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Où trouve-t-on de vieilles stars du roc légendaires? Au Canada, évidemment!

Saviez-vous que le Canada abrite les plus anciennes roches découvertes à ce jour dans le monde? Il s’agit des gneiss d’Acasta, vieux de 4,03 milliards d’années. Pour la plupart d’entre nous, quatre milliards d’années, c'est un laps de temps d’une longueur inimaginable. Comment pouvons-nous savoir alors que ces roches sont, en fait, presque aussi vieilles que la Terre elle-même? Pour répondre à cette question, La science simplifiée s’est rendue dans un laboratoire ultra spécialisé de la Commission géologique du Canada (CGC) pour rencontrer une équipe de voyageurs du temps experts de ces stars du roc.

Mars 2023

 

Situés sur les berges de la rivière Acasta dans les Territoires du Nord-Ouest, les légendaires gneiss d’Acasta sont âgés de plus de 4 milliards d'années, ce qui fait d’eux les plus anciennes roches connues dans le monde et les premières stars du roc de la planète. Pour placer les choses en contexte, précisons que la Terre est âgée d’environ 4,56 milliards d’années : les gneiss d’Acasta se sont donc formés dans les premiers temps de son existence. Ces roches anciennes contiennent, dans leur structure, des indices cruciaux qui nous éclairent sur l’histoire géologique complexe de notre planète.

 

Photo d’un groupe de personnes assises à l’extérieur.

Photo de gauche : Membres du laboratoire de géochronologie de la CGC. Dans le haut à droite : Échantillon de gneiss d’Acasta. En bas à droite : Scientifique effectuant du travail de précision dans un laboratoire aseptisé.

En dépit de leur statut très particulier, les gneiss d’Acasta ont l’air, pour le commun des mortels, de simples roches à grain fin d’un gris brunâtre. Les chercheurs de la CGC ne voient cependant pas les choses du même œil. Pour parvenir à mettre en lumière l’âge exceptionnel de ces roches, il faut utiliser du matériel spécialisé, conçu pour analyser les roches à l’échelle granulaire. Le savoir-faire de la CGC en matière de datation des roches est connu depuis longtemps. Dans les années 1960 déjà, des scientifiques de la CGC ont été appelés à dater des roches lunaires recueillies durant la mission Apollo 11 de la NASA.

Comment les scientifiques font-ils pour dater les roches?

La géochronologie est une science qui permet de déterminer l’âge des roches et ainsi d’étudier de façon très précise l’histoire géologique d’une roche donnée; les chercheurs dans cette discipline s’appellent des géochronologistes. Pour dater les roches, les géochronologistes étudient la désintégration radioactive d’origine naturelle. Certains éléments, comme l’uranium ou le potassium, se transforment – ou se désintègrent – à une vitesse prévisible, sur des milliers d’années, en éléments plus stables comme le plomb ou l’argon. En mesurant de minuscules quantités de l’élément de départ et le produit de la désintégration radioactive, les chercheurs peuvent calculer avec précision l’âge d’un échantillon. En établissant des âges précis et exacts, on peut calibrer des phénomènes géologiques passés et répondre à d’importantes questions comme celles-ci : comment un gisement de minerai se forme-t-il et quel lien cette formation a-t-elle avec d’autres régions au pays et dans le reste du monde?

Le plaisir de la découverte

Un minéral de petite taille appelé zircon est présent dans de nombreux types de roches, dont le gneiss d’Acasta. C’est une formidable capsule témoin qui enregistre et conserve l’histoire géologique complexe d’une roche. Le zircon est essentiel pour déchiffrer l’âge des roches, et les petits grains de zircon présents dans les roches anciennes sont particulièrement remarquables. En plus d’être les seuls témoins que nous ayons des premières pages de l’histoire de la Terre, ces grains donnent des indices sur les forces géologiques qui étaient à l’œuvre au moment de la formation des continents il y a des milliards d’années.

« C’est un peu comme le travail d’un enquêteur. Sur une scène de crime, on trouve parfois une empreinte ou une fenêtre brisée – on a des bribes de l’événement passé, mais tout n’a pas été conservé », indique Bill Davis, Ph. D., chef de l’équipe de géochronologie et de géochimie des isotopes à Ressources naturelles Canada. La première question à se poser en médecine légale, c’est toujours : à quel moment et à quelle vitesse l’événement a-t-il eu lieu? C’est l’éclairage qu’on apporte aux investigations géologiques. On aide à assembler les pièces du casse-tête dans le temps, à établir des corrélations et à élaborer des modèles de processus génétiques pour les phénomènes géologiques du passé. »

Datation des roches : collecte, broyage et séparation, sélection et analyse, analyse des grains, interprétation des résultats.

