Des sources thermales temporairement asséchées après un séisme à Haida Gwaii
Steve Grasby de la CGC et son partenaire combinent la science et les connaissances traditionnelles pour percer le mystère.
Par Allison De Toni
Le 6 avril, 2018
Les sources thermales de Gandll K'in Gwaay.yaay, une petite île du sud-est de l’archipel Haida Gwaii, étaient parmi les plus chaudes au Canada, avec des températures pouvant atteindre 80 °C, – jusqu’à ce qu’un séisme d’une magnitude de 7,7 frappe la côte ouest de Haida Gwaii en octobre 2012.
Après ce séisme, les sources thermales se sont asséchées pendant une dizaine de semaines. Au début de 2013, certaines ont recommencé à couler, mais leur débit avait diminué. De nouvelles sources sont également apparues, mais plus près de la rive. Enfin, leur température avait chuté, oscillant entre 25 et 60 °C.
Steve Grasby, chercheur scientifique de RNCan à la Commission géologique du Canada, et son partenaire Patrick Bartier, coordonnateur de la géomatique à la Réserve du parc national Gwai Hannas, ont récemment réalisé une étude qui visait à expliquer pourquoi le séisme avait entraîné l’assèchement des sources et à découvrir si leur débit avait été modifié de manière irréversible. Leurs constatations ont été présentées dans le cadre d’une conférence internationale et seront publiées dans un article scientifique évalué par des pairs.
Observation des sources
Les sources thermales de Gandll K'in Gwaay.yaay sont probablement alimentées par l’eau de pluie qui ruisselle des collines des îles environnantes. Cette eau se réchauffe à environ 4 km sous terre avant de remonter à la surface.
Steve et Patrick se sont rendus sur l’île en août 2014 dans le but d’évaluer 13 sources. Ils en ont mesuré la température et le débit et en ont analysé la composition chimique. Ils ont aussi analysé d’autres études fondées sur des données GPS qui indiquent que Gandll K'in Gwaay.yaay et les îles voisines se sont déplacées vers l’ouest après le séisme.
Dans le but d’observer visuellement les changements qui s’opèrent dans les sources au fil du temps, ils ont effectué d’autres visites en mai, en juin et en septembre 2015, puis en janvier 2016 et en juin 2017.
Les échantillons d’eau recueillis lors de la première visite du duo montraient que la géochimie des sources n’avait pas changé après le séisme, ce qui signifie que les sources avaient toujours la même trajectoire ou provenance. Seul leur volume avait changé. Mais pourquoi?
Le séisme a probablement causé l’ouverture de fissures et d’interstices dans la roche, de sorte que l’eau souterraine s’est écoulée dans la région d’alimentation (là où l’eau suinte dans le sol et remplit l’aquifère), abaissant la pression d’eau du réseau de sources thermiques. Si le séisme avait entraîné le blocage des canaux dans la roche, les sources n’auraient peut-être jamais recommencé à couler.
Les populations locales jouent un rôle clé dans l’éclaircissement du mystère
Dans le cadre de leur étude, Steve et Patrick ont également discuté avec des membres du peuple Haida. Ces derniers ont mentionné que la source s’était asséchée par la passé après des séismes, et qu’elle avait ensuite recommencé à couler.
« Ces récits sont la seule documentation que nous possédons à propos de ces événements. Ils nous fournissent un élément d’information précieux, à savoir qu’il s’agit d’un phénomène récurrent », dit Steve.
Ces connaissances traditionnelles ont aidé les deux chercheurs à préciser leur modèle conceptuel du système de débit et à expliquer pourquoi les séismes bloquent temporairement les sources.
« Comme le laissait entendre l’histoire orale, nous avons constaté que l’eau avait recommencé à monter dans les sources, explique Steve. Le savoir traditionnel nous a évité des spéculations erronées et nous a mis sur les bonnes pistes. »
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