
Aperçu
Les tourbières sont l’un des éléments prédominants du paysage canadien. Bien qu’elles soient reconnues depuis longtemps pour leur rôle essentiel dans le maintien du bilan de carbone mondial, leur vulnérabilité face aux changements climatiques et leur contribution possible à ceux-ci sont également des aspects importants à considérer.
Les effets des changements climatiques sur les grandes quantités de carbone stockées dans les tourbières canadiennes préoccupent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada. À cet égard, les rétroactions que pourraient exercer les forêts boréales et systèmes de tourbières du pays face aux changements climatiques, présentent également un intérêt pour les communautés scientifiques et politiques à l’échelle internationale.
Outre la nécessité de mieux comprendre le bilan net des gaz à effet de serre (GES) provenant des tourbières à l’échelle nationale, il y a celle de combler les lacunes dans les connaissances concernant l’impact de l’activité humaine sur le bilan du carbone des tourbières. Toutefois, les estimations des stocks de carbone des tourbières et de leurs émissions et absorptions de GES présentent un haut degré d’incertitude.
Le Modèle canadien en matière de tourbières (MCaT) est un modèle informatique consacré à l’estimation des émissions et des absorptions de GES des tourbières à l’échelle nationale et à la production de rapports, qui fonctionne comme module du Modèle générique du bilan du carbone (MGBC). Si les tourbières peuvent être d’importants puits de dioxyde de carbone (CO2), elles peuvent également représenter une source considérable de méthane (CH4). Par conséquent, la capacité de calculer l’équilibre entre l’absorption et l’émission de ces deux principaux GES est fondamentale.
Où en est-on avec le MCaT?
Le MCaT est entièrement codé, calibré et évalué en fonction des valeurs déclarées sur les facteurs d’émission de carbone forestier. Plusieurs essais à l’échelle du paysage ont été réalisés, et la première évaluation à grande échelle portant sur 63,9 millions d’hectares de tourbières dans les écozones boréales et tempérées a été entreprise. Les prochaines étapes sont les suivantes :
- Modélisation des scénarios de changements climatiques et de modification du régime des feux
- Intégration de la température du sol et du pergélisol
- Comptabilisation des flux latéraux de carbone dissous
- Ajout d’intervalle de temps infra-annuels pour mieux rendre compte des émissions hivernales
- Création d’une base de données de matrices de perturbation pour inclure davantage de perturbations anthropogéniques et connaissances autochtones
À propos du MCaT
En 2014, une équipe de chercheurs spécialisés dans l’écologie des tourbières, les incendies, les sols et la comptabilisation du carbone a mis au point le cadre de fonctionnement du MCaT.
5 étapes clés :
- Détermination et cartographie des principales catégories de tourbières
- Création de bases de données sur les paramètres de productivité et de décomposition des tourbières et sur la chimie des tourbières
- Synthèse des valeurs déclarées des émissions des tourbières
- Création du Modèle
- Élaboration de matrices de perturbation consacrées aux perturbations anthropiques
1. Détermination et cartographie des principales catégories de tourbières
L’aire de répartition des types de tourbières est une donnée spatiale fondamentale dans la modélisation des émissions et des absorptions de carbone à l’échelle nationale. Les catégories devaient refléter les dynamiques distinctes du cycle du carbone au sein des tourbières.

Parmi les 11 catégories de tourbières observées se trouvent les suivantes :
- Bog boisé, bog arboré et bog ouvert
- Marais pauvre boisé, marais pauvre arboré et marais pauvre ouvert
- Marais riche boisé, marais riche arboré et marais riche ouvert
- Marais boisé et marais arboré
Neuf catégories (tourbières hautes et tourbières basses riches et pauvres) ont été cartographiées à l’échelle nationale grâce à la combinaison d’une carte des tourbières boisées avec une carte des tourbières ouvertes, toutes deux déjà publiées. Cette importante couche spatiale s’affinera à mesure que la technologie et la méthodologie de cartographie des terres humides s’amélioreront.
2. Création de bases de données sur les paramètres de productivité et de décomposition des tourbières et sur la chimie des tourbières
Le modèle nécessite des estimations sur la végétation, la litière et les propriétés du sol de tous les types de tourbières des différentes écorégions. Deux bases de données ont été compilées, l’une sur la productivité et la décomposition des tourbières (productivité primaire nette, biomasse et décomposition de la litière), l’autre sur les profils des tourbières.
3. Synthèse des valeurs déclarées des émissions des tourbières
Lors de la mise au point et des essais du MCaT, des données empiriques de terrain ont servi à évaluer la précision du Modèle. Les valeurs nettes des échanges de l’écosystème et des émissions de méthane des principales écorégions canadiennes contenant des tourbières – soit des données tirées d’études canadiennes – ont été synthétisées sur une base quotidienne, saisonnière et annuelle.
