le développement humain et la mise en valeur des ressources naturelles ont changé.

Rasim Latifovic, chercheur au CCT de RNCan

Vaste pays, données à l’avenant

Pour accomplir cette tâche colossale, le chercheur de Ressources naturelles Canada Rasim Latifovic et son équipe commencent avec des images satellitaires à haute résolution découpées en pixels. Chaque pixel représente une superficie d’environ 900 mètres carrés, soit l’équivalent des trois cinquièmes d’une patinoire de la Ligue nationale de hockey.

Cela fait plus de 665 milliards de pixels à analyser – une masse de données gigantesque. Or, même l’informatique a ses limites, signale notre chercheur.

« Le Canada est vaste, la biodiversité y est considérable, et le portrait change continuellement, dit-il. Du nord au sud, de l’Arctique aux forêts tempérées – les forêts pluviales de la Colombie-Britannique sont différentes des forêts du Québec. Les données satellitaires ont leurs limites ici. »

M. Latifovic a donc conçu un modèle informatique qui utilise un algorithme d’apprentissage automatique pour « apprendre à la technologie » à reconnaître la couverture terrestre. Par exemple, si les satellites voient toutes les forêts du même ton de vert, différentes forêts ont pourtant des caractéristiques très différentes d’un bout à l’autre du pays. Or, ces différences doivent être prises en compte.

L’ordi à l’école

 

 

Zone cartographiée à l’aide de l’algorithme de classification des terrains du CCT. Le diagramme montre comment la taille de l’échantillon influe sur l’exactitude de la cartographie : plus l’échantillon est petit, plus l’exactitude est grande.

M. Latifovic et son équipe appliquent une méthode appelée « entraînement de l’algorithme ». Jusqu’à maintenant, le programme reconnaît 19 types de couverture terrestre. Quand il passe d’un type à un autre, il parvient aussi à reconnaître des paysages en transition.

Grâce à l’entraînement, l’algorithme réussit à identifier correctement la couverture terrestre dans 80 % des cas. Et à mesure qu’il parvient à traiter plus d’échantillons de couverture terrestre avec une capacité de traitement plus rapide, l’algorithme « apprend » à catégoriser avec exactitude chaque pixel. Cette capacité est très avantageuse pour les utilisateurs, car le traitement des données et la production d’un ensemble de données national complet prennent de moins en moins de temps à chaque mise à jour.

C’est un travail titanesque. « Au total, ça représente une centaine de téraoctets de données, indique M. Latifovic. Nous avons utilisé environ 36 000 scènes Landsat [le plus ancien programme de satellites d’observation de la Terre au monde] et, pour en traiter les données plus rapidement, nous avons utilisé tout un réseau d’ordinateurs. » Histoire de mettre les choses en contexte, rappelons que la sonde spatiale de la NASA Lunar Reconnaissance Orbiter avait fourni plus de 192 téraoctets de données pour cartographier la surface de la Lune au complet.

Mesurer les changements au-delà des frontières

M. Latifovic et son équipe collaborent avec des spécialistes des États-Unis et du Mexique depuis 2006 au Système nord-américain de surveillance des changements dans la couverture terrestre (connu sous le sigle anglais NALCMS) pour créer des cartes de la couverture terrestre du continent qui intègrent harmonieusement les données du Canada à celles des deux autres pays.

Pour le moment, le travail sur cette carte est terminé – du moins jusqu’à la prochaine mise à jour, prévue pour 2021 –, mais il reste beaucoup de répercussions profondes à explorer, et des spécialistes du monde entier consultent et analysent cette information en appui à une planification territoriale durable.

 

 

Le site Web du NALCMS montre des photos de types de terrains correspondant à des oints de la carte de la couverture terrestre de l'Amérique du Nord.

 

 

 

 

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