Une vie virtuelle pour la géologie du sud de l’Ontario
Des modèles 3D et des outils de réalité virtuelle novateurs nous aident à déterminer comment les futurs géoscientifiques et ingénieurs en géologie visualiseront et interagiront avec la géologie et les ressources en eaux souterraines de l’une des régions les plus populeuses du pays.
Le sud de l’Ontario, qui s’étend entre le Québec et le Michigan sur les rives de trois Grands Lacs, occupe une portion relativement petite de sa province éponyme. Pourtant, cette région qui est la plus densément peuplée au Canada, représente le quart du produit intérieur brut du pays et présente une géologie riche en ressources naturelles qui reflète un pan considérable de l’histoire de la Terre : plus d’un milliard d’années.
C’est notamment pour ces raisons qu’il importe d’assurer la pérennité des ressources en eau du sud de l’Ontario. Dans cette optique, Hazen Russell, chercheur pour le Programme géoscientifique des eaux souterraines de la Commission géologique du Canada, a passé une bonne partie de l’année 2015 à essayer de trouver une solution pour aider les décideurs à mieux gérer les ressources du bassin sédimentaire de la région, particulièrement les eaux souterraines.
« Je ne savais pas du tout que mes recherches déboucheraient sur des modèles numériques et la réalité virtuelle », indique Hazen. Le chemin que nous avons parcouru pour en arriver là a été des plus passionnants. »
Besoin de nouveau
Hazen se demandait comment faire pour produire une représentation utile de l’énorme quantité de données disponibles sur les ressources en eaux souterraines et les ressources géologiques du sud de l’Ontario. Il savait que l’outil ou le cadre utilisé devrait être polyvalent, quel qu’il soit.
« Des millions de personnes dépendent des ressources en eaux souterraines du sud de l’Ontario, précise Hazen. La région est également une grande productrice de sel et de granulat. Sa géologie se prête donc au stockage des gaz, et des gens envisagent maintenant la possibilité de stocker de l’hydrogène et de séquestrer du carbone et des déchets nucléaires. Les décisions et les intérêts à soutenir sont nombreux. »
Russell a invité Terry Carter, géologue pétrolier en chef au ministère des Ressources naturelles de l’Ontario, à collaborer à l’élaboration d’un modèle géologique et hydrogéologique 3D de la région.
« C’était littéralement deux semaines avant le jour de ma retraite, se rappelle Terry. Mais ce projet était emballant et important. Je ne pouvais pas dire non. »
Hazen et Terry ont fait appel à deux autres collaborateurs : la Oil, Gas and Salt Resources Library – un centre de ressources à but non lucratif qui conserve des milliers de documents et d’échantillons géologiques – et la Commission géologique de l’Ontario.
Construction du premier modèle
Les modèles géologiques classiques étaient conçus comme des dioramas : des représentations physiques artisanales et coûteuses qui étaient difficiles, voire impossibles à transporter. Hazen et Terry voulaient combiner les images 3D du diorama avec la portabilité et les capacités analytiques de la technologie numérique.
« Il existait différents modèles numériques 3D du sud de l’Ontario, mais ils visaient des formations particulières ou des zones très localisées, indique Jordan Clark, directeur de la Oil, Gas and Salt Resources Library. Hazen et Terry voulaient aller plus loin et modéliser toutes les formations de la région. »
Le choix d’une telle échelle augmentait le niveau de complexité du projet. Terry et son équipe ont construit un modèle numérique complet comportant 55 couches distinctes à l’aide de données issues de plus de 20 000 trous de forage. Il a fallu trois ans pour construire la première version.
Le modèle entièrement numérique, qui permettait aux chercheurs d’interagir avec les unités géologiques de subsurface, a marqué une avancée dans le domaine de la visualisation. Il était cependant difficile à utiliser, particulièrement comme outil pédagogique – un point que les professeurs John Johnston (Université de Waterloo) et Heidi Daxberger (Université de Toronto à Scarborough) ont constaté en mettant le modèle à l’essai dans leurs salles de classe.
« Nous avons testé le modèle avec des étudiants de premier cycle, et ces derniers étaient incapables de l’utiliser, signale le professeur Johnston. Ils n’avaient pas développé le raisonnement spatial et acquis les connaissances géologiques nécessaires pour bien interpréter ce qu’ils voyaient. »
Comme l’équipe voulait que des non-spécialistes puissent utiliser le modèle, ils ont dû refaire leurs devoirs.
Les goujons de bois au secours du numérique
Le professeur Johnston s’est servi d’une carte 2D et de goujons de bois pour construire une version analogue, mais simplifiée, du modèle et ainsi aider les étudiants à appréhender le concept.
