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De l’aide pour les forêts stressées à l’ère des changements climatiques?

Selon une nouvelle étude sur les anneaux de croissance des arbres, l’introduction de génotypes d’arbres résilients pourraient aider à protéger la santé des forêts et même équilibrer les gaz à effet de serre dans l’atmosphère — mais il y a un hic.

Avril 2021

Une bonne gestion des arbres et des forêts peut aider à atténuer les effets des changements climatiques. Souvent vus comme les « poumons » de la planète, les arbres absorbent du carbone atmosphérique au moyen de la photosynthèse puis le rejettent quand ils brûlent ou se décomposent. Ce cycle naturel aide à équilibrer les quantités de carbone, et les gaz à effet de serre, dans l’atmosphère complexe de la Terre.

 
Vue panoramique d’une forêt de l’île Galiano, en Colombie-Britannique.

Puits de carbone : Une forêt est considérée comme un puits de carbone si elle absorbe davantage de CO2 dans l’atmosphère qu’elle n’en rejette. Source de carbone : Une forêt est considérée comme une source de carbone lorsqu’elle rejette plus de CO2 qu’elle n’en absorbe. Ce processus d’absorption et de dépôt de carbone est connu sous le nom de stockage de carbone

D’abord, se questionner

Mais que se passe-t-il quand l’évolution du climat perturbe cet équilibre — par exemple quand des périodes de sécheresses plus intenses et plus fréquentes ralentissent la croissance des arbres et stressent les forêts? L’introduction de génotypes préadaptés sélectionnés parmi des populations plus résilientes pourrait-elle aider les forêts? Ce type d’intervention s’appelle flux génétique assisté, et une nouvelle étude sur les anneaux de croissance des arbres réalisée par Martin Girardin et ses collègues du Centre de foresterie des Laurentides–Québec tâche de répondre à certaines questions.

« Il y a urgence, dit Martin. Surtout que les scientifiques de Ressources naturelles Canada estiment que la productivité forestière diminuera d’ici la fin du siècle dans de vastes zones de la région boréale au Canada parce que les forêts sont mal adaptées aux changements climatiques. Il faut donc déterminer dès maintenant comment les arbres peuvent contribuer à l’équilibre de notre planète. »

On réclame un autre genre d’étude des anneaux de croissance des arbres

Martin a décidé d’adopter une autre stratégie. Au lieu de regarder des milliers d’années en arrière, comme le font souvent les études traditionnelles des anneaux de croissance des arbres, son équipe a combiné des outils nouveaux et anciens pour chercher à comprendre comment les populations d’arbres s’adaptent aux changements climatiques. Ce faisant, ils ont jeté les bases d’une nouvelle stratégie de gestion des forêts.

Martin debout dans la forêt
Martin au microscope
Martin standing in forest
Gros plan d’anneaux de croissance

Pour aller au fond des choses, Martin et ses collègues ont examiné 51 029 anneaux de croissance de 1 560 épinettes noires qui poussent depuis 1974 dans deux sites expérimentaux de transplantation au Québec. Les arbres sources venaient de 46 endroits au Canada. Regardez la video : Chaque arbre a son histoire

Exploiter les différences présentes dans la nature

L’objectif était de déterminer si le flux génétique assisté peut faire augmenter globalement le captage de carbone. Il y a de subtiles différences génétiques entre les populations d’arbres, et ces différences donnent lieu à des variations de taux de croissance et de mortalité.

« Pouvons-nous exploiter ces différences pour augmenter le captage de carbone? Et si c’est le cas, quelles populations devrions-nous choisir parmi les centaines que l’on retrouve dans l’aire de répartition d’une espèce? » Voilà le genre de questions auxquelles Martin voulait répondre.

En regardant les inventaires précédents de hauteur, de mortalité et de densité des arbres, les chercheurs ont pu analyser les anneaux de croissance pour calculer les augmentations annuelles de biomasse et le captage de carbone. Ils ont obtenu des résultats étonnants.

Le nœud de l’affaire

Martin nous expose le problème : « La nouvelle étude nous dit que si on introduit des génotypes préadaptés dans nos travaux de reforestation, oui c’est avantageux pour le captage de carbone… mais seulement pendant une quinzaine années. »

Il appert en effet que des populations d’arbres qui étaient très productives jeunes perdent cet avantage en vieillissant, au point de devenir parfois les moins productives de toutes. À l’inverse, des populations peu productives au départ deviennent plus productives avec les années.

Martin explique : « Il y a beaucoup de variables en jeu, dont la composition génétique des arbres, et l’une peut annuler ou diluer l’effet de l’autre. Autrement dit, la croissance, la densité du bois et le taux de survie coexistent, et si l’une de ces variables n’est plus en équilibre, c’est tout l’équilibre qui est compromis. »

 
Carte du Canada montrant la provenance des arbres, gros plan d’anneaux de croissance au microscope, forêt d’épinettes noires au bord de l’eau.

Les chercheurs ont étudié les anneaux de croissance d’épinettes noires prélevées à divers endroits au Canada et transplantées dans des forêts expérimentales québécoises. Source : Martin P. Girardin, Danny Rioux, Martine Blais et Louis De Grandpré.

Pour la suite

Grâce à cette étude, Martin et ses collègues ont pu répondre à d’importantes questions. Par exemple, ils ont découvert que l’introduction de génotypes résilients ne procurait pas d’avantages durables, mais que la méthode pourrait tout de même contribuer à transformer une forêt émettrice de carbone en puits de carbone plus rapidement après une perturbation comme un feu de forêt.

Cela dit, on ne peut pas se contenter de déménager une population source vers un autre site de plantation sans connaître sa composition génétique. Comme l’étude le montre clairement, il faudra creuser la question en réalisant des contrôles des expériences de transplantation sur le long terme.

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