Applications en hydrologie
L'utilisation du RSO en hydrologie a une longue histoire et on a examiné son application à l'estimation de l'humidité du sol, la cartographie de la couverture neigeuse et la cartographie des zones d'inondation et des terres humides. Ces applications n'ont pas obtenu de succès opérationnel ou commercial, partiellement en raison des limites des systèmes RSO monocanaux, tels que le RADARSAT-1. La polarimétrie offre la possibilité d'accroître l'utilisation des données des RSO pour ces applications en permettant de les rendre opérationnelles. Les sections suivantes en fournissent quelques exemples.
- Cartographie de l'humidité du sol
- Cartographie de la couverture neigeuse
- Cartographie des zones d'inondation et des terres humides
Cartographie de l'humidité du sol
9.4.1.1 Introduction
L'humidité du sol constitue un important paramètre dans de nombreuses applications en matière de ressources naturelles, comme la modélisation hydrologique, ainsi que les prévisions des débits et des inondations. Les données des RSO conviennent très bien à l'estimation de l'humidité du sol en raison de la dépendance de la constante diélectrique à l'humidité à ces fréquences. Comme le décrit l'ouvrage de Dobson et coll., pour une condition du sol donnée (rugosité ou texture), on a constaté que la rétrodiffusion radar était linéairement dépendante de l'humidité volumique (Hv ) présente dans les 2 à 5 cm supérieurs du sol avec une corrélation r 0,8 to 0,9 ( = A+Bmv) .
La présence d'une couverture végétale amène la cartographie de l'humidité du sol à un autre niveau de complexité en raison de l'interaction des micro-ondes avec la végétation et le sol. Selon l'abondance de la végétation, ses propriétés diélectriques, sa hauteur et sa géométrie (taille, forme et orientation de ses parties composantes), la sensibilité de la rétrodiffusion des micro-ondes à l'humidité volumique du sol peut être considérablement réduite. On peut améliorer la capacité de cartographier efficacement l'humidité du sol en choisissant judicieusement les paramètres des images, comme l'angle d'incidence, la longueur d'onde et la polarisation.
On collecte souvent des images à angle d'incidence aigu, afin de réduire les contributions de la rugosité du sol à la rétrodiffusion et l'atténuation due à la biomasse au-dessus du sol. La rétrodiffusion est fortement influencée par l'irrégularité de la surface à des angles d'incidence supérieurs à environ 40°. Par conséquent, on recommande de collecter les images à un faible angle d'incidence pour estimer l'humidité du sol.
On a constaté que la bande C en polarisation HH était la plus sensible à l'humidité du sol et la moins sensible à la rugosité de surface en présence d'une faible biomasse. Dans les champs cultivés, à mesure que croît la couverture végétale, des ondes plus longues (p. ex. dans la bande L) sont nécessaires pour faire un suivi de l'humidité du sol pendant la saison de croissance . Dans les zones qui présentent une couverture arbustive ou forestière, seules de longues ondes, comme celles de la bande L ou, mieux encore, de la bande P, peuvent offrir le niveau de pénétration nécessaire à l'estimation de l'humidité du sol. Des données polarimétriques peuvent contribuer à l'estimation de l'humidité du sol en permettant de réduire les effets de l'irrégularité du sol ou de la végétation, ou d'en tenir compte.
9.4.1.2 Dépendance à la polarisation
La capacité d'estimer l'humidité du sol de surface (pour des profondeurs de 0 à 2,5 cm) à l'aide de polarisations et de paramètres polarimétriques divers des données obtenues avec le radar SIR-C a été signalée dans . Les données ont été recueillies sur des surfaces de sols dénudés dans le sud du Manitoba au cours de la période d'avril à octobre 1994. L'évaluation des données polarimétriques était limitée aux données dont les angles d'incidence variaient de 33º à 38º. Les paramètres polarimétriques étudiés comprenaient des polarisations synthétisées, linéaires ou circulaires, la puissance totaler, les rapports de copolarisation et d'orthopolarisation, la hauteur du socle et les différences de phases des canaux copolarisés (tableau 9-1)
Les données acquises à la fois en polarisations HH et VV étaient fortement corrélées avec l'humidité du sol (r = 0,86 - 0,87), alors que celles en polarisation HV étaient plus faiblement corrélées (r = 0,71). Une analyse de régression multiple utilisant diverses combinaisons de polarisations linéaires n'a pas indiqué d'amélioration appréciable dans l'estimation de l'humidité du sol.
