Diversité: la clé de la résilience des écosystèmes forestiers
Qu’est-ce que la biodiversité?
La biodiversité est la variabilité de la vie (plantes, animaux, bactéries, etc.) qui se retrouve dans les écosystèmes du monde. La biodiversité comprend les différences génétiques au sein des espèces et les variations des écosystèmes qu’elles habitent.
Les forêts du Canada abritent environ 140 espèces d’arbres indigènes dans tout le pays ainsi qu’une grande variété de plantes, d’insectes, de champignons, d’oiseaux, de mousses, de lichens, etc. Parmi les 426 espèces d’oiseaux qui se reproduisent au Canada, environ un tiers dépend des forêts pour survivre. Les caractéristiques des forêts, comme l’âge, la composition et la structure, influencent les espèces qui peuvent prospérer dans les forêts canadiennes et ces caractéristiques sont principalement déterminées par les perturbations forestières. Les perturbations peuvent être d’origine naturelle, comme les feux de forêt allumés par la foudre, les épidémies d’insectes et les maladies indigènes (p. ex., la pourriture du bois) et les tempêtes de verglas. Elles peuvent également être d’origine humaine, comme l’exploitation forestière, le changement d’affectation des terres et les infestations d’insectes exotiques.
Biodiversité et forêts résilientes
La résilience des forêts, qu’est-ce que c’est exactement?
Une forêt est résiliente si elle est capable de résister aux changements environnementaux ou de se régénérer après une perturbation, tout en retrouvant la même composition et structure qu’auparavant.
Lorsqu’une forêt est capable de se régénérer après une perturbation, elle peut continuer à nous fournir d’importants services écologiques et culturels, du piégeage du carbone au bois d’ingénierie, tout en procurant des habitats adéquats pour la faune.
La résilience des forêts aux perturbations est étroitement liée à la biodiversité et à sa préservation. En général, une forêt présentant une plus grande diversité génétique, d’espèces et d’habitats est plus résiliente qu’une forêt moins diversifiée. Une grande diversité génétique au sein des forêts aménagées et non aménagées permet aux espèces de s’adapter progressivement à l’évolution des conditions environnementales, notamment aux changements climatiques et aux épidémies d’insectes ravageurs et de pathogènes forestiers. Par exemple, dans l’ensemble, les forêts boréales du Canada présentent une diversité d’espèces d’arbres relativement faible, mais ces espèces sont très adaptables en raison de leur diversité génétique et de la taille importante de leurs populations.
La diversité des espèces augmente la résilience des forêts grâce à la présence d’espèces présentant des caractéristiques particulières, appelées « traits fonctionnels » (caractéristiques permettant aux organismes de survivre et de se reproduire), qui peuvent les aider à se régénérer après une perturbation. Une forêt possédant toutes ses parties – y compris une variété d’habitats, de jeunes et de vieux peuplements – peut accueillir davantage d’espèces, parmi lesquelles certaines seront capables de se rétablir après une perturbation, grâce à leurs traits fonctionnels particuliers.
Évaluer la biodiversité pour mieux la protéger
La quantification de la biodiversité forestière est d’une importance capitale pour comprendre l’impact des perturbations sur les écosystèmes forestiers au fil du temps. Cependant, étant donné le nombre élevé d’espèces et l’immensité du territoire, l’évaluation de la biodiversité forestière peut s’avérer difficile. Malgré ce défi, il existe de nombreuses façons d’évaluer la biodiversité, par exemple en se concentrant sur des groupes d’espèces ciblés (p. ex., les espèces en péril), les espèces spécialisées qui ont besoin de conditions d’habitat particulières pour survivre, les espèces sensibles qui sont connues pour réagir négativement aux perturbations ou encore en utilisant les conditions d’habitat forestier comme indicateur de la diversité des espèces. Nous devons évaluer la biodiversité dans les forêts aménagées afin de contrôler l’efficacité de nos stratégies d’aménagement pour maintenir des conditions d’habitat appropriées pour les espèces ciblées. Il est également important de surveiller l’évolution de la biodiversité au fil du temps dans les forêts non aménagées afin d’être au courant de l’arrivée de nouvelles espèces au Canada et des espèces qui pourraient décliner en raison des activités humaines (p. ex., la pollution et la perte d’habitat).
