Exploiter l’énergie des volcans grâce à la recherche d’énergie géothermique au mont Cayley
Le voyage commence par un tour d’hélicoptère jusqu’à une région volcanique isolée sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, un endroit connu pour ses possibles éruptions, ses évents de vapeur et ses conditions météorologiques imprévisibles. Pour cette équipe de scientifiques, ce contexte de travail fait partie du quotidien. Ils sont à la recherche d’une pièce à la fois prometteuse et difficile à trouver pour résoudre le casse-tête de la lutte aux changements climatiques : l’énergie géothermique.
Decembre 2022
Au cœur des volcans près de Whistler, en Colombie-Britannique, la roche en fusion infiltrée dans la croûte terrestre chauffe les nappes d’eau souterraine à plus de 250 °C. Mystérieusement cachée sous la surface, cette eau extrêmement chaude pourrait mettre en marche l’avenir de l’énergie géothermique propre au Canada, et ainsi jouer un rôle crucial pour permettre au Canada d’atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050.
Sur la ceinture de feu du Pacifique
À l’été 2022, sur le terrain accidenté de la vaste ceinture volcanique de Garibaldi, une équipe de 20 chercheurs a commencé son périple pour localiser des sources thermales et permettre l’exploitation de l’énergie des volcans.
La côte ouest du Canada fait partie de la ceinture de feu du Pacifique, une région planétaire qui fait le tour de l’océan Pacifique et qui est reconnue pour son activité sismique, ses éruptions volcaniques et ses tremblements de terre. Cette région renferme aussi les plus formidables et les plus chaudes sources d’énergie géothermique naturelles du monde : les volcans.
Depuis plus de quatre décennies, les chercheurs ont convoité le potentiel de cette région, et à présent, avec la nécessité croissante de solutions énergétiques propres dans le monde, un intérêt renouvelé y braque à nouveau les projecteurs.
En quête de ce trésor enfoui qu’est l’énergie géothermique
L’énergie géothermique tire profit de la chaleur des réservoirs souterrains de vapeur et d’eau chaude qui se trouvent dans la croûte terrestre. Elle peut être transformée en électricité pour alimenter des maisons et des entreprises toute l’année. On peut aussi s’en servir pour chauffer et climatiser des immeubles et produire de l’hydrogène, un substitut propre pour l’essence, le diesel, le charbon et d’autres combustibles. L’énergie géothermique est meilleure pour l’environnement comparativement à d’autres sources d’énergie conventionnelles, avec une petite empreinte carbone et des émissions plus faibles. De plus, contrairement à d’autres formes d’énergie verte, comme l’énergie éolienne ou l’énergie solaire, l’énergie géothermique est disponible sur demande.
Le défi, c’est qu’elle est plus difficile à localiser que les autres formes d’énergie. En effet, il est beaucoup plus facile de comprendre des phénomènes tangibles à la surface de la Terre, comme le vent ou l’ensoleillement, que de trouver des sources de chaleur enfouies profondément dans le sol. C’est donc dans ce but que cette expédition scientifique s’est mise en route pour localiser des sources d’énergie géothermique afin de faciliter l’exploitation de cette ressource naturelle prometteuse.
Selon Steve Grasby, Ph. D., chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada (RNCan), « la mise au point de nouveaux outils de prospection pour localiser plus facilement les réservoirs d’énergie géothermique en profondeur permettra de réduire les risques économiques associés au forage de puits. Ces travaux attirent déjà l’attention de nouveaux intérêts industriels en prospection géothermique ».
Avec le soutien de Geoscience BC et du Programme des énergies renouvelables émergentes de RNCan, une vaste équipe de spécialistes en géosciences de la Commission géologique du Canada (CGC) – avec des partenaires de l’Université de l’Alberta, de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université Simon Fraser, de l’Université de Calgary et de l’Université Carleton – ont entrepris de s’aventurer dans la Cordillère canadienne, une vaste chaîne de montagnes de la Colombie-Britannique.
Chasse au trésor pour l’énergie géothermique du Canada
Comme pour nombre d’autres grandes histoires d’aventure et d’exploration, la quête a commencé avec une vieille carte. Dans les années 1970, des chercheurs de la CGC, motivés par des préoccupations liées à la sécurité énergétique du Canada et financés par le programme de recherche géothermique du Canada, ont cartographié en profondeur de possibles emplacements de réserves géothermiques un peu partout au Canada. C’est aussi à cette époque que le premier puits géothermique du Canada a été foré au mont Meager, à environ 60 kilomètres du mont Cayley. Même si on a mis fin au programme dans les années 1980, lorsque le prix du pétrole a baissé, les travaux réalisés par ces chercheurs ont permis aux scientifiques d’aujourd’hui de reprendre le flambeau.
