Les impacts des changements climatiques sur les infrastructures du Nord (Demandez à RNCan)
Dans cet épisode de Demandez à RNCan, la scientifique Anne-Marie LeBlanc nous parle des changements climatiques dans l’optique des géosciences. Anne-Marie étudie les zones vulnérables aux changements climatiques dans le Nord canadien. L’un de ses projets de recherche consiste à agrandir la carte canadienne du pergélisol et à examiner les incidences de l’état de cette couche profonde du sol sur les infrastructures et le développement. Jetez-y un coup d’œil!
Transcription
Animateur : Bienvenue à l’émission « Demandez à RNCan ». Nous avons un épisode très intéressant pour vous aujourd’hui. Nous allons parler des géosciences appliquées aux changements climatiques.
Avant de commencer, pour ceux qui nous écoutent pour la première fois, le concept de l’émission est que l’on discute d’un sujet lié au travail qui se fait ici, à Ressources naturelles Canada (ou RNCan, parce qu’on est le gouvernement du Canada et on adore les acronymes). D’abord, on vous présente un sujet et on en discute avec un de nos experts. Ensuite, on vous laisse poursuivre la conversation dans les réseaux sociaux. À la fin de l’épisode, si vous avez des questions sur le sujet discuté aujourd’hui, nous vous invitons à venir sur Twitter pour nous en parler avec le mot-clic #DemandezÀRNCan. Notre spécialiste fera de son mieux pour répondre à toutes les questions pertinentes.
C’est bon? Allons-y.
Aujourd’hui, nous accueillons à l’émission Anne‑Marie LeBlanc, une géoscientifique spécialiste du pergélisol.
Anne-Marie, merci d’être avec nous aujourd’hui.
Anne-Marie : Oui, merci, ça me fait plaisir.
Animateur : Commençons par la base. « Les géosciences appliquées aux changements climatiques », ça mange quoi en hiver?
Anne-Marie : Je pourrais te dire que peut-être ça regroupe les phénomènes physiques et puis les composantes du terrain qui sont susceptibles d’être affectées par les changements climatiques.
Animateur : Ok. Ici, à Ressources naturelles Canada, c’est quoi exactement notre rôle?
Anne-Marie : Notre rôle? Bien, on regarde principalement le programme, qui est orienté beaucoup dans le Nord, on regarde, plus précisément… une grande composante qui tourne autour du pergélisol, on étudie les questions qui sont reliées aux processus physique, thermique, qui sont en lien avec le pergélisol et comment le pergélisol peut être modifié, comment ses caractéristiques peuvent être modifiées en tenant compte des changements climatiques. Donc ça c’est une partie qui est étudiée à l’intérieur du programme. Il y a le pergélisol plus à l’intérieur des terres. Il y a aussi le pergélisol qui se situe le long des côtes. Il y a certaines activités qui sont plus des activités de programme et qui sont concentrées sur les zones côtières, et d’autres à l’intérieur des terres, comme je disais, puis aussi il y a des évènements extrêmes qui sont regardés, comme les sècheresses et les inondations.
Animateur : Toi tu travailles avec le pergélisol, c’est bien ça?
Anne-Marie : Oui, c’est ça.
Animateur : Ok. C’est quoi le pergélisol?
Anne-Marie : Ok! Oui, c’est une bonne question. Le pergélisol ça se définit comme un sol ou une roche dont la température se maintient égale ou est inférieure à zéro degré Celsius. Donc sa définition… c’est juste basé sur une définition thermique, sa température.
Animateur : Et pourquoi c’est important de connaitre le terrain?
Anne-Marie : C’est important parce que dans le fond, si on y pense, le pergélisol c’est la fondation naturelle de toutes les infrastructures dans le Nord, donc quand c’est stable, c’est une très bonne fondation. C’est comme du roc, du béton. Mais là où il y a un petit changement dans ses propriétés ça peut induire des risques pour les infrastructures. Il y a le changement aussi dans les paysages, même s’il n’est pas relié directement à une infrastructure. La meilleure compréhension du pergélisol par rapport à son environnement, c’est que ça nous aide à comprendre comment le pergélisol va évoluer et c’est souvent en lien avec les infrastructures…
Animateur : Alors lorsqu’on parle de pergélisol, d’après ce que je comprends, c’est vraiment le pourcentage d’eau à l’intérieur qui peut causer des problèmes, c’est bien ça?