Les collections : un point d’ancrage essentiel pour la recherche
L’étude de la biodiversité forestière au Canada est complexe et nécessite des bases solides. L’une d’elles consiste à constituer des « collections » dont l’accès est partagé avec les différentes institutions de recherche. Les chercheurs utilisent des éléments allant des échantillons d’insectes aux champignons en passant par les plantes et le bois pour documenter la diversité passée, présente et future des écosystèmes forestiers.
Le Service canadien des forêts gère 14 collections, avec près d’un million d’échantillons à travers le Canada.
Plusieurs projets en cours visent à améliorer notre compréhension de la biodiversité dans les forêts canadiennes. Les scientifiques universitaires et gouvernementaux recueillent constamment de nouvelles données sur la biodiversité forestière et documentent l’utilisation de l’environnement forestier comme habitat. Par exemple, le Projet de modélisation aviaire boréale (PMAB) recueille et rassemble des données aviaires (oiseaux) à travers le Canada et utilise ces données pour créer des cartes d’habitat qui prédisent comment, entre autres, l’abondance des oiseaux changera en réponse à la perte d’habitat et aux changements dans la connectivité et la fragmentation de l’habitat. La croissance des initiatives de science citoyenne pour la collecte de données, telles que eBird, le Relevé des oiseaux nicheurs et l’Atlas des oiseaux nicheurs, donne l’occasion aux Canadiennes et Canadiens bien informés de contribuer à des projets scientifiques comme le PMAB.
Les partenariats entre les programmes de surveillance autochtones, tels que le projet Sentinelle boréale, et les chercheurs scientifiques sont également de plus en plus fréquents et permettent d’obtenir une toute nouvelle perspective sur la biodiversité forestière grâce à un « double regard ». Le projet Sentinelle boréale est un partenariat entre des chercheurs du Service canadien des forêts du Centre de foresterie de l’Atlantique, la Première Nation Miawpukek de Terre-Neuve-et-Labrador et Parcs Canada. Il vise à mettre au point un système d’alerte précoce pour la perte de biodiversité à l’aide d’inventaires d’espèces sur le terrain, d’un système de surveillance automatisé avec des caméras numériques, de la science participative et de la science et du savoir autochtones. Jusqu’à présent, les gardiens de la forêt de la Première Nation de Miawpukek ont dressé un inventaire des lichens du Parc national du Gros-Morne et ont découvert plusieurs nouvelles espèces de lichens dont l’existence était auparavant inconnue dans ce parc national. Une nouvelle phase du projet consiste à élargir la zone d’intérêt pour inclure le Parc national Terra-Nova, un corridor d’écosystèmes entre le parc et une nouvelle zone d’aménagement forestier gérée par la Première Nation Miawpukek ainsi que la réserve de la Première Nation Miawpukek.
Maintenir la biodiversité et la résilience dans les forêts aménagées du Canada
Les meilleures recherches et informations scientifiques disponibles sont utilisées pour planifier et mettre en œuvre des pratiques d’aménagement forestier durable au Canada. Le Processus de Montréal a défini des indicateurs pour mesurer la durabilité des pratiques d’aménagement forestier. Le critère 1 du Processus de Montréal est la conservation de la diversité biologique. Pour répondre à ce critère, l’aménagement durable des forêts doit tenir compte de la diversité forestière à l’échelle de la génétique, des espèces et du paysage. De nombreuses lois et réglementations au Canada exigent également que les aménagistes forestiers conservent la biodiversité, y compris les espèces en péril.
La stratégie d’aménagement et de conservation de la biodiversité la plus connue consiste à veiller à ce qu’une gamme d’âges, de compositions et de structures forestières soient spatialement connectés à travers les paysages. En plus de préserver l’habitat essentiel des espèces en péril, les aménagistes forestiers peuvent maintenir la résilience des écosystèmes forestiers en utilisant des pratiques d’aménagement inspirées des perturbations naturelles telles que les feux et les épidémies d’insectes. Des initiatives comme le projet GEEPN (Gestion de l’écosystème par émulation des perturbations naturelles) informent sur ces pratiques d’aménagement en testant les effets de la structure forestière résiduelle sur la biodiversité forestière, par exemple en laissant des arbres isolés vivants et de grandes parcelles de forêts non coupées dans les zones exploitées.
