Sensibilités et adaptation des écosystèmes et des secteurs
3.1 ÉCOSYSTÈMES TERRESTRES
3.1.1 Sensibilités
Sur une période d'une cinquantaine d'années, la plupart des systèmes naturels sont modérément ou très exposés aux répercussions du changement climatique. Comme les systèmes naturels évoluent en réaction au climat depuis la déglaciation, un changement soudain des conditions climatiques mettra à l'épreuve leur capacité d'adaptation. On peut s'attendre à des déplacements de frontières à l'échelle de l'écorégion puis, à terme, de l'écozone. Le changement climatique entraînera des modifications des rythmes et des cycles biologiques associés aux saisons, des pertes d'habitats, la disparition ou l'extinction d'espèces animales et végétales indigènes et l'introduction d'espèces envahissantes. D'autres facteurs anthropiques, notamment ceux liés à l'utilisation des sols, aggraveront ces répercussions du changement climatique.
Le changement climatique provoquera des changements dans les écosystèmes et les espèces dominantes, soit par conversion, où l'espèce dominante est remplacée par une espèce sous-dominante, soit par migration, où les espèces qui peuvent s'adapter rapidement à un nouveau sol ou à de nouveaux facteurs topographiques se déplacent sur de longues distances (Nielson et al., 2005). Dans le sud du Canada atlantique, le sort des écosystèmes déjà très stressés de la forêt acadienne résiduelle (voir la figure 12) demeure incertain (Mosseler et al., 2003a, b; Moola et Vasseur, 2004). La forêt boréale peut s'étendre vers le nord aux dépens de la toundra (Heal, 2001), mais des facteurs topographiques et pédologiques entraveront la migration des écosystèmes de la limite forestière (Holtmeier et Broll, 2005; Nielson et al., 2005). À l'heure actuelle, on ne semble avoir constaté que peu de changements récents, sinon aucun, dans la position de la limite forestière nord du Canada (Masek, 2001).
Avec le réchauffement régional du printemps et de l'été, le printemps phénologique a avancé de cinq ou six jours depuis environ 1959 dans l'est de l'Amérique du Nord, comme le révèlent l'apparition des feuilles, la floraison et la nidification (Schwartz et Reiter, 2000). Au Canada atlantique, on a constat é une avancée de la floraison printanière dans certaines régions de l'intérieur, comme la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, mais on n'a pas remarqué de différence significative le long de la côte (Vasseur et al., 2001). De fréquents épisodes de dégel en hiver ou de gel à la fin du printemps ont provoqué un dépérissement terminal de la cime du bouleau jaune dans tout l'est du Canada (Cox et Arp, 2001; Bourque et al., 2005; Campbell et al., 2005). Au cours des prochaines décennies, les changements phénologiques pourraient être favorables, comme dans le cas de l'amélioration de la productivité agricole, ou défavorables, comme dans celui du dégel hivernal responsable du fendillement du tronc des épinettes rouges (voir Mosseler et al., 2000). Les oiseaux risquent de souffrir du changement climatique, en particulier des changements du printemps ph énologique. On a constaté que l'avancée des journées plus chaudes durant la saison de nidification nuit au succès de la reproduction des oiseaux de mer nicheurs en raison du stress causé par la chaleur et du parasitisme des moustiques (Gaston et al., 2002). Le moment de la migration des oiseaux risque également de changer en raison de l'élévation des températures au printemps, bien que les grands migrateurs semblent modifier le moment de leur migration en r éaction à des changements climatiques des conditions météorologiques et phénologiques (Marra et al., 2006). La grande variété d'oiseaux présents dans une région donnée représente de nombreux habitats et habitudes et, comme on les a beaucoup observés et étudiés, ils constituent des indicateurs utiles des changements environnementaux (Boucher et Diamond, 2001).
Les migrations à grande distance exigent de l'énergie, et les oiseaux migrateurs doivent trouver un équilibre entre la recherche de nourriture et le temps passé à voyager à des températures peu ou pas idéales. L'utilisation d'une halte migratoire donnée varie en fonction des conditions climatiques et météorologiques à l'endroit en question, et présente une grande variabilité interannuelle. Les liens avec les facteurs environnementaux semblent indiquer que les oiseaux migrateurs sont sensibles à la variabilité du climat, ce qui a des répercussions sur les efforts de conservation. Une étude détaillée de l'impact du changement climatique sur les espèces d'oiseaux chanteurs migrateurs au Canada atlantique est en cours (Taylor, 2006).
