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Quelques secondes suffisent pour se protéger en cas de tremblement de terre

D’ici la fin de 2024, plus de 10 millions de personnes habitant les régions les plus sujettes aux tremblements de terre au Canada pourront recevoir des alertes sismiques précoces qui leur donneront quelques précieuses secondes pour se protéger.

Avril 2024

Saviez-vous que plus de 5 000 tremblements de terre surviennent au Canada chaque année? De ce nombre, seulement 50 environ produisent des secousses assez fortes pour qu’on les remarque, et un nombre encore plus restreint cause des dommages. Un séisme qui provoque d’importantes secousses peut cependant s’avérer fatal.

Imaginez recevoir une alerte quelques secondes avant le déclenchement d’un tremblement de terre. Grâce à cette information, vous pourriez rapidement vous baisser, vous abriter et vous agripper. Des mesures de sécurité pourraient se déclencher automatiquement pour la protection des infrastructures essentielles comme les ponts, les voies ferrées et les salles de chirurgie des hôpitaux. C’est l’idée derrière le système national d’alerte sismique précoce (ASP) du Canada, dont le lancement est prévu ce printemps en Colombie-Britannique et plus tard cette année en Ontario et au Québec.

Une station d’ASP perchée sur une côte rocailleuse de l’archipel Haida Gwaii.

Une station d’ASP établie sur l’archipel Haida Gwaii, au large de la côte nord du Pacifique. Comme elle est située en région éloignée, la station est alimentée par des panneaux solaires, assortis de batteries de secours, et les données sont transmises à Ressources naturelles Canada par satellite.

« Le système national d’ASP émettra une alerte précoce quelques secondes voire quelques dizaines de secondes avant le séisme, indique Alison Bird, sismologue à Ressources naturelles Canada (RNCan). Ce préavis peut sembler court, mais c’est suffisant pour se protéger et possiblement réduire les dommages encourus ».

Alison fait partie d’une équipe de scientifiques et de techniciens qui ont mis au point le système d’ASP pour les régions à risque du pays. Ce système est composé de réseaux régionaux d’environ 400 capteurs sismiques qui font appel à un logiciel de pointe automatisé et aux toutes dernières technologies pour estimer rapidement la violence des secousses qu’un séisme est susceptible de produire et pour transmettre automatiquement des alertes de secousses imminentes.

Un homme en train d’installer une station d’ASP sur le flanc d’une colline herbeuse. Un homme et une femme à bord d’un hélicoptère.

Deux employés de RNCan – Lisa Nykolaishen et Mingzhou Li – ont installé des stations d’ASP dans la région de la côte nord de la Colombie-Britannique. Certaines de ces stations sont accessibles uniquement par hélicoptère. Les équipes de terrain travaillent vaillamment dans certains des plus beaux paysages du Canada.

Un mégaséisme historique

Pour comprendre toute l’utilité du système canadien d’ASP, remontons au 27 janvier 1700. Ce jour-là, un mégaséisme de magnitude 9 a rompu la zone de subduction de Cascadia sur près de 1 000 kilomètres le long de la côte du Pacifique, depuis le milieu de l’île de Vancouver jusqu’au nord de la Californie. Ce séisme a provoqué de violentes secousses, des glissements de terrain et un énorme tsunami. Grâce au savoir autochtone, nous savons que cet événement a changé la façon dont les Premières Nations de la région aménageaient leurs milieux de vie, de nombreux groupes ayant décidé après le séisme de déplacer leurs communautés à l’intérieur des terres, loin de la côte.

Trois siècles et quelques décennies plus tard, cette zone abrite des millions de personnes, et bon nombre d’entre elles vivent au bord de l’eau. L’environnement bâti est désormais composé d’un grand nombre de tunnels, de ponts, de traversiers et de navires qui empruntent régulièrement les voies navigables achalandées de la région. Si un mégaséisme se produisait aujourd’hui dans la zone de subduction de Cascadia, il aurait des effets catastrophiques.

