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Minuscules semis, miniserres : penser petit pour trouver réponse à de grandes questions

Pour combattre les changements climatiques, des scientifiques effectuent des travaux de recherche pour trouver des essences d’arbres qui s’adaptent plus facilement aux milieux instables.

Pour combattre les changements climatiques, des scientifiques effectuent des travaux de recherche pour trouver des essences d’arbres qui s’adaptent plus facilement aux milieux instables.

Les zones climatiques migrent progressivement vers le nord, mais les arbres ne sont pas tous capables de suivre le rythme – certaines essences éprouvent des difficultés, d’autres sont plus résilientes. Le Canada, qui abrite plus de 100 essences d’arbres, fait actuellement l’objet d’un passionnant projet de recherche collaborative qui vise à déterminer quelles sont les essences les plus susceptibles de s’adapter à ces changements et celles qui risquent au contraire de ne pas prospérer dans ce contexte. Les résultats de ce projet pourraient amener les aménagistes forestiers à changer leurs critères de sélection des essences utilisées pour le reboisement afin d’assurer la robustesse de nos forêts en cette période de changement.

Debout dans une serre, une femme et un homme entourés de miniserres tiennent des plateaux de semis.
Debout dans une serre, Mackenzie Good et Rob Vaughn sont entourés de miniserres (ou phytotrons) programmées pour reproduire des conditions ambiantes particulières.

« L’aspect le plus emballant de cette étude, c’est qu’elle nous permet d’observer les impacts réels du réchauffement et de la sécheresse sur la physiologie de plusieurs essences d’arbres importantes sur le plan écologique, ce qui nous aidera à comprendre les changements que risquent de subir nos forêts dans l’avenir sous l’effet du réchauffement climatique projeté », affirme Rob Vaughn, biologiste spécialisé en recherche forestière au Centre de foresterie de l’Atlantique. « Ce que je trouve le plus intéressant dans ce genre d’étude empirique, c’est de concevoir des expériences de manipulation qui me permettent d’observer, en temps réel, les effets qu’aura la modification d’un ou de plusieurs facteurs écologiques sur la croissance et la survie de nombreuses essences d’arbres. »

Comment fait-on pour reproduire un climat en changement? On le construit de ses propres mains!

Confronté à la difficile tâche de reproduire en miniature un climat en changement, Rob a proposé une solution toute simple : le construire de ses propres mains! Et c’est exactement ce qu’il a fait. Il a bâti 12 miniserres (appelées phytotrons) conçues pour reproduire différentes températures et différents taux d’humidité du sol existant dans la nature. Dans chaque phytotron, la température change automatiquement tout au long de la journée et est ajustée une fois par semaine en fonction du traitement thermique auquel est soumis le phytotron. Rob a même mis en place un système d’arrosage automatique, qui permet de maintenir le sol à différents taux d’humidité, de même qu’un système d’éclairage, qui reproduit les plages de luminosité saisonnières – longues en été et courtes au printemps et à l’automne.

Maintenant que toutes les installations techniques sont en place et que les semis poussent en toute sécurité dans leurs serres protégées, Rob et Mackenzie Good, étudiante de cycle supérieur de l’Université du Nouveau-Brunswick, peuvent surveiller étroitement les semis. Tous les deux ou trois jours, ils prennent des mesures et observent de près les taux de survie, l’éclosion des bourgeons, les dommages subis par les feuilles et les aiguilles ainsi que les taux de croissance.

« Nous sommes sur le point de prendre nos dernières mesures et de préparer nos semis pour l’hiver, indique Mackenzie. Nous observons maintenant beaucoup plus de mortalité dans les phytotrons soumis à des conditions chaudes et sèches; le meilleur est sans doute à venir, toutefois, lorsque nous étudierons nos données cet automne et cet hiver. »

Rob et Mackenzie tenant des plateaux de petits semis. Mackenzie à genoux près d’un plateau de semis en train de consigner ses observations dans un cahier.
Tous les deux ou trois jours, Rob et Mackenzie examinent les semis et consignent leurs observations.

Évaluer l’adaptation des essences aux changements climatiques

Si certaines essences d’arbres peuvent migrer naturellement d’environ 200 mètres par année par un phénomène de dissémination des graines, les conditions climatiques propices à l’épanouissement de ces essences peuvent de leur côté se déplacer de plusieurs milliers de mètres vers le nord chaque année. Qu’arrive-t-il si le rythme des changements climatiques dépasse la capacité d’adaptation d’une essence donnée?

Carte de l’est du Canada et des États-Unis montrant où se trouvent les différents sites d’étude sur le terrain.
Mackenzie et Rob collaborent avec une équipe de l’Université Laval et de l’Université du Nouveau-Brunswick qui étudie les arbres dans leurs habitats naturels dans l’est du Canada et des États-Unis.

