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Économie du raffinage

La situation économique ou la rentabilité d´une raffinerie est la résultante de la conjonction de trois facteurs : le choix du brut utilisé (panier de bruts), la complexité de l´équipement de raffinage (configuration de la raffinerie) et le type et la qualité désirés des produits obtenus (panier de produits). D´autres facteurs, comme le taux d´utilisation de la raffinerie et l´environnement, jouent également.

Les bruts les plus coûteux (plus légers, moins acides) exigent moins de raffinage, mais les approvisionnements diminuent et l´écart entre les bruts plus lourds et les bruts plus acides s´accentue. Le brut lourd est meilleur marché, mais son traitement nécessite un investissement plus important dans des opérations de valorisation. Les coûts et les périodes de récupération des investissements dans le raffinage doivent être mis dans la balance avec les coûts prévus du pétrole brut et l´écart entre les prix projetés des bruts lourds et légers.

Dans le choix du panier de bruts et de la configuration de la raffinerie, il faut tenir compte des types de produits qui seront en demande sur le marché. Les spécifications qualitatives des produits finaux gagnent en importance, car les exigences environnementales deviennent de plus en plus rigoureuses.

Pétrole brut

Le pétrole brut est la principale matière première de l´industrie du raffinage pétrolier. Même si le Canada exporte davantage de pétrole qu´il n´en importe, et ce de plus en plus, ses importations de brut comblent plus de la moitié des besoins des raffineries canadiennes. En effet, il est plus rentable pour certaines raffineries d´utiliser du pétrole brut importé en raison du coût du transport du pétrole brut en provenance des champs de l´Ouest canadien vers les régions consommatrices de l´Est, et aussi parce que les importations offrent une plus grande palette de qualités de brut. Ainsi, l´économie pétrolière canadienne est devenue un marché double. Les raffineries de l´Ouest traitent du brut produit au Canada, celles du Québec et des provinces de l´Est emploient essentiellement du pétrole importé, tandis que celles de l´Ontario utilisent un mélange des deux. Depuis quelques années, les raffineries de l´Est traitent du brut canadien produit au large de la côte Est.

Peu importe la source du pétrole brut, le prix est déterminé sur le marché mondial, en fonction de l´offre et de la demande et de la dynamique du marché mondial du pétrole. À cet égard, les raffineurs canadiens sont des « preneurs de prix » et ont très peu d´influence sur le prix auquel ils paient le pétrole brut.

Bruts

La gamme de produits qu´obtient le raffineur dépend des qualités naturelles du pétrole brut. Les différents bruts se distinguent ordinairement par leur densité (mesurée en degrés API) et leur teneur en soufre. Le pétrole brut caractérisé par une faible densité API est considéré comme un brut lourd; il a généralement une plus forte teneur en soufre et donne davantage de produits de plus faible valeur. Plus le pétrole brut est lourd, moins il a de valeur pour un raffineur, car il exigera un traitement plus poussé ou donnera un plus fort pourcentage de sous-produits de faible valeur, comme du mazout lourd, qui se vend habituellement à un prix inférieur à celui du pétrole brut.

Le pétrole brut caractérisé par une haute teneur en soufre est dit « acide », « sulfureux »  ou « corrosif ». Corollairement, les bruts moins acides ont une plus faible teneur en soufre. La présence de soufre est une propriété indésirable des produits pétroliers, en particulier des carburants. Il peut nuire à l´efficacité de certaines techniques de réduction des émissions et, après avoir été brûlé dans un moteur à combustion, il est rejeté dans l´atmosphère au contact de laquelle il peut former de l´anydride sulfureux. Or, étant donné que la teneur en soufre des carburants est de plus en plus réglementée, le pétrole brut non corrosif se vend plus cher. Il faut soumettre le brut acide à un traitement plus poussé pour en éliminer le soufre. En général, les raffineurs sont disposés à payer plus cher pour obtenir du pétrole léger à faible teneur en soufre.