« C’est difficile de se plonger dans le monde virtuel quand on n’a pas développé les compétences requises pour comprendre les relations dimensionnelles », dit-il. Beaucoup de gens ont d’abord besoin de l’expérience tactile qu’offre une maquette physique. »
La professeure Daxberger a demandé à ses étudiants de dessiner des vues 2D à partir de données de forage qu’elle leur avait fournies. « Je leur ai demandé de dessiner une vue de dessus et une vue latérale; après quoi, ils pourraient commencer à discerner la forme représentée et à faire des liens avec ce que montrait le modèle 3D. »
En parallèle, l’équipe de Jordan s’employait à simplifier le modèle numérique 3D. En trois ans, elle a produit deux nouvelles versions, la dernière contenant seulement 15 couches, sources d’eaux souterraines en profondeur y comprises. Elle a également exploré d’autres techniques de visualisation : la réalité virtuelle (RV), la réalité augmentée (RA) – qui consiste à superposer des images numériques à des environnements réels à l’aide d’un appareil photo de téléphone intelligent et d’autres technologies – ainsi que l’impression 3D.
« Chaque technique comporte ses avantages, indique Jordan. La RV nous fait découvrir le paysage. Le modèle imprimé 3D est puissant, car les gens sont par nature des apprenants tactiles et ce modèle leur permet de tenir le paysage dans leurs mains. C’est le modèle qui a le plus de retentissement et suscite les conversations les plus approfondies. »
Le professeur Johnston a fait cette constatation lorsqu’il a présenté le modèle imprimé devant un club cycliste à Niagara Falls. « En voyant le modèle 3D entier en couches imprimées, les apprenants peuvent se former une image mentale complète de la région et placer leurs observations dans un contexte plus riche, dit-il. Quand j’ai montré le modèle aux cyclistes, ils ont été conquis. Ils se sont mis à poser toutes sortes de questions au sujet des paysages qu’ils traversent à vélo. »
Les nouveaux modèles numériques confèrent aux activités des chercheurs une efficacité sans précédent.
« N’importe qui peut voir immédiatement ce qui se trouve près d’un trou de forage et évaluer les répercussions possibles d’un projet de forage ou d’extraction, explique Terry. On obtient une vue à grande échelle des mouvements de l’eau dans le sous-sol de la région, des zones où la présence d’eau sulfureuse risquerait de corroder les structures en métal ou encore des zones qui abritent des saumures possiblement riches en ressources – toutes sortes de détails. »
Fonctionnalité prouvée
Les professeurs Johnston et Daxberger ont mis à l’essai les versions à jour des modèles dans leurs salles de classe. Deux des étudiants de M. Johnston ont écrit des thèses sur le sujet; la première vient confirmer la valeur pédagogique des modèles, tandis que la seconde propose un cadre d’apprentissage pour faciliter leur utilisation.
Dans l’avenir, les collaborateurs visent à perfectionner leur utilisation du 3D et de la RV, puis à ajouter la RA à l’ensemble.
« La RA est plus accessible que la RV », affirme Jordan. « Dans le cas de la RV, il y a un temps d’apprentissage, et le port du casque donne le vertige à certaines personnes. Pour la RA, on a seulement besoin d’un téléphone intelligent ou d’une tablette. »
Jordan explique que la RA a également l’avantage de pouvoir s’utiliser en combinaison avec des modèles imprimés 3D qui multiplient les possibilités d’apprentissage et les interactions avec les utilisateurs — l’objet imprimé comprend des codes QR qui nous conduisent vers de l’information supplémentaire.
L’Université de Toronto est à mettre sur pied son propre laboratoire de RV et, dans la foulée du projet de modélisation, les professeurs Johnston et Daxberger ont développé une source d'information Web (en anglais) sur la géologie du sud de l’Ontario. Financé par la Commission géologique du Canada, cet outil a été conçu à l’aide d’ArcStory Map, une application qui permet d’échanger des cartes affichant du contenu texte et multimédia. Il fera également l’objet d’une collaboration avec la fondation pour l’éducation de l’Ordre des géoscientifiques professionnels de l'Ontario – fondation dédiée à l’avancement des communications scientifiques et des activités d’éducation et d’information sur la géologie du sud de l’Ontario.« C’est génial de voir tous les chemins que ce projet nous a permis d’explorer tout en créant des outils qui mettent les connaissances géologiques à la portée de n’importe qui, n’importe où », dit la professeure Daxberger.
Pour en savoir plus :
Jetez un œil à la source d'information StoryMap sur la géologie du sud de l'Ontario(en anglais)
GEOSCAN Visionnez l'animation en RV sur YouTube (en anglais)
Téléchargez le modèle en RV (en anglais)
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