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Découvrez nos forêts expérimentales : un héritage de laboratoires vivants 

En près d’un siècle, les forêts expérimentales du Canada, qui avaient au départ leurs racines dans la foresterie commerciale, se sont ramifiées dans la science pour devenir des centres dynamiques d’exploration scientifique permettant de répondre à certaines des questions les plus cruciales de notre époque.

Au début du XXe siècle, les jeunes hommes engagés par le gouvernement fédéral pour planter des semis étaient vraisemblablement au service des compagnies forestières, mais leur travail a préparé le terrain à nos forêts expérimentales actuelles, laboratoires vivants aujourd’hui essentiels à une foule d’études scientifiques. En ce moment, les sciences forestières sont plus diversifiées que jamais.

Quatre hommes avec des outils travaillant dans la forêt. Plan large de grands pins dans une forêt.
Des étudiants aménagent une parcelle-échantillon permanente dans la Forêt expérimentale Acadia vers 1930. Aujourd'hui, le Canada compte près de 20 000 hectares de forêts de recherche.

Les écologistes et les botanistes mesurent la croissance des arbres, analysent la santé des sols et étudient les cycles des nutriments. Armés de drones et de satellites, les spécialistes des sciences physiques surveillent la hauteur des arbres, la biomasse aérienne et le carbone. D’autres scientifiques étudient les effets des changements climatiques sur les forêts et mesurent les niveaux de dioxyde de carbone dans des parcelles de recherche. Il s’effectue aussi de la recherche sur la phytogénétique, le reboisement et de nouvelles méthodes pour combattre les ravageurs, tant indigènes qu’exotiques.  

Bienvenue dans le monde en perpétuelle évolution des sciences forestières, où les forêts expérimentales du Canada sont à l’avant-garde de la découverte et de l’innovation. 

Des racines profondes et des branches hautes 

Ressources naturelles Canada (RNCan), par l’entremise du Service canadien des forêts (SCF), administre deux grandes forêts expérimentales : la Forêt expérimentale Acadia (FEA), au Nouveau-Brunswick (9 000 hectares de forêt mixte), et la Forêt expérimentale de Petawawa (FEP), en Ontario, qui couvre 10 000 hectares de forêt, de lacs et de milieux humides et plus de 2 000 parcelles de recherche. À première vue, une forêt expérimentale ressemble à n’importe quel coin de nature sauvage tranquille, où les racines sont profondes et les branches hautes, mais c’est en réalité un pôle scientifique grouillant d’activité.  

« De par son mandat, le SCF est appelé à répondre à des questions primordiales pour l’industrie, l’État et le public, et nos forêts expérimentales l’y aident énormément », explique Bernard Daigle, spécialiste du transfert des connaissances au Centre de foresterie de l’Atlantique qui gère la FEA. En 39 ans à l’emploi du Centre, Bernard a assisté en direct à l’évolution de la recherche forestière.

« On se concentre sur le plus important, en tâchant de trouver des réponses qui aident les responsables des politiques à prendre des décisions éclairées fondées sur la science. » 
D’une forêt expérimentale à l’autre, les centres d’intérêt peuvent varier un peu, mais dans chacune on s’attaque à des questions cruciales, qui ont une portée concrète dans le monde réel. 

Forêts et changements climatiques au Canada 

Prenons par exemple la FEP, que supervise le Centre canadien sur la fibre de bois de RNCan. Établie en 1918, c’est la forêt expérimentale canadienne qui est exploitée sans interruption depuis le plus longtemps. On y trouve certaines des parcelles d’échantillonnage permanentes les plus anciennes au pays. « Nous avons à Petawawa des milliers de parcelles de recherche et de nombreux essais de sylviculture », lance Trevor Jones, chercheur scientifique. La sylviculture, c’est-à-dire la culture et la gestion des arbres et des forêts, est au cœur du travail de la FEP.  

Semis de pin rouge dans une boîte, prêts à être plantés.
Semis de pin rouge prêts à planter.

Dans une expérience en cours à la FEP, on cherche à voir comment une sylviculture climato-compatible peut aider à adapter la foresterie à l’évolution du climat, surtout dans les régions plus chaudes et plus sèches. L’équipe a récolté les arbres dans plusieurs secteurs de la FEP et planté différentes espèces de pins et de chênes, dont certaines venaient de climats plus chauds et plus secs, afin de voir comment ces arbres se comporteraient dans un milieu plus frais. Trevor et son équipe peuvent mesurer les semis dès cette année, mais leur étude s’inscrit dans la durée : elle doit s’étendre sur 20 à 30 ans, ce qui permettra aux scientifiques d’observer les cycles de vie des arbres. Les chercheurs surveilleront et mesureront les taux de croissance et de survie des semis tous les ans ou tous les deux ans.

Un homme accroupi à côté d'une petite souche, un outil de mesure à la main. Un semis planté à l'aide d'une pelle.
À gauche : Mike Hoepting, spécialiste de la recherche en sylviculture, récupère les données sur l’humidité du sol collectées par un enregistreur de données de terrain installé dans une parcelle de recherche à long terme. À droite : Un semis de pin rigide planté dans le traitement de transition. Ce semis a été cultivé en serre à partir de semences provenant de l’Est ontarien. C’est un exemple de migration assistée.