La dynamique de la faune est étroitement liée au climat. La migration saisonnière du cerf de Virginie au Nouveau-Brunswick semble dépendre de la variabilité du climat hivernal qui influe sur l'épaisseur de la couverture de neige (Sabine et Morrison, 2002). Quand l'hiver est doux, cette espèce peut occuper des régions où on ne la voit normalement pas. L'aire de répartition des orignaux ne descend pas plus bas au sud que la Nouvelle-Écosse, et ces animaux pourraient se disperser plus au nord si le climat se réchauffe (Snaith et Beazley, 2004). Une étude des effets de la NAO sur les ongulés nordiques a révélé un déclin des populations de caribou dans le nord du Québec et au Groenland pendant les hivers plus doux (Post et Stenseth, 1999), phénomène qui semble indiquer que l'on peut s'attendre à ce que les populations de caribou des forêts de Terre-Neuve-et-Labrador soient touchées de façon défavorable par le réchauffement du climat.
3.1.2 Adaptation
Les systèmes naturels se sont révélés relativement résilients aux changements climatiques du passé. Toutefois, ces changements se déroulaient sur de longues périodes et n'étaient pas amplifiés par d'autres facteurs de stress dus à l'homme. Laissés à eux-mêmes, les écosystèmes évolueraient en réaction aux changements des conditions environnementales. La nécessité pour l'homme d'exploiter les ressources naturelles fait toutefois que des changements à court terme touchant les écosystèmes ne peuvent que susciter certaines préoccupations.
Les différences dans la durée de vie et la taille des organismes individuels influent sur le degré d'exposition de chaque espèce, de même que sur l'immédiateté de sa réaction à de nouvelles conditions. Les insectes réagissent plus rapidement aux variations et au changement du climat, en termes de survie comme de migration, que les arbres et les gros mammifères.
Parmi les méthodes d'adaptation aux impacts du changement climatique sur les écosystèmes naturels figurent la gestion exhaustive et intégrée de l'affectation des terres combinée à la protection des principaux habitats et espèces, l'utilisation durable des espèces végétales et animales, ainsi que des mécanismes d'éducation, de sensibilisation et d'action auprès du public (Gitay et al., 2001; MacIver et Wheaton, 2005). Bien que la planification régionale générale de la protection de la biodiversité ne soit pas encore une réalité au Canada atlantique, toutes les provinces ont adopté une quelconque stratégie de zones protégées ainsi que des politiques et des règlements en matière de gestion de la faune et des forêts; il existe des structures équivalentes dans les zones qui relèvent du gouvernement fédéral. Pour des espèces en péril, comme l'aster et le pluvier siffleur (voir la figure 13) au sud du golfe du Saint-Laurent, de même que la braya de Long et la braya de Fernald, au nord de Terre-Neuve (voir l'encadr 3), il est important que l'on tienne compte de l'analyse de la sensibilité et du risque relatifs au changement climatique dans les plans de gestion ou de r établissement. Maintenir et améliorer un réseau interrelié de parcs et de zones protégées est un moyen d'améliorer la capacité des écosystèmes naturels à s'adapter aux changements des conditions. (Mosseler et al., 2003a, b; Beazley et al., 2005). Même si les zones protégées sont elles-mêmes exposées aux effets du changement climatique (Scott et al., 2002), elles peuvent constituer une base de surveillance et d'évaluation du changement survenu dans des écosystèmes moins perturbés par l'activité humaine que ceux qui les entourent.
ENCADRÉ 3 - Stratégie d'adaptation des végétaux endémiques des sols calcaires de Terre-Neuve
Les espèces végétales et animales disparaissent de la planète à raison de plus de 20 par jour, principalement à cause de la perte d'habitats due à l'activité humaine. Soucieux de préserver la biodiversité, des gouvernements ont promulgué des lois visant à reconnaître les espèces en voie de disparition et à favoriser leur survie et leur rétablissement (Environnement Canada, 2003). Le changement climatique aggrave le problème de la protection des habitats essentiels et du rétablissement des espèces.
Parmi les espèces inscrites sur la liste des espèces « en voie de disparition » figure la braya de Long (Braya longii), une espèce végétale arctique-alpine. On ne la trouve qu'à Terre-Neuve et seulement sur de rares étendues de landes calcaires en bordure de la côte, presque au bout de la péninsule Northern. Une autre espèce, la braya de Fernald (B. fernaldii), qui figure sur la liste des espèces « menacées », est présente dans la même région, mais aussi un peu au-delà de cette dernière. Avec le saule des landes (Salix jejuna), également menacé, ces trois espèces endémiques ne se retrouvent ensemble que dans ces zones de landes calcaires. Des hybrides des deux espèces de braya se sont établis, surtout aux endroits où la construction de routes et l'élimination du gravier ont permis un contact étroit. Les deux espèces de braya sont exposées à l'infection par un champignon pathogène et à la prédation de la larve de la fausse-teigne des crucifères (une espèce qui gagne Terre-Neuve au printemps et à l'été). Le fort gradient latitudinal de température vers le nord le long de la péninsule limite la gravité de ces effets. Comme on a pu le constater pendant les récentes années plus chaudes, l'élévation des températures de la région prévue par les scénarios de changement climatique aggravera très probablement ces menaces naturelles (Hermanutz et al., 2004, Parsons et Hermanutz, 2006).