4. Création du Modèle
Le MCaT fonctionne comme un module du Modèle générique du bilan carbone (MGBC) à un intervalle de temps annuel. Le MCaT peut s’appliquer aux 11 catégories de tourbières et suivre la croissance, le renouvellement et la décomposition, par intervalle de temps annuel, de divers composants de la végétation des arbres, arbustes, carex, mousses, litières et réservoirs de tourbes. Ces derniers sont séparés en tourbe acrotelm et en tourbe catotelme à partir d’une simulation à long terme des variations de la nappe phréatique. Les variations annuelles de la nappe phréatique sont un facteur important des émissions de carbone des tourbières. C’est pourquoi le MCaT utilise un indice de sécheresse pour simuler la profondeur moyenne annuelle de la nappe. Le méthane, l’un des principaux gaz à effet de serre, est généré dans les sols saturés des tourbières et est modélisé en fonction de l’écart entre la profondeur de la nappe phréatique et la profondeur maximale de production de méthane propre à chaque type de tourbières. Les impacts des perturbations par le feu sur la biomasse, la litière et les réservoirs de tourbes sont calculés à l’aide de matrices de perturbation par le feu et reflètent les transferts de carbone de la tourbe résultant des feux de forêt, qui sont dérivés de données de terrain et de connaissances d’experts. La valeur de la superficie des tourbières brûlées est tirée de la couche spatiale du Composite nationale des superficies brûlées.

Version texte
Le diagramme est divisé en quatre boîtes principales représentant différents "réservoirs" de biomasse ou de matière organique :
- Réservoirs de biomasse d'arbres du GCBM (boîte verte) : Fait référence à la biomasse provenant des arbres.
- Réservoirs de biomasse du CaMP (boîte vert clair) : Représente la biomasse provenant de petites plantes telles que les arbustes, les carex et les mousses
- Réservoirs de litière (boîte marron foncé) : Contient du bois grossier et fin, de la litière de feuilles, des racines, des mousses et d’autres matières décomposées.
- Réservoirs de tourbe (boîte bleue foncée) : Divisés en catégories spécifiques comme "acrotelm oxique," "acrotelm anoxique," "catotelme oxique," et "catotelme anoxique," qui font référence aux couches d'une tourbière (oxique = oxygéné, anoxique = sans oxygène).
Processus :
- Croissance (flèches bleues) : Les réservoirs de biomasse (biomasse des arbres et des plantes) se développent et contribuent au réservoir de litière.
- Renouvellement (flèche bleue) : La biomasse, avec le temps, se déplace vers les réservoirs de litière à mesure que les plantes et les arbres perdent leurs feuilles, leur bois et d'autres matériaux.
- Décomposition (flèches noires courbées) : Les matières organiques dans les réservoirs de litière et de tourbe subissent un processus de décomposition.
- Perturbation (flèches orange) : Les incendies de forêt impactent directement tous les réservoirs, transformant la biomasse et la litière en différentes formes de matière ou en gaz libérés dans l'atmosphère.
Dynamiques clés :
- Réservoirs de litière comme zone de transition : Les réservoirs de litière agissent comme intermédiaires, recevant des apports de biomasse des arbres et des plantes (via le renouvellement) et transférant le matériau décomposé aux réservoirs de tourbe.
- Réservoirs de tourbe pour le stockage à long terme : Les réservoirs de tourbe sont spécialisés dans le stockage à long terme du carbone, avec des couches distinctes qui se décomposent à des rythmes différents selon la disponibilité en oxygène.
- Boucles de rétroaction (flèches noires courbées) :
Le modèle CaMP fonctionne comme un module au sein du Modèle générique de budget carbone (GCBM) avec un pas de temps annuel.
5. Élaboration de matrices de perturbation consacrées aux perturbations anthropiques
Les tourbières subissent différents types de perturbations humaines, notamment l’exploitation forestière, les perturbations liées aux sables bitumineux in situ et d’autres perturbations linéaires liées à l’exploration pétrolière et gazière et aux lignes de transmission hydroélectriques. Les matrices des perturbations mentionnées sont en cours d’élaboration.
Pour plus d’informations sur le MCaT, communiquez avec Kara Webster.
Complément d’information
Publications du Service canadien des forêts
- The Canadian model for peatlands (CaMP): A peatland carbon model for national greenhouse gas reporting (2020) [en anglais seulement]
- Une base de données portant sur les milieux humides des régions arctique, subarctique et boréale de l’ouest du Canada (2000)
- A peatland productivity and decomposition parameter database (2018) [en anglais seulement]
- Spatially-integrated estimates of net ecosystem exchange and methane fluxes from Canadian peatlands (2018) [en anglais seulement]
- Canadian Model for Peatlands Version 1.0: a model design document (2016) [en anglais seulement]