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Réduire les émissions de méthane

On utilise le méthane à l'échelle mondiale pour cultiver nos aliments, chauffer nos maisons, et fabriquer toutes sortes de produits tel que l'hydrogène très propre qu'on peut utiliser pour les piles à combustible. Mais le méthane est un gaz à effet de serre très puissant qui contribue beaucoup au réchauffement planétaire. Dans cet épisode, nous expliquons ce qu’est le méthane, comment on l’utilise et ce qu’on peut faire pour en rejeter moins dans l’atmosphère.

Transcription

Joël Houle

Normalement, quand je rédige une introduction pour un épisode, les idées me viennent spontanément. Mais cette fois-ci, on dirait que j’ai frappé un mur. L’épisode d’aujourd’hui porte sur le méthane, un gaz à effet de serre très puissant, qui contribue beaucoup au réchauffement planétaire. C’est donc un sujet très sérieux. Mais pour une raison qui me dépasse, je suis assis devant mon ordi à essayer de trouver une idée pour commencer l’épisode, et tout ce qui me vient à l’esprit ce sont « les vaches et leurs problèmes digestifs ». C’est peut-être d’avoir travaillé seul chez moi trop longtemps qui me joue des tours? Ou peut-être qu’on a beau être adulte et professionnel, les pets de vaches font toujours rigoler. Alors je vais oser et assumer. Parce que je suis rendu là après plus d’un an de pandémie. Et qu’aborder un problème sérieux avec un peu d’humour, c’est sûrement bon pour l’âme. Bref, tout cela étant dit, nous allons maintenant parler du méthane! Ce qu’est le méthane, comment on l’utilise et ce qu’on peut faire pour en rejeter moins dans l’atmosphère. Et peut-être aussi les vaches…

Bienvenue à un nouvel épisode de La science simplifiée! Je suis votre animateur, Joël Houle. Aujourd’hui, nous allons parler du méthane, un gaz à effet de serre très puissant. Après avoir rédigé l’introduction de l’épisode, j’ai fait un peu de recherche pour savoir si nos perceptions quant aux vaches et au méthane étaient fondées. Eh bien, elles le sont, mais pas complètement. Il n’y a pas que les vaches qui rejettent du méthane, tous les ruminants le font. C’est-à-dire les animaux qui ont quatre estomacs comme le cerf, l’original, le wapiti, le bœuf musqué, le mouton, la chèvre et la vache. Par ailleurs, le méthane ne vient pas des pets, mais des rots, ce qui est tout aussi intéressant et rigolo à mon humble avis. Alors, maintenant qu’on a réglé ce point, je pense qu’on peut finalement entrer dans le vif du sujet. Sans plus tarder, accueillons notre spécialiste.

Nous avons avec nous aujourd'hui Danielle MacDonald. Danielle est l'une des spécialistes du méthane à Ressources naturelles Canada. Danielle, comment ça va?

Danielle MacDonald

Ça va très bien! Merci Joël.

Joël Houle

Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ton expertise en matière de méthane?

Danielle MacDonald

Oui, certainement. Alors présentement, je suis gestionnaire à Ressources naturelles Canada. Puis notre équipe est responsable de la mise en œuvre d'un programme visant la réduction des émissions de méthane ainsi que d'autres gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier. En bref, nous travaillons avec des industries et puis d'autres partenaires pour réaliser des projets pour décarboner l'industrie.

Joël Houle

Parfait. Alors, avant d'aller trop loin dans la conversation, on devrait commencer par le début. C'est quoi le méthane, et d'où provient-il?