Comme dans le cas d'autres espèces menacées de disparition au Canada, on a mis en œuvre une stratégie de rétablissement des peuplements de braya et de saule des landes dans la péninsule Northern, qui combine protection de l'habitat, surveillance et recherches. Étant donné l'importance de la perturbation de nature anthropique, la gestion communautaire est de toute première importance et les collectivités font preuve d'un grand sens des responsabilités. Avec le temps, le changement climatique pourrait faire que la braya de Long soit incapable de survivre dans son milieu actuel. Par contre, la stratégie d'adaptation mise en place par l'Équipe de rétablissement de la flore rare des terrains dénudés calcareux permettra de préserver ces espèces dans les jardins botaniques de la province (Hermanutz et al., 2002).
3.2 ZONES CÔTIÈRES
3.2.1 Sensibilités
Le Canada atlantique se définit par ses côtes. L'aménagement (surtout résidences et quais communautaires) y exerce de plus en plus de stress, et l'élévation du niveau de la mer, l'érosion et les inondations progressent et se feront de plus en plus fréquentes (Daigle et al., 2006). Les facteurs géologiques, le taux d'élévation du niveau de la mer, l'ampleur de l'érosion des côtes, le régime des vagues et celui des marées permettent de calculer la sensibilité à l'élévation du niveau marin de certaines portions du rivage (p. ex., Gornitz et al., 1993). On a procédé à une telle évaluation pour tout le Canada atlantique, à l'échelle générale de la région (voir la Figure 9; Shaw et al., 1998), puis à des évaluations plus détaillées de certaines portions du littoral (p. ex., Chmura et al., 2001; Catto et al., 2003; Daigle et al., 2006; Shaw, 2006). L'érosion touche les littoraux les plus fragiles, comme les dunes, les plages de sable et les plages de galets, ou les endroits o ù des sédiments meubles ou un socle peu consolidé forment des falaises côtières. On trouve des côtes dunaires dans les quatre provinces de l'Atlantique.
Dans toute la région sud du golfe du Saint-Laurent, l'élévation du niveau de la mer, une augmentation de l'utilisation des côtes pour la construction de résidences ou aux fins de tourisme et la réduction de la couverture de glace hivernale ont accéléré l'érosion et dégradé les dunes et le littoral; on en trouve des exemples dans le nord-est de l'Île-du-Prince-Édouard (Catto et al., 2002), dans le sud-ouest et l'ouest de Terre-Neuve (Pittman et Catto, 2001; Catto, 2002; Ingram, 2005) et dans l'est de Terre-Neuve (Catto, 1994). L'érosion causée par les tempêtes hivernales tend à produire des plages à granulométrie plus grossière et à pente plus prononcée. Les facteurs locaux, toutefois, jouent un rôle dominant dans les résultats constatés sur une plage donnée (Catto et al., 2003; Catto, 2006, 2006a, b, sous presse).
D'autres littoraux sont également sensibles à l'érosion (voir la figure 14 a, b). On a mesuré un taux d'érosion côtière de plus de 5 m par an dans les falaises composées de sédiments glaciaires, à Chezzetcook, en Nouvelle-Écosse, accompagnée de la migration du cordon littoral vers l'intérieur (Forbes et al., 1995; Orford et al., 1995; Taylor et al., 1997). On a aussi constaté des taux d'érosion de 0,7 m par mois, de décembre 2003 à avril 2004, au parc provincial Sandbanks, à Terre-Neuve-et-Labrador (Ingram, 2004). Dans la baie Cascumpec, à l'Île-du-Prince-Édouard, l'érosion a fait reculer la côte de 115 m entre 1974 et 2004, soit de 3,8 m par an (Conroy, 2007).