Les rapports de copolarisation et d'orthopolarisation ne semblaient pas aussi efficaces pour l'estimation de l'humidité du sol que les données en polarisations HH ou VV, bien qu'ils aient été utilisés avec succès ailleurs pour réduire les impacts de la rugosité du sol et de la végétation pour des données acquises à des angles d'incidence plus petits .
La corrélation entre la différence de phases moyenne des canaux copolarisés (r = -0.35) et l'humidité du sol n'était pas très significative. Ce paramètre est souvent utilisé pour différencier les mécanismes de diffusion, relativement invariants dans ce cas et indicateurs de la diffusion de surface (réflexion simple). Par conséquent, cette faible corrélation n'était pas inattendue.
Les données obtenues avec le radar SIR-C dans le sud du Manitoba indiquent que les données des images acquises avec des polarisations et des paramètres polarimétriques divers présentent une intercorrélation élevée (tableau 9-2). Les rétrodiffusions HH, VV et DG ont indiqué la corrélation la plus élevée avec l'humidité du sol.
Tableau 9-1. Corrélation entre la rétrodiffusion radar et l'humidité du sol de surface (0 à 2,5 cm). [Tiré de ).
Paramètre polarimétrique dans la bande C | Coefficient de corrélation (r) |
---|---|
Résultats de la corrélation linéaire simple | |
Rétrodiffusion HH | 0,86* |
Rétrodiffusion VV | 0,87* |
Rétrodiffusion HV | 0,71* |
Puissance totale | 0,87* |
Rapport de copolarisation (HH/VV) | 0,53* |
Rapport de copolarisation (VV/HV) | -0,79* |
Rapport d'orthopolarisation (HH/HV) | -0,74* |
Hauteur du socle en copolarisation | 0,82* |
Rétrodiffusion DG | 0,88* |
Rétrodiffusion DD | 0,68* |
Différence de phases des canaux copolarisés | -0,35 |
Résultats de corrélations linéaires multiples | |
HH + VV | 0.87* |
HH + HV | 0.86* |
VV + HV | 0.87* |
HH + VV + HV | 0.79* |
* statistiquement significatif à p < 0,05
Tableau 9-2. Corrélations entre les moyennes de rétrodiffusion enregistrées pour chaque polarisation linéaire et circulaire sur des champs dénudés. (Tiré de ).
HH | VV | HV | Hauteur du socle | RL | |
---|---|---|---|---|---|
VV | 0,99* | ||||
HV | 0,86 | 0,86 | |||
Hauteur du socle | 0,94 | 0,92 | 0,94 | ||
RL | 0,98 | 0,98 | 0,85 | 0,91 | |
RR | 0,73 | 0,77 | 0,90 | 0,76 | 0,78 |
* coefficients de corrélation (r)
La figure 9-13 présente des exemples de signatures de copolarisation pour la rétrodiffusion des sols humides et secs. On a constaté que, pour des sols humides, où la pénétration dans le sol est faible, l'intensité est plus élevée en VV et la hauteur du socle est faible (0,2), indiquant une surface lisse où la diffusion de surface prédomine. Pour des sols plus secs, on n'obtient plus de maximum en VV, bien que la hauteur du socle demeure à 0,2, indiquant une surface lisse. Une pénétration accrue des micro-ondes dans le sol, dans des conditions de sécheresse, explique la similitude des réponses en polarisations HH et VV.
Figure 9-31. Signatures de copolarisation provenant de données obtenues avec le radar SIR-C pour, a) sols humides (30,5 % d'humidité, rugosité de la surface [moyenne quadratique] 17,4 mm) et b) sol sec (17,7 % d'humidité, rugosité de la surface [moyenne quadratique] 13,2 mm). [Tiré de ).