Il est toutefois plus probable que d’autres types de séismes puissants et destructeurs surviennent ailleurs : dans la plaque nord-américaine – où nous vivons –, dans la plaque Juan de Fuca et le long d’autres failles majeures, comme la faille de la Reine-Charlotte, sur la côte ouest de Haida Gwaii. Pour ces zones, le système d’ASP donnerait un préavis allant de quelques secondes à quelques dizaines de secondes.

Fonctionnement d’un système d’ASP

Les tremblements de terre libèrent une énergie qui traverse la surface de la Terre dans toutes les directions sous forme d’ondes sismiques, un peu comme le font des ondes sonores ou des ondulations sur un étang. Les premières ondes détectées (les ondes P) se déplacent rapidement et sont suivies par des ondes secondaires (ondes S), qui sont plus lentes, mais causent beaucoup plus de dommages.

Des capteurs – qui font chacun la taille d’une boîte à chaussures – détectent le premier flux d’énergie libéré par un tremblement de terre, puis transmettent immédiatement un signal à des centres de données. Ces centres utilisent un système qui, à l’aide d’un logiciel de la Commission géologique des États-Unis qui a fait ses preuves en Californie, en Oregon et dans l’État de Washington, analyse les données sismiques reçues pour déterminer l’origine et la magnitude du tremblement de terre. Le système est également en mesure d’estimer la force que pourraient avoir les secousses dans la région. Les capteurs peuvent détecter d’importants tremblements de terre avec une rapidité telle (en quelques secondes à peine) qu’il devient possible d’alerter un grand nombre de personnes avant l’arrivée des ondes S.

Image montrant les ondes primaires et secondaires détectées à proximité d’une grande ville.

Les tremblements de terre libèrent une énergie qui traverse la Terre sous forme d’ondes sismiques. Des capteurs sismiques détectent le premier flux d’énergie libéré par un tremblement de terre, c’est-à-dire les ondes P, qui causent rarement des dommages. Les capteurs transmettent cette information à des centres de données, où un ordinateur calcule la localisation et la magnitude du tremblement de terre ainsi que les secousses attendues dans la région. Grâce à cette méthode, on peut obtenir un préavis de quelques secondes ou dizaines de secondes avant l’arrivée des ondes S (secondaires), à l’origine des fortes secousses qui causent généralement la plupart des dégâts.

Des alertes automatisées pourraient sauver des centaines de vies

Quelques secondes, c’est suffisant pour se baisser, s’abriter et s’agripper ou, si on est au volant, se ranger sur l’accotement et s’immobiliser. Le système d’ASP pourrait ainsi protéger des centaines, voire des milliers de personnes contre d’éventuelles blessures. « Grâce à ce système, les exploitants d’infrastructures essentielles peuvent mettre en place des technologies qui permettent de déclencher automatiquement des mesures de protection en cas d’alerte », explique Alison.

Les signaux reçus pourraient activer automatiquement les systèmes de sécurité des infrastructures, notamment pour :

  • faire ralentir les trains
  • empêcher la circulation d’accéder aux ponts et aux tunnels
  • dérouter les aéronefs pour les faire atterrir ailleurs
  • avertir les chirurgiens de suspendre les opérations
  • fermer les soupapes de gaz
  • ouvrir les portes de garage des casernes de pompiers et des garages d’ambulances.

Récentes alertes sismiques

Un système d’ASP mis en place au Japon a réellement réduit les blessures et les dommages subis lors de récents séismes. Par exemple, lors d’un tremblement de terre dans la région de Tōhoku, sur l’île d’Honshū en 2022, les voies ferrées ont subi de graves dommages, mais les trains – contraints de s’arrêter par le système local d’ASP – n’ont pas déraillé, si bien que les centaines de passagers à bord sont demeurés en sécurité.