L'élévation continue du niveau de la mer augmente les risques associés aux tempêtes (Taylor et al., 1996a; Shaw et al., 1998, 2001; Bruce et al., 2000; Parkes et al., 2006). On a ainsi constaté une accélération de l'érosion côtière dans plusieurs localités, notamment sur la côte sud de la Nouvelle-Écosse (Taylor et al., 1985, 1996a; Shaw et al., 1993, 1994), dans l'est du Nouveau-Brunswick (Ollerhead et Davidson-Arnott, 1995; Shaw et al., 1998; Daigle et al., 2006; Ollerhead, 2006), sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard (Forbes et al., 2002; McCulloch et al., 2002) et dans la baie Conception, à Terre-Neuve-et-Labrador (Taylor, 1994; Liverman et al., 1994a, b; Batterson et al., 1999; Catto et al., 2003). Par exemple, des observations effectuées de 1989 à 2005 à Mobile, à Terre-Neuve-et-Labrador (Catto, 2006b), indiquent que l'érosion a augmenté dans la partie supérieure du système de plages. Plus bas, les dépôts ne suffisent plus à compenser et à maintenir le volume total de sédiments. Le sable de cette plage est de moins en moins fin, et sa largeur diminue à mesure que le niveau de la mer monte. Il semble que la plage perde de sa stabilit é à mesure que les tempêtes, surtout l'hiver et au printemps, se combinent au piétinement de l'homme pour en modifier encore plus l'aspect.
À titre d'exemple, on a cartographié en détail et évalué la sensibilité à l'érosion d'un rivage, dans ce cas celui entre Conception Bay South et Holyrood. Cette carte de sensibilité a permis de déceler quatre grands risques : inondation des côtes et ondes de tempête, dommages causés aux infrastructures par les tempêtes, érosion des côtes, détérioration des zones écologiques côtières (Shaw et al., 1998; Catto et al., 2003).
3.2.2 Adaptation
On distingue trois grandes catégories d'adaptation auxquelles pourraient avoir recours les régions touchées par l'érosion des côtes, l'élévation du niveau de la mer et les ondes de tempête (Nicholls et Mimura, 1998; Nicholls, 2003):
- Pour le retrait planifié, on reconnaît que l'érosion des côtes est inévitable et qu'il vaut mieux abandonner les zones situées trop près du rivage, ou n'y installer que des structures temporaires ou sacrifiables.
- Pour l'accommodement, on choisit des techniques de construction qui visent à réduire les dommages au minimum (p. ex., en installant les bâtiments sur des pilotis), ou on adopte des plans d'affectation des terres ou d'aménagement qui ne permettent que des structures qui doivent nécessairement être situées sur le rivage (p. ex., ports ou usines de transformation du poisson) et interdisent les autres types de construction (comme les r ésidences privées).
- Pour la protection, on choisit de consolider le rivage, soit par des solutions d'ingénierie lourdes (ouvrages longitudinaux, enrochements, épis) ou légères (p. ex., dunes couvertes de végétaux comme l'ammophile).
Une planification à l'échelle municipale qui comporterait une combinaison de ces trois catégories pourrait déboucher sur des solutions à long terme favorables aux collectivités.
Face à un risque important, la solution la plus simple est le retrait planifié. Pour ce faire, il faut déterminer une marge de reculement et désigner une zone le long du rivage où l'érection de structures permanentes sera interdite. Dans le cas de Shediac, au Nouveau-Brunswick, l'analyse des dommages passés et des tendances actuelles des dommages liés à l'élévation du niveau de la mer, aux ondes de tempête et à l'érosion des côtes a mené à des discussions sur les mesures d'adaptation possibles, dont le retrait. Ces discussions reposaient sur la susceptibilité des résidences en termes de dédommagement économique après une inondation et tenaient compte des classes 5 et 6 d'inondation (les zones les plus exposées). Dans la province du Nouveau-Brunswick, certains retraits planifiés seraient applicables en vertu de la Politique de protection des zones côtières pour le Nouveau-Brunswick (Département de l'Environnement et Gouvernements locaux du Nouveau-Brunswick, 2002) en vigueur; cette politique favorise également la protection des régions côtières en interdisant de construire à moins de 30 m de la laisse des grandes marées et en ne permettant la construction de structures permanentes qu'à l'extérieur de la marge de reculement.
La Politique de protection des zones côtières pour le Nouveau-Brunswick (Département de l'Environnement et Gouvernements locaux du Nouveau-Brunswick, 2002) prévoit des dispositions de portée générale pour la gestion des zones côtières et les mesures d'adaptation à l'échelle locale. Cependant, des intervenants et des planificateurs ont mentionné qu'un bon nombre de propriétaires ont profité du retard dans l'application de la Politique pour s'empresser de construire avant l'entrée en vigueur de la réglementation (Martin et Chouinard, 2005). Malgré les risques, ceux qui veulent tout de même construire près du rivage sont encore nombreux. Bien que les outils nécessaires soient disponibles et que les instances municipales soient en mesure de mettre en place des plans susceptibles de permettre le contrôle des projets de mise en valeur des zones côtières à l'échelle locale, on perçoit un manque de ressources et de constance dans leur application (Martin et Chouinard, 2005), ce dont des particuliers, des repr ésentants de l'administration municipale et des groupes environnementaux se sont d'ailleurs plaints.
