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La mission GardeFeu Bulletin-électronique

 

No 2, mai 2024

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En route vers GardeFeu

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L'Agence spatiale canadienne et Ressources naturelles Canada font équipe pour la surveillance satellitaire des feux de forêt.

L'Agence spatiale canadienne et Ressources naturelles Canada sont partenaires depuis des décennies dans le domaine de la surveillance satellitaire des incendies de forêt. La mission GardeFeu est le fruit de cette collaboration et permettra au Canada d'être le premier pays à disposer d'un système satellitaire opérationnel spécialement conçu pour la surveillance des feux de forêt. GardeFeu est une initiative canadienne entre l'Agence spatiale canadienne, Ressources naturelles Canada (le Service canadien des forêts et le Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre) et Environnement et Changement climatique Canada, qui est supportée par tous les niveaux de direction.


L’historique de GardeFeu

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La capacité de mesurer les incendies de forêt à l’aide de satellites en orbite autour de la Terre a été démontrée pour la première fois dans les années 1980. Cette édition explore une partie de l'histoire ayant menée au développement de la mission GardeFeu, permettant au Canada d'être le premier pays à développer son propre système satellitaire opérationnel spécialement conçu pour la surveillance des feux de forêt.

Denis Dufour et Tim Lynham, 2024

La capacité de mesurer les incendies de forêt à l’aide de satellites en orbite autour de la Terre a été démontrée pour la première fois dans les années 1980 grâce au radiomètre perfectionné à très haute résolution (AVHRR) embarqué à bord du satellite américain NOAA-6. Flannigan (1986) a publié le premier article sur l’utilisation de trames de données AVHRR pour la surveillance des incendies au CanadaNote de bas de page 1. En 1995, le Centre canadien de télédétection (CCT) à Ottawa a développé un système automatisé appelé GEOCOMP pour la géocorrection et la composition quotidiennes des images AVHRR au-dessus du CanadaNote de bas de page 2. Le travail du CCT a également conduit au développement d’un algorithme pour la détection des points chauds à partir des données AVHRR. Cet algorithme a été transféré à Ressources naturelles Canada (RNCan) à Edmonton à la fin des années 1990 pour amorcer un processus quotidien de suivi des points chauds des incendies de forêt et les afficher dans le Système canadien d’information sur les feux de végétation (SCIFV).

Le succès de l’instrument AVHRR pour la surveillance des incendies de forêt a conduit à la conception de deux autres instruments satellitaires américains : le Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS) lancé sur deux satellites différents en 1999 et 2002, et le Visible Infrared Imaging Radiometer Suite (VIIRS) lancé sur trois satellites différents en 2011, 2017 et 2022. Le MODIS et le VIIRS sont encore couramment utilisés aujourd’hui pour mesurer les incendies de forêt, en plus des capteurs d’autres pays. Ces instruments sont capables de mesurer l’intensité des feux de forêt grâce à leur sensibilité à une région du spectre infrarouge dénommée la bande infrarouge à longueur d’onde moyenne (MWIR), où les signaux d’incendie sont les plus forts. Pour expliquer ce phénomène, il faut tenir compte de la loi de Planck, qui stipule que les objets émettent de l’énergie électromagnétique à des longueurs d’onde spectrales qui diminuent à mesure que leur température augmente. Dans le cas des feux de forêt, la température radiante moyenne correspond généralement à un pic dans la bande MWIR.

En 1997, grâce à un financement de l’Agence spatiale canadienne (ASC), le Canada a contribué à la création d’une équipe internationale de spécialistes de la télédétection et des incendies. La Fire Implementation Team faisant partie du projet Global Observations of Forest and Land Cover Dynamics (GOFC-GOLD) [en anglais seulement] cherche à affiner et à formuler les exigences internationales en matière d’observation et à encourager la meilleure utilisation possible des produits relatifs aux incendies provenant des systèmes d’observation par satellite existants et futurs, pour la gestion des incendies, la prise de décision politique et la recherche sur le changement planétaire.