Changements climatiques : un changement de donne pour la résilience des forêts canadiennes
Les forêts canadiennes sont bien adaptées aux perturbations naturelles, mais les changements climatiques modifient la fréquence, la sévérité et la taille des perturbations et facilitent le déplacement des ravageurs forestiers. L’augmentation des perturbations peut transformer la composition des forêts. Par exemple, certaines espèces, comme les pins, le bouleau blanc et le chêne rouge, pourraient bénéficier des nouvelles conditions engendrées par l’augmentation prévue de la fréquence et de la sévérité des feux, alors que d’autres, comme l’érable à sucre, le hêtre à grandes feuilles et la pruche du Canada, pourraient décliner. Le rythme des changements climatiques au Canada signifie également que certaines espèces d’arbres ne migreront pas assez rapidement pour maintenir des populations viables.
La vitesse et l’ampleur des changements climatiques peuvent rendre les forêts canadiennes vulnérables
Les changements climatiques mettent en péril la résilience des forêts canadiennes, mais la recherche et l’innovation permettent de trouver des solutions. Les progrès de la modélisation écologique ont permis de mieux comprendre comment la diversité des espèces et les écosystèmes forestiers peuvent réagir à un climat changeant. Par exemple, les modélisateurs sont désormais en mesure d’utiliser les données relatives à la biodiversité, telles que celles collectées par le biais du PMAB, de la science citoyenne et des programmes de surveillance autochtones, avec des modèles climatiques pour prévoir comment la diversité des oiseaux réagira aux changements induits par le climat dans les habitats forestiers. En outre, la modélisation du climat et des habitats peut donner un aperçu des zones susceptibles de moins changer au fil du temps (p. ex., les refuges climatiques), indiquant ainsi les zones prioritaires pour la conservation de la biodiversité.
La génomique s’avère également un outil puissant pour comprendre la diversité des traits génétiques et fonctionnels de nos forêts. Cette science conduit à des approches innovantes pour sélectionner les sources de semences afin de régénérer des forêts mieux adaptées aux conditions climatiques futures. Par exemple, la récente initiative FastPheno vise à évaluer avec précision la réponse des arbres aux variations environnementales en temps quasi réel grâce à l’utilisation de drones de nouvelle génération à l’échelle opérationnelle et fournira des capacités sans précédent pour quantifier les caractéristiques adaptatives des espèces d’arbres. De plus, le réseau TOPIC (la base de données sur les traits des plantes du Canada) est un groupe de chercheurs universitaires et gouvernementaux qui étudient les traits fonctionnels des plantes et des arbres afin de mieux comprendre la vulnérabilité et l’adaptabilité des espèces aux changements climatiques. En partageant les informations, ces projets permettent de répondre à des questions écologiques importantes et de soutenir les décisions politiques visant à améliorer la résilience des forêts.
Enfin, de nouvelles approches expérimentales de sylviculture adaptative (l’exploitation et la régénération des forêts) sont testées dans le cadre de différents projets. Par exemple, Silva21 est un programme de recherche national visant à fournir des données, des outils et des solutions pratiques pour améliorer la résilience de nos forêts. La station de recherche de Petawawa du Service canadien des forêts accueille également le premier essai de sylviculture d’adaptation aux changements climatiques au Canada.
Le maintien et la protection de la biodiversité des forêts canadiennes sont une priorité essentielle de l’aménagement forestier durable et, lorsqu’elles sont bien gérées, les forêts aménagées peuvent faire partie d’un paysage forestier résilient. Bien que les changements climatiques présentent de nombreux défis pour la résilience des forêts et la biodiversité, les pratiques d’aménagement forestier durable intelligentes face au climat, fondées sur des recherches novatrices, des preuves scientifiques et des connaissances traditionnelles, feront en sorte que nos forêts demeurent diversifiées et résilientes tout en continuant à fournir aux Canadiennes et Canadiens une multitude de services écosystémiques.
- Date de modification :