Des études menées à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve ont souligné le besoin d'une meilleure planification dans les régions rurales et urbaines, soit une planification qui tienne compte de l'élévation du niveau de la mer et des ondes de tempête (p. ex., Paone et al., 2003; Smith et al., 2005). Toutefois, il n'existe actuellement aucune politique de protection des côtes à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve ni en Nouvelle-Écosse (à l'exception de la Loi sur les plages), et certaines régions subissent énormément de pressions de la part des promoteurs immobiliers. Dans les régions côtières, les résidents se sont beaucoup attachés à l'endroit qu'ils occupent, et peu d'entre eux considèrent le retrait comme une option. Le taux d'érosion à long terme est un bon guide pour fixer la marge de reculement (Taylor, 1994) et d éterminer les endroits où certaines structures seraient en danger. Le manque de données provenants de la surveillance à long terme de l'érosion des côtes fait que, toutefois, le taux actuel d'érosion ne peut pas nécessairement servir d'indicateur de l'ordre de grandeur des phénomènes passés (ou à venir). En outre, comme l'érosion est surtout causée par des tempêtes individuelles, l'évaluation du risque exige que l'on connaisse la probabilité de l'effet maximal d'une tempête donnée plutôt que de simplement surveiller et voir aux faibles pertes quotidiennes et progressives de sédiments.
L'accommodement vise surtout à réduire au minimum les répercussions de ce phènomène sur la vie des gens, en modifiant leur utilisation de la zone côtière, sans nécessairement protéger les entités naturelles. Pour l'instant, ce n'est pas une stratégie d'adaptation couramment appliquée au Canada atlantique. On trouve toutefois, sur les côtes du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, des exemples localisés de maisons construites sur pilotis, ce qui permet aux ondes de tempête de passer en dessous. Ce sont les propriétaires eux-mêmes qui ont pris une telle décision. À bien des endroits, la solution proposée a été l'adoption d'un système de zonage exhaustif (p. ex., Département de l'Environnement et Gouvernements locaux du Nouveau-Brunswick, 2002), mais on accorde souvent des d érogations.
La protection, une stratégie d'adaptation fréquemment utilisée, consiste à réduire les répercussions des phénomènes extrêmes, de l'érosion et du changement climatique sur les entités naturelles au moyen de mesures d'ingénierie lourdes ou légères. Les mesures d'adaptation les plus courantes sont les ouvrages longitudinaux, les brise-lames et les épis, de même que la mise en place d'enrochements et de gabions. Il s'agit également de mesures auxquelles la plupart des résidents et des propriétaires des régions côtières accordent leur préférence. Ces structures d'ingénierie lourde coûtent cher, nécessitent une surveillance et un entretien constants, et risquent de ne pas donner de bons r ésultats si elles sont mal conçues ou mal construites. L'action répétée des tempêtes et l'élévation du niveau de la mer posent en effet des problèmes de conception et d'entretien des structures de protection en dur. En outre, certaines collectivités et certains propriétaires ont eu recours à des techniques inappropriées pour protéger leur propriété, comme l'utilisation de différents matériaux de construction pour les digues ou les sections de transition des digues, ce qui a entra îné un manque d'homogénéité (tel que cela s'est produit à la Nouvelle-Orléans, voir Nicholson, 2005).
Dans certaines régions, comme le parc Victoria, à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard, des préoccupations d'ordre esthétique ont influencé la conception des mesures de protection du littoral. À Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et à Trout River, à Terre-Neuve-et-Labrador, on a conçu des structures de protection qui puissent également servir de sentier pédestre. Dans certaines instances, les mesures de protection sont couvertes par la réglementation comme, par exemple, la Beaches Act, ou loi sur les plages, de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia House of Assembly, 2000).
Parmi les solutions d'ingénierie légère figurent le reprofilage des falaises pour réduire l'érosion, et l'entretien ou l'ajout de végétation. On utilise couramment le roseau des sables à cette fin dans les régions de dunes côtières du Canada atlantique (p. ex., l'Éco-centre Irving, à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick; G. Arsenault, communication personnelle, 2004). On plante également des conifères, mais ces derniers coûtent plus cher et sont plus fragiles face aux effets des embruns. La restauration des marais salants pourrait également être une solution d'adaptation efficace pour protéger le littoral contre l'élévation du niveau de la mer (Ollerhead, 2006).