La datation des roches, étape par étape

  1. Collecte : En premier, les géochronologues et géologues de la CGC qui travaillent sur le terrain collectent des roches pour vérifier des hypothèses géologiques.

  2. Broyage et séparation : Les échantillons sont apportés au labo, où ils sont broyés et séparés en grains si petits qu’on dirait du sable fin. Ensuite, en utilisant de l’eau et la gravité, on sépare les grains selon leur densité. Les grains de zircon, le minéral le plus utile pour déterminer l’âge des roches, sont relativement denses et coulent donc au fond de l’eau.

  3. Sélection et analyse : L’équipe sélectionne quelques grains de zircon à étudier plus en détail. Au moyen d’un microscope électronique à balayage, les géochronologues examinent de près chacun de ces grains pour en tirer des informations, puis choisissent des zones à analyser plus avant dans chaque cristal de zircon microscopique.

  4. Analyse des grains : Les chercheurs analysent les grains dans les moindres détails à l’aide d’instruments conçus à cette fin. Ils doivent alors travailler dans des laboratoires à environnement contrôlé, ou laboratoires aseptisés, pour atteindre la précision attendue.

  5. Interprétation des résultats (pour déterminer l’âge géologique) : La dernière étape consiste à déterminer l’âge de la roche par une analyse statistique des données et un examen des facteurs géologiques pertinents.
Personnes travaillant dans un laboratoire.

Photos du haut : Il faut des instruments spécialisés pour analyser les grains de roche les plus petits – en haut à gauche : labo SHRIMP; en haut à droite, photos de zircon prises au microscope électronique à balayage. Photos du bas : Le travail de précision se fait dans le laboratoire aseptisé pour garantir l’intégrité des échantillons.

L’équipe utilise d’autres équipements, p. ex. la microsonde ionique à haute résolution et à haut niveau de sensibilité, dont le sigle anglais est SHRIMP, qui permet des analyses à une échelle très inférieure à la largeur d’un cheveu humain et dresse ainsi un tableau plus complet du large éventail de phénomènes géologiques qui peuvent toucher une roche au fil des millénaires.

« Certains des éléments qu’on analyse ne pèsent que quelques picogrammes, signale M. Davis. Pour vous donner une idée, un picogramme correspond à un millième de milliardième de gramme, ce qui équivaut environ au poids de l’ADN d’une cellule de colibri. »

L’équipe de géochronologie utilise en outre un spectromètre de masse pour gaz rares, capable de mesurer d’infimes quantités d’argon dans les minéraux contenant du potassium. Cet instrument aide à établir la chronologie des événements thermiques rencontrés par les roches remontant dans la croûte terrestre jusqu’à la surface de la Terre.

Un travail d’équipe qui fait voyager dans le temps

Le laboratoire de géochronologie de la CGC contribue à lever le voile sur les quatre milliards d’années d’histoire géologique qui ont façonné le continent – et la planète. Par la datation des roches, les géochronologues aident à résoudre des questions complexes et à produire des cartes géologiques de diverses régions du pays. Le personnel technique porte une attention méticuleuse aux détails afin d’éviter toute contamination des échantillons. Il est aussi maître dans l’art d’optimiser le fonctionnement d’instruments sophistiqués.

Et l’équipe ne voyage pas seulement dans le passé, puisque ses travaux contribuent aussi à révéler le potentiel actuel et futur des ressources minérales et énergétiques du Canada, pour aujourd’hui et pour demain.

Suggestions de lecture :

Age of the World’s Oldest Rocks Refined Using Canada’s SHRIMP: The Acasta Gneiss Complex, Northwest Territories, Canada Stern, R A; Bleeker, W; Geoscience Canada vol. 25, no. 1, 1998 p. 27-31 (GSC Cont.# 1997258) 

Le Gneiss d’Acasta

Historique du laboratoire de géochronologie

Microsonde ionique à haute résolution et à haut niveau de sensibilité (SHRIMP)

Base nationale des données géochronologiques

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