Combat contre un ravageur sauvage et laineux

Quand des scientifiques du Service canadien des forêts (SCF) et des chercheurs étudiants de l’Université de Guelph ont recueilli des données dans le but de créer un inventaire de la pruche en Ontario, ils n’ont pas uniquement répertorié des arbres, mais malheureusement aussi une importante infestation d’insectes susceptibles de présenter un risque pour les propriétaires fonciers.

Octobre 2022

Pour un œil non aguerri, le puceron lanigère de la pruche peut être difficile à déceler, mais les scientifiques peuvent facilement repérer ce ravageur forestier menaçant et envahissant. Le minuscule insecte recouvert de laine blanche, de type puceron, a sensiblement la taille d’un grain de poivre. Il tue l’arbre en suçant la sève à la base des aiguilles, drainant ainsi l’énergie de l’arbre.

Près de Cobourg, une ville ontarienne située à environ 95 km à l’est de Toronto, l’équipe du Service canadien des forêts a vu de grandes quantités de cet insecte, ainsi que de nombreuses pruches mortes. Cela indique que l’insecte est probablement présent depuis de nombreuses années et se serait peut-être propagé au-delà des zones d’infestation locales connues.

Le risque d’infestation par le puceron lanigère de la pruche

Cette infestation qui vient d’être découverte a de quoi inquiéter, car on l’observe très loin d’autres populations connues et très proche de forêts qui foisonnent de pruches. C’est également préoccupant parce que les forêts de pruche de Cobourg s’étendent jusqu’au lacs Kawartha et à la région de Muskoka, en Ontario. Cette combinaison de propagation de l’insecte et de cantonnement forestier pourrait possiblement entraîner d’autres infestations pour de vastes peuplements anciens de pruches. Et le problème est aggravé par le fait que cet insecte est difficile à stopper : les experts estiment qu’il se propage à de nouvelles zones à partir du matériel de pépinière infesté ou en se laissant emporter par le vent ou propager par les oiseaux migrateurs.

Le puceron lanigère de la pruche est un habitué des forêts de l’est. Originaire d’Asie, il a été décelé pour la première fois en Amérique du Nord en 1951 et a, depuis, décimé des forêts de pruches partout dans l’est des États-Unis. Au Canada, il a été découvert en 2012 et 2013 à Toronto, en Ontario, où il semble avoir été éradiqué depuis. Des poches d’infestation ont aussi été découvertes dans la région du Niagara-Lac Érié Est. En 2017, on l’a aussi découvert dans le sud de la Nouvelle-Écosse où il a décimé d’anciennes forêts de pruches.

Les scientifiques de RNCan ont fortement réagi à la propagation de l’insecte. Trois laboratoires du SCF – le Centre de foresterie de l’Atlantique, le Centre de foresterie des Grands Lacs et le Centre de foresterie du Pacifique – soutiennent la recherche sur des outils destinés à aider à déceler, à surveiller, à contrôler et à gérer la menace sérieuse que pose le puceron lanigère de la pruche.

Surveillance

Le fait de détecter le plus tôt possible les populations offre de plus grandes chances d’atténuer les dommages et la mortalité des arbres. Et la surveillance constante des populations établies de puceron lanigère de la pruche fournit de l’information fort précieuse sur la façon dont les populations grandissent et se répandent.

Pour les détecter, les experts se fient à des évaluations visuelles des brindilles, en recherchant la présence de sacs d’œufs blancs et duveteux qui apparaissent en automne et en hiver sur la face inférieure. Des échantillons de branche peuvent aussi être récoltés à d’autres moments de l’année quand il n’y a pas de sacs d’œufs.

Contrôle

Les scientifiques Jon Sweeney, Chris Edge et Chris MacQuarrie font l’essai d’insecticides chimiques pour tenter d’empêcher l’éradication de pruches occasionnée par des infestations de puceron lanigère. C’est notamment le cas de l’imidacloprid, qui est appliqué à la base du tronc ou par injection. L’équipe essaie aussi le TreeAzin®, un insecticide dérivé des extraits de semences de margousier, une espèce d’acajou, qui est appliqué par injection dans les racines. Le TreeAzin® a été mis au point au Canada et est actuellement approuvé pour protéger les frênes contre l’agrile du frêne.

L’équipe est en train d’évaluer divers aspects de ces méthodes, en mesurant leur efficacité et leur durée d’action, et en surveillant le sort environnemental des insecticides, par exemple, en analysant les concentrations qui sont présentes dans le feuillage, le sol et l’eau. En collaboration avec l’Université Acadia, ils recueillent aussi des données afin de déterminer les impacts sur les organismes non ciblés, plus spécifiquement les abeilles sauvages et les pollinisateurs volants, ainsi que les coccinelles.