« Les recherches précédentes nous donnent une base essentielle sur laquelle s’appuyer, explique M. Grasby. Elles nous permettent de nous concentrer sur les principales zones d’intérêt qui avaient été ciblées. Les données recueillies dans le passé et conservées sont une mine d’information précieuse pour nos recherches; elles nous évitent de devoir tout recommencer à zéro. »
La ceinture volcanique de Garibaldi a été le théâtre de plusieurs recherches scientifiques, dont la réalisation de profils sismiques profonds, qui ont permis de repérer un vaste « point chaud » à environ 10 kilomètres sous la surface du mont Cayley, et un puits de recherche foré au mont Meager, qui a mené à la découverte d’eau atteignant les 250 °C à seulement deux kilomètres sous la surface.
À l’heure où le monde fait face à une crise bien différente, celle des changements climatiques, c’est un avantage considérable pour les scientifiques de la CGC d’avoir pu profiter d’une longueur d’avance dans leur quête de sources d’énergie géothermique.
Le lieu d’atterrissage de l’oiseau-tonnerre
Chez les Salish, le mont Cayley s’appelle t’aḵ’taḵmu’yin tl’a in7in’a’xe7en, ce qui se traduit par « lieu d’atterrissage de l’oiseau-tonnerre ». S’y rendre n’est pas chose facile. Le sommet du volcan présente des pentes abruptes et irrégulières, et sa base est entourée de terrain accidenté. L’altitude élevée fait en sorte que, même au milieu de l’été, chaque surface est couverte de neige froide et humide ou de pluie. L’équipe devait donc être prête à toute éventualité.
Chaque jour, des hélicoptères déposaient des équipes de deux ou de quatre personnes transportant de lourds sacs à dos et de l’équipement sur des crêtes, sur des sommets et au fond de vallées inaccessibles. Lors de certains levés géophysiques, des groupes de quatre personnes ou plus devaient transporter, en plus de leur nécessaire de survie, le lourd équipement de levé.
Pendant la planification de l’expédition, Steve Grasby et son équipe ont consulté des représentants de la Nation Squamish, à titre d’intendants de leur territoire ancestral, pour mieux connaître ce volcan unique d’un point de vue géologique. À la suite de ces discussions, les scientifiques ont pris la décision de relocaliser certains des sites d’étude pour éviter toute intrusion non désirée dans des lieux à caractère sensible. Pour voir à minimiser les impacts environnementaux dans cette zone abritant de multiples espèces sauvages, dont des chèvres des montagnes, des coyotes, des cougars, des lynx et des ours, des surveillants autochtones se sont greffés à l’équipe. Ces derniers ont également informé les membres de leur communauté des travaux qui ont été réalisés.
Un nouveau type d’exploration terrestre : l’imagerie souterraine
Le voyage était difficile, mais il en valait la chandelle. L’équipe a pris des mesures et des levés des champs magnétiques et électriques de la Terre. Elle a également pris des levés du champ gravitationnel à divers endroits sur le mont Cayley. Ces mesures, tout comme un examen médical d’imagerie par résonance magnétique (IRM), permettent de créer une image de ce qui se trouve à l’intérieur d’un volcan et aident à repérer les zones où des sources d’eau chaude pourraient se trouver. D’autres travaux avaient pour but de caractériser les fractures naturelles qui régulent l’écoulement des fluides chauds, et de prélever des échantillons d’eau de sources thermales dans le secteur.
À la recherche du cœur géothermique du mont Cayley
Au cours de la prochaine année, les chercheurs se serviront des données recueillies lors de cette expédition pour assembler une image complète du mont Cayley, tant au-dessous qu’au-dessus du sol. En repérant « le cœur, les veines et les artères » du volcan, les scientifiques auront suffisamment d’information pour localiser les possibles chambres magmatiques, les failles et les zones de perméabilité élevée qui permettent le déplacement des fluides géothermaux dans le sous-sol, reliant les chambres magmatiques profondes aux sources et évents thermaux, aussi appelés fumerolles, situés près de la surface.
« Nous sommes en train de traiter les données et de les intégrer dans un nouveau modèle tridimensionnel de la tuyauterie géothermique et volcanique du mont Cayley, ajoute M. Grasby. Ce modèle devrait réduire énormément les risques associés aux forages géothermiques dans les systèmes volcaniques de la Colombie-Britannique et contribuer à soutenir la transition du Canada vers une économie alimentée par de l’énergie propre. »
Au moment où les changements climatiques constituent l’une des plus grandes menaces auxquelles doit faire face la communauté planétaire, le développement de l’énergie géothermique au Canada représente une piste de solution. Ces recherches aideront le Canada à faire la transition d’une économie fondée sur les hydrocarbures vers une économie fondée sur des énergies propres et renouvelables en vue de l’édification d’un avenir plus durable.
Pour de plus amples renseignements :
Renseignements supplémentaires sur les travaux de Steve Grasby sur ResearchGate (en anglais)
À propos de l’énergie renouvelable (RNCan)
Pour favoriser l’écologisation du secteur canadien des bâtiments (article de La science simplifiée)
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