En 2004, lors d’une réunion GOFC-GOLD Fire à Darmstadt (Allemagne), le King’s College London (KCL - Prof. Martin Wooster) a présenté au groupe les concepts de puissance radiative du feu (PRF) et d’énergie radiative du feu (ERF), ainsi que la manière dont ces mesures pouvaient être extraites de la télédétection de l’infrarouge thermique. Il est clairement apparu que la PRF et l’ERF pouvaient être utilisés pour estimer l’intensité des incendies, la consommation de combustible et les émissions de carbone dues aux incendies de forêt.

Pendant la période des données AVHRR, MODIS, LANDSAT et Satellite Pour l'Observation de la Terre - Végétation (SPOT-VGT) au début des années 2000, le CCT et le Service canadien des forêts (SCF), qui font tous deux partie de RNCan, ont travaillé avec ces sources de données satellitaires pour cartographier les incendies de forêt et suivre les points chauds des incendies.

Bien que des instruments tels que AVHRR, MODIS et VIIRS soient tout à fait capables de mesurer les incendies de forêt, il s’agit d’instruments de grande taille, lourds, énergivores (et coûteux) qui nécessitent des systèmes de refroidissement pour leurs détecteurs photoniques de la bande MWIR. Ils ne constituent donc pas une solution idéale en tant que détecteurs rentables et fiables dans le cadre d’une constellation opérationnelle de surveillance des incendies de forêt composée de plusieurs satellites et destinée à répondre aux besoins des responsables de la lutte contre les incendies de forêt.

En 2005, après le succès de la conception et du lancement des missions RADARSAT par l’ASC, l’agence a commencé à envisager des missions satellitaires plus petites, ce qui a conduit à une nouvelle ère de technologie des détecteurs infrarouges thermiques, développée au Canada par l’ASC : le microbolomètre.


Microbolomètres

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Une technologie canadienne pour la détection des incendies de forêt.

Les détecteurs microbolométriques sont constitués d’un réseau bidimensionnel de minuscules plates-formes (d’une taille de quelques dizaines de microns, inférieure au diamètre d’un cheveu humain) qui convertissent la chaleur entrante en signaux électriques. Bien qu’ils soient aujourd’hui couramment utilisés dans des applications commerciales telles que la thermographie pour mesurer les fuites de chaleur dans les maisons et les systèmes de vision nocturne, la technologie des bolomètres en était encore à ses balbutiements au début des années 2000. À l’époque, l’Institut national d’optique (INO) à Québec avait commencé à développer des détecteurs et des caméras microbolométriques sur mesure et, à ce titre, il était l’un des premiers pionniers de cette technologie.

Conscients du potentiel de cette technologie locale pour la détection des feux de forêt, le SCF et l’ASC ont commencé à investir dans le développement de la technologie bolométrique de l’INO pour la détection des feux de forêt à partir de l’espace. Deux obstacles techniques ont dû être surmontés (1) les rendre sensibles à la bande MWIR, puisque la grande majorité des bolomètres de l’époque étaient conçus pour la détection dans la bande infrarouge à ondes longues (LWIR), où le signal maximal correspond à des températures ambiantes de l’ordre de 20o C et (2) les rendre prêts à être déployés dans l’environnement hostile de l’espace.


Développements technologiques canadiens vers WildFireSat (2005-2020)

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Études de faisabilité et concepts du Système canadien d'information sur les feux de végétation.

tion.

Le premier fruit de cet investissement de l’ASC dans des capteurs microbolométriques spatiaux pour la détection des incendies de forêt a été l’instrument New InfraRed Sensor Technology (NIRSTNote de bas de page 3). Le NIRST était un système composé de deux caméras microbolométriques, l’une dans la bande LWIR etl’autre dans la bande MWIR, développé par l’INO en tant qu’instrument de démonstration technologique pour utilisation spatiale. L’objectif du NIRST était de déterminer la capacité des capteurs microbolométriques à mesurer les feux de forêt (à l’aide de la caméra MWIR) et la température de la surface de la mer (à l’aide de la caméra LWIR). Le NIRST a été lancé en 2011 sur le satellite SAC-D Aquarius, une initiative commune de la NASA et de l’Agence spatiale argentine (CONAE). Il a fonctionné avec succès jusqu’en 2015, date à laquelle une défaillance matérielle du satellite a mis fin prématurément à la mission. Les feux de forêt et les points chauds mesurés par le NIRST ont confirmé la possibilité d’effectuer de telles mesures à l’aide de capteurs microbolométriques et ont indiqué des pistes d’amélioration.

