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La fonte du pergélisol entraîne des problèmes majeurs dans les collectivités du Haut-Arctique canadien

Selon une nouvelle étude, des mesures pour lutter contre la fonte du pergélisol et les changements climatiques sont nécessaires

Décembre 2020

Les chercheurs et les résidents se disent depuis longtemps préoccupés par la rapidité avec laquelle les changements climatiques modifient le pergélisol dans les collectivités du Haut-Arctique. Les impacts sont réels et profonds : le Canada possède le littoral arctique le plus long au monde, et ces zones se sont réchauffées deux à trois fois plus rapidement que la moyenne du réchauffement mondial au cours des 50 dernières années.

L’urgence d’élaborer un plan d’action scientifique pour résoudre ce problème a été soulignée dans le rapport intitulé Rapid Response Assessment of Coastal and Offshore Permafrost (en anglais seulement), une étude récente de l’état du pergélisol sur terre et en mer à laquelle ont contribué 13 chercheurs de la Commission géologique du Canada (CGC) de Ressources naturelles Canada (RNCan).

Photographie d’une collectivité côtière de l’Arctique

Les collectivités nordiques du Canada telles que Tuktoyaktuk ressentent déjà quotidiennement les effets des changements climatiques.

Impacts réels

Les problèmes se concentrent surtout sur la côte de la mer de Beaufort au Canada et en Alaska, ainsi que sur les rivages de la mer de Sibérie orientale. Dans des collectivités comme Tuktoyaktuk (Territoires du Nord-Ouest), par exemple, la fonte du pergélisol constitue souvent une menace pour les maisons, les routes et d’importants sites culturels, ainsi que pour les milieux marin et côtier. Ce phénomène a un effet profond sur les traditions nordiques et autochtones, plus spécialement dans les collectivités dont la survie dépend de la terre, de la mer et de la glace.

Les chercheurs de la CGC ont contribué au rapport sur l’évaluation du pergélisol par leur leadership et leur expertise technique. Effectuée à la demande du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de GRID-Arendal – un centre de communications à but non lucratif de la Norvège – l’étude se penche sur les liens entre les changements climatiques et la fonte du pergélisol et évalue les impacts réels sur les habitants du Nord et les implications plus vastes dans le monde.

Ce sujet d’importance constitue une priorité pour les chercheurs et d’autres personnes et groupes concernés dans le monde entier. Lorsque le PNUE a lancé pour la première fois un appel à contribution il y a plus de deux ans, plus de 70 experts de renom et membres de la communauté locale se sont montrés intéressés. Scott Dallimore, chercheur à la CGC, a assumé le rôle de responsable technique dans ce projet et ne manque jamais de souligner l’ampleur de cette remarquable collaboration et le niveau d’engagement qu’elle a suscité.

Photo d’un affaissement important le long du littoral arctique.

La fonte du pergélisol sur la côte peut entraîner des affaissements de terrain et d’autres dangereuses modifications au paysage.

Une approche globale est essentielle

« Je crois que ce qui nous a motivés à collaborer à cette étude pendant deux ans a été la créativité et la nouveauté du travail à effectuer, ainsi que le sentiment que les chercheurs, les dirigeants autochtones et les membres des communautés travaillaient pour le bien de tous », a mentionné Scott.

« Nous avons adopté une démarche interdisciplinaire qui a permis de regrouper des géologues, des spécialistes du pergélisol, des chercheurs des milieux marin et côtier, des géophysiciens et des bio-géochimistes. Nous avons sollicité la contribution d’enseignants du Nord et avons discuté avec des ingénieurs qui s’efforcent d’entretenir les infrastructures nordiques. Plus important encore, nous voulions que les habitants du Nord nous décrivent les changements qu’ils souhaitent que nous apportions à nos méthodes de travail scientifiques dans l’Arctique afin qu’ils puissent s’impliquer plus directement dans activités et que les jeunes de leurs communautés puissent aussi y participer. »

