Incendies de forêt d’une ampleur record au Canada en 2023 : un réveil brûlant
En 2023, le Canada a fait face à un défi de taille : des incendies de forêt d’une ampleur record. Ces incendies sont alimentés par des températures élevées record et une sécheresse généralisée dans l’ensemble du pays. Dans quelle mesure les changements climatiques peuvent-ils être liés à ces événements? Des scientifiques du monde entier ont mené une étude rapide pour trouver des réponses.
Expérience 2023 :
La saison des incendies de forêt au Canada en 2023 a été la plus destructrice jamais enregistrée. Au cours de cette année, plus de 6 000 incendies ont ravagé 15 millions d’hectares. Pour donner un ordre d’idée, il s’agit d’une superficie supérieure à celle de l’Angleterre et plus du double du record de 1989. Environ, 2,5 millions d’hectares sont consummés en moyenne chaque année au Canada. Et contrairement aux années précédentes, les incendies s’étendaient cette année de la côte ouest aux provinces atlantiques, en passant par le nord. À la mi-juillet, on comptait 29 méga-incendies, chacun dépassant 100 000 hectares.
« Le terme “ sans précédent ” ne rend pas justice à la gravité des incendies de forêt au Canada cette année », déclare Yan Boulanger, chercheur en écologie forestière à Ressources naturelles Canada. « D’un point de vue scientifique, le doublement du précédent record de superficie brûlée est choquant. »
Yan et deux autres scientifiques du Service canadien des forêts, Jonathan Boucher et Sandy Erni, faisaient partie d’une équipe internationale de 16 scientifiques participant à une étude de recherche rapide axée sur la saison des incendies de forêt au Québec. L’équipe a constaté que les changements climatiques ont plus que doublé la probabilité d’avoir des conditions météorologiques extrêmes liées aux incendies au Québec.
L’étude a été menée par World Weather Attribution (WWA), un groupe qui étudie la manière dont les changements climatiques affectent l’intensité et la probabilité d’un événement météorologique extrême. Ces études sont réalisées très rapidement et il est important de noter que ce rapport n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs.
Pourquoi étudier le Québec? Le Canada est tellement grand qu’il est difficile de collecter des données dans tous les fuseaux horaires pour recueillir des données dans tout le pays, d’un océan à l’autre. En outre, la saison dévastatrice des incendies de forêt a démarré plus tôt qu’à l’habitude au Québec en 2023. Des conditions chaudes et sèches sont survenues au début du mois de mai, préparant le terrain pour les mois de juin et juillet. Le 1er juin, plus de 120 incendies ont été déclenchés par la foudre en une seule journée. « Les changements climatiques augmentent considérablement l’inflammabilité des combustibles, car les arbres, les débris ligneux et la végétation de sous-bois sont tous très secs », explique Yan. « Cela signifie qu’une simple étincelle, quelle que soit sa source, peut rapidement se transformer en un véritable brasier. »
Du 1er au 25 juin, les feux ont brûlé plus de territoire dans le sud du Québec qu’au cours des 20 années précédentes combinées. Ces conditions ont entraîné le plus grand incendie jamais enregistré dans le sud du Québec, qui a consumé plus de 460 000 hectares. Il n’est donc pas étonnant que les scientifiques tentent de comprendre ce qui se passe.
Les chercheurs ont utilisé l’indice forêt-météo (IFM) de Ressources naturelles Canada, une mesure qui combine la température, la vitesse du vent, l’humidité relative et les précipitations afin d’estimer le niveau de danger d’incendie. Pour évaluer l’effet des conditions météorologiques chaudes et sèches depuis le début de la saison de feu jusqu’à la fin juillet, les scientifiques ont également calculé l’indice journalier de gravité (IG) cumulé à partir de l’indice IFM.
Rôle des changements climatiques
« Il ne fait aucun doute que les conditions météorologiques extrêmes, des températures élevées record et des conditions de sécheresse causées par les changements climatiques ont intensifié la crise des incendies de forêt cette année » déclare Jonathan.
Le Canada a connu la période de mai à juillet la plus chaude depuis plus de 80 ans, battant de 0,8 °C les records nationaux de température précédents pour cette période de deux mois. Pour quantifier l’effet des changements climatiques sur les systèmes météorologiques, les scientifiques ont utilisé des données météorologiques et des simulations de modèles par ordinateur pour comparer le climat préindustriel aux conditions actuelles, après un réchauffement planétaire d’environ 1,2 °C depuis la fin des années 1800. L’étude a révélé que les changements climatiques ont rendu l’intensité extrême de cette saison des incendies au moins deux fois plus probable que sous le climat préindustriel, tandis que la persistance de ces conditions était au moins sept fois plus probable. En outre, ils ont constaté que les conditions météorologiques propices aux incendies de forêt au Québec étaient 50 % plus intenses en raison des changements climatiques causés par l’activité humaine, tandis que l’intensité maximale enregistrée était 20 % plus élevée.
L’évaluation d’événements tels que les incendies de forêt et les conditions météorologiques présente un défi unique. Jonathan insiste sur la nécessité de mettre constamment à jour les modèles climatiques pour tenir compte de l’évolution constante des conditions météorologiques. « Par exemple, les températures record et le faible taux d’humidité de cet été au Québec étaient extrêmes par rapport aux normes actuelles », explique-t-il. « Mais ils pourraient devenir la norme d’ici la fin du siècle. »
Conséquences à long terme :
L’étude de la WWA n’apporte pas toutes les réponses, mais elle soulève quelques questions essentielles : Comment nous préparons-nous? Comment nous adaptons-nous? Qu'en est-il de l'intervention en cas d'incendie de forêt, l'endiguement de ces incendies et le rétablissement. La WWA publie les résultats peu de temps après l’événement, au lieu d’attendre un long processus d’examen, afin de fournir un contexte et des enseignements rapidement après un événement extrême.
Les incendies de forêt de cette année pourraient également avoir un impact sur le budget de carbone des forêts et sur la biodiversité, et affecter les entreprises locales, les économies du secteur forestier et les communautés autochtones.
Regards vers l’avenir :
Face à l’intensification des risques d’incendie de forêt, le Canada doit réduire sa consommation de combustibles fossiles et adapter ses stratégies de gestion et d’atténuation des incendies. Il existe différents moyens de gérer le risque d’incendie de forêt, notamment les feux contrôlés, l’adoption de stratégies d’aménagement forestier adaptées aux feux, et les procédures de l’aménagement des combustibles autour des communautés et des infrastructures. C’est l’équilibre entre ces techniques qui peut aider à relever les défis futurs.
« L’évolution du climat impose une approche proactive », déclare Sandy Erni. « Des études comme celle-ci peuvent offrir des enseignements importants pour mieux nous préparer lorsqu’un événement dévastateur comme celui-ci se produira. »
Pour plus de renseignements :
Système canadien d’information sur les feux de végétation
World Weather Attribution (en anglais seulement)
L’impact des changements climatiques sur les feux de forêt (podcast de Simply Science)
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