Parallèlement aux activités de développement et de démonstration de la technologie des microbolomètres NIRST, l’ASC a commencé à réfléchir à ce que pourrait être un système satellitaire basé sur des microbolomètres et conçu sur mesure pour répondre aux besoins des gestionnaires canadiens des incendies de forêt. La première de ces études conceptuelles a été la Plateforme d’observation de la Terre et d’expérimentation technologique en orbite (POETE) en 2009Note de bas de page 4, dirigée par l’INO, NGC Aerospace et l’Université de Sherbrooke. Contrairement à NIRST, qui disposait de deux caméras MWIR et LWIR distinctes, l’instrument POETE disposait d’une optique double bande combinée avec un miroir de sélection de scène et un système d’étalonnage embarqué. L’importance d’un étalonnage précis des microbolomètres a été démontrée dans le cadre du projet NIRST et, à partir de ce moment, la mise en œuvre d’un système d’étalonnage performant a été considérée comme une caractéristique essentielle de tout capteur de feux de forêt basé sur un microbolomètre afin de mesurer le PRF.

D’autres études de faisabilité ont été entreprises au milieu des années 2010, sous le nom de Système canadien de surveillance des feux de végétation (CWFMS). Les études du CWFMS, menées par NGC Aerospace et l’INO qui diriga le développement de la charge utile infrarouge, ont impliqué des chercheurs du SCF tels que Tim Lynham et Dr Joshua Johnston, et le soutien d’experts en science des feux de forêt comme Dr Martin Wooster et Dr Mike Flannigan, qui ont aidé à définir la première version des exigences de l’utilisateur pour un tel système. L’accent a notamment été mis sur l’importance d’une mesure précise du PRF pendant le pic d’intensité des feux de forêt dans la fin de l’après-midi. Le document sur les besoins des utilisateurs du CWFMS a éventuellement servi comme base pour définir les requis des utilisateurs de GardeFeu, qui ont été décrits par le Dr Joshua Johnston dans un article paru en 2020 (Development of the User Requirements for the Canadian WildFireSat Satellite Mission [en anglais seulement]). Les concepts de satellites du CWFMS ont pris plusieurs formes, car à l’époque on ne savait pas quel niveau de financement serait disponible pour construire un système de surveillance des incendies de forêt, et donc on ne savait pas si un tel système consisterait en des satellites de petite taille (c’est-à-dire de classe microsat) avec plusieurs caméras chacun, ou des satellites encore plus petits (de classe nanosat) avec une caméra par bande infrarougeNote de bas de page 5. Pour toutes ces options potentielles, il fut assuré que les exigences essentielles telles que la résolution spatiale, la couverture, le temps de passage quotidien et la précision de la mesure du PRF soient respectées.

Malgré la capacité démontrée du NIRST à mesurer les feux de forêt, certains experts de la communauté de recherche sur les feux de forêt ont continué à douter de la capacité des capteurs microbométriques à mesurer le PRF avec autant de précision que les grands capteurs infrarouges conventionnels refroidis des systèmes MODIS et VIIRS. L’occasion de valider la performance des microbolomètres par rapport aux capteurs IR refroidis dans la mesure des PRF s’est présentée à l’été 2019, lorsque l’ASC et le SCF ont planifié des vols aériens du Radiomètre expérimental d'imagerie multispectrale (EMIR) au-dessus d’un site d’essai d’incendie près de Sault Ste. Marie, en Ontario, afin de vérifier la performance des derniers capteurs microbolométriques de l’INO configurés pour les incendies de forêt. Sur la tour située à proximité du site de l’incendie, ont été montées côte à côte une caméra INO à microbolomètre spécialement configurée pour la mesure des feux de forêt et une caméra conventionnelle à capteur IR refroidi. Pendant trois jours, plusieurs feux d’intensité différente ont été allumés et mesurés par les deux caméras juxtaposées. Les résultats ont montré des mesures FRP presque identiques pour une large gamme d’intensités d’incendie produites au cours des trois jours, validant ainsi le choix des capteurs microbolométriques pour un système spatial de surveillance des incendies de forêtNote de bas de page 6.


GardeFeu

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Dans le cadre du budget 2022, le gouvernement canadien prévoit de mettre en place et d'exploiter un nouveau système de surveillance des feux de forêt par satellite.