Gestion

Michael Stastny étudie l’écologie des insectes forestiers : les interactions complexes entre les insectes, les arbres et leur environnement qui sont au cœur du fonctionnement de nos forêts. Il s’intéresse à la façon dont les conditions des sites peuvent exacerber les effets du puceron lanigère sur la santé de la pruche. « Si, par exemple, nous savons qu’un peuplement particulier est soumis à un stress hydrique, explique M. Stastny, il se peut que nous puissions prédire la gravité du déclin et de la mortalité de la pruche imputable au puceron lanigère. Cette information nous aidera à recenser les peuplements les plus vulnérables et à déterminer quel intervention il faut faire. »

Une telle intervention pourrait consister à élaguer les peuplements en récoltant certains arbres qui se font concurrence pour permettre aux pruches restantes d’avoir davantage accès à de l’eau et de la lumière pour améliorer leur tolérance au puceron. M. Stastny, en collaboration avec le biologiste Jeff Fidgen du SCF, fait l’essai de cette approche de la gestion des forêts dans des parcelles expérimentales.

Une gestion proactive des peuplements, combinée à d’autres méthodes de contrôle, aidera aussi les propriétaires de terres à bois et les gestionnaires forestiers à développer des plans à long terme pour réhabiliter leurs peuplements une fois la présence du puceron lanigère de la pruche détectée. Vu que l’ampleur des peuplements de pruche menacés dépasse les ressources disponibles pour assurer la gestion du puceron lanigère, ils développent aussi un cadre décisionnel plus large et systématique pour aider à prioriser et à sélectionner les interventions les plus appropriées.

On élabore aussi d’autres façons de gérer les populations de puceron lanigère de la pruche. L’une d’elles consiste à avoir recours à des ennemis naturels et à leur redistribution dans des régions où le puceron lanigère est présent. Cette approche pourrait être particulièrement utile dans l’est du Canada. Le manque d’ennemis naturels pour réguler les populations est un important facteur de propagation du puceron lanigère de la pruche dans cette région, mais il existe aux États-Unis et dans l’ouest du Canada plusieurs prédateurs du puceron lanigère de la pruche, notamment une coccinelle (Laricobius nigrinus) et deux espèces de poisson d’argent (Leucotaraxis argenticollis et piniperda). L’introduction de ces prédateurs ou d’autres dans des régions où il n’y a pas d’ennemis naturels pourrait permettre un contrôle de la gestion durable et à long terme.

Prévoir à l’avance : un plan de rechange soigné

Outre les efforts de gestion du puceron lanigère de la pruche, RNCan s’affaire aussi à mettre en place un plan de rechange. Le Centre national de semences forestières, qui est situé dans le Centre de foresterie de l’Atlantique du SCF à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, possède 195 lots de semences de pruche de l’Est soigneusement préservées dans son laboratoire, où la température, la lumière et l’humidité sont rigoureusement contrôlées. Les chercheurs du Centre de semences vont préserver davantage de semences de pruche au cours des prochaines années afin que l’espèce puisse être réintroduite dans des environnements qui conviennent là où le puceron lanigère de la pruche a été contrôlé ou éliminé.

Tenir le puceron lanigère de la pruche au loin

Maintenant que les scientifiques et leurs partenaires cherchent à ralentir la propagation du puceron lanigère de la pruche et à préserver cette espèce, le public a aussi un rôle extrêmement important à jouer. Le fait de rester vigilants, de savoir où le puceron et d’autres insectes nuisibles ont été repérés et de prendre des précautions élémentaires, comme le fait de s’abstenir de déplacer du bois de chauffage d’un endroit à un autre, peut aider grandement à ralentir la propagation de ce puceron et à protéger nos forêts.

Encadré :

Une équipe d’experts collabore pour tenir le puceron lanigère de la pruche envahissant au loin. Le Service canadien des forêts travaille en étroite collaboration avec des partenaires institutionnels, dont Parcs Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, les gouvernements provinciaux de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, l’Université de Guelph et l’Université Acadia, ainsi qu’avec des groupes de conservation et environnementaux comme Ontario Nature, l’Office de protection de la nature de la péninsule du Niagara et l’Invasive Species Centre du Canada.

Pour en savoir davantage sur le puceron lanigère de la pruche et ce que vous pouvez faire pour l’éradiquer, visitez les sites suivants :

 

Ressources naturelles Canada

Agence canadienne d’inspection des aliments

Invasive Species Centre (en anglais seulement)