Danielle MacDonald

Très bonne question. Le méthane est un gaz à effet de serre qui se forme naturellement lorsque les organismes vivants, comme les plantes et les animaux, se décomposent dans un environnement dépourvu d'oxygène. C'est lorsque le méthane est rejeté dans l'atmosphère qu’il devient un gaz à effet de serre très puissant. Alors la formation de méthane a lieu partout alentour de nous dans la nature. Une des principales sources naturelles de méthane sont les milieux humides, comme les marécages. Puis le méthane se forme lorsque les plantes et les animaux marins meurent et se décomposent naturellement sous l'eau. Puis une partie du méthane résultant monte naturellement à la surface sous forme de bulles. Tandis qu'une autre partie est stockée dans la tourbe. Alors le processus de décomposition de la tourbe se déroule à mesure qu'elle emmagasine de plus en plus de matières organiques. Alors, ce processus naturel existe depuis des millions d'années à grande échelle. Puis avec le temps, les énormes quantités de matière organique décomposée se transforment en combustibles fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, qui est riche en méthane, qu'on utilise à l'échelle mondiale pour cultiver nos aliments, chauffer nos maisons, fabriquer toutes sortes de produits de tous les jours, comme par exemple des médicaments et même l'hydrogène très propre qu'on peut utiliser pour les piles à combustible. Mais l'activité humaine peut décupler les sources de ce processus de décomposition. Par exemple, lorsque nous produisons des combustibles fossiles, nous pouvons libérer dans l'atmosphère une partie du méthane stocké depuis très longtemps. Mais si nous produisons et traitons le méthane correctement, nous pouvons le transformer en énergie très propre et en produits essentiels de tous les jours, comme j'ai mentionné avant. Mais par contre, si nos activités provoquent l'émission de méthane directement dans l’atmosphère à une fréquence supérieure à son cycle naturel – ceci contribue grandement aux changements climatiques.

Joël Houle

Alors, j'imagine que c'est pour cela que la communauté scientifique est intéressée au méthane?

Danielle MacDonald

C'est exact. Comme j’ai mentionné, le méthane est un gaz à effet de serre extrêmement puissant, puis les scientifiques souhaitent comprendre les répercussions de l’activité humaine sur les émissions de méthane. Les scientifiques estiment actuellement que le méthane est responsable d’environ 40 % du réchauffement mondial depuis la révolution industrielle. Et ils classent le méthane parmi les polluants climatiques de courte durée de vie. Et cela, ça veut dire qu’il est actif dans l’atmosphère – en tant que gaz à effet de serre – pendant moins de temps que le dioxyde de carbone, dont on parle plus fréquemment. Alors pour comparer, le dioxyde de carbone présente une durée de vie de 100 ans dans l'atmosphère en tant que gaz à effet de serre. Puis en comparaison, la durée de vie du méthane dans l'atmosphère, c'est environ 12 ans. Mais par contre, pendant cette période de temps, l'impact du méthane sur l'effet de serre est à peu près 84 fois plus important que celui du dioxyde de carbone. Et puisque le méthane piège mieux la chaleur dans l'atmosphère que le dioxyde de carbone, l'un des moyens les plus efficaces pour protéger notre environnement de ses graves effets climatiques, c'est d'éviter d’en libérer directement dans l'atmosphère. Alors on sait que le méthane perturbe notre climat – mais il contribue aussi à la pollution atmosphérique et au smog. Et ceci peut avoir de graves effets sur la santé, ce qui est une autre raison pourquoi les scientifiques sont intéressés à mieux comprendre les répercussions des émissions de méthane. Si on peut réduire ou éliminer les émissions de méthane dès maintenant, nous pouvons améliorer la qualité de l’air et atténuer ses effets climatiques ainsi que certains des graves problèmes de santé auxquels on fait face au Canada et partout dans le monde.

Joël Houle

Wow! 40 %. J'en reviens pas. C'est un montant significatif. Tu as mentionné des problèmes de santé. Est-ce que tu peux partager avec nous les problèmes de santé les plus importants ou les plus communs?

Danielle MacDonald

Oui, certainement. Lorsque le méthane se trouve dans l’atmosphère, il réagit à la lumière du soleil et à la chaleur et interagit avec les autres émissions industrielles. Ces interactions entraînent des polluants supplémentaires, comme l’ozone.  La plupart des gens ont entendu parler de l’ozone, dans le contexte de discussions sur la pollution atmosphérique et le smog.   Le smog peut irriter nos yeux et, lorsque nous l’inhalons, il irrite aussi notre gorge et nos poumons.  Les médecins savent depuis longtemps que le smog augmente les risques de maladies cardiaques et pulmonaires très graves. Il y a plusieurs études qui estiment qu’environ un million de personnes décèdent prématurément chaque année à l’échelle mondiale à cause de polluants comme l’ozone et le smog.   De plus, Environnement et Changement climatique Canada estime que la valeur économique des impacts sanitaires liés à la pollution atmosphérique au Canada est environ 120 milliards de dollars. Donc c'est grave.   Alors, même si le méthane ne cause pas lui-même de dommages directs sur la santé humaine, la communauté scientifique et les professionnels de la santé peuvent faire un lien entre le méthane et la pollution atmosphérique, et les associer au smog, que nous voyons souvent dans les villes du Canada et partout dans le monde.  Donc, en poursuivant notre objectif d’éliminer les émissions de méthane, on peut aussi améliorer notre environnement, notre santé et notre économie.