S’appuyant sur les connaissances acquises au cours des décennies précédentes, l’ASC a attribué en 2019 deux contrats à des équipes industrielles, dirigées par Honeywell et MDA, afin de développer des concepts plus détaillés pour une mission canadienne de lutte contre les incendies de forêt, désormais officiellement rebaptisée « GardeFeu ». L’objectif était de développer des concepts pour une mission exploratoire, qui fournirait une capacité initiale de mesure des incendies de forêt qui pourrait ensuite être étendue à un système pleinement opérationnel. Les deux sociétés ont proposé des concepts basés sur les derniers capteurs microbolométriques INO, dont la résolution des pixels et les performances se sont considérablement améliorées depuis les années NIRST.

En 2022, conscient de l’importance de disposer d’un système spatial national de surveillance des feux de forêt, le gouvernement canadien a annoncé dans son budget le financement d’un système pleinement opérationnel. Le champ d’application de ce financement va bien au-delà d’une mission exploratoire et comprend le financement de trois agences gouvernementales (ASC, RNCan et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC)) pour avoir : (1) un nombre suffisant de satellites afin d’assurer une couverture quotidienne du Canada en fin d’après-midi, lorsque les incendies de forêt sont généralement les plus intenses, ce qui représente une fenêtre temporelle où les autres satellites de surveillance des incendies de forêt ne passent pas; (2) l’infrastructure au sol (stations d’antennes et centres de traitement des données) nécessaire pour traiter rapidement les données satellitaires et produire une série complète de produits scientifiques de renseignement sur les incendies de forêt adaptés aux gestionnaires des incendies; et (3) des produits améliorés de prévision des émissions de carbone et de fumées basés sur les mesures du GardeFeu. Ce financement comprend également les coûts des cinq années d’exploitation après le lancement et la mise en service des satellites.

Début 2023, des contrats de conseil distincts ont été attribués à trois entrepreneurs industriels, MDA, Earth Daily Analytics et Spire/Ororatech, afin de leur permettre d’obtenir des rétroactions de l’ASC et du SCF sur les solutions qu’ils proposent, tout en leur donnant la possibilité de mieux comprendre (et de remettre en question) les exigences de la mission. Ces contrats de conseil ont pris fin à l’automne 2023 et ont été suivis d’un appel d’offres, limité aux trois mêmes entrepreneurs, pour la construction et le lancement du système satellitaire. Le nom du lauréat devrait être annoncé en 2024, et les activités de conception détaillée, de construction, d’essai, de lancement et de mise en service des satellites et de leurs systèmes terrestres connexes devraient alors débuter.

GardeFeu devrait être opérationnel d’ici 2029, ce qui permettra au Canada d’être le premier pays à disposer de son propre système satellitaire opérationnel spécialement conçu pour la surveillance des incendies de forêt. Il s’avérera sans aucun doute utile pour aider les responsables de la lutte contre les incendies de forêt à prendre de meilleures décisions afin de relever les défis liés à l’augmentation de la gravité des incendies de forêt au Canada et dans le monde entier.

Une ligne du temps verticale illustrée par une flèche jaune et des décennies marquées des années 1980 à aujourd'hui.

Illustration de Liisa Sorsa, ThinkLink Graphics

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Version texte

Une ligne du temps verticale illustrée par une flèche jaune et des décennies marquées des années 1980 à aujourd'hui. L'illustration d'un feu de forêt en bas de page passe au ciel nocturne. Différents moments clés du développement du GardeFeu sont illustrés. Il s'agit notamment de :

  • 1986 Premières images de feu de AVHRR
  • Années 90 Suivi des points chauds par CWFIS
  • 1999 Lancement de MODIS sur Aqua et Terra
  • 2009 Concept de POTETE
  • 2011 Lancement de NIRST sur SAC-D Aquarius
  • 2011 Lancement de VIIRS sur Suomi NPP
  • 2015 Concept de CWFMS
  • 2019 Vols d’essai de EMIR
  • 2020 Études de concept GardeFeu
  • 2022 Annonce de financement de la mission opérationnelle GardeFeu
  • 2024 Début de développement de GardeFeu
  • ~2029 Date ciblée pour le début des opérations GardeFeu
 

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