La plupart des raffineries de l´Ouest du Canada et de l´Ontario ont été conçues pour traiter le brut léger non corrosif qui est produit dans l´Ouest canadien. Contrairement aux principales usines américaines, les raffineries canadiennes de ces régions ont mis du temps à reconfigurer leurs usines pour être en mesure de traiter des pétroles bruts moins coûteux et moins prisés, au lieu de compter largement sur les bruts légers et non corrosifs que le Canada produit en abondance. Tant que les raffineries pouvaient s´approvisionner en bruts légers, la rentabilité du raffinage était insuffisante pour justifier de nouveaux investissements dans des installations de valorisation de pétrole lourd.

Cependant, l´accroissement de la production des sables pétrolifères et la diminution de la production de bruts classiques, légers et non corrosifs ont incité les raffineries de l´Ouest du Canada et de l´Ontario à investir les sommes nécessaires pour pouvoir traiter des bruts lourds de plus en plus abondants. Dans une large mesure, ces investissements effectués par les grandes entreprises pétrolières intégrées (dont les activités englobent à la fois la production de pétrole brut ainsi que la fabrication et la distribution de produits pétroliers) ont pour but d´assurer un débouché à la production croissante des sables pétrolifères.

Dans l´Ouest du Canada et dans l´Ontario, les charges d´alimentation des raffineries sont constituées pour la moitié de pétrole brut classique, léger et non corrosif, et pour un quart de pétrole brut synthétique de haute qualité. Le brut synthétique est un pétrole léger qui s´obtient par valorisation des sables pétrolifères. Pour le reste, ces raffineries traitent essentiellement un pétrole lourd et corrosif. On s´attend que la composition du panier de bruts se modifiera considérablement au cours des prochaines années, étant donné que les raffineurs augmentent leur capacité de traitement de pétroles lourds et de bruts synthétiques de plus faible qualité.

Les raffineries du Canada atlantique et du Québec sont tributaires des importations et, de façon générale, traitent un panier de bruts plus diversifié que celui des usines de l´Ouest du Canada et de l´Ontario. Elles sont en mesure d´acheter du pétrole brut produit presque partout dans le monde, de sorte qu´elles disposent d´une très grande marge de manœuvre dans leurs décisions d´achat. La matière première des raffineries de l´Est du Canada et du Québec est constituée pour un tiers de bruts classiques, légers et non corrosifs, et pour un autre tiers de pétroles lourds à teneur moyenne en soufre. Le dernier tiers est une combinaison de pétroles légers acides, de bruts lourds acides et de bruts très lourds. On croit que la composition du panier de bruts dans l´Est du Canada demeurera beaucoup plus stable que dans l´Ouest du Canada et en Ontario, étant donné que les raffineurs de ces régions ne sont limités ni par le volume ni par la qualité des bruts canadiens.

Configuration des raffineries

Le choix du pétrole brut à traiter dans une raffinerie est dicté par la nature des installations de traitement. À cet égard, les raffineries se classent en trois grandes catégories. La plus simple est l´unité de fractionnement (« topping plant »), qui comporte une seule unité de distillation et, dans la plupart des cas, un reformeur catalytique qui permet d´obtenir de l´octane. Les rendements de cette installation sont largement fonction des rendements naturels du brut traité. En général, on n´y traite que des condensats ou des bruts légers non corrosifs, à moins qu´il n´existe un marché du mazout lourd qui est facilement et économique accessible. Les usines d´asphalte appartiennent à ce type d´installations; elles traitent des bruts lourds parce qu´elles produisent uniquement de l´asphalte.

Vient ensuite l´installation de craquage. Ce type de raffinerie prend le gazole issu de la distillation du brut (un produit plus lourd que le diesel mais plus léger que le mazout lourd) et le dissocie en essence et en distillats au moyen de catalyseurs, dans des conditions de haute température et(ou) de haute pression.

En bout de ligne, se trouve l´installation de cokéfaction. Ce type de raffinerie traite le combustible résiduel, la fraction la plus lourde du pétrole brut et le dissocie par craquage thermique en un produit plus léger dans une unité de cokéfaction ou d´hydrocraquage. L´ajout d´une unité de craquage catalytique fluide ou d´un hydrocraqueur augmente considérablement les rendements en produits de valeur élevée, comme l´essence et le diesel, ce qui permet à la raffinerie de traiter des bruts plus lourds et meilleur marché tout en obtenant un volume équivalent ou supérieur de produits de grande valeur.