Cette question a insufflé un sentiment d’urgence au travail de collaboration entre nos scientifiques et une équipe de l’Université Laval et l’Université du Nouveau-Brunswick, pilotée par Loïc D’Orangeville. En étudiant des essences d’arbres à l’extérieur de leur milieu naturel, Rob et Mackenzie font ce qu’on appelle de la recherche ex situ. En parallèle, Loïc effectue la portion in situ de l’étude en examinant des arbres et leur taux de croissance dans leurs habitats naturels. Il collabore avec un réseau de 11 plantations d’arbres expérimentales au Canada et aux États-Unis, centrant ses efforts sur des essences clés du nord-est des deux pays. De leur côté, Rob et son équipe ont reproduit les climats de cinq des plantations en utilisant deux phytotrons par traitement thermique. En outre, pour pouvoir étudier les effets des épisodes de canicule, ils soumettent deux autres phytotrons à un traitement supplémentaire qui atteint 39 °C en juillet.

Ces études visent en définitive à déterminer comment les arbres pourraient réagir au réchauffement futur, en accordant une importance particulière à la santé et à la survie des arbres parmi les différentes essences et populations. Elles visent également à étudier la phénologie des feuilles et de la croissance, qui s’intéresse à la chronologie des cycles de croissance et aux effets qu’ont les variations saisonnières et climatiques sur ces cycles.

Photo d’un théodolite avec, en arrière-plan, un vaste espace à découvert entouré d’arbres. 
Loïc et son équipe utilisent un appareil de mesure appelé théodolite pour calculer l’emplacement et la distance des arbres dans un cadre naturel. Ils l'utilisent pour tracer les angles des blocs de plantation avec les bons angles et l'associent à des rubans de mesure pour s'assurer que les angles sont à la bonne distance.

Planter des semences, mesurer des arbres

Sur chaque site d’étude, les chercheurs plantent des semis issus de populations d’arbres triées sur le volet. Ces semis, qui représentent dix essences des forêts boréale et tempérée, proviennent de lots de semences reconnus de différentes régions qui couvrent l’aire de répartition de chaque essence. Par exemple, on trouve des graines d’érable rouge du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario, de la Caroline du Nord, du Tennessee et du Vermont. Les plantations comptent six populations de chaque essence. En mettant à l’essai 60 variations génétiques différentes, les scientifiques peuvent comparer non seulement des essences particulières, mais aussi des populations de la même essence en vue de guider les programmes de gestion adaptative et de migration assistée. Cette démarche nous permet de répondre à des questions comme la suivante : est-ce une bonne idée d’importer du pin blanc de Nouvelle-Angleterre si le pin blanc local pousse tout aussi bien? L’étude ex situ utilise le même stock, mais est axée uniquement sur un sous-ensemble de ces essences, notamment le sapin baumier, le pin blanc ainsi que l’épicéa rouge, blanc et noir.

Penché vers l’avant, Rob pointe du doigt l’intérieur d’une miniserre. Deux plateaux de petits semis à l’intérieur d’une serre.
Rob montre l’intérieur d’un phytotron. En étudiant des semis dans un environnement contrôlé, les scientifiques peuvent prendre des mesures et faire des observations qu’ils seraient incapables de faire dans la nature.

Reproduire en serre l’étude in situ de Loïc est un travail très stimulant pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agit d'un environnement beaucoup plus contrôlé, où l’on peut gérer les conditions météorologiques sans s’inquiéter de menaces comme les tempêtes et les animaux sauvages. « L’étude ex situ nous permet d’examiner les semis de plus près », explique Mackenzie. On peut aussi effectuer beaucoup de mesures qu’il serait impossible ou beaucoup plus difficile de réaliser sur le terrain. » Par exemple, il est plus facile de mesurer la fluorescence de la chlorophylle et les échanges gazeux dans la serre. Et les résultats obtenus peuvent nous éclairer sur les résultats possibles de l’étude in situ.

Comprendre la sensibilité des arbres aux changements climatiques

Nous savons déjà que les arbres sont très sensibles aux conditions climatiques. Par exemple, la sécheresse a eu de graves impacts sur les peupliers trembles dans les forêts boréales du sud de l’Alberta et de la Saskatchewan. Des températures plus chaudes peuvent également créer des milieux extrêmement propices à la prolifération d’espèces envahissantes, comme on l’a vu en Colombie-Britannique lors de l’infestation de dendroctones du pin ponderosa.

Les arbres peuvent migrer lentement par dissémination des graines, mais il est impératif qu’ils ne se laissent pas distancer par l’évolution des zones climatiques pour que nos forêts puissent prospérer. L’un des objectifs premiers est d’identifier des génotypes plus résilients pour soutenir les programmes de reboisement en ce qui concerne la migration assistée.

Les résultats de cette étude pourraient fournir aux décideurs de précieuses informations, particulièrement sur le reboisement et la gestion adaptative des forêts. En substance, ce travail de recherche pourrait nous aider à mieux comprendre comment procéder pour rendre nos forêts encore plus robustes : dans des forêts en santé, les arbres sont comblés et nous comblent à leur tour de bienfaits.

Nous vous invitons donc à vous promener dans une forêt près de chez vous cette semaine pour profiter du magnifique cadeau que nous offrent ces espaces. Pour découvrir d'autres travaux scientifiques novateurs de Ressources naturelles Canada, cliquez sur les liens ci-dessous.

À explorer :

Pour en savoir plus sur Rob Vaughn, consulter le ResearchGate (en anglais)

Outils pour l’adaptation des forêts aux changements climatiques
TransX – The transborder climate experiment (en anglais)
Migration assistée et forêts

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