Anne-Marie : Bien, je ne l’ai pas mentionné mais tu as raison. La définition du pergélisol, c’est basé juste sur sa température, mais le pergélisol contient généralement de la glace comme il y a certains… le roc peut contenir peut-être une infime partie de… peut contenir très peu de glace; à ce moment-là il est peut-être un peu plus stable, mais les pergélisols qui contiennent beaucoup de glace, c’est là – et puis il y a différent types de glace aussi, de sol, ça se présente sous différents formats si je peux dire – c’est là que ça rend la question du pergélisol intéressante parce que c’est quand on pense à la glace – la glace qui va avoir, qui va toujours se maintenir tout près de son point de fusion, zéro degré Celsius, donc le pergélisol peut être à moins deux, comprenant la glace, moins quatre degrés Celsius – un petit changement va le rendre très proche du point de fusion, ce qui fait que la glace dans le fond se transforme en eau et là on n’a plus du tout le même type de sol, la même… solidité, résistance.
Animateur : C’est là qu’on a des problèmes avec l’infrastructure puis les glissements de terrain…
Anne-Marie : C’est ça.
Animateur : Toi de ton côté, c’est quoi tes travaux de recherche?
Anne-Marie : Présentement, je travaille principalement au Nunavut. Donc j’étudie, en ce moment, j’ai un projet qui est dans la région, la région de Kivalliq, donc à l’Ouest de la baie d’Hudson. C’est une région qui a très peu d’info sur le pergélisol, il y a quelques vieilles donnés sur le pergélisol, et il y a aussi des informations qui sont sporadiques, dues par exemple à des projets miniers, donc on va connaître peut-être quelques températures du pergélisol ici et là, mais c’est pas quelque chose de très répandu le long de la côte. Il y a quelques communautés le long de cette côte… et il y avait très peu d’information disponible. C’est une zone qui a été très peu étudiée, donc on a décidé de mettre nos efforts sur cette région-là.
Animateur : Puis toi, ton travail vraiment c’est sur les lieux?
Anne-Marie : Oui donc on a notre projet, c’est une collaboration, je ne suis pas seule dans ce projet-là. C’est une collaboration avec… dans différentes disciplines reliées, comme applications, reliées au pergélisol. Et c’est un travail qui se fait tant à l’échelle locale, pour étudier les conditions du pergélisol, [permettre] la compréhension des processus physiques en jeu liés aux changements climatiques ou à l’environnement. On a l’échelle locale, mais on a aussi jusqu’à l’échelle régionale. Donc le projet, c’est de comprendre les processus physiques à l’échelle locale en utilisant différents outils. On a ce que l’on appelle des câbles qui vont mesurer la température du pergélisol, comment cette température va évoluer avec le temps ou les changements climatiques, comment cette température aussi est différente d’un endroit à l’autre selon les dépôts de surface, selon la proximité avec les infrastructures ou le couvert nival. Ça c’est plus à l’échelle locale, alors quand on comprend un peu plus ce qui se passe à l’échelle locale, on a d’autres outils qui vont, qui regardent plus à l’échelle régionale. Puis quand je parle à l’échelle régionale c’est, par exemple, toute la côte du nord du Manitoba jusqu’à peu près Rankin Inlet, où on a nos travaux plus à l’échelle locale. On a un corridor qui est là où on regarde avec des images satellite pour faire une couverture, ce qu’on appelle une couverture des terres. Puis le but de tout ça est de lier nos observations, notre compréhension à l’échelle locale, à une échelle régionale.
Animateur : Alors j’imagine que vous travaillez avec le gouvernement du territoire du Nunavut? Ou juste les gouvernements municipaux de la région ou…?