Cartographie de la couverture neigeuse
9.4.2.1 Introduction
L'estimation de la couverture neigeuse et des propriétés de la neige revêt de l'importance en tant qu'intrant pour des applications hydrologiques telles que la modélisation et la prévision du ruissellement dû à la fonte de la neige, ainsi que pour comprendre les changements des régimes climatiques locaux et régionaux. Les paramètres typiques de la neige, dérivés des données radar, comprennent l'étendue de la couverture neigeuse, l'équivalent en eau de la neige (EEN) et l'état de la neige (humide ou sèche).
La réponse de rétrodiffusion d'une surface enneigée est fonction de nombreux facteurs interreliés, notamment les propriétés diélectriques, la température, la densité, l'âge et la structure de la neige. La rétrodiffusion obtenue d'une surface enneigée comprend des contributions de la diffusion de surface à l'interface air neige, la diffusion dans le volume de la couche de neige et la diffusion à l'interface neige-sol. Les propriétés de la neige déterminent dans quelle mesure la rétrodiffusion est fonction de la diffusion de surface ou de la diffusion dans le volume. Lorsqu'un couvert nival est sec (à une température inférieure à 0°C), les micro-ondes le pénètrent facilement (figure 9-32) et la rétrodiffusion est largement fonction de l'épaisseur et de la densité de la neige.
= Profondeur de pénétration (m) mv = Contenu volumétrique en eau à l'état liquide (pourcentage)
Figure 9-32. Profondeur de pénétration dans la neige, selon le contenu en eau à l'état liquide et la fréquence des micro-ondes. (Tiré de ).
Selon la fréquence des micro-ondes et l'épaisseur de la neige, la rétrodiffusion provenant d'un couvert nival sec peut être largement fonction des caractéristiques de la surface du sol sous-jacente en raison de la transparence relative de la neige sèche aux micro-ondes.
Dans la bande C, la neige humide est absorbante tandis que la neige sèche est transparente, rendant difficile l'estimation de l'EEN. La polarimétrie peut s'avérer utile en fournissant une information supplémentaire sur le couvert nival et, aussi, améliorer l'estimation de l'EEN.
9.4.2.2 Signatures polarimétriques
Une étude [] a utilisé le C-RSO à bord du Convair 580 d'Environnement Canada pour analyser les propriétés polarimétriques d'un couvert nival. La figure 9-33 présente des profils de puits de neige mesurés à quatre moments au cours des hivers 1997 1998 et 1998 1999. La figure 9-34 représente des signatures de copolarisation dérivées des données du C-RSO pour ces sites, pour quatre dates précises. On peut constater que, lorsque la neige était humide, le 6 mars, la signature indiquait une surface lisse (hauteur du socle = 0,2) avec peu de dépendance à la polarisation.
Figure 9-33. Profils des puits de neige pour 4 dates précises (tiré de ).
La signature polarimétrique pour une neige sèche (1er décembre 1997) est caractérisée par une hauteur de socle supérieure (0,4), due à une pénétration jusqu'à la surface du sol, lequel est plus rugueux. Dans ce cas, la pointe en polarisation VV indique une diffusion de surface. À mesure que le couvert nival se développe et que des couches horizontales de glace se forment à l'intérieur, la signature polarimétrique change (comme on l'a observé le 12 mars 1998). La surface apparaît plus rugueuse avec une hauteur du socle de 0,6. Une rétrodiffusion importante se produit en polarisations HH et VV. La signature polarimétrique est considérablement différente le 9 mars 1999, alors qu'on observe une rétrodiffusion importante en polarisation HH, mais beaucoup moins significative en polarisation VV.
Ces exemples démontrent que les signatures polarimétriques permettent d'extraire plus d'information de l'imagerie du couvert nival. Il n'apparaît pas encore clairement comment cela pourrait améliorer l'estimation de l'EEN.
|
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= Normalisé V = Angle d'orientation X = Angle d'ellipticité |
Figure 9-34. Représentations graphiques de la copolarisation dans la bande C pour des couverts nivaux choisis, dérivés de données acquises par le C-RSO à bord du Convair 580 d'Environnement Canada. (Tiré de ).
Question : Comment la multipolarisation peut-elle faciliter la cartographie des terres humides?
