Petits réacteurs modulaires – l’avenir de l’énergie nucléaire
Notre pays est un innovateur, un pionnier dans le domaine de l’énergie nucléaire. Et ça remonte au début des années 50, quand on a inventé le célèbre réacteur CANDU. Encore une fois, 70 plus tard, le Canada sonne la charge. Dans cet épisode, nous allons parler de l’avenir de l’énergie nucléaire, c’est-à-dire les petits réacteurs modulaires.
Transcription
Joël Houle
Vous serez peut-être étonnés d’apprendre que 15 % de l’électricité canadienne vient du nucléaire. Notre pays est un innovateur, un pionnier dans le domaine de l’énergie nucléaire. Et ça remonte au début des années 50, quand on a inventé le célèbre réacteur CANDU. Au fil des ans, le Canada a produit près de 50 réacteurs CANDU, dont 34 pour d’autres pays. Aujourd’hui, 70 ans après la création du premier CANDU, on voit un regain d’intérêt pour le nucléaire comme source d’énergie de remplacement. Mais les choses ont bien changé depuis les années 50. Maintenant, les scientifiques, les chercheurs et les ingénieurs voient petit. Et encore une fois, le Canada sonne la charge. Dans cet épisode, nous allons parler de l’avenir de l’énergie nucléaire, c’est-à-dire les petits réacteurs modulaires…
Bienvenue à un nouvel épisode de La science simplifiée! Je suis votre animateur, Joël Houle. Aujourd’hui, nous allons parler d’une nouvelle technologie qui fait surface dans l’industrie de l’énergie nucléaire. Sans plus tarder, accueillons notre spécialiste.
Joël Houle
Notre invitée d’aujourd’hui a été l’une de nos premières invitées lorsqu’on a créé notre balado il y a quelques années. À sa dernière visite, nous avons parlé de l’énergie nucléaire d’une façon plus générale. Aujourd’hui, nous allons parler des petits réacteurs modulaires. C’est avec plaisir que nous accueillons de nouveau Diane Cameron, de la Division de l’énergie nucléaire de Ressources naturelles Canada. Diane, ça va bien?
Diane Cameron
Ça va très bien! Merci pour l’invitation.
Joël Houle
Merci de revenir nous voir! Avant d’entrer dans les détails, pourrais-tu nous donner un bref aperçu de l’énergie nucléaire au Canada?
Diane Cameron
Bien sûr. Le Canada a une longue et très fière histoire de leadership en matière d’énergie nucléaire. En fait, nous étions le deuxième pays à produire de l’énergie nucléaire après les États-Unis, et le premier pays au monde doté de capacités nucléaires. Mais nous avons aussi décidé de ne pas l’utiliser pour faire des armes nucléaires. Et nous avons utilisé cette expertise pour développer un secteur de renommée mondiale. Nous sommes le deuxième plus grand fournisseur d’uranium au monde. Et aujourd’hui, nous fournissons 40 % du volume mondial de cobalt 60 qui est utilisé pour stériliser les fournitures médicales et traiter le cancer. Nous sommes l’un des huit pays qui a développé sa propre technologie de réacteurs nucléaires, notre CANDU. On a près de 50 ans d’expérience commerciale. L’énergie nucléaire est la deuxième plus grande source d’électricité non émettrice au Canada.
Diane Cameron
Elle assurait 15 % de la production d’électricité du pays, 33 % de celle du Nouveau-Brunswick et près de 65 % de celle de l’Ontario. Compte tenu d’un investissement de plus de 26 milliards de dollars dans la remise à neuf de réacteurs CANDU en Ontario, l’énergie nucléaire demeurera l’une des principales sources d’énergie propre et fiable au Canada pendant encore de nombreuses décennies et continuera de déplacer au moins 30 millions de tonnes par année de dioxyde de carbone, ou 4 % des émissions canadiennes attendues en 2030. Alors c’est un secteur très important pour l’économie, pour l’électricité et l’énergie au Canada, pour l’environnement et pour nos buts vis-à-vis du changement climatique.
Joël Houle
Il y a présentement un mouvement dans l’industrie qui soutient que les petits réacteurs modulaires – ou PRM – sont l’avenir de l’énergie nucléaire. Peux-tu nous expliquer ce qu’est un petit réacteur modulaire?
Diane Cameron
Oui, et c’est très intéressant. Les petits réacteurs modulaires forment une catégorie de réacteurs nucléaires de plus petite dimension, d’une moins grande puissance énergétique, construit à plus faibles coûts et comportant des caractéristiques de sécurité améliorées. La capacité électrique des PRM varie, pouvant aller de 3 mégawatts électriques par module pour les micro-réacteurs modulaires, convenant mieux aux applications éloignées ou industrielles, jusqu’à 300 mégawatts électriques pour les réacteurs raccordés au réseau électrique. Cette technologie au Canada est très prometteuse, avec des applications dans la production de chaleur et d’électricité aux sites industriels connectés au réseau et hors réseau pour aider les communautés ou collectivités du Nord et éloignées en réseau à réduire leur dépendance à l’égard du diesel. Les PRM vont peut-être être une option pour ces contextes-là. Et les PRM pourraient également être intégrés à des systèmes énergétiques hybrides afin d’offrir un meilleur suivi de charge pour favoriser l’intégration de plus d’énergies renouvelables intermittentes, disons le vent et le solaire, et faciliter la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.
