Analyser les ressources pétrolières du Canada : Quand la chimie analytique s’attaque aux échantillons les plus complexes
Dans le cadre de sa couverture continue des gens qui oeuvrent à Ressources naturelles Canada et du travail intéressant qu’ils font, La science, tout simplement présente les points de vue d’une chercheuse qui étudie le pétrole à l’échelle moléculaire, pour s’assurer d’extraire la valeur maximale de cette ressource naturelle. Le Canada est le quatrième plus important producteur de pétrole du monde, et près de quatre millions de barils sont produits au pays chaque jour. Mais quels sont les composants exacts de ce pétrole? Il semble bien qu’il n’existe pas deux échantillons pareils.
Par Nicole Heshka, chercheuse scientifique, CanmetÉNERGIE Devon, Ressources naturelles Canada (RNCan)
Lorsque le pétrole, les sables bitumineux et d’autres ressources apparentées sont extraits du sol, ils se comparent en gros à une mystérieuse « boîte noire ». Que trouve-t-on dans le pétrole? Qu’est-ce qui fait en sorte que le pétrole se comporte de telle ou telle façon? Pourquoi une source produit-elle du pétrole ayant certaines propriétés, tandis qu’une autre donne quelque chose de totalement différent?
Répondre à ces questions est une importante partie de mon travail de chercheuse scientifique à RNCan, parce que comprendre la composition du pétrole à l’échelle moléculaire nous permet de tirer la valeur maximale de cette ressource. Par exemple, si nous connaissons les composants moléculaires d’un pétrole appelé à être transporté, il sera possible de l’acheminer plus efficacement et plus sécuritairement. Ou encore si nous analysons un pétrole au terme d’un procédé de valorisation, nous pouvons constater les modifications que ses caractéristiques ont subies et expliquer aux exploitants comment travailler de manière plus rentable.
Une des tâches les plus difficiles dans le domaine de la chimie analytique
L’analyse des composants exacts du pétrole est une des tâches les plus difficiles dans le domaine de la chimie analytique. Les échantillons sont incroyablement complexes et hétérogènes et peuvent se présenter sous différentes phases : solide, liquide ou gazeuse. Qui plus est, il est difficile de se fier sur une analyse précédente puisqu’aucun échantillon n’est semblable. Par contre, analyser le pétrole peut aussi être une tâche gratifiante, étant donné sa portée inépuisable pour l’innovation et la découverte.
Pour ces raisons, les chimistes analystes utilisent leurs connaissances et leur expérience pour concevoir des expériences visant à mieux comprendre la composition des échantillons de pétrole. Aujourd’hui, par exemple, j’analyse des hydrocarbures qui peuvent contaminer l’eau après un déversement de pétrole. Ce travail est intéressant, bien entendu, mais il présente également un côté pratique, soit les formidables avantages possibles liés au nettoyage des lieux touchés par un déversement accidentel, ainsi qu’à la protection de la végétation et des animaux sauvages.
Pour déterminer les subtilités de la composition du pétrole, j’utilise régulièrement la chromatographie, un procédé qui sépare le pétrole en ses constituants moins complexes. Les instruments de chromatographie ressemblent à de grosses boîtes grises, mais derrière toutes les portes et les panneaux se trouvent des colonnes de séparation, des fours, des pompes ainsi que des contrôleurs et des détecteurs de flux, entre autres choses.
Beaucoup plus qu’un simple chiffre sur l’écran d’ordinateur
Les échantillons sont de petites tailles, habituellement 1 ou 2 mL ou moins d’une cuillère à café, et peuvent être liquides ou gazeux. Les instruments injectent un échantillon dans le système, qui passe ensuite par un procédé de séparation des molécules ou des groupes de molécules en fonction de leurs caractéristiques chimiques. Le procédé complet peut aussi bien être court – cinq minutes – ou être long – trois heures –, selon l’expérience. Tandis que le résultat final est un simple chiffre sur l’écran d’ordinateur, le procédé pour y arriver peut être complexe et non négligeable. Et ce chiffre peut nous en dire beaucoup : quels composés se trouvent dans le pétrole, combien de ces composés sont présents ou si le pétrole répond aux normes de qualité industrielle pour la vente et le transport.
De petits échantillons mènent parfois à de grands résultats
Le travail analytique que je fais concerne des échantillons de petite taille, mais ceux-ci peuvent tout de même appuyer des applications fort importantes. Voici quelques exemples du travail que j’ai effectué récemment à CanmetÉNERGIE Devon :
- mesurer les hydrocarbures légers dans les échantillons de pétrole pour réglementer de manière appropriée le transport sécuritaire par wagon porte-rail (en collaboration avec Transports Canada)
- détecter le sulfure d’hydrogène, un gaz toxique et dangereux, dans les échantillons de bitume afin de mieux informer et de mieux protéger les exploitants et les transporteurs (en partenariat avec la Canadian Crude Quality Technical Association)
- quantifier l’oléfine, un type d’hydrocarbure particulier, contenue dans les échantillons de pétrole pipelinier partiellement valorisé pour réduire l’encrassement et améliorer les nouveaux procédés
Un des aspects que je préfère de mon emploi est le sentiment de fierté que j’éprouve lorsque je vois un projet auquel j’ai travaillé dans sa forme définitive et publiée. L’idée de créer une science totalement nouvelle est emballante et motivante, et j’adore le processus d’écriture et l’aspect communication lié à mon travail.
Communiquer signifie me rapprocher des gens pour partager mes travaux scientifiques, souvent publiés dans de la littérature scientifique révisée par des pairs, et travailler avec des entités internationales faisant autorité dans le domaine, tout en veillant à répondre à leurs normes. Il existe des façons tout à fait intéressantes de se tenir à jour et de rester pertinent. D’ailleurs, j’ai publié récemment deux articles dans JoVE, le Journal of Visualized Experiments, un journal axé sur les protocoles qui comprend un volet vidéo.
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