Joël Houle

C'est évident que c'est vraiment important de pouvoir réduire nos émissions de méthane. Alors, comment est-ce qu'on peut les réduire et aussi atténuer les risques?

Danielle MacDonald

Une autre très bonne question. En fait, on peut faire plusieurs choses et prendre de nombreuses actions. Et plusieurs de ces actions sont déjà entreprises pour y arriver.   Pour commencer, on peut réduire les activités humaines à l’origine des émissions de méthane. Comme nos habitudes et nos attitudes envers les sites d’enfouissement, l’agriculture et les combustibles fossiles que nous produisons et utilisons tous les jours.  Quelque chose de très simple que nous pouvons faire qui peut avoir un grand impact, c'est de détourner autant de déchets organiques que possible des sites d’enfouissement et les composter. Donc, en séparant la nourriture et les autres matières compostables, les déchets que nous envoyons au site d'enfouissement, nous évitons la production du méthane – qu’il est difficile de capter. Donc, nous pouvons au lieu composter ces matières pour produire des engrais organiques. Puis ça améliore la santé du sol et aussi ça compense l'emploi des engrais synthétiques, dont on sait que c'est moins bien pour l'environnement. De plus, nous pouvons utiliser ces déchets avec l'aide d'un digesteur anaérobie pour produire du gaz naturel renouvelable qui peut être injecté dans les pipelines. On peut aussi les utiliser pour alimenter les véhicules. Au lieu de produire des émissions de méthane, certains traitements de déchets organiques peuvent en effet réduire nos émissions globales de gaz à effet de serre. Évidemment, des infrastructures locales doivent être en place pour collecter et traiter les déchets organiques. Mais plusieurs municipalités au Canada réalisent déjà des investissements importants à cette fin. En agriculture, maintenant, qu'est-ce qu'on peut faire pour réduire les émissions de méthane? Nous entendons souvent parler du lien entre le méthane et le bétail, les vaches, les moutons et les chèvres. La recherche indique que les nouveaux additifs alimentaires et stratégies d’alimentation peuvent réduire la quantité de méthane que ces animaux produisent quand ils digèrent les plantes. Un petit fait intéressant, qui est peu connu, c'est que des études récentes montrent qu’en ajoutant des algues à la nourriture du bétail on peut réduire de 80 % les émissions de méthane des vaches, des moutons et des chèvres. En ce qui concerne les combustibles fossiles, il existe plusieurs façons de réduire – et même d’éliminer – les émissions de méthane.   Pour commencer, il est possible de conserver le méthane qui est présentement libéré dans l’atmosphère et de l’utiliser plutôt comme une source d’énergie propre ou pour la fabrication des différents produits essentiels dont nous avons discuté plus tôt. Il est aussi important de continuer à améliorer notre surveillance et notre aussi réparation des fuites de méthane involontaires.

Joël Houle

Ta réponse était super intéressante.  Mais ce que je retiens le plus de ce que tu as dit, c'est vraiment que je n'ai pas besoin de me sentir coupable si j'aime manger un steak une fois de temps en temps, c'est ça?

Danielle MacDonald

Si c'est ta conclusion, je te laisse faire.

Joël Houle

Ok, parfait! Merci! Alors, qu'est-ce qu'on fait ici, nous à Ressources naturelles Canada pour réduire les émissions de méthane?

Danielle MacDonald

Pour le secteur pétrolier et gazier, à Ressources naturelles Canada, on collabore beaucoup avec des producteurs de pétrole et de gaz, des universités, des innovateurs à travers le Canada dans le cadre du programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions. Donc ce programme a pour but de mettre en œuvre un grand nombre de projets à forte incidence afin de cerner les sources des émissions de méthane pour réduire et éliminer le méthane et les gaz à effet de serre pour les empêcher d'être libérés directement dans l'atmosphère. Donc en utilisant une combinaison d'infrastructures construites sur mesure et les meilleures technologies existantes, les entreprises pétrolières et gazières collaborent avec les fournisseurs de technologies et de services canadiens pour éliminer de plus en plus d'émissions de méthane. En fait, c'est grâce au programme que le Canada est en bonne voie de réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier de 3,1 mégatonnes d’équivalent de dioxyde de carbone de plus d'ici l'année prochaine, selon les nouveaux projets qui sont en mise en œuvre présentement. Pour mettre les choses en perspective, cette quantité de réduction d’émissions est équivalente à environ 950 000 voitures de moins sur la route.