L´hydrotraitement est un procédé qui sert à désulfurer les produits finis. Étant donné que les raffineries sont de plus en plus tenues par la réglementation de fabriquer des produits à très faible teneur en soufre, elles se dotent actuellement d´installations d´hydrotraitement. Celles qui possèdent une grande capacité d´hydrotraitement ont la possibilité de traiter un brut à plus haute teneur en soufre.

Au Canada, les raffineries utilisent principalement le procédé de craquage. Elles traitent un mélange de bruts légers et lourds de manière à fabriquer la gamme des produits demandés par les consommateurs canadiens. Par le passé, l´abondance des pétroles bruts légers et non corrosifs produits au pays et la demande de produits de distillation, comme le mazout de chauffage, plus élevée qu´ailleurs, ont réduit la nécessité d´installer une capacité de valorisation au Canada. Cependant, ces dernières années, les approvisionnements en bruts légers et non corrosifs ont diminué, et les bruts des nouvelles sources d´approvisionnement sont généralement plus lourds. Un grand nombre de raffineries canadiennes sont maintenant équipées d´installations de valorisation qui traitent les bruts les plus lourds actuellement produits.

Produits

La configuration des raffineries est également dictée par la demande de produits dans chaque région. Les raffineries fabriquent un large éventail de produits : propane, butane, charges d´alimentation pétrochimiques, essences (produits spéciaux à base de naphte, carburant aviation, essence à moteur), distillats (carburéacteur, diesel, mazout léger no 1, kérosène, mazout de chauffage), mazout lourd, huiles lubrifiantes, cires, asphalte et gaz de distillation. À l´échelle du pays, l´essence représente environ 40 p. 100 de la demande, les distillats, près du tiers du volume des ventes et le mazout lourd, à peine 8 p. 100.

La demande totale de produits pétroliers est répartie presque également entre les régions : le Canada atlantique/Québec, l´Ontario et l´Ouest consomment chacun environ le tiers du volume total. Par contre, le panier de produits varie considérablement d´une région à l´autre.

Dans les provinces de l´Atlantique, où les maisons sont chauffées principalement au mazout, les distillats représentent 40 p. 100 de la demande de produits et le mazout lourd, qui sert à produire l´électricité, 24 p. 100. L´essence représente moins de 30 p. 100 du volume des ventes.

Au Québec, où le gaz naturel et hydroélectricité dominent, les distillats représentent 34 p. 100 des ventes et l'essence, environ 40 p. 100. En Ontario, l'essence l'emporte également sur les distillats, avec plus de 45 p. 100 de la demande totale de produits, contre moins de 30 p. 100.

Dans l'Ouest du Canada, le secteur agricole est l'un des principaux consommateurs de distillats et d'essence, qui représentent chacun environ 40 p. 100 des ventes totales de produits pétroliers. Ces écarts régionaux dans la demande de produits ont une influence sur la configuration des raffineries dans chaque région.

Aux États-Unis, la demande d'essence dépasse largement la demande de distillats, et les raffineurs configurent leurs installations de manière à maximiser la production d'essence. Les ventes d'essence représentent près de 50 p. 100 de la demande, contre moins de 30 p. 100 pour les distillats. Dans plusieurs pays de l'Europe occidentale, surtout en Allemagne et en France, la politique gouvernementale encourage l'utilisation des moteurs diesel et a donc un effet marqué à la hausse sur la vente des distillats. L'essence intervient pour moins de 20 p. 100 dans les ventes de produits pétroliers en Europe.

Les raffineries américaines sont configurées de manière à traiter un grand pourcentage de brut lourd à haute teneur en soufre ainsi que pour produire de grandes quantités d'essence et de faibles quantités de mazout lourd. Elles ont investi dans des configurations plus complexes qui leur permettent de traiter des charges d'alimentation meilleure marché et qui ont une capacité de traitement plus élevée.