Un aspect important des stratégies d'adaptation est d'amener les résidents à mieux comprendre les principaux problèmes auxquels sera confrontée leur collectivité. La planification et les activités communautaires s'avéreront probablement les initiatives les plus efficaces. Pour stimuler la participation de la collectivit é, il faudrait élaborer et mettre en œuvre un programme d'éducation et de sensibilisation du public. Sans l'appui de la collectivité, la mise en œuvre du retrait planifié ou de l'accommodement par l'intermédiaire du zonage ne saurait être efficace.
Même si la plupart des réglementations provinciales et des plans d'aménagement municipaux (p. ex., la Commission de district d'aménagement Beaubassin, voir Daigle et al., 2006) prévoient des dispositions pour protéger les zones côtières, très peu d'entre eux tiennent compte du changement climatique dans leur planification à long terme et dans la protection des habitats, ce qui entraîne des problèmes d'adaptation au changement du niveau de la mer et à l'érosion côtière. C'est pourquoi il faudra peut-être déménager les infrastructures côtières ou assister à leur détérioration progressive. Dans la plupart des cas, le manque de planification à long terme, de financement et de terrains disponibles où déplacer les infrastructures est un facteur qui limite l\'adaptation (DeLusca et al., 2006).
3.3 ÉCOSYSTÈMES MARINS ET PÊCHES
3.3.1 Sensibilités
Les ressources marines sont vitales sur le plan socio-économique dans tout le Canada atlantique. Les répercussions directes du changement climatique sur les espèces biologiques découlent des changements de la température de l'océan en surface et en sub-surface, des changements de la durée et de l'étendue de la glace de mer et des changements subis par les plages et les régions littorales fréquentées par les espèces qui viennent s'y nourrir et frayer. Les modifications de la répartition des espèces parasites et pathogènes sont un autre sujet d'inquiétude. Les exploitations aquacoles pourraient subir les effets des changements de l'activité cyclonique sur les côtes, de l'érosion côtière des marais salants et des systèmes de dunes-barrières qui les protègent (en particulier sur la côte du golfe du Saint-Laurent), et de changements dans les apports d'eau douce et de sédiments terrestres dans les estuaires. Le changement climatique pourrait également toucher de nombreux aspects de l'industrie de la pêche, y compris le transport, la commercialisation, la santé et la sécurité au travail, et le bien-être communautaire (voir également la section 3.10; Catto et al., 2006; Catto, sous presse; Sjare et al., 2006). Bon nombre de ces impacts sont liés aux changements de l'état de la mer et de l'activité cyclonique.
L'incidence du changement climatique sur les pêches, les pêcheurs professionnels et les villages de pêcheurs a varié, dans le temps et dans l'espace, dans tout le nord-ouest de l'Atlantique Nord. Ce rôle est passé de celui d'un « acteur de soutien » au simple « bruit de fond » (Catto et Catto, 2004). Ce n'est que dans les cas d'épuisement des stocks dû à des causes purement écologiques que le changement climatique pouvait alors être considéré comme l'« élément moteur » du problème.
Au Canada atlantique, le secteur des pêches subit l'influence du Gulf Stream et du courant du Labrador (voir la figure 20). Le Gulf Stream est le courant le mieux défini et le plus fort de l'Atlantique Nord, transportant 55 millions m3 d'eau à la seconde le long de la côte maritime du Canada atlantique (Narayanan, 1994; Beer, 1996; Kearns, 1996). Dans les ann ées à venir, on prévoit un réchauffement du Gulf Stream et une réduction du débit du fleuve Saint-Laurent, de même qu'un réchauffement de ses eaux, surtout en été. Une augmentation des vents du sud-ouest entraînerait une augmentation du débit du courant vers le Canada atlantique. Dans le golfe du Saint-Laurent, la baisse du d ébit et le réchauffement du Saint-Laurent en été affaibliraient le contre-courant plus froid qui suit la côte est du Nouveau-Brunswick, toutes les côtes de l'Île-du-Prince-Édouard et la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse, y rendant les étés encore plus chauds. L'affaiblissement du contre-courant et le réchauffement simultané du Gulf Stream offriraient les conditions stet à la propagation vers le nord d'organismes marins en provenance du milieu de la côte atlantique des États-Unis, dont, certes, des espèces de poisson désirables sur le plan économique, mais aussi des espèces parasites et pathogènes. Un réchauffement des eaux du Gulf Stream rallongerait la phase de formation de la carapace molle de l'exuvie du crabe. Les crabes pris à ce stade ne peuvent pas être efficacement transformés ou commercialisés, ce qui se traduit par un gaspillage d'efforts et des pertes de revenus. Les pêcheurs professionnels ont déjà eu à composer avec ce problème de formation prématurée de la carapace molle au cours des dernières années. Les jeunes crabes semblent les plus vulnérables aux changements de la température de l'eau puisque les caractéristiques propres à leur habitat leurs offrent peu de latitude, ce qui constitue d'ailleurs un maillon faible dans le cycle de vie du crabe des neiges (Dionne et al., 2006).
