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La puissance des satellites au service des cultivateurs canadiens

Le suivi des conditions qui influent sur la croissance des cultures agricoles est essentiel à la planification. Les scientifiques comptent sur les satellites pour accomplir cette tâche cruciale avec précision. La création des programmes informatiques avancés qui rendent tout ce travail possible exige des opérations de codage complexes, des technologies de pointe et de l’huile de coude.

Novembre 2023

Vous avez sûrement déjà entendu parler des impacts de la météo extrême, des sécheresses et des inondations sur les cultures agricoles, notamment les volumes de récolte imprévisibles, les dégâts aux cultures, voire le manque d’eau pour le bétail. Mais saviez-vous que des équipes de spécialistes travaillent dans l’ombre à mobiliser la puissance des données satellites afin de produire des images de la surface de la Terre? En rendant possible un suivi de l’évolution des conditions en temps quasi réel, ces données permettent de prendre rapidement des décisions judicieuses.

Cartes de l'indice de végétation

Carte de l'indice de végétation du Canada et image composite en fausses couleurs produites pour ce projet en juillet 2023.

Un service indispensable

Pendant la saison de croissance au Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et Statistique Canada (StatCan) consultent les cartes de l’indice de végétation, qui utilisent des images satellitaires pour estimer dans quelle mesure la végétation est verte, dense ou saine. Ces cartes sont publiées chaque semaine. Les spécialistes de l’industrie et les agriculteurs s’en servent pour surveiller les cultures et prévoir les rendements. Supposons par exemple qu’une sécheresse extrême ou des pluies torrentielles frappent une zone de culture. À l’aide de l’Indice de végétation, les spécialistes peuvent savoir s’il faut rediriger les ressources en eau. Ces prévisions précises sont aussi utilisées par les assureurs pour évaluer le risque, par les organisations internationales et nationales vouées à la sécurité alimentaire pour assurer un approvisionnement suffisant et par les économistes pour prévoir les ressources en grains nécessaires aux marchés intérieurs et étrangers

Quand il a appris que le système satellite dont il se servait pour produire ces précieuses images serait bientôt mis hors service, AAC s’est associé à un groupe de spécialistes de Ressources naturelles Canada (RNCan) pour passer à l’action.

Photo de groupe de l’équipe principale, dehors, près d’un champ

L’équipe principale, de g. à dr. : Andrew Davidson, directeur associé, Division de la géomatique, de l’agroclimatique et de l’observation de la Terre d’AAC; Shaheen Ghayourmanesh, scientifique spécialiste de la télédétection, RNCan; Catherine Champagne, scientifique spécialiste de l’agroenvironnement, AAC; Calin Ungureanu, scientifique de l’environnement, RNCan; et Alexander Trichtchenko, chercheur scientifique, RNCan. (Absent : Yinsuo Zhang, modélisation biophysique, AAC).

Une très courte liste

« Les scientifiques du Centre canadien de cartographie et d’observation de la Terre (CCCOT) de RNCan excellent depuis longtemps à transformer les données des signaux transmis par satellite en informations utilisables, déclare Catherine Champagne, scientifique spécialiste de l’agroenvironnement à AAC, qui possède une expérience en télédétection. Nous les avons abordés parce que ce sont des sommités dans le domaine. »

Portrait d’Alexander Trichtchenko avec texte à l'écran : « ... la science et la technologie à la base du projet sont compliquées »

Alexander Trichtchenko

Les spécialistes du CCCOT développent des produits très spécialisés pour la surveillance des inondations, des changements climatiques, de la couverture forestière, etc. Or, on leur demandait ici tout autre chose. Comme ils allaient devoir travailler dans de nombreuses applications et passer d’une plateforme satellitaire à une autre, il leur a fallu créer un nouveau système.

Chercheur scientifique et chef de projet au CCCOT, Alexander Trichtchenko est connu notamment pour son aptitude à transformer des données satellites en cartes du couvert nival et en cartes des glaces. Il a accueilli le nouveau défi avec intérêt. À priori, les cartes de l’indice de végétation peuvent sembler assez simples. En les regardant, les gens voient des zones plus ou moins vertes, à la végétation plus ou moins dense, et s’imaginent souvent que ça ne va pas plus loin. « Mais la science et la technologie à la base du projet sont compliquées », nuance Alexander. Les cartes de l’indice de végétation doivent être livrées chaque semaine à un moment bien précis. Or, la production d’une seule image exige de traiter des milliers de fichiers d’entrée avec précision et logique, tous les jours, tout au long de la journée.

Passer sans heurts d’un service satellite à un autre n’est pas une sinécure. « C’est un satellite différent, en orbite autour de la Terre selon un horaire différent et qui envoie des images dans un nouveau format compliqué, explique Alexander. Notre rôle consistait à fournir l’expertise qui permettrait d’accéder à des données utilisables et de construire un nouveau système informatique capable de traiter et d’analyser une myriade de pixels d’information automatiquement, sans rien laisser échapper. »

Un processus compliqué

« C’est une grande victoire pour nous parce que nous pouvons tirer parti de l’expertise de RNCan sur le traitement des données satellitaires et nous concentrer sur la surveillance des rendements et des sécheresses », se réjouit Catherine.

Transformer les données satellitaires en informations réelles utilisables est un processus complexe. La petite équipe de RNCan s’est retroussé les manches pour décoder et repenser les techniques et l’expérience acquises au fil des décennies. Elle a dû créer une multitude de nouveaux algorithmes et reprogrammer les flux de données. Et comme les formats de données et les propriétés des capteurs allaient tous être différents, il a fallu concevoir une nouvelle technologie pour se synchroniser avec le nouveau capteur satellite. En même temps, les produits finaux devaient demeurer compatibles avec l’ancien système.