Réponse : Habituellement, les terres humides renferment des plantes à structure verticale comme des joncs et des laiches que l'on peut distinguer à l'aide d'une combinaison de réponses VV et HH. L'orthopolarisation peut également faciliter la distinction entre des cibles aquatiques et des cibles végétales, particulièrement s'il ventait lors de la collecte des données.
Cartographie des zones d'inondation et des terres humides
9.4.3.1 Introduction
L'imagerie RSO s'est avérée très utile pour la cartographie des inondations et la classification de la végétation des terres humides. Les faibles échos des étendues d'eau produisent, sur les images, des zones foncées qui contrastent avec les zones plus claires du sol et des zones végétalisées inondées, ce qui permet d'identifier des zones inondées dépourvues de végétation. Ainsi, il devient possible de déterminer l'étendue de l'inondation, bien que des problèmes puissent survenir lorsqu'on tente de cartographier des zones végétalisées inondées. En outre, la végétation des terres humides présente une variété de formes, de tailles et de répartitions, qui peuvent servir à discriminer entre des types de végétation. L'utilisation de données RSO multidates s'est montrée utile pour la classification des terres humides en raison des changements saisonniers dans la végétation et les niveaux d'eau qui influencent la rétrodiffusion des micro-ondes. Les données RSO polarimétriques peuvent être utilisées pour améliorer l'extraction d'information pour ces applications.
9.4.3.2 Zones inondées
Le saviez-vous?
Les terres humides constituent une composante clé de l'écosystème pour la conservation à la fois de la qualité de l'eau et de sa quantité. En outre, elles représentent des aires de reproduction de premier ordre et sont, par conséquent, des composantes essentielles au maintien de la santé des écosystèmes.
Les figures 9-35 à 9-37 présentent diverses images de l'inondation de la rivière Rouge en 1994, prises en bande C par le radar SIR-C. On constate une amélioration appréciable de la cartographie des zones inondées en utilisant l'image HV du 11 avril relativement à l'image VV, où la plus grande partie de la zone inondée est délimitée et, à l'image VV, où l'identification de la zone inondée est difficile. Le 12 avril, il y a peu de différence entre les images pour des polarisations différentes. Le 16 avril, les images HH et HV sont très similaires. Les variations relatives entre les images en polarisations linéaires différentes démontrent l'importance d'utiliser une imagerie en polarisations diverses pour la cartographie des zones d'inondation.
Figure 9-35. Images polarisées linéairement de la rivière Rouge au Manitoba, acquises en bande C par le radar SIR-C, le 11 avril 1994. (Tiré de ).
Figure 9-36. Images polarisées linéairement de la rivière Rouge au Manitoba, acquises en bande C par le radar SIR-C, le 12 avril 1994. (Tiré de ).
Figure 9-37. Images polarisées linéairement de la rivière Rouge au Manitoba, acquises en bande C par le radar SIR-C, le 16 avril 1994. (Tiré de ).
9.4.3.3 Terres humides
On a constaté que l'utilisation d'une imagerie en polarisations multiples permettait d'améliorer la classification des terres humides relativement à l'utilisation de données de radars monocanaux. Il est possible de confondre deux classes dans des images d'une polarisation particulière, alors qu'on peut les distinguer dans des images en polarisations différentes. C'est particulièrement vrai des terres humides où se trouve un mélange de plantes verticales telles que des laiches, des joncs et des herbes, parmi lesquels s'intercalent des arbustes et des arbres, dont les composantes végétales ont une répartition plus aléatoire.
La figure 9-38 présente un exemple d'une image C-RSO d'une région de la vallée du fleuve Saint-Laurent, illustrant la classification de plusieurs terres humides.
A = Marais
B = Marais boisé
C = Marécage arbustif / herbacé
D = Marais / marécage arbustif
E = Tourbière boisée
Figure 9-38. Image composite en fausses couleurs, acquise à l'aide du radar C-RSO le 1er septembre 1997, illustrant diverses classes de terres humides le long du fleuve Saint-Laurent, en Ontario : rouge : HH; vert : HV; bleu : VV. Avec la permission du CCT.
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