Rien n’arrête la recherche dans l’Arctique : des chercheurs trouvent de nouveaux moyens d’effectuer le travail de terrain
Des scientifiques de la Commission géologique du Canada et de la Commission géologique des Territoires du Nord-Ouest unissent leurs efforts pour poursuivre la recherche dans l’Arctique pendant la pandémie de COVID-19
Décembre 2020
Pour les scientifiques de Ressources naturelles Canada qui étudient la fonte du pergélisol dans le Nord canadien, le printemps et l’été sont généralement des saisons très occupées – c’est en effet la période de l’année où ils font leurs bagages, dépoussièrent leur matériel de recherche spécialisé et se préparent à effectuer la majeure partie de leur travail de terrain. Cette année, la COVID-19 a cependant contrecarré leurs plans, et les membres de l’équipe de recherche sur le pergélisol de la Commission géologique du Canada (CGC) ont bien failli voir leur projet de recherche pluriannuel paralysé. Ils ont donc fait ce que font les chercheurs : s’adapter et trouver une autre façon de poursuivre leurs recherches.
La COVID-19 : un défi à relever
Leur solution? Prendre contact avec leurs partenaires du Nord et, en les guidant, leur faire accomplir le travail de terrain prévu pour l’été 2020 afin qu’ensemble ils assurent la poursuite du projet de recherche. Cette façon de procéder a eu un avantage imprévu : la création de milliers de photos aériennes qui serviront à analyser directement la fonte du pergélisol et à soutenir diverses activités de cartographie.
Il est essentiel pour les pouvoirs publics, l’industrie et les collectivités nordiques d’avoir une idée précise de l’évolution du pergélisol dans le temps. Le pergélisol, qui désigne tout sol ou roc gelés en permanence, est ce qui assure la stabilité du sol dans de nombreux endroits. Mais si le sol se réchauffe et dégèle sous l’effet des changements climatiques ou de perturbations d’origine humaine, cela peut causer de l’instabilité et modifier les réseaux de drainage. Ces changements affectent le paysage naturel en provoquant de l’érosion et des affaissements de terrain que l’on peut observer à proximité de nombreuses agglomérations nordiques. La fonte du pergélisol peut également avoir des effets considérables sur les infrastructures nordiques, notamment les bâtiments, les routes, les pistes d’aéroport et les grands ponts. Il est donc essentiel de suivre l’évolution de l’état du pergélisol pour prendre des décisions éclairées en matière d’adaptation aux changements climatiques dans le Nord canadien.
« Sur les sites de surveillance, nous avons récemment vu des feux de forêt entraîner une fonte rapide de la glace de sol et du pergélisol près de la surface, transformant des zones sèches en étangs en l’espace d’un an ou deux à mesure que s’affaisse le sol », indique Stephen Wolfe, un scientifique de la CGC qui travaille dans le domaine depuis plus de 30 ans. Peter Morse et lui sont les chercheurs principaux responsables du projet de surveillance du pergélisol.
Un grand nombre de leurs sites de surveillance dans l’Arctique peuvent fonctionner deux ou trois ans sans recevoir aucune visite, mais d’autres exigent une inspection annuelle en personne. Si Peter et Stephen n’ont pas pu se rendre à ces sites éloignés en raison des restrictions liées à la COVID-19, leurs homologues de la Commission géologique des Territoires du Nord-Ouest étaient bien placés pour le faire. Pour guider ces derniers vers les principaux sites exigeant une visite annuelle en personne, les scientifiques de la CGC ont procédé de façon virtuelle. Les chercheurs des Territoires du Nord-Ouest ont ainsi pu visiter bon nombre des sites de collecte de données à long terme sur le pergélisol, situés dans l’ouest de l’Arctique canadien et dans le sud de la province géologique des Esclaves dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui a permis à l’équipe de la CGC de tenir ses données à jour sans la moindre interruption.
La collaboration grâce à la technologie
Cette collaboration originale a vu le jour en grande partie grâce à la technologie. Les deux groupes de scientifiques ont communiqué au téléphone et par des démonstrations vidéo ainsi qu’en partageant des documents et des données en ligne. De juin à septembre, Peter et Stephen ont collaboré étroitement avec leurs homologues du Nord et ont épaulé les géologues sur le terrain, prêts à faire face à tout problème de communication ou d’échange d’information. Quand une technologie atteignait ses limites, on en utilisait une autre : là où le cellulaire ne fonctionnait pas, l’équipe des Territoires du Nord-Ouest utilisait un téléphone satellite pour appeler Peter et Stephen.
« C’était toute une courbe d’apprentissage pour mon équipe et pour nos collègues géologues des Territoires du Nord-Ouest, admet Peter. Mais nous connaissions tous le type d’instruments à utiliser et nous savions comment télécharger les données et effectuer différentes réparations. Et puis, comme les pilotes d’hélicoptère de la région connaissent exceptionnellement bien les environs, nos collègues des Territoires du Nord-Ouest arrivaient sur place exactement au bon endroit et pouvaient communiquer avec nous s’ils avaient des questions. »
Une situation dont tout le monde sort gagnant
Cette nouvelle méthode de travail sur le terrain durant la pandémie présentait au moins un avantage imprévu. En règle générale, les centaines de chercheurs qui se rendent dans le Nord chaque année pendant la saison de travail sur le terrain réservent la plupart des hélicoptères fournis dans le cadre du Programme du plateau continental polaire de RNCan. Mais les déplacements de cette année ont été à ce point perturbés par les restrictions liées à la COVID-19 que les pilotes locaux étaient disponibles pour conduire les géologues des Territoires du Nord-Ouest aux sites de surveillance du pergélisol. En se déployant dans la région, les équipes ont pu réaliser des levés aériens sans précédent. Elles ont pris des milliers de photos qui rendent compte de l’évolution de l’état du pergélisol.
Grâce à cette nouvelle source d’information à jour, la Commission géologique du Canada et celle des Territoires du Nord-Ouest ont élaboré une nouvelle façon de faire en reliant les photos aériennes illustrant les caractéristiques du pergélisol et leur emplacement GPS avec des observations directes, en temps réel, effectuées par les scientifiques – afin d’évaluer autrement les effets des changements climatiques. Autre avantage : ce catalogue complet de photos aériennes détaillées peut servir à d’autres fins.
Certes, la pandémie complique passablement la réalisation de travaux scientifiques, mais en trouvant des moyens de s’adapter à cette situation bien particulière, les chercheurs dont il est question dans cet article ont réussi à collecter de nouvelles données et ont inventé une nouvelle façon de faire pour les mois à venir.
- Recherches : Travaux de Stephen Wolfe et de Peter Morse sur Researchgate
- Info : page Web de RNCan sur le pergélisol
- Vidéo : La science simplifiée : L’étude du pergélisol dans l’Arctique canadien
- Balado : La science simplifiée : Les impacts des changements climatiques sur les infrastructures du Nord
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