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Détection des poussières : conception d’une boîte à outils pour la surveillance des poussières fugitives dans l’Arctique

Carte du Canada montrant Mittimatalik–Pond Inlet. Geo.ca

Le vaste Arctique canadien est un environnement particulier. Peu peuplé, il compte néanmoins de nombreux villages, dont Mittimatalik, aussi appelé Pond Inlet. Mittimatalik est le plus grand des villages du nord-ouest de l’île de Baffin, au Nunavut. On le surnomme le « joyau du Nord » à cause des magnifiques chaînes de montagnes, des glaciers et de la faune abondante qui l’entourent. La région abrite aussi d’importants gisements de minéraux, ainsi que la mine la plus septentrionale au Canada. Située à 160 kilomètres au sud de Mittimatalik, la mine Mary River est exploitée depuis 2014; on y produit le minerai de fer expédié sans traitement préalable qui a la plus haute teneur au monde.

Novembre 2024

Un article de Madison VanCamp

Une personne près d’une motoneige chargée d’équipement dans la toundra glacée.

Pond Inlet, ou Mittimatalik, qui veut dire « lieu d’atterrissage » en Inuktitut, est un village principalement inuit de la région de Qikiqtaaluk, dans le territoire du Nunavut, au Canada. Ce « joyau du nord » se trouve à 644 kilomètres au nord du cercle arctique.

Quand la poussière retombe

Depuis quelques années, les utilisateurs traditionnels du territoire remarquent des modifications du paysage près de la mine, notamment une décoloration de la neige et de la glace, importante source d’eau potable en hiver. On soupçonne cette décoloration d’être causée par la poussière que produisent les activités minières, p. ex. le dynamitage, le roulage et l’empilage du minerai de fer.

Cette poussière, appelée poussière fugitive, pourrait représenter un risque pour l’environnement, surtout dans les écosystèmes fragiles comme celui de l’Arctique. Pour mieux comprendre ce qui se passe dans le nord-ouest de l’île de Baffin, les chercheurs de Ressources naturelles Canada Philippa Huntsman, Ph. D., de CanmetMINES, et H. Peter White, Ph. D., du Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre (CCCOT), ainsi que leur équipe, composée notamment d’Amy Cleaver, doctorante, développent une panoplie complète de techniques pour surveiller les poussières dans l’Arctique.

Un coup de main des populations locales

L’équipe de scientifiques travaille principalement autour de la mine Mary River et collabore avec la Baffinland Iron Mines Corporation (BIMC) pour étudier le problème et tester différentes méthodes de collecte et de détection des poussières. L’objectif : améliorer la surveillance des poussières de la mine et les prévisions relatives aux poussières aux fins de l’évaluation des impacts.

« Nous cherchons à améliorer les techniques et outils de surveillance et de caractérisation des poussières dont dispose l’industrie, et nous échangeons aussi avec les populations locales pour répondre à leurs éventuelles questions », déclare Philippa. La collaboration avec les populations locales et la BIMC à chaque étape du projet permettra d’avoir une appréciation plus complète et plus utile de la situation.

Dès le début du projet, l’équipe a organisé des réunions et des ateliers à Mittimatalik pour savoir ce que les résidents avaient à dire sur la poussière. Cette stratégie collaborative a permis à l’équipe d’aligner les objectifs de l’étude sur les besoins locaux, en veillant à ce que les données collectées répondent à des questions précises de la population sur ce que la poussière contient et sur les endroits qu’elle atteint.

Un homme en parka rouge se prenant en photo avec une femme en parka rouge et quatre hommes en parkas à l’arrière-plan.

Peter prenant un égoportrait avec Philippa et l’équipe de soutien North Baffin (Lanny Arnakallak, Billy Merkosak, Adrian Ootoova and Steven Kasarnak) à Mittimatalik–Pond Inlet.

Poussières fugitives

Ces poussières sont des particules en suspension difficiles à surveiller et à contrôler parce qu’elles échappent à la collecte, d’où leur nom. Elles sont souvent produites par les activités industrielles, la construction de routes, la circulation et les perturbations naturelles. La poussière fugitive d’une mine peut être polluante car elle peut contenir des métaux et des métalloïdes, tout dépendant de ce qu’on extrait dans cette mine.

Surveillance des poussières

La surveillance des poussières dans l’Arctique pose des difficultés particulières, même pour des chercheurs expérimentés comme Peter et Philippa. « Nous avons travaillé sur d’autres sites au Canada, mais c’est la première fois que nous travaillons tous les deux dans la toundra », mentionne Peter. L’équipe cherche à intégrer différentes techniques de collecte des poussières au sol, p. ex. la collecte d’échantillons de neige et de lichens et l’utilisation d’équipements d’échantillonnage des retombées de poussières appelés collecteurs passifs de poussière.

Collage de trois photos : un hélicoptère atterrissant dans la toundra sèche, une femme assise au sol prenant des notes et un collecteur passif de poussière.

