Étudier les feux dans les milieux humides pour améliorer les prévisions sur la qualité de l’air et la comptabilisation du carbone
Par Peter Glasgow
Le 13 mars 2018
Quand on pense aux feux de forêt, on imagine habituellement une forêt en flammes. Pourtant, dans la forêt boréale du Canada, jusqu’à un tiers de la superficie brûlée peut être composée de milieux humides, y compris de tourbières – aussi appelées fondrières – et de marécages. Or, en brûlant, ces milieux humides peuvent dégager de grandes quantités de fumée dans l’atmosphère, lesquelles présentent un danger, surtout lorsque le feu se produit près de lieux habités.
Que retrouve-t-on dans un milieu humide?
Les milieux humides autres que les marais et les étangs peu profonds renferment de la tourbe, de la végétation partiellement pourrie ou d’autres matières organiques qui s’accumulent lentement pendant des milliers d’années jusqu’à atteindre une épaisseur de deux à six mètres. Cette tourbe est composée en grande partie de sphaigne que les jardiniers utilisent pour amender le sol.
Les tourbières couvrent environ 13 % du Canada, soit environ la superficie des Territoires du Nord-Ouest. Il y en a dans toutes les provinces et tous les territoires.
De la fumée sur l’eau
Les feux de tourbière intéressent particulièrement les écologistes et les environnementalistes comme Daniel Thompson, Ph. D., chercheur au Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada. « Comme les tourbières stockent environ le tiers de tout le carbone du sol, les feux de tourbe-mousse dégagent beaucoup de dioxyde de carbone, de monoxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre », explique celui-ci.
« Mais les feux de tourbière menacent également la santé humaine, près du feu et partout où la fumée se propage. Leur fumée est plus nocive que celle des autres feux de forêt, en raison de la composition de la tourbe et de sa manière de brûler. Elle renferme des composés de carbone, de soufre et d’azote qui peuvent produire des gaz organiques volatils hautement irritants et dangereux. »
Une lente combustion
À cause de sa teneur élevée en humidité, la tourbe brûle plus lentement que le bois sur pied – souvent sous terre, non détectée et même sous la neige – et à des températures plus basses. Ces facteurs entraînent une combustion incomplète, qui produit des volumes plus élevés de gaz irritants et d’importantes quantités de fines particules qui peuvent s’introduire au plus profond des poumons des humains et des animaux. Les nourrissons, les enfants et les personnes âgées sont particulièrement à risque, ainsi que les asthmatiques et les personnes atteintes de maladies cardiaques ou pulmonaires.
Plus les températures montent à cause des changements climatiques – et s’accompagnent de conditions plus sèches – plus la fumée de tourbe devient préoccupante.
Pionniers des techniques de cartographie
Pour s’attaquer au problème, les scientifiques du Service canadien des forêts collaborent avec des partenaires dans l’ensemble du Canada et à l’étranger pour approfondir notre connaissance des feux de tourbière et évaluer la quantité de fumée supplémentaire qui sera produite en raison des conditions de plus en plus arides.
Afin de comprendre le risque que représentent les feux de tourbière pour la qualité de l’air au Canada, il est essentiel de connaître l’emplacement des tourbières. Dans les années 1980, Charles Tarnocai, scientifique à Agriculture Canada, ainsi que des collaborateurs de la Commission géologique du Canada ont mis au point des techniques de cartographie et d’analyse spatiale afin de produire la base de données Peatlands of Canada, premier portrait global de l’emplacement de ces écosystèmes riches en carbone au Canada.
Les ensembles de données manuscrites ont un impact à long terme
Cependant, ces cartes à grande échelle révèlent peu d’information permettant d’évaluer la teneur en humidité des systèmes de tourbière ou leur vulnérabilité aux feux de forêt. En parallèle aux efforts de cartographie des tourbières, feu Steve Zoltai, du Service canadien des forêts, a créé un immense corpus de recherche sur l’écologie des tourbières, le stockage du carbone et la teneur en humidité à l’échelle de la parcelle. Il a arpenté des centaines de sites éloignés dans l’Ouest canadien, enregistrant minutieusement des données sur le couvert végétal et la qualité de l’eau et évaluant si ces tourbières individuelles étaient assez sèches pour brûler.
« Steve a travaillé sans relâche pendant plus d’une décennie dans l’Ouest canadien, arpentant d’innombrables tourbières et notant soigneusement et précisément ses observations à la main sur des fiches, rappelle M. Thompson. On lui doit un ensemble de données d’une ampleur et d’une portée inégalées auxquelles nous nous fions encore aujourd’hui pour nous aider à comprendre le carbone enfoui sous tellement de forêts au Canada. »
Les découvertes de Steve Zoltai contribuent encore à améliorer les prévisions sur la production de fumée associée aux feux de tourbière. Quant aux scientifiques qui s’occupent de qualité de l’air et aux autorités sanitaires, ils sont mieux outillés pour prévoir la durée et la gravité des épisodes de pollution atmosphérique et pour avertir les populations en cas de risque de fumée d’incendie.
Faire progresser la science des changements climatiques
Outre leur utilité pratique immédiate pour les services de sécurité incendie, ces cartes et les prévisions améliorées qu’elles rendent possibles contribuent également à faire progresser la science des changements climatiques. Les scientifiques peuvent s’en servir pour prévoir les effets de futurs feux de tourbière et des fluctuations du niveau des nappes phréatiques sur le modèle du bilan du carbone national du Canada, un outil pour faire le suivi des quantités respectives de carbone qui sont stockées et rejetées.
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