Joël Houle
Quelle est la force directrice de cette nouvelle technologie?
Diane Cameron
Très bonne question. Alors que le monde lutte contre les changements climatiques, l’énergie nucléaire se situe déjà au premier plan de notre intervention et les PRM sont prêts à fournir la prochaine vague d’énergie propre, abordable, sûre et fiable. Alors au moins, c’est ce qu’on espère et ce sur on quoi travaille pour réussir. L’énergie nucléaire déplace déjà annuellement plus de 50 millions de tonnes métriques d’émissions de dioxyde de carbone au Canada. Cela équivaut à presque 7 % des émissions nationales de GES au Canada, ou à la suppression de 10 millions de véhicules chaque année. On doit inclure le nucléaire dans la conversation sur le changement climatique pour cette raison. Ça représente une grande partie de notre stratégie et de nos plans pour atteindre nos buts. En fait, l’Agence internationale de l’énergie a dit que si nous essayons d’atteindre nos cibles sans nucléaire, il y aura un plus grand risque qu’on n’y arrivera pas. Et même si on y arrive, il faudra dépenser 1,6 mille milliards de dollars de plus. Un point d’une importance si l’on songe que le Canada s’est engagé non seulement à dépasser les objectifs qu’il s’est fixé pour 2030 en vertu de l’Accord de Paris, mais aussi à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Alors on comprend bien l’importance de l’énergie nucléaire dans l’atteinte de nos cibles en matière de changements climatiques. Bien entendu, le plus grand potentiel nucléaire réside dans les petits réacteurs modulaires, ou PRM pour produire de l’électricité. Pour procéder à l’extraction de ressources dans les régions éloignées. Pour désaliniser l’eau. Pour remplacer le charbon. Et pour offrir une solution de rechange propre comme source d’éclairage et de chaleur dans les collectivités rurales et éloignées. Le Canada est parfaitement placé pour se tailler une place parmi les chefs de file dans le domaine des PRM.
Joël Houle
Lorsqu’on parle d’énergie nucléaire, il y a souvent des préjugés disons quand on parle de sûreté. Est-ce que ces PRM sont sûrs?
Diane Cameron
Oui alors, c’est une très bonne question. Une question que le public, que les Canadiens ont souvent. C’est l’une des priorités bien sûr. Les PRM offrent des caractéristiques améliorées de sûreté et de sécurité, y compris des mesures de sûreté passives qui permettent à l’unité de s’éteindre naturellement en cas d’urgence. Ce qu’on trouve très intéressant avec les nouvelles innovations de PRM. Les PRM relèvent de lois et de règlements tenant compte du risque pour assurer la sûreté et la sécurité des Canadiens. Et la sécurité est un élément requis du processus de délivrance de permis de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) pour exploiter un PRM. La CCSN est reconnue comme l’un des meilleurs organismes de réglementation au monde et elle est souvent assujettie à des évaluations par les pairs. Le public n’a subi aucun tort depuis l’exploitation des centrales nucléaires au Canada. Ça fait plus de 60 ans. Et alors que nous poursuivons nos efforts en matière d’innovation technologique et de réacteurs avancés, nous devons aussi penser aux importants engagements et aux mesures qui visent à protéger la santé et la sécurité des Canadiens, et l’environnement. La priorité pour le gouvernement du Canada. Alors, quand on considère les PRM, pour nous, la priorité, c’est premièrement la sécurité et la santé des Canadiens et de l’environnement, et ce qu’on aime beaucoup, avec beaucoup des nouvelles innovations de PRM, c’est la priorité accordée aux caractéristiques améliorées de sûreté et de sécurité.
Joël Houle
Tu as mentionné l’environnement. J’imagine que les PRM génèrent des déchets. Combien en produisent-ils, et comment ces déchets seront-ils pris en charge?
Diane Cameron
Oui, bien sûr. Premièrement, ils sont plus petits, alors il y a un petit peu moins de déchets. Mais j’aimerais commencer par expliquer que tous les déchets radioactifs au Canada font l’objet d’une gestion sûre dans des installations de stockage autorisées par la CCSN. Les déchets des PRM relèvent des mêmes lois et règlements qui régissent les déchets produits par l’énergie nucléaire classique. Ils ont besoin d’être confinés et isolés selon des normes de sûreté. Le plan de gestion des déchets fait partie intégrante du permis délivré par la CCSN. Les coûts pour la gestion des déchets radioactifs sont entièrement inclus dans le coût de l’électricité au Canada. Mais j’aimerais aussi soulever le fait que les quantités de déchets radioactifs des PRM seront assez limitées parce qu’on est en train d’utiliser des innovations qui sont plus petites que les anciennes. Les PRM – et particulièrement les très petits réacteurs modulaires –, les micro-réacteurs à l’échelle des mines peuvent être conçus pour faciliter la portabilité, de sorte qu’ils puissent être transportés à l’extérieur du site pour leur élimination en toute sécurité dans une installation autorisée. Les PRM peuvent être conçus en fonction d’un long cycle de ravitaillement, certains de l’ordre de 10 ans ou plus. Et j’aimerais aussi souligner qu’il y a des innovations avec des PRM, en particulier au Nouveau-Brunswick. Les PRM qu’ils ont choisi pour la recherche et le développement, sont des innovations qui tentent d’introduire le recyclage des déchets radioactifs, ce qui existe déjà au Canada. Les déchets radioactifs des CANDU. Et alors, les PRM ont peut-être même le potentiel de recycler les déchets de CANDU pour créer de la nouvelle énergie, ce qui aurait pour effet de réduire les quantités de déchets que l’on a besoin de gérer avec notre dépôt géologique en profondeur.