Mittimatalik–Pond Inlet a un climat polaire arctique, caractérisé par des hivers longs et froids et des étés courts et frais. L’été est le moment idéal pour collecter des échantillons de poussière dans des endroits accessibles par hélicoptère, notamment à l’aide de collecteurs passifs et de jauges de collecte de retombées (à dr.).

Comme la poussière fugitive se dépose sur la neige, on collecte les échantillons au printemps pour mesurer et analyser la poussière qui s’est accumulée pendant l’hiver. Ces échantillons aident l’équipe à dresser des cartes de la distribution régionale de la poussière et à identifier les éléments chimiques et les minéraux présents dans la poussière. Ces informations aident à comprendre comment les minéraux qui génèrent des poussières influent sur le mouvement des éléments près de la mine.

Ce travail d’échantillonnage est combiné à des techniques de télédétection comme l’imagerie satellitaire pour détecter la poussière sur la surface de la neige. La présence de poussière modifie l’albédo de la neige, c’est-à-dire sa réflectivité, en créant une couche de matière qui absorbe plus de lumière solaire. Ce changement a un effet sur le rythme de fonte et sur la quantité d’eau produite par la neige fondue.

L’équipe utilise aussi des outils de surveillance au sol (p. ex. des collecteurs passifs de poussière) permettant de surveiller à distance les retombées régionales de poussière. Dans les sites étudiés par le passé, elle pouvait installer ses collecteurs dans des arbres; mais dans l’Arctique, il n’y a pas d’arbres. Il a donc fallu concevoir des trépieds pour y installer les collecteurs, ce qui a été fait avec succès dans 17 sites du nord-ouest de l’île de Baffin. Et comme le dit Philippa, ces collecteurs « ramassent la poussière en ce moment même ».

Outre l’analyse de la neige, la télédétection et le matériel au sol, une quatrième technique de mesure des niveaux de poussière fugitive est la collecte d’échantillons de végétaux, puisque la poussière peut s’accumuler sur les lichens et le saule herbacé qui poussent dans la toundra. Ce travail s’ajoute aux études réalisées par la BIMC chaque année dans le cadre de son programme de surveillance continue de l’environnement. Cette approche multidisciplinaire aidera à établir un arsenal de surveillance des poussières adapté aux conditions arctiques. On évalue actuellement les résultats compilés à l’aide de tous ces outils pour avoir une meilleure idée du déplacement et de la distribution de la poussière dans les environs.

Deux personnes sur une surface enneigée s’occupent de l’équipement. Une troisième à l’arrière-plan avec des motoneiges chargées d’équipement.

Il n’est pas toujours facile de s’occuper des sites de mesure, surtout en plein hiver. Grâce à leur connaissance et à leur savoir-faire, des guides locaux veillent au bon fonctionnement des équipements.

Un effort concerté

L’entretien de ces outils de surveillance représente beaucoup de travail, et les collaborations sont essentielles à la réussite du projet. Comme Philippa et Peter ne peuvent pas toujours être là en personne, ils comptent beaucoup sur des guides qui habitent à Mittimatalik. Ainsi, les collecteurs de poussière sont pris en charge par l’équipe environnementale de la BIMC et des guides de Pond Inlet, formés et conseillés par l’équipe de Peter et de Philippa. Ce soutien local non seulement garantit le bon fonctionnement de l’équipement de surveillance des poussières et l’envoi des échantillons au labo, mais permet en outre au projet de tirer davantage parti du savoir et de l’expérience des populations locales.

La grande importance accordée au codéveloppement et à la participation des gens du coin est un des piliers de cette recherche. « Ils connaissent le terrain, souligne Philippa. Nous arrivons ici avec notre expertise scientifique occidentale, mais nous dépendons de leur participation pour créer un programme de recherche puissant, qui profitera à tous. »

La BIMC, qui a son propre programme de surveillance des retombées de poussière, donne aussi un coup de main. En travaillant en équipe, la BIMC et RNCan espèrent savoir s’il est possible d’améliorer l’efficacité de la collecte de données en utilisant différentes techniques de surveillance. Une fois ce point éclairci, les techniques pourront être évaluées en vue d’une application à d’autres infrastructures et sites miniers de l’Arctique canadien.

Pour l’instant, la collecte et l’analyse des données se poursuivent, et d’autres travaux de terrain sont envisagés pour l’an prochain. Cette surveillance à long terme permettra de mieux comprendre la dynamique des poussières dans l’Arctique et aidera Peter, Philippa et leur équipe à raffiner leur arsenal de surveillance de l’Arctique.

Relever les défis de l’Arctique

Les chercheurs, l’industrie et les collectivités locales doivent faire équipe pour relever les défis particuliers posés par la surveillance des poussières dans l’Arctique. En prime, ces partenariats permettent aux personnes les plus touchées par le problème de s’impliquer directement dans le processus et le discours scientifiques.

Peter et Philippa poursuivent les collaborations et innovent sans cesse dans le but de promouvoir des pratiques de surveillance inclusives et efficaces qui peuvent s’utiliser dans une multitude d’environnements et profiter à beaucoup de gens de différentes façons.

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