Joël Houle

Tu as mentionné que toi et ton équipe vous travaillez avec des partenaires externes. Est-ce que tu peux partager avec nous des exemples de collaboration ou de partenaires?

Danielle MacDonald

Oui, absolument. Nous collaborons beaucoup avec nos collègues provinciaux, l'industrie, les universités, comme j'avais mentionné, mais on travaille aussi avec les fournisseurs de technologies et de services sur des projets de réduction et d’élimination des émissions de méthane et d’autres gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier. Nous travaillons actuellement avec 15 entreprises sur 40 projets en Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan et au Manitoba. En fait, ce sont ces 40 projets qui réduiront les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier de 3,1 mégatonnes que j'ai déjà mentionné. Ces réductions-là seront réalisées d'ici l'année prochaine. Alors c'est le genre de projets nationaux qui sont reconnus par plusieurs de nos pays partenaires en vertu de l'Accord de Paris, et l’on nous demande souvent de collaborer au partage des solutions canadiennes avec eux. Nous collaborons aussi étroitement avec le ministère de l'Environnement et du Changement climatique à l'échelle nationale et internationale aussi pour partager plusieurs solutions canadiennes avec les pays du monde entier. Tout ce travail effectué à l’échelle internationale fait partie des engagements pris par le Canada dans le cadre de l’Accord de Paris. On s'engage aussi à fournir du soutien technique et du financement pour lutter contre les changements climatiques aux pays qui, comme nous, se concentrent sur la réduction des émissions de méthane. Donc, Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada, ainsi que des concepteurs de technologies et des fournisseurs de services canadiens collaborent à l’échelle nationale et avec plusieurs autres pays partenaires pour faire progresser notre objectif commun visant à éliminer davantage les émissions de méthane et d’autres gaz à effet de serre. En fait, nous travaillons tous ensemble pour créer un avenir sobre en carbone et être parmi les premiers pays à atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050.

Joël Houle

Super! C'est bien que ce soit une initiative vraiment internationale. Alors Danielle, est-ce qu'il y a des ressources offertes en ligne pour des personnes qui souhaitent en apprendre davantage sur les travaux menés par Ressources naturelles Canada sur le méthane?

Danielle MacDonald

Oui, plusieurs ressources existent. Ressources naturelles Canada est un membre fondateur de la Coalition pour le climat et l’air pur et collabore avec elle – et ceci est une excellente source de renseignements sur le méthane ainsi que sur d’autres polluants climatiques. Le Canada préside aussi une initiative mondiale sur le méthane. C’est un partenariat public privé international qui est axé sur la réduction des obstacles à la récupération du méthane et à son utilisation comme source d'énergie propre. En fait, grâce au Défi mondial sur le méthane de cette initiative, vous pouvez actuellement faire une visite virtuelle des projets relatifs au méthane réalisés autour du monde. En plus, vous pouvez aussi jeter un coup d'œil sur notre programme sur le site Web de Ressources naturelles Canada qui s'appelle le Fonds de réduction des émissions de Ressources naturelles Canada. Puis ceci soutient le secteur pétrolier et gazier, côtier et infracôtier, pour la réduction et l'élimination des émissions de méthane.

Joël Houle

Merci beaucoup, Danielle, d'avoir pris le temps de jaser avec nous aujourd'hui.

Danielle MacDonald

Ça me fait plaisir!

Joël Houle

C’était une entrevue vraiment intéressante! Je pense que c’était vraiment éclairant d’apprendre que les effets de la pollution atmosphérique en général sur la santé coûtent environ 120 milliards de dollars par année au Canada. Ce n’est pas seulement la faute du méthane, évidemment, mais tout ce qu’on peut faire pour réduire les émissions compte. Si vous avez envie d’en savoir plus sur le méthane, il y a des liens qui pourraient vous intéresser dans la description de l’épisode. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous à notre chaîne. Vous pouvez aussi nous envoyer des commentaires ou partager l’épisode sur les médias sociaux. La science simplifiée a aussi un site Web et une chaîne YouTube que je vous recommande de visiter! Nous avons des articles et des vidéos intéressants sur le travail scientifique exceptionnel qui se fait ici à Ressources naturelles Canada. Les liens se trouvent aussi dans la description de notre épisode. Merci de votre écoute! Ne ratez pas notre prochain épisode.

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