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S’adapter au changement climatique: l’histoire des insectes envahissants dans les forêts canadiennes

Qu’est-ce qu’une espèce envahissante?

Les espèces exotiques sont celles qui se sont établies en dehors de leur aire de répartition historique et naturelle. Ces espèces sont souvent introduites par les humains ou se propagent d’elles-mêmes. La plupart des espèces exotiques sont peu nuisibles ou peuvent être bénéfiques. Lorsqu’elles causent des dommages à notre environnement, à l’économie ou à la société, elles sont appelées espèces exotiques envahissantes, souvent abrégées en « espèces envahissantes ».

Les espèces envahissantes, une histoire familière

L’histoire est désormais bien connue : les communautés remarquent que les arbres meurent, des experts sont déployés pour en déterminer la raison; la réponse est un insecte et un insecte que personne n’a vu auparavant. Ensuite, d’autres experts sont consultés et déterminent que l’espèce n’est pas indigène au Canada. L’insecte va continuer à détruire des millions d’arbres tandis que les scientifiques et les aménagistes forestiers sont chargés de trouver des moyens de répondre à cet impact. Cela pourrait être l’histoire de l’agrile du frêne, du longicorne asiatique ou de la spongieuse. Mais c’est aussi l’histoire du diprion européen de l’épinette, qui n’est pas très connu.

Portrait d’un envahisseur

Nom : Diprion européen de l’épinette

Situation : Espèce exotique envahissante

Se nourrit de : Épinette noire, épinette de Norvège et épinette blanche

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Une carte montrant que la le diprion européententhrède européenne de l’épinettecéa  est une espèce envahissante venue d’Europe, et où et quand les premières occurrences ont été trouvées au Canada. L’espèce a été trouvée pour la première fois en à GaspéGaspésie (Québec) en 1930, puis dans lesaux endroits et années suivantessuivants : Nouveau-Brunswick (1933), lac TémiscamingueTémiscamingue (Ontario / Québec) (1935), Île-du-Prince-Édouard et Nouvelle-Écosse (1937), Terre-Neuve (1941), Sault Ste. Marie (Ontario) (1947), Fort Frances (Ontario) (1950) et Manitoba (1969).

Réponse des autorités canadiennes au diprion européen de l’épinette

Création du relevé sur les insectes forestiers. L’introduction de cet insecte au Canada a suscité une inquiétude généralisée, car on craignait que les épinettes ne soient plus une composante importante de nos forêts, surtout au Québec et en Ontario. Cela a conduit à la création d’un relevé national sur les insectes et les maladies afin de déterminer l’étendue et la sévérité des principaux ravageurs forestiers au Canada. Ces relevés sont maintenant effectués par les agences provinciales de santé des forêts. Les informations qu’ils rapportent permettent d’orienter la réponse aux ravageurs envahissants et indigènes, et de documenter la propagation et l’impact des espèces envahissantes.

Création de divisions du Service canadien des forêts qui persistent à ce jour. Le laboratoire qui est maintenant connu sous le nom de Centre de foresterie de l’Atlantique à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a commencé comme une petite station de recherche pour lutter contre le diprion européen de l’épinette et d’autres parasites forestiers. Aujourd’hui, il existe six laboratoires fédéraux de recherche forestière au Canada, qui ont tous un volet dédié aux ravageurs forestiers.

Utilisation du biocontrôle pour réduire les impacts d’une espèce envahissante. Plusieurs insectes parasites et une maladie virale provenant du domaine vital du diprion en Europe ont été introduits au Canada comme agents de biocontrôle dans les années 1900. La population de diprions au Canada reste aujourd’hui à des niveaux faibles, causant peu de défoliation et des impacts minimes sur la forêt. Ces travaux ont fait du Canada un chef de file dans le domaine de la lutte biologique forestière dans les années 1950, 1960 et 1970 et continuent d’éclairer la façon dont le Canada réagit aux nouveaux envahisseurs comme l’agrile du frêne et le puceron lanigère de la pruche.

Le changement climatique est un complice majeur des espèces envahissantes

Dans un contexte de changement climatique, la réponse aux invasions s’avère plus difficile. Le Canada sait qu’il est menacé par des invasions en provenance d’endroits au climat similaire, mais le changement climatique modifie les règles du jeu. Par exemple, le changement climatique peut rendre certaines régions du Canada plus chaudes et plus propices à l’établissement d’espèces qui ne pouvaient auparavant s’y établir en raison de températures plus fraîches. Plusieurs insectes envahissants, comme la spongieuse, sont en effet contrôlés par des maladies qui peuvent être moins efficaces dans des conditions chaudes et sèches. Les hivers plus chauds signifient également une plus grande survie des œufs qui déclenchent les épidémies chaque printemps.

De nombreuses espèces envahissantes se portent déjà bien au Canada à cause de l’absence de certains de leurs prédateurs et maladies qui les contrôlent dans leur aire de répartition naturelle. Cependant, le changement climatique exerce une pression sur les arbres et les forêts, les rendant plus sensibles aux attaques et moins aptes à réagir. Les arbres des zones urbaines sont particulièrement touchés par la sécheresse, ce qui les rend plus sensibles aux insectes tels que l’agrile du frêne et la petite mineuse du bouleau. Lorsque les arbres et les forêts sont stressés, ils sont également moins à même de se défendre contre des maladies comme le flétrissement du chêne et la maladie corticale du hêtre.