De toute évidence, le but ici n’est pas simplement d’assurer la durabilité de la récolte forestière ni de comprendre comment améliorer les arbres ou produire le meilleur bois d’œuvre. « Il s’agit plutôt de comprendre toute l’enveloppe, ou les limites écologiques, des espèces d’arbres et des populations d’animaux, de la végétation de sous-bois et de tous les aspects du réseau biologique, ainsi que les incidences des changements climatiques sur tous ces éléments », explique Adam Dick, directeur des opérations stratégiques du SCF, qui travaille dans les deux forêts expérimentales.  

La valeur du travail de longue haleine 

Établie en 1933, la FEA a été le théâtre de quelques-unes des plus anciennes études de recherche forestière dont on ait gardé la trace. Fait remarquable, des expériences sur les semis commencées en 1923 et toujours en cours demeurent aujourd’hui encore des sources d’informations pertinentes pour les scientifiques.  

Quand Adam est entré au SCF en tant que scientifique et chef de projet de recherche forestière en 2018, l’un de ses premiers objectifs a été d’établir une base de parcelles d’inventaire forestier à Acadia. « Ainsi, chaque fois que quelqu’un cherche une réponse à une question scientifique, nous avons en main la réalité de terrain », explique-t-il, désignant par là des données ou des connaissances jugées exactes, vérifiées et observées directement dans le monde réel. La FEA met donc en vitrine la science à l’œuvre, ce qui ouvre de formidables possibilités d’échange de connaissances, de transfert de technologies et de collaboration.  

Aujourd’hui, on dénombre plus de 360 parcelles d’inventaire terrestre. « Elles contiennent une foule de données, mentionne Adam. Elles sont essentiellement préfabriquées pour les chercheurs qui veulent étudier des questions précises. On peut commencer à trouver des réponses ici, tout de suite, puis ajouter d’autres données pour répondre à des questions précises. »  

Un aspect particulièrement intriguant de la FEA est sa contribution inattendue à la recherche sur le climat. Beaucoup de peuplements anciens, qui au départ n’étaient pas destinés à des expériences sur le climat, sont au fil du temps devenus essentiels à la recherche sur les changements climatiques. Par exemple, dans les années 1960 et 1970, on a planté de nombreux semis d’épinettes noires – chacun d’entre eux étiqueté. Aujourd’hui, il y en a des rangées et des rangées provenant de semences récoltées un peu partout, de Terre-Neuve jusqu’en Alaska – prêtes à utiliser dans de nouvelles recherches.  

« On peut voir comment notre climat a changé et comment ces espèces se sont adaptées à l’évolution des conditions à Fredericton, précise Adam. Parce que ces parcelles ont été méticuleusement entretenues et que quelqu’un a eu la bonne idée de les créer pour répondre à d’autres questions, nous pouvons encore en tirer des informations pertinentes pour nos défis actuels. » 

C’est assurément le cas de la chercheuse scientifique au SCF, Funda Ogut, qui travaille dans le fascinant domaine de la génétique quantitative et de la génomique. Ses travaux de recherche sont axés sur la prédiction de la valeur génétique de chaque arbre en matière de croissance et d’adaptabilité, en utilisant les données des marqueurs moléculaires et la sélection génomique. L’un de ses principaux objectifs est de combiner des outils avancés de génotypage et de phénotypage afin d’accélérer l’amélioration des arbres et ainsi d’intervenir plus rapidement face aux changements climatiques.

Une partie importante de son travail consiste à étudier la manière dont les arbres réagissent aux différents facteurs de stress climatique. C’est là que les essais génétiques et de provenance de la FEA — mis en place avant même que Funda ne soit née — jouent un rôle essentiel. « Les essais génétiques sur le terrain sont comme des archives ou des bibliothèques vivantes », dit-elle. « De plus, selon les lacunes en matière de connaissances, nous pouvons les réexaminer ». Ces forêts lui permettent d’évaluer des arbres de tous âges en fonction de différents critères de croissance et d’adaptation sur différents sites expérimentaux. Ces essais l’aident à comprendre de quelle manière la variance génétique influence le phénotype des arbres, comment les différents génotypes interagissent avec leur environnement dans le contexte du « bon arbre au bon endroit ». Cela aidera les généticiens forestiers à prendre des décisions éclairées lors de la sélection des populations.

L'analyse des anneaux de croissance à partir de carottes de bois prélevées sur des arbres adultes peut être utilisée pour déterminer comment les réactions de croissance des arbres sont liées à des événements climatiques extrêmes tels que la sécheresse et le gel dans des conditions réelles.  

Cette information pourrait contribuer à accélérer les programmes d’amélioration génétique et la sélection des variétés d’arbres les plus résilientes. Rien de tout cela ne serait possible sans ces précieuses parcelles de recherche à long terme.  

Un avenir enraciné dans le passé 

Tant qu’il y aura des forêts et des arbres, les sciences forestières continueront d’évoluer. Tout comme les planteurs d’arbres du début du siècle dernier n’auraient jamais pu prédire les problèmes que nous vivons aujourd’hui, il nous est impossible de prévoir quels seront au juste ceux du prochain siècle. « Face aux changements climatiques et aux impacts qu’ils peuvent avoir sur nos écosystèmes, je pense que cet héritage de connaissances s’avère plus précieux que jamais », explique Adam. Et compte tenu de leur valeur inaltérable, les forêts expérimentales continueront d’offrir aux scientifiques un endroit sûr où effectuer leurs recherches. 

Si vous souhaitez être au fait des dernières recherches forestières réalisées au SCF, cliquez sur les liens suivants. 

À découvrir

Forêts expérimentales nationales

Rapport annuel sur l’état des forêts au Canada 

Aider les forêts à s’adapter au changement climatique (vidéo de La science simplifiée

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