Le résultat? Une évaluation rigoureuse et à jour de l’évolution de l’état du pergélisol qui explique les liens entre la terre, le littoral et les régions extracôtières. Le rapport Rapid Response Assessment of Coastal and Offshore Permafrost contient également un plan d’action qui met au jour d’importantes lacunes sur le plan des connaissances scientifiques et formule des recommandations concernant les futures priorités de recherche. Ces recommandations sont d’une portée considérable : elles préconisent notamment de faire participer les communautés locales au processus; de tenir compte des connaissances locales dans l’activité scientifique; et de faire en sorte que les jeunes Autochtones aient la possibilité de s’impliquer. Le rapport énonce également des orientations concernant la nouvelle science pour faciliter l’évaluation de géorisques potentiels et l’élaboration de stratégies ciblées qui permettront de bâtir des infrastructures plus résilientes.

Trois photos du chercheur Scott Dallimore au travail dans l’Arctique canadien.
Trois photos du chercheur Scott Dallimore au travail dans l’Arctique canadien.
Trois photos du chercheur Scott Dallimore au travail dans l’Arctique canadien.

À la lumière d'une évaluation de première main de l’état du littoral dans l’Arctique canadien, Scott Dallimore et un groupe international de plus de 70 collaborateurs affirment qu’il faut élaborer un plan d’action dès maintenant.

Partager les connaissances scientifiques autrement

Les chercheurs de la CGC étudient le pergélisol depuis plus de 50 ans et ont publié d’innombrables articles dans des revues spécialisées au contenu révisé par les pairs. Cette fois, l’objectif différait à plusieurs égards de l’habituelle volonté de peaufiner et d’accroître l’ensemble de connaissances purement scientifiques. Les collaborateurs souhaitaient également partager leurs conclusions avec un public élargi. Ils voulaient partager une foule de photographies, de vidéos, de cartes interactives, d’articles scientifiques vulgarisés et de connaissances autochtones qui expliqueraient, de façon claire et pratique, leurs expériences et préoccupations personnelles ainsi que leurs conclusions professionnelles.

Ils se sont donc tournés vers un portail en ligne appelé StoryMaps, où les chercheurs, les membres des communautés et les décideurs peuvent explorer différents thèmes et obtenir des nouvelles directement des autres chercheurs et résidents.

« La plateforme StoryMaps est une manière très peu conventionnelle de partager des évaluations scientifiques telles que celle-ci », affirme Scott. « Mais nous pensons que ce peut être une façon très attrayante de partager notre histoire. Il n’y a pas de manuel, de longue liste de références, seulement de vraies vidéos réalisées par des chercheurs et des groupes autochtones, des cartes splendides et des graphiques de haute qualité et instructifs que tout le monde peut comprendre. »

Photo d’un groupe traditionnel de danseurs autochtones.

« La fonte du pergélisol dans le Nord canadien modifie les modes de vie traditionnels des Autochtones et des communautés locales. À l’avenir, il sera crucial de permettre aux habitants du Nord de participer plus directement à l’activité scientifique », affirme Scott Dallimore, chercheur à la CGC.

Préoccupations mondiales potentielles

L’équipe veut passer le mot pour une raison importante : les effets possibles à l’échelle mondiale. Michelle Côté, chercheure à la CGC, a contribué à l’évaluation. Elle souligne que, lorsque le pergélisol dégèle, il libère des gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone, qui provient du carbone présent dans les matières organiques en putréfaction emprisonnées dans le pergélisol depuis des milliers d’années. Et aussi du méthane – une substance qu’on estime 30 fois plus nocive que le dioxyde de carbone et qui s’échappe déjà du pergélisol.

Il s’agit là des deux principaux gaz à effet de serre; une fois dans l’atmosphère, ces gaz peuvent contribuer aux changements climatiques à l’échelle mondiale voire les accélérer. Pour cette raison, il est d’une importance fondamentale de bien évaluer leurs volumes actuels et leurs taux de production. « Nous devons savoir quelle quantité est libérée et si le taux augmentera ultérieurement », souligne Michelle.

Comme le montrent le rapport et les contributions des chercheurs dévoués qui ont participé à sa préparation, lorsqu’il s’agit des changements climatiques, il faut beaucoup plus qu’un village pour faire bouger les choses : un effort mondial est nécessaire.

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