L’un des effets prévus des changements climatiques est la modification des schémas de circulation à l’échelle planétaire, qui peut se traduire par un temps plus imprévisible et des phénomènes météorologiques extrêmes. L’un de ces effets est le changement de l’emplacement, de la fréquence ou de l’intensité des événements de vortex polaire, où l’air froid arctique descend dans le sud du Canada. Ces événements peuvent entraîner une mortalité importante chez les insectes hivernants comme l’agrile du frêne et le puceron lanigère de la pruche. Les changements climatiques peuvent donc rendre les impacts de ces espèces envahissantes établies plus difficiles à prévoir.

Portrait d’un envahisseur

Nom : Dendroctone méridional du pin

Situation : Espèce indigène qui étend son aire de répartition vers le Canada

Se nourrit de : Pins

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Le Canada a déjà connu une expansion de l’aire de répartition du dendroctone du pin ponderosa à travers les Rocheuses et dans la forêt boréale. Cette situation est en partie due à des hivers doux successifs qui ont entraîné une augmentation des populations de dendroctones en Colombie-Britannique, lesquelles ont ensuite franchi les Rocheuses pour atteindre le nord de l’Alberta. Aux Etats-Unis, le réchauffement climatique a permis à un parent du dendroctone du pin ponderosa, le dendroctone méridional du pin, d’étendre son aire de répartition au New Jersey et à New York. Cette espèce pourrait éventuellement menacer les forêts de pins du sud du Canada au Québec et en Ontario.

Portrait d’un envahisseur

Nom : Spongieuse

Situation : Espèce exotique envahissante

Se nourrit de : Espèces de feuillus, y compris les chênes et les érables, mais aussi sur les conifères

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La spongieuse a étendu son aire de répartition au Canada dans les années 1960 à partir des États-Unis, où elle a été introduite en 1869. Le changement climatique va modifier la façon dont cette espèce affecte nos forêts. Le champignon qui permet de lutter contre cet insecte sera moins efficace si le temps est chaud et sec au printemps et en été. Des températures hivernales plus chaudes peuvent entraîner une augmentation de la survie des œufs, mais il pourrait y avoir plus de mortalité des œufs si la profondeur de la neige est réduite (manque d’isolation). Certains de ces effets peuvent déjà être observés. Par exemple, l’Ontario a connu sa plus grande épidémie de spongieuse en 2021, lorsque l’insecte a défolié une zone de la taille du lac Ontario.

La forêt évolue, tout comme notre façon de gérer les espèces envahissantes

Pour nous adapter aux espèces envahissantes, nous devrons comprendre quelles sont les espèces susceptibles d’arriver, comment la capacité des arbres à réagir sera affectée et comment l’aménagement forestier peut atténuer ces impacts. La meilleure façon de sauver les arbres est d’empêcher les espèces envahissantes d’arriver en premier lieu. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) inspectent les importations pour intercepter les envahisseurs à la frontière. Si une espèce exotique franchit la frontière, l’ACIA et les provinces mènent des enquêtes annuelles pour détecter, identifier et cartographier les envahisseurs. L’ACIA peut également interdire aux gens de déplacer du matériel infesté ou l’espèce envahissante elle-même hors des zones infestées. Une fois infestés, les arbres peuvent être coupés et détruits, ou traités avec un pesticide pour lutter contre l’espèce envahissante.

La diversification de la forêt urbaine peut contribuer à atténuer les effets des changements climatiques et des espèces envahissantes en réduisant le nombre d’arbres vulnérables à une espèce envahissante particulière. Après la dévastation de l’agrile du frêne, de nombreuses collectivités de l’est du Canada ont replanté des forêts urbaines plus diversifiées et ont incorporé des espèces indigènes. Cela devrait contribuer à protéger ces forêts de l’impact de la prochaine espèce envahissante. D’un autre côté, l’adaptation aux impacts des espèces envahissantes est plus difficile en forêt naturelle et aménagée. Les récentes invasions du puceron lanigère de la pruche en Nouvelle-Écosse et en Ontario ont conduit à l’examen de l’éclaircissement (enlever certains arbres pour que d’autres puissent mieux pousser) comme tactique de gestion de ce ravageur au Canada.

S’adapter au double impact du changement climatique et des espèces envahissantes sera un défi et nous ne pouvons que deviner quels seront certains de ces impacts. Cependant, les efforts continus pour détecter les nouvelles espèces envahissantes et la vigilance pour empêcher leur introduction et leur déplacement aideront à protéger les forêts canadiennes, tout comme les efforts pour comprendre ces impacts et développer de nouvelles tactiques pour les prévenir. Nous gérons les espèces envahissantes dans nos forêts depuis plus de 100 ans; chaque nouvelle invasion nous apprend quelque chose de nouveau et nous permet de mieux nous adapter à l’avenir.

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