Joël Houle
Comment est-ce que Ressources naturelles Canada est impliqué dans le dossier? Comment est-ce que le Ministère soutient ce mouvement?
Diane Cameron
Nous sommes responsables pour la politique. Alors, on essaye de comprendre quels sont les technologies, les dynamiques et les défis. Quels sont les coûts, est-ce qu’ils sont économiques? On essaye de comprendre comment ça va fonctionner dans notre contexte de législation et de réglementation. Au Canada, nous avons reconnu leur potentiel rapidement. C’est pourquoi nous avons élaboré la feuille de route d’un PRM « fait au Canada » avec nos partenaires de partout au pays. Avec les provinces, les territoires, les services publics et divers intervenants de l’Alberta, de la Saskatchewan, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut afin de donner forme à une vision de la prochaine vague d’innovations nucléaires au Canada. Nous avons formulé plus de 50 recommandations de mesures à l’intention des gouvernements, de l’industrie et d’autres intervenants pour que le Canada puisse saisir cette occasion que représentent les PRM. Cette feuille de route a été largement adoptée et gagne en popularité même aujourd’hui. Les premiers ministres de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Saskatchewan et, plus récemment, de l’Alberta ont signé un accord de collaboration sur le développement de technologies de réacteurs avancés. Ils voient le potentiel avancé comme des éléments clés de leurs stratégies de lutte contre les changements climatiques. Alors nous, à Ressources naturelles Canada, on est responsable de la politique au niveau fédéral. Nous avions assisté à la feuille de route en 2018 et maintenant, nous collaborons avec les partenaires de la feuille de route et même plus de partenaires. En 2020, on avait d’autres provinces et territoires qui se sont joints à nous, incluant l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, pour préparer un plan d’action canadien sur les PRM à l’automne. Pour la feuille de route en 2018, on avait à peu près 55 organisations qui se sont jointes à nous pour faire l’analyse et pour élaborer la feuille de route. En 2020, on compte plus de 120 partenaires qui se sont joints à nous. Alors on peut vraiment voir qu’il y a un sens du futur, un sens de l’avenir, un sens de l’innovation. Il y a une énergie dans le secteur au Canada. On voit le potentiel pour les PRM de devenir une réalité. Le plan d’action sera présenté sous forme de rapport et décrira les progrès réalisés et les efforts déployés d’un bout à l’autre du pays pour faire de la feuille de route sur les PRM une réalité. Il comprendra une « déclaration de principes ». C’est une déclaration de principe approuvée par tous les participants du plan d’action ainsi que des chapitres individuels décrivant les plans et les actions qui seront rédigés par les partenaires. Alors, on a vraiment hâte pour ça. On va lancer ça bientôt.
Joël Houle
Si nos auditeurs souhaitent en savoir plus sur les PRM ou sur le Plan d’action canadien des PRM, où peuvent-ils trouver de l’information?
Diane Cameron
Ils n’ont qu’à visiter le site Web de RNCan sur notre site de l’énergie nucléaire. Et bientôt, le site Web du plan d’action à « plandactionPRM.ca ».
Joël Houle
Super! On va inclure les liens dans la description de notre balado. Merci beaucoup Diane d’avoir pris le temps de venir jaser avec nous aujourd’hui. On apprécie ta présence.
Diane Cameron
Merci, ça fait plaisir! À la prochaine.
Joël Houle
C’est toujours un plaisir de parler avec Diane. Elle en sait long sur l’énergie nucléaire. Si vous, cher public, souhaitez en savoir plus sur les petits réacteurs modulaires ou sur l’énergie nucléaire en général, allez voir les liens dans la description de l’épisode. L’un d’eux, notre premier épisode de balado avec Diane, donne un aperçu plus global de l’énergie nucléaire au Canada. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous à notre chaîne. Vous pouvez aussi nous envoyer des commentaires ou partager l’épisode sur les médias sociaux. La science simplifiée a aussi un site Web et une chaîne YouTube que je vous recommande de visiter! Nous avons des articles et des vidéos intéressants sur le travail scientifique exceptionnel qui se fait ici à Ressources naturelles Canada. Les liens se trouvent aussi dans la description de notre épisode. Merci de votre écoute! Ne ratez pas notre prochain épisode.
Crédit photo : Third Way (en anglais seulement)
Détails de la page
- Date de modification :