Un couple du Centre de foresterie de l’Atlantique transforme sa maison en laboratoire de recherche
Un article de Brigitte Richard, conseillère principale en communications, région de l’Atlantique
Juillet 2020
Sur une propriété privée située au fin fond d’une petite collectivité aux abords de Fredericton (Nouveau‑Brunswick), Kate Van Rooyen et Roger Graves, chercheurs à Ressources naturelles Canada (RNCan), ont transformé leur maison en un mini‑laboratoire de recherche forestière. Des pièges à insectes pendent de la corde à linge; des échantillons de semis sont mesurés à un poste de travail aménagé avec les moyens du bord dans le sous-sol et une station d’écorçage des branches est installée dehors dans l’entrée de garage.
Ces aménagements s’imposaient. « Je n’aime pas rester assise les bras croisés », dit Kate en nous montrant sa station d’écorçage. « Quand le centre a fermé, je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de faire une partie du travail à la maison. »
Les chasseurs de ravageurs ne comptent pas leurs heures
Kate est technicienne au Centre de foresterie de l’Atlantique (CFA), à Fredericton. Avec le soutien de son superviseur, Jon Sweeney, elle a effectué des inventaires et contrôlé des zones en périphérie de la ville au cours des deux ou trois dernières années pour y détecter des signes de la présence de l’agrile du frêne, un insecte ravageur.
En février 2020, avec l’aide de la Ville de Fredericton et d’étudiants du Collège de technologie forestière des Maritimes, Kate et son équipe ont recueilli des échantillons de branches de 150 frênes. Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a forcé le CFA à fermer ses portes alors que la chercheure était au beau milieu du traitement des échantillons.
Avec le concours du chien de la famille, Lexi, Kate enlève l’écorce des branches à la recherche de galeries – ces tunnels longs et sinueux qui indiquent possiblement la présence de larves d’agriles du frêne. Elle utilise une méthode spéciale (en anglais seulement) mise au point par Krista Ryall, Jeff Fidgeon et Jean Turgeon au Centre de foresterie des Grands Lacs. Cette méthode permet de détecter la présence de l’agrile du frêne chez les frênes qui ne montrent aucun signe ou symptôme évident d’infestation.
Selon Kate, « c’est l’un des outils que nous utilisons pour favoriser la détection précoce de ce ravageur forestier extrêmement destructeur. Au Canada atlantique, on a trouvé le coléoptère d’abord à Edmundston (Nouveau-Brunswick) au printemps 2018, puis à Bedford (Nouvelle-Écosse) l’automne de la même année. Depuis, on a découvert des agriles du frêne à Oromocto, environ 20 kilomètres à l’est de Fredericton.
« Jusqu’à 99 % de tous les frênes risquent de mourir dans les huit à dix ans qui suivent l’arrivée de l’insecte. Ce type de contrôle nous permet de déterminer s’il y a présence du coléoptère, et si oui, de mettre en place des mesures pour en freiner la propagation. »
Des cerisiers de Virginie et de Pennsylvanie au secours des sites d’exploitation des sables bitumineux
De son côté, Roger a réquisitionné la bibliothèque du sous-sol et utilise une table pliante comme table de laboratoire pour traiter des semis de cerisiers de Virginie et de cerisiers de Pennsylvanie dans leur labo maison. Il consigne les caractéristiques de croissance des semis avant de les emballer en vue de mesures de biomasse sèche à faire dès la réouverture du bureau.
Technicien forestier au CFA, Roger travaille à un projet de recherche axé sur les besoins de la clientèle. Ce projet dirigé par Joanne MacDonald, également du CFA, a pour but d’accélérer la réhabilitation des zones d’exploitation des sables bitumineux et d’augmenter la biodiversité locale par la plantation d’espèces d’arbustes indigènes.
Le cerisier de Virginie et le cerisier de Pennsylvanie sont deux espèces clés pour cette recherche. Il y a toutefois des difficultés pratiques à surmonter. D’abord, la croissance des racines dans une pépinière de plants en récipient s’avère difficile. De plus, leurs semis ont des taux de survie faibles dans les sites de réhabilitation des sables bitumineux de l’Athabasca.
Le CFA s’est attaqué aux deux problèmes : inventer de nouvelles techniques pour améliorer le développement des racines dans les pépinières et montrer l’importance de choisir des microsites humides pour soutenir la croissance des semis. Les résultats de cette recherche et de travaux connexes seront communiqués sans restriction aux exploitants des sables bitumineux de l’Athabasca et aux pépinières albertaines qui fournissent des semis.
Travailler à la maison, différemment
Pour réussir à accomplir dans leur maison des travaux scientifiques qui se font normalement en laboratoire, Kate et Roger ont dû se débrouiller avec les moyens du bord.
« Par chance, nous avons de l’espace et nous avons pu aménager des laboratoires grâce à des moyens non conventionnels pour continuer à faire notre travail, » de dire Kate.
« Même si nous serons sûrement heureux de reprendre nos habitudes aux laboratoires du CFA, il demeure que nos journées de télétravail ont constitué un changement de routine intéressant durant cette période inusitée. »
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