Repenser la façon dont nous planifions les forêts et les espaces verts
Depuis longtemps, le Canada est un chef de file mondial dans la conservation et la restauration des forêts. Maintenant, une équipe de collaboration, qui comprend des scientifiques du Service canadien des forêts (SCF), poursuit la tradition en prenant les devants dans l’adaptation d’une nouvelle technologie pour aider à planifier les forêts et à optimiser leurs nombreux avantages sur notre qualité de vie. Faites la connaissance de PlantR, une plateforme en ligne conçue pour un avenir diversifié.
Septembre 2022
Les principes de gestion forestière du Canada sont fondés sur plus d’un siècle de recherche. Nous avons recueilli de vastes connaissances sur la manière de cultiver des arbres en fonction de plusieurs générations de pratique de la sylviculture — c’est-à-dire, de gérer la croissance, la composition et la qualité des forêts — pour la production du bois. Mais le monde change et il est peut-être temps de trouver de nouvelles façons de faire.
« Lorsqu’il s’agit de sélectionner des espèces à planter, posons-nous les bonnes questions pour en venir aux bons plans? » demande Isabelle Aubin, une chercheuse scientifique du SCF.
Le pouvoir de l’observation
Cette idée est venue à Isabelle lors d’une de ses marches quotidiennes le long des magnifiques sentiers bordant la rivière à Sault Ste. Marie. La foresterie est une industrie importante dans cette partie du nord de l’Ontario. Alors qu’elle écoutait le chant des oiseaux migrateurs et qu’elle appréciait la vue des arbres le long du parcours, elle a été frappée par le contraste entre les deux différents types de forêts dans sa propre cour —des forêts axées sur la production de bois et d’autres qui sont essentiellement là à des fins récréatives.
Elle a cherché une manière d’aider les parties concernées — les aménagistes forestiers, propriétaires fonciers et municipalités — à prendre en compte ces différences, en fonction de leurs objectifs de restauration, lorsqu’ils choisissent les espèces à planter. Pour les guider dans ce processus, Isabelle et une équipe de collaborateurs ont commencé à élaborer un outil de planification créatif qui s’appelle PlantR. Il s’agit d’une plateforme interactive avec un algorithme riche en données qui génère de nouvelles solutions ingénieuses et souvent inattendues. Bien que la plateforme en soit encore à ses débuts, la réaction initiale à son potentiel à titre d’outil de modélisation est prometteuse.
Les forêts ne suivent pas un modèle universel
Le Canada compte près de 3,5 millions de kilomètres carrés de forêts et elles ont différentes fonctions. De nos jours, plus de gens habitent dans des villes, mais plusieurs facteurs — la crise climatique, les réductions en couverture forestière, la quête d’espaces verts pendant la pandémie, entre autres — ont clairement démontré à quel point même les citadins dépendent des forêts pour répondre à leurs besoins dans un monde en évolution. Certes, les avantages immédiats pour la santé publique d’avoir un boisé urbain qui atténue l’effet d’îlot de chaleur — où les centres urbains sont plus chauds que les régions rurales à proximité — sont très différents des avantages écologiques généraux provenant d’un massif forestier éloigné.
Ces différences suggèrent qu’il est temps de jeter un regard nouveau sur la façon dont nous percevons et aménageons nos forêts. « Il est peut-être temps de revoir notre façon de planifier nos plantations », indique Isabelle. « Les arbres nous procurent bien plus que de la fibre ligneuse. De plus en plus, nous avons les connaissances et la prise de conscience nécessaires pour concevoir des plantations qui remplissent mieux la multitude de services écosystémiques dont nous profitons tout en atténuant l’impact des changements climatiques. »
Envisager les choses différemment
À l’aide de la plateforme PlantR, les gens peuvent explorer différents mélanges d’espèces virtuellement en sélectionnant à partir d’une liste de services écosystémiques et contraintes opérationnelles, comme le nombre d’espèces que le mélange devrait contenir, le budget disponible et d’autres considérations. Ensuite, l’algorithme s’occupe du reste et formule plusieurs suggestions. Chaque solution offre un mélange individualisé de différentes espèces et présente diverses options — plus de ceci, moins de cela — pour répondre aux besoins précis du projet.
Les résultats ne sont que des suggestions, mais ils sont d’une très grande utilité, comme Isabelle a pris le soin de le faire remarquer. « Ce qui est important, c’est que PlantR peut aider les gens à penser à des solutions de rechange », dit-elle. « Cela aide à aller au-delà de la courte liste habituelle d’espèces connues, puisqu’il y a de nombreuses options différentes. Et au fur et à mesure que les gens apprennent à connaître ces options, leurs connaissances et prise de conscience augmentent. »
Cette plus vaste gamme de choix peut renforcer la résilience de nos forêts. Actuellement, la plupart des plantations d’arbres à grande échelle contiennent un nombre limité d’espèces. Mais à mesure que les gens découvrent la valeur d’autres espèces, dont des espèces indigènes, ils pourraient être plus enclins à explorer ces autres possibilités et, par la suite, à augmenter la diversité de nos forêts.
L’essai à Sudbury
La plateforme PlantR a attiré de nombreux collaborateurs. Elle a été développée dans le cadre d’un projet pilote à Sudbury en Ontario. Les forêts de cette région ont été durement touchées par l’exploitation forestière, ainsi que par les émissions de l’exploitation minière et des fonderies. Des efforts considérables de restauration sur plusieurs fronts. Mais, malgré ces progrès en termes de rétablissement écologique, le secteur est toujours aux prises avec des niveaux élevés de contamination du sol par les métaux, une mauvaise qualité de l’eau et un manque de matière organique du sol.
Isabelle et ses collaborateurs ont donc développé la plateforme PlantR en collaboration avec la ville de Sudbury pour s’attaquer à ce contexte de restauration en particulier. Le modèle à la base de l’outil a suggéré des mélanges d’arbres et d’espèces de plantes de sous-bois qui procureraient un bon couvert forestier et qui favoriserait l’enrichissement et la santé biologique du sol — des fonctions qui sont essentielles à la restauration des forêts de Sudbury. La plateforme PlantR a également considéré des enjeux connexes, tels que la résilience de l’écosystème et la résistance à l’invasion par des plantes exotiques, qui sont des préoccupations importantes pour les intervenants de Sudbury.
Dans son application initiale, PlantR a réussi à démontrer son utilité en générant un ensemble unique de mélanges d’espèces pour répondre aux besoins particuliers de Sudbury. Tout comme les forêts en santé elles-mêmes, l’outil est en pleine croissance, avec des perfectionnements fonctionnels supplémentaires pour accueillir la quantité considérable de données qu’il doit traiter, puisque de nouveaux renseignements sont générés au quotidien.
Isabelle et son équipe continuent de développer la plateforme. Maintenant, quand elle prend sa marche quotidienne, elle évalue les choses d’un point de vue plus stratégique : « Et si on plantait plus de ceci ici au lieu de cela? », se demande-t-elle et « Si les arbres étaient plantés en fonction d’une formation plus organique, au lieu de les planter en rangées droites? » Et tout comme la restauration d’une forêt à partir de zéro, amener PlantR à son plein potentiel — bien que cela encourage une reconsidération attentive des pratiques de restauration en général — prendra du temps, des efforts et une planification créative.
Pour plus de renseignements :
Planification de l’aménagement forestier
Finding the perfect mix: An applied model that integrates multiple ecosystem functions (en anglais)
Plus de renseignements au sujet de la recherche d’Isabelle Aubin
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