Dans les eaux côtières du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard (y compris celles utilisées pour l'aquaculture), la diminution des précipitations sur les terres en été ferait baisser le débit des cours d'eau. Dans les milieux estuariens, les épisodes d'étiage en été sont à l'origine de l'augmentation des épisodes d'infiltration d'eau salée, y haussant ainsi le taux de salinité. La diminution de la vitesse et du débit des rivières favorise la propagation de la laitue de mer (Ulva lattuca), phénomène contribuant à l'augmentation de l'eutrophisation; les estuaires conviennent alors moins bien à l'aquaculture des mollusques, des crustacés et des poissons, et présentent moins d'intérêt pour les résidents et les touristes (voir la figure 21). La prolifération de la laitue de mer constatée dans les baies Cascumpec et Tracadie de 1990 à 2006 résulte de la réduction de l'apport en eau douce, du ralentissement de la circulation dans les estuaires et de l'addition d'engrais d'origine agricole (Conroy, 2007). Les modifications aux pratiques agricoles qui intensifient l'irrigation et l'usage de fertilisants favoriseront donc la propagation de la laitue de mer. La baisse du d ébit des rivières Saint-Jean (voir Bruce et al., 2003), Petitcodiac et Annapolis aurait des effets similaires sur les eaux côtières de la baie de Fundy.
Le courant du Labrador est alimenté par l'afflux d'eau douce du Groenland, du Canada arctique et du Labrador, en plus de recevoir les eaux de l'Arctique européen. Une accélération de la fonte des glaciers du Groenland rendrait le courant du Labrador moins sal é et plus fort, poussant de l'eau plus froide et des icebergs vers le sud, le long du nord-est de la plate-forme de Terre-Neuve (Institut canadien d'études climatologiques, 1999-2005; Hadley Centre, 2006). L'afflux des eaux froides du courant du Labrador peut tuer les poissons à certains endroits, comme dans la baie Smith en février 2003 (Colbourne et al., 2003). Des poissons de fond comme la morue (Gadus morhua) souffrent d'une insuffisance rénale mortelle quand on les immerge dans une eau dont la température est inférieure à 2 °C et réagissent mal à une baisse rapide de la température (Clark et Green, 1991; Chabot et Dutil, 1999; Petersen et Steffensen, 2003; Mosaker, 2005). Le rétrécissement de l'aire de répartition de la morue en réaction au refroidissement des eaux littorales de la côte ouest du Groenland est bien documenté (p. ex., Hansen, 1949). Un renforcement du courant du Labrador augmenterait la probabilit é d'occurrence de ce type de phénomènes. Une modification de l'intensité de la NAO modifierait également la température de l'eau, ce qui aurait une incidence sur les populations de poisson, en particulier de la morue (Drinkwater et al., 2003).
Les changements des stocks de morues sont également liés aux populations de capelans (Mallotus villosus), une de leurs proies favorites. Le capelans est également une importante source de nourriture pour les oiseaux de mer (Davoren et Montevecchi, 2003; Davoren et al., 2003), et l'une des espèces les plus importantes de la région de l'Atlantique sur les plans écologique et économique. Les stocks de capelans se retrouvent surtout dans la région comprise entre l'isotherme 2 °C et la limite nord du Gulf Stream (Narayanan et al., 1995). Le capelan fraye aussi bien au large que dans les zones littorales et les zones de plage de Terre-Neuve, et le moment de la fraye est inversement corr élé à la température des 20 premiers mètres de la colonne d'eau de mer (Narayanan et al., 1995; Carscadden et Nakashima, 1997; Carscadden et al., 2000). Lorsque l'eau est plus froide, la fraye survient plus tard dans la saison. L'état de santé des stocks de capelans est donc un indicateur très important des répercussions du changement de température de l'eau (Rose, 2005). Le renforcement du courant du Labrador consécutif à la fonte des glaciers du Groenland qui l'alimentent en eau douce et froide, combiné aux vents du nord-est qui poussent ces eaux froides vers la côte, pourrait donc avoir un impact négatif sur le capelan et retarder sa période de fraye. Si la fraye est retardée jusqu'au début de la saison des ouragans, il pourrait s'ensuivre une perte de productivité.