Alexander s’est chargé du codage, alors que son collègue Calin Ungureanu s’occupait de l’automatisation et que Shaheen Ghayourmanesh, membre relativement nouveau de l’équipe, se chargeait de la partie opérationnelle du traitement des données. Testé durant la saison de croissance 2023, le nouveau système sera mis à niveau pour permettre la poursuite des opérations lorsqu’une nouvelle saison de croissance débutera en mars 2024.

Photo d’un champ de laitue et de maïs avec en surimpression le texte suivant : « Codage d’une recette de haute technologie »

Le code de mise en forme des données du nouveau système d’automatisation comprend plus de 50 routines distinctes qui totalisent plus de 10 000 lignes de code.

Tout débute avec le codage. On peut comparer ce processus à la création d’une recette extrêmement complexe. Les ingrédients, dans ce cas-ci, peuvent être des chiffres, du texte ou diverses informations. Les routines, elles, sont comme des recettes, tandis que les lignes de code représentent les différentes étapes d’une recette donnée.

Le code de mise en forme des données au cœur du nouveau système d’automatisation mis au point par l’équipe du CCCOT contient plus de 50 routines différentes totalisant plus de 10 000 lignes de code. Pour filer la métaphore, disons que c’est comme avoir 50 recettes distinctes dont les instructions s’étaleraient sur plus de 10 000 lignes au total. Et ça, simplement pour transformer automatiquement des données-image en cartes utilisables à partir de complexes lignes de balayage de données brutes!

Il est également essentiel de programmer le système pour qu’il fonctionne automatiquement. Cette automatisation nécessite l’écriture de près de 400 routines et 8 500 lignes de code. La moindre erreur – p. ex. une coquille dans le code ou un oubli dans la programmation – risquerait de suspendre le traitement des données. « Bien que le système soit conçu pour être complètement automatisé, dit Alexander, il devra toujours faire l’objet d’une étroite surveillance, car beaucoup de choses échappent à notre contrôle. »

Une fois en marche, le système permettra de traiter environ 4 500 fichiers d’entrée (ou granules) par jour ou un volume approximatif de données de 250 gigaoctets au total, ce qui représente le quart d’un téraoctet environ ou, tout simplement, une énorme quantité de données.

« Notre défi premier est de respecter notre calendrier de livraison, dit Alexander. Pour ce faire, on doit transférer les fichiers de sortie vers les utilisateurs tous les mercredis matin, même s’il y a une panne de réseau, une mise à niveau des systèmes de TI, une opération de maintenance des données ou encore des anomalies dans le fonctionnement d’un satellite ou d’un capteur. » Pendant la période de mise à l’essai cette année, les responsables ont dû transférer le flux de données d’entrée du satellite principal vers un satellite de réserve à quelques reprises, sans occasionner de rupture de service.

« Notre système est conçu pour être flexible et pour pouvoir surmonter ces difficultés de façon à assurer une livraison ininterrompue des données », précise Alexander.

Tester, tester, tester, puis tester encore

Les essais ont causé de nombreux allers-retours entre RNCan – qui évalue les nouveaux procédés – et AAC – qui vérifie l’impact des changements sur ses modèles. C’est important de s’assurer que les données du nouveau satellite sont compatibles avec celles des anciens satellites et que tout changement dans les perspectives de rendement des cultures est bien réel – qu’il ne relève pas de différences entre les capteurs satellitaires.

« Tous ces efforts ont cependant rapporté », affirme Catherine. Déjà, pendant la période d’essai cette année, AAC a pu utiliser directement les données et produire de précieuses estimations de la santé des cultures, une étape particulièrement importante cette année vu les périodes de grande sécheresse qu’ont connues de nombreuses régions de l’Ouest canadien.

Invisible et fluide

Le système sera plus perfectionné, mais les gens ne remarqueront pas le changement – c’est une bonne chose, le signe que RNCan et AAC continuent de fournir de l’information de haute qualité. Cette collaboration montre que des équipes dotées de compétences scientifiques différentes, mais complémentaires peuvent unir leurs efforts pour créer du contenu qui aura des retombées pour de nombreux Canadiens. Quant à Alexander, il est déjà plongé dans d’autres dossiers, mais ce projet n’en demeure pas moins spécial à ses yeux : il lui permet de constater l’impact qu’ont ses travaux scientifiques dans la vraie vie, et ce, presque en temps réel, une chose qui n’est pas toujours possible dans le monde de la science.

En filigrane : les caractéristiques techniques

Le spectroradiomètre imageur à résolution moyenne (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer ou MODIS) était le capteur en service à bord des satellites TERRA et AQUA depuis plus de 20 ans. Il a maintenant été remplacé par un nouveau capteur, le Visible Infrared Imaging Radiometer Suite ou VIIRS, qui est exploité par deux agences américaines – la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAAS) et la NASA.

Comme les propriétés du capteur et les formats de données ont tous été mis à jour sur VIIRS, les programmeurs ont dû repartir de zéro pour s’assurer que les nouveaux produits générés par VIIRS seraient compatibles avec ce que produisait MODIS.

Le capteur VIIRS est en service à bord de trois engins spatiaux : le Suomi National Polar-orbiting Partnership (Suomi NPP); le Joint Polar Satellite System (JPSS-1) ou NOAA-20; et le JPSS-2/NOAA-21.

Pour en savoir plus :

Capteurs et méthodes
Imagerie satellitaire et produits
L'agriculture au temps des satellites
Évaluation de la productivité des cultures du Canada
Indice de réaction du couvert végétal à la sécheresse

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