Anne-Marie : Bien, on a rencontré les gens du gouvernement du Nunavut. On a rencontré aussi l’association des chasseurs-trappeurs, on travaille avec la municipalité où on est allés faire nos travaux à l’échelle locale, donc Rankin Inlet. En 2015, je crois, on a fait une première rencontre avec les gens de Rankin Inlet pour avoir un peu leur, comprendre leur vision, ou comment… Parce que quand on commence à étudier une région qui a aussi peu de données, une des premières questions qu’on peut se poser c’est comment ce paysage-là a changé avec le temps. Puis ça, on ne l’avait pas vraiment. Ce qui fait qu’on a décidé de faire une approche, en rencontrant les gens. Puis ces gens-là ont partagé avec nous leurs connaissances du territoire, leurs connaissances locales. Tout ça en reliant ça au pergélisol, donc d’après eux comment le paysage a changé et ça, ça nous donne des indications, par exemple, où peut être localisé le pergélisol qui peut être riche en glace ou… On orientait nos questions un peu, donc on a obtenu des résultats. Maintenant on est en train d’analyser, de comparer, ces résultats, dans le fond, d’observations plus locales, avec des données géoscientifiques.
Animateur : J’imagine que c’est super important d’incorporer le savoir traditionnel dans le travail qui est fait dans le Nord?
Anne-Marie : Oui mais ce n’est pas tout le temps fait de façon… la consultation se fait c’est quand même une priorité, mais d’incorporer vraiment le savoir traditionnel ou local, ce n’est pas quelque chose qui est systématiquement fait. Nous c’est une idée qu’on avait pour débuter ce projet-là, et puis on voulait voir aussi : est-ce que en faisant ça on est capable d’orienter notre recherche, est-ce qu’il y a des questions prioritaires, peut-être pour eux, mais aussi qui entrent dans notre mandat? On peut… on a ratissé large au début, puis on va peaufiner un peu notre méthode dans les prochaines années.
Animateur : Ok. Les travaux que tu fais, les données que tu amasses, j’imagine que ça va… c’est quoi vraiment le but? C’est d’essayer d’aider les gouvernements locaux, du territoire, au point de vue infrastructures, à prendre des décisions pour les ressources naturelles, c’est bien ça?
Anne-Marie : Oui, c’est ça, c’est exactement ça. On veut fournir de l’information géoscientifique aux utilisateurs, aux décideurs, pour qu’ils puissent utiliser cette information et mettre en place des mesures d’adaptation reliées aux changements climatiques. Donc c’est un peu ça le but, à court terme, je pourrais dire, on veut leur fournir tout produit, que ce soit des cartes, des documents, ça peut être une base de données… de nos résultats, et ensuite on aimerait qu’ils utilisent ces informations-là pour les soutenir dans des mesures d’adaptation.
Animateur : Bien merci beaucoup Anne-Marie d’être venue nous parler aujourd’hui.
Anne-Marie : Ça me fait plaisir.
Animateur : C’est maintenant le moment de l’émission où nous invitons les auditeurs à poursuivre la conversation dans les réseaux sociaux. Si vous avez des questions pour Anne-Marie ou des commentaires sur cet épisode, vous pouvez nous les adresser sur Twitter avec le mot-clic #DemandezÀRNCan.
Nous voulons aussi vous informer que nous venons tout juste de lancer La science, tout simplement, le nouveau magazine scientifique de Ressources naturelles Canada!
L’objectif premier du magazine est de mettre en valeur non seulement les travaux scientifiques effectués dans notre ministère, mais aussi les personnes qui les font. Nous utiliserons des vidéos, des balados et des articles pour rendre ces travaux attrayants et accessibles.
Au moment d’enregistrer cet épisode, nous ne connaissons pas encore l’adresse URL du magazine, mais vous n’aurez sans doute aucun mal à trouver La science, tout simplement sur notre site Web (www.rncan.gc.ca) et sur notre page Twitter (@RNCan).
Si vous désirez plus d’information sur les géosciences appliquées aux changements climatiques, allez jeter un coup d’œil au magazine La science, tout simplement. Vous y trouverez un article contenant des liens vers toute documentation pertinente, ce qui vous permettra de vous renseigner et de nous envoyer vos questions.
Voilà qui conclut l’épisode d’aujourd’hui. Si vous nous écoutez sur l’application Podcast d’Apple, nous vous invitons à vous abonner à notre émission pour prendre connaissance des épisodes antérieurs et futurs. Merci de nous avoir écoutés et revenez-nous au prochain épisode! D’ici là, n’hésitez pas à communiquer avec nous sur Twitter.
Pour en savoir d’avantage :
- Pergélisol
- Inuvik-Tuktuoyaktuk Mackenzie Valley Highway (en anglais seulement)
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