Plus récemment, le 1er janvier 2024, un séisme de magnitude 7,6 a frappé Noto, Japon, provoquant de violentes secousses et de graves dommages. Cette fois encore, le système d’ASP local a provoqué l’arrêt des trains et émis des alertes publiques via les téléphones cellulaires, les télés et les radios.

Les zones sismiques du Canada, qui ne se limitent pas à la côte ouest

Au Canada, les risques sismiques se concentrent surtout le long du littoral de la Colombie-Britannique, qui repose sur la ceinture de feu du Pacifique, une zone caractérisée par l’abondance des volcans en activité et la fréquence des séismes, qui borde l’océan Pacifique et englobe – en tout ou en partie – le Chili, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Canada, l’ouest des États-Unis et le Mexique. C’est là que se produisent la plupart des grands séismes et de l’activité volcanique.

Mais n’allez pas croire que vous êtes à l’abri du danger parce que vous vivez ailleurs au Canada. « Il y a des risques sismiques importants le long de la rivière des Outaouais jusqu’à Montréal et le long de la voie maritime du Saint-Laurent, affirme Alison. Et même si les séismes dans ces régions sont souvent d’une magnitude moindre, ils peuvent causer des dégâts considérables, surtout aux ouvrages de maçonnerie plus anciens et aux structures mal renforcées. De plus, comme la croûte terrestre est plus dense dans l’est, les ondes sismiques conservent leur vigueur sur de plus grandes distances et, par conséquent, se font sentir sur une plus grande superficie. »

Deux cartes du Canada, où la probabilité annuelle d’ASP est indiquée à l’aide de différentes couleurs et où les zones couvertes par le système d’ASP sont entourées de polygones verts.

On associe souvent les tremblements de terre à la côte ouest du Canada, mais d’autres zones sont également vulnérables, particulièrement l’est de l’Ontario et la zone qui longe le fleuve Saint-Laurent au Québec. Le système d’ASP couvre donc principalement ces régions.

La question n’est pas de savoir si, mais plutôt quand

Pour que les ASP donnent les résultats voulus, il faut que les gens puissent y réagir avec sang-froid, dans le calme. « Il ne s’agit pas seulement d’avertir les gens, mais aussi de s’assurer qu’ils savent quelle est la meilleure façon de réagir en cas d’alerte, précise Alison. Il est parfois difficile de penser calmement dans des situations stressantes et, trop souvent, les gens quittent les immeubles de façon précipitée, par instinct de survie. C’est malheureusement l’une des pires choses à faire en cas de séisme. En appliquant la méthode “se baisser, s’abriter, s’agripper”, comme durant la simulation du mois d’octobre, les gens acquièrent les réflexes nécessaires pour se protéger durant un tremblement de terre. »

Les séismes en Colombie-Britannique, dans l’est de l’Ontario et dans le sud du Québec ont souvent tendance à se produire à proximité de centres habités, ce qui signifie que, pour ces localités, le délai d’alerte est parfois de quelques secondes seulement. Il est donc possible que les lieux situés près de l’épicentre du séisme (qui se trouvent dans la « zone d’alerte tardive ») ne puissent recevoir l’alerte avant le début des fortes secousses.

Le délai d’alerte dépend de plusieurs facteurs, notamment la distance par rapport au séisme et le mode de réception de l’alerte. Plus vous êtes loin de l’épicentre, plus ce délai sera long. Mais quel que soit le moment où vous recevez l’alerte, il est préférable de supposer que des secousses sont imminentes et de prendre immédiatement des mesures pour vous protéger.

Tournés vers l’avenir

Une petite équipe d’employés dévoués de RNCan travaille à ce système, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités, les Premières Nations, des exploitants d’infrastructures essentielles et différentes entreprises, y compris la société BC Ferries.

Si vous habitez dans l’une des zones sismiques du Canada et que vous recevez une alerte d’un système d’ASP, n’oubliez pas : vous devez vous baisser, vous abriter et vous agripper jusqu’à ce que cessent les secousses.

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