Les raffineries canadiennes n'ont pas une capacité de conversion aussi forte que celle des raffineries américaines parce que, en moyenne, elles traitent des bruts plus légers et moins corrosifs. En outre, elles doivent répondre à une plus grande demande de distillats, de sorte que les rendements en essence ne sont pas aussi élevés qu'aux États-Unis, bien qu'ils demeurent considérablement plus élevés que ceux des raffineries européennes.

La relation entre les ventes d'essence et les ventes de distillats représente parfois un défi pour les raffineurs. Les raffineries ont une marge de manœuvre limitée pour fixer le ratio essence/distillat. Au-delà d'un certain point, on ne peut accroître la production de distillats sans augmenter la production d'essence. C'est pourquoi l'Europe exporte beaucoup d'essence, surtout aux États-Unis.

Utilisation des raffineries

Un autre facteur déterminant de l'économie du raffinage est le taux d'utilisation, qui mesure l'efficacité de l´exploitation du complexe de raffinage. Le secteur canadien du raffinage est passé par plusieurs vagues importantes de rationalisation au cours des 30 dernières années. Au début des années 1970, on comptait 40 raffineries au Canada. Depuis, plusieurs facteurs ont amené les entreprises à procéder à une rationalisation majeure. Les chocs des prix pétroliers de 1973 et de 1979 ont amené les pays à améliorer l'efficacité des véhicules et à remplacer le pétrole par le gaz naturel et l'électricité. Ce virage a eu pour effet de réduire la demande de produits pétroliers et occasionné l'accumulation d'un surplus considérable de capacité de raffinage. Une vive concurrence s'est donc installée entre les raffineurs, aux prises avec une capacité excédentaire, ce qui a accentué l'érosion des marges de raffinage. D'où la fermeture d'un certain nombre de raffineries plus petites et moins efficaces qui, dans certains cas, ont fait place à un grand complexe de raffinage.

Le ralentissement économique du début des années 1980 a accentué le processus de rationalisation, qui s'est traduit par un grand nombre de fermetures de raffineries. Aujourd'hui, on compte 19 raffineries pétrolières au Canada. Cependant, en raison de l'expansion des raffineries qui ont survécu à cette vague de fermetures, la capacité de raffinage au Canada est maintenant plus grande qu'elle ne l'était dans les années 1970.

Au cours des dernières années, la croissance de la demande de produits pétroliers s'est traduite par une augmentation du taux d'utilisation de la capacité, une amélioration du rendement d'exploitation et une réduction des coûts par unité de production. Signalons que pendant six des dix dernières années, les taux d'utilisation des raffineries à l'échelle du Canada ont dépassé la barre des 90 p. 100. Un taux d'utilisation d'environ 95 p. 100 est jugé optimal, car il tient compte des arrêts normaux nécessaires à l'entretien et aux rajustements saisonniers.

La capacité d'une raffinerie dépend de la taille de l'unité de distillation prévue par les concepteurs. (C'est ce que l'on appelle souvent la « capacité nominale ».) Il arrive qu'en raison des améliorations apportées à l'usine ou de l'application d'une procédure de décongestionnement, les raffineries puissent traiter un volume de brut supérieur à la capacité nominale de l'unité de distillation. Il est alors possible d'atteindre un taux d'utilisation supérieur à 100 p. 100 pendant une courte période.

Initiatives environnementales

Les décisions d'investissement ne sont pas toujours dictées par des considérations de nature économique. Les raffineurs peuvent investir dans des mesures volontaires ou des mesures imposées par des lois et des règlements. Au cours des dernières années, les gouvernements et l'industrie ont consacré une somme considérable d'efforts à la réduction de l'impact environnemental des combustibles fossiles. Plusieurs de leurs initiatives avaient pour but de fournir aux Canadiens des combustibles « plus propres ». Le raffinage du pétrole est une industrie très complexe et capitalistique. La nouvelle réglementation environnementale oblige l'industrie à faire des investissements supplémentaires pour se conformer à des normes plus rigoureuses.

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