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Quand « ramener du travail à la maison » équivaut plutôt à « faire de la place dans le frigo »!

Des scientifiques transforment leur maison en abri pour des milliers de tordeuses des bourgeons de l’épinette

Octobre 2020

par Nathalie Chaperon
Conseillère principale en communications – Région du Québec 

Saviez-vous que malgré les normes sanitaires strictes mises en vigueur au printemps 2020 en raison de la COVID-19, deux employés du Centre de foresterie des Laurentides (CFL) de Ressources naturelles Canada (RNCan) ont accueilli de nombreux « invités » et les ont même gardés à coucher? On pourrait même parler d’hébergement de groupe, car chacun d’eux en a accueilli de 2000 à 4000 dans son réfrigérateur.

 



Pendant quelques jours, 4000 tordeuses des bourgeons de l’épinette ont séjourné dans le réfrigérateur de Véronique Martel (à gauche), tandis que Stéphane Bourassa en a accueilli 2000 (à droite).
Pendant quelques jours, 4000 tordeuses des bourgeons de l’épinette ont séjourné dans le réfrigérateur de Véronique Martel (à gauche), tandis que Stéphane Bourassa en a accueilli 2000 (à droite).

Pendant quelques jours, 4000 tordeuses des bourgeons de l’épinette ont séjourné dans le réfrigérateur de Véronique Martel (à gauche), tandis que Stéphane Bourassa en a accueilli 2000 (à droite).

 

Qu’ils soient morts ou vivants, la chercheuse scientifique Véronique Martel a accueilli dès ses premiers jours de télétravail des milliers d’insectes chez elle! Elle a promptement posé sur sa table de cuisine un binoculaire et réuni tout le matériel nécessaire pour procéder à leur tri.

Véronique Martel

Véronique Martel a quotidiennement trié des insectes dans sa salle à manger depuis le début du confinement.

Un certain réconfort dans la routine

« Je fais rarement du tri d’insectes en temps normal, mais je dois reconnaître qu’au début du confinement, cette tâche routinière m’a apporté un certain réconfort. Grâce au travail de tous les membres de mon équipe, chacun dans sa salle à manger, nous avons rattrapé le retard de deux ou trois ans que nous avions dans ce dossier », a précisé Mme Martel.

Son équipe a en effet trié des milliers d’insectes morts récoltés dans des pièges en forêt lors d’études sur les parasitoïdes de la tordeuse des bourgeons de l’épinette – des organismes vivant sur ou dans un seul hôte et qui finissent par le tuer.

Véronique avait aussi en sa possession des milliers de tordeuses des bourgeons de l’épinette vivantes. À un moment donné, 4000 chenilles de tordeuses se disputaient l’espace sur les étagères de son réfrigérateur.

« Les larves étaient en diapause (un état de dormance,voir l'encadré ci-dessous pour plus d'informations) dans un bâtiment non isolé au CFL. Avec le réchauffement de la température en mai, elles seraient sorties prématurément de leur état. Nous les avons donc maintenues en diapause en les déposant au frais dans mon réfrigérateur personnel, le temps que les bourgeons de sapin, une source de nourriture pour elles, soient prêts à être récoltés », a expliqué Mme Martel, qui précise que la récolte a eu lieu sur divers terrains grâce à la collaboration des parents et amis de son équipe.

Voici les caissons d’émergence contenant des tordeuses en diapause dans sa salle à manger de Stéphane Bourassa.

Voici les caissons d’émergence contenant des tordeuses en diapause dans sa salle à manger de Stéphane Bourassa. Lorsqu’elles sont sorties de leur diapause, les tordeuses se sont dirigées vers la lumière aperçue à travers les pots de plastique qui contenaient leur diète.

La salle à manger est assiégée!

Pendant ce temps, le technicien en foresterie Stéphane Bourassa hébergeait aussi des tordeuses des bourgeons de l’épinette dans son réfrigérateur, et il les a accueillies au préalable dans sa salle à manger; il y en avait 2000…

Comme l’enjeu était important, il a fait tous les efforts possibles pour sauver ces précieux spécimens. « Ces larves font partie d’un projet de recherche qui existe depuis cinq ans. Elles ont été exposées à des conditions environnementales particulières durant toutes ces années; nous ne pouvions nous permettre de les perdre », a indiqué M. Bourassa. 

Larves de tordeuses des bourgeons de l’épinette hébergées par Stéphane Bourassa.

Larves de tordeuses des bourgeons de l’épinette hébergées par Stéphane Bourassa.

Les larves étaient en diapause à la Station de recherche forestière de Valcartier, près de Québec. M. Bourassa ne pouvait se permettre qu’elles sortent de leur état et s’évadent dans la nature. Ainsi, muni des autorisations nécessaires, il les a donc déplacées en premier lieu dans les réfrigérateurs du CFL le temps qu’elles complètent leur diapause.

Les accompagner pas à pas vers la phase adulte

Lorsqu’est venu le temps pour les larves de sortir de leur phase de repos, il les a apportées à la maison dans la salle à manger. Il les a installées à cet endroit dans des caissons d’émergence munis d’un orifice laissant entrer la lumière et la chaleur.

Ainsi stimulées, les larves sont sorties de leur diapause. M. Bourassa les a alors déposées dans son réfrigérateur avec une diète spéciale. Grâce à cette méthode, plus de 1000 d’entre elles sont ensuite retournées à Valcartier sous des conditions contrôlées. En juillet, une fois à l’état de chrysalide, M. Bourassa a redonné les tordeuses des bourgeons de l’épinette adultes au Centre de foresterie des Laurentides pour y continuer les accouplements afin qu’elles puissent pondre leurs œufs, et ainsi donner naissance à une nouvelle génération ayant les mêmes caractéristiques que les précédentes.

Ces larves font partie du projet T-Face (Temperature-Free Air Controlled Enhancement). Il s’agit en fait d’un dispositif qui simule les effets du changement climatique afin que les scientifiques puissent scruter le développement de la tordeuse des bourgeons de l’épinette en fonction de variables influencées par le changement climatique. 

Dévouement et conscience professionnelle 

Stéphane Bourassa et Véronique Martel sont l’incarnation du dévouement et de la conscience professionnelle dont font preuve les scientifiques du Ministère depuis le début de la pandémie de COVID-19 afin que les recherches scientifiques se poursuivent et qu’ultimement, le Canada demeure un pays innovant et prospère pour le plus grand bénéfice de tous les Canadiens.

La diapause

La diapause est un état de dormance durant lequel tout développement est interrompu. La diapause des insectes :

  • Peut survenir en été ou en hiver
  • Permet à l’insecte de survivre à des conditions défavorables prévisibles (donc saisonnières)
  • Est déclenchée par des facteurs environnementaux comme la température ou la longueur des jours
  • Se produit toujours au même stade de chaque espèce : alors que la tordeuse des bourgeons de l’épinette fait sa diapause au 2e stade larvaire, le ver à soie fait sa diapause au stade de l’œuf
  • Est commune chez de nombreux insectes, incluant la tordeuse des bourgeons de l’épinette, l’agrile du frêne et le monarque
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