On juge souvent que les tourbières constituent des éléments du paysage résistants aux feux. Cependant, lorsque suffisamment sèches, elles peuvent connaître des feux dont l’étendue spatiale et la gravité sont prononcées, ce qui pourrait se traduire par une plus grande connectivité du paysage et favoriser la propagation des feux.

Tourbière forestière oligotrophe incendiée, montrant des touffes de sphaignes légèrement brûlées; près de Slave Lake (Alberta), septembre 2011.
La combustion couvante est la forme de combustion typique dans les sols tourbeux. Contrairement à la combustion accompagnée de flammes, la combustion couvante brûle sans flamme et se caractérise par :
- une plus faible température;
- une plus faible vitesse de propagation;
- un dégagement calorifique moins prononcé.
Des modèles permettant de prévoir les émissions de carbone émanant des feux de tourbière sont en voie d’élaboration. Selon les estimations préliminaires, les feux de tourbière dans l’Ouest canadien émettent environ six téragrammes (millions de tonnes métriques) de carbone par an, alors que les feux de végétation dans l’ensemble du Canada en émettent environ 27 téragrammes. Les feux de tourbière peuvent donc apporter une contribution considérable aux émissions nationales de carbone. D’ailleurs, les feux de tourbière à combustion en profondeur risquent de produire des émissions encore plus importantes, car la densité de carbone de la tourbe augmente de façon exponentielle avec la profondeur.
Les écosystèmes de tourbière occupent 25 à 30 % de la forêt boréale et on estime qu’ils stockent environ 64 % des stocks de carbone provenant des forêts boréales à l’échelle mondiale. D’ailleurs, les écosystèmes de tourbière :
- retiennent et purifient l’eau douce;
- absorbent les polluants;
- favorisent la biodiversité.
Selon les scénarios actuels, le réchauffement prévu des températures à l’échelle planétaire pourrait modifier de manière considérable ces éléments dominants du paysage canadien.
Le Service canadien des forêts collabore avec les experts — tant à l’échelle nationale qu’internationale — pour mieux comprendre les feux de tourbière et les conséquences de l’évolution des régimes des feux.
Combustion couvante
L’identification des feux couvant en profondeur et la suppression de ceux-ci peuvent s’avérer complexes. De tels feux peuvent persister pendant des mois et brûler tout au long de l’hiver (phénomène que l’on désigne « feu dormant » ou « feu hibernant ») avant qu’ils ne soient éteints par suffisamment de précipitations ou qu’ils émergent et enflamment les combustibles de surface.
Des sols tourbeux riches en carbone produisent de grandes quantités de fumée en raison d’une combustion incomplète. Cette fumée contient d’importantes quantités de gaz carbonique et d’autres gaz à effet de serre. En outre, les feux de tourbière dégagent 15 fois plus de mercure dans l’atmosphère que d’autres types de feux de végétation. Les émissions atmosphériques de mercure ne présentent qu’une des nombreuses préoccupations résultant de la combustion de la tourbe. D’autres dangers pour la santé humaine comprennent la production :
- de composés organiques volatils;
- de monoxyde de carbone;
- d’hydrocarbures polyaromatiques.
Répercussions du réchauffement des températures
Les tourbières se distinguent des forêts des hautes terres par les conditions d’humidité, la structure du combustible, la propension à brûler et les taux de consumation du combustible. Le réchauffement des températures augmente la fréquence et la gravité des conditions de sécheresse.

Brûlage préférentiel dans les tourbières et dans les peuplements résineux des basses terres comparativement aux peuplements mixtes des hautes terres. Parc national du Canada Wood Buffalo, juin 2012.
En effet, l’évapotranspiration s’aggrave et la nappe phréatique des tourbières s’abaisse en conséquence; il en résulte que ces vastes réservoirs de carbone sont exposés davantage aux feux.
Dans les régions nordiques, le réchauffement des températures contribue à la fonte du pergélisol, ce qui expose une plus grande quantité de tourbe à un risque accru de destruction par le feu.
Depuis 1959, environ 8 000 feux de végétation en moyenne brûlent une superficie totale de 2,1 millions d’hectares par année. D’autre part, la durée de la saison des feux s’est prolongée de deux semaines et celle-ci se caractérise par davantage de feux de grande ampleur (≥ 200 ha) qui brûlent une superficie plus significative. En Amérique du Nord, il y a augmentation du nombre de feux de très grande ampleur (≥ 100 000 ha) et de feux qui se déclarent tard dans la saison de croissance, lorsque la nappe phréatique des tourbières est généralement basse.
Si les tourbières se mettent à brûler à un rythme plus rapide ou à une plus grande profondeur, ce que laisse présager un climat en changement, les feux dans la forêt boréale pourraient contribuer encore davantage aux émissions nationales de carbone.
Recherches sur les feux de tourbière
D’autres travaux dans ce domaine permettront d’équiper les aménagistes forestiers des outils dont ils ont besoin pour une gestion efficace de leurs ressources. Les projections des régimes des feux à l’avenir permettent aux gestionnaires des ressources et aux décideurs de mieux se préparer aux obstacles à venir.
L’élaboration et la mise en œuvre subséquente de la sous-méthode pour les tourbières dans le cadre de la prochaine génération de la Méthode de l’indice Forêt-Météo (IFM) donneront une meilleure idée du danger d’incendie dans les tourbières. Ces dernières ont une forte capacité de rétention d’eau et intègrent les conditions de sécheresses plus longtemps que d’autres éléments du paysage. L’indice d’humidité en tourbière, soit un indicateur de la profondeur de la nappe phréatique par rapport à la surface dans les tourbières boisées, correspondra aux écosystèmes où le danger d’incendie et l’assèchement du combustible sont régis par des processus plus lents que ceux saisis par d’autres indices d’humidité pris en charge par la Méthode IFM.
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