Des changements dans l'étendue de la glace de mer et le moment où elle se forme pourraient avoir des répercussions sur les phoques et les autres mammifères marins (Sjare et al., 2006). Dans plusieurs rivières et estuaires de Terre-Neuve, les phoques restent plus longtemps, jusqu'à trois mois de plus depuis les années 1990 (Lenky et al., 2006). Auparavant, il n'y avait plus de phoques dans les estuaires au moment de la migration des saumoneaux. L'allongement du temps passé dans les estuaires par les phoques pourrait augmenter la prédation sur le capelan et sur le saumon. Des recherches se poursuivent pour évaluer les effets de la prédation du phoque sur les stocks de saumon (Lenky et al., 2006).
Les répercussions du changement climatique sur la pêche côtière et l'aquaculture diffèrent beaucoup entre, d'une part, les Maritimes et, d'autre part, le Labrador et le nord-est de Terre-Neuve. Dans les Maritimes et le sud-ouest de Terre-Neuve, elles d écoulent surtout du réchauffement et de l'augmentation de la salinité en été, et de la présence d'eaux froides dans les baies du nord-est de Terre-Neuve , particulièrement en hiver. Dans les baies de Placentia et St. Mary's, à Terre-Neuve, où le Gulf Stream et le courant du Labrador interagissent de façon saisonnière, on s'attend à ce que la transition entre les conditions hivernales (dominées par le courant du Labrador) et estivales (dominées par le Gulf Stream) soit plus brutale, entraînant des répercussions fâcheuses pour les poissons (p. ex., Rose, 2005).
La plupart des espèces aquatiques marines et dulcicoles sont adaptées à une plage de températures relativement étroite. Avec des eaux plus chaudes, les salmonidés du Canada atlantique vont probablement subir un rétrécissement de leur aire de répartition ou disparaître en raison de la modification de leur habitat, de l'introduction de compétiteurs et de prédateurs, et de l'augmentation du parasitisme (Marcogliese, 2001; Schindler, 2001; El-Jabi, 2002). On a d éjà noté dans certaines rivières, comme la Miramichi, au Nouveau-Brunswick, des changements importants liés à une perte de production due à des conditions inadéquates pour la croissance et la survie des juvéniles chez le saumon de l'Atlantique (Swansburg et al., 2002; El-Jabi et Swansburg, 2004).
Des changements des conditions de glace sur un cours d'eau, que ce soit une augmentation ou une diminution, auraient des répercussions sur son caractère écologique global. Beltaos et Burrell (2003) ont noté les effets indésirables de l'augmentation de l'affouillement par la glace sur les populations de salmonidés de la Miramichi. Toutefois, une diminution de cet affouillement pourrait être tout aussi dommageable. Les dépressions créées par l'affouillement et par le ballottement de la plaque de glace forment des bassins de faible énergie où se reposent les salmonidés en été. De plus, l'affouillement élimine la végétation et les sédiments organiques boueux des berges, ce qui ouvre la rive et en augmente l'accessibilité pour la faune (voir Johnston, 1993). Le bois flotté transporté par la glace et la crue rapide du printemps fournissent d'importants habitats aux invertébrés, qui constituent une source de nourriture vitale pour les salmonidés et favorisent la pollinisation d'espèces clés comme le bleuet (Harmon et al., 1986; Lomond, 1997; Colbo et al., 1999).
3.3.2 Adaptation
Les réglementations actuelles limitent les réactions possibles des pêcheurs professionnels au changement climatique et à la variation du climat. Pour leur part, les agriculteurs ont la possibilité de changer de culture ou de modifier la date de la moisson en fonction du changement climatique ou des ph énomènes météorologiques. Toutefois les pêcheurs professionnels ne peuvent pas prendre une autre espèce de poisson (sans avoir d'abord obtenu le permis correspondant), ni changer la date de la pêche (hors saison), ni capturer plus de poisson que leur quota ne le permet. Le problème des crabes à carapace molle l'illustre bien : la contrainte de pêcher en saison (dates pré-établies) entre en conflit avec le moment idéal de la pêche compte tenu de l'influence du réchauffement du Gulf Stream. Bien qu'il faille conserver les permis spécifiques à l'espèce, le système de quotas et les saisons de pêche pour pouvoir gérer efficacement le secteur des pêches, il se peut que l'on doive faire des ajustements, selon les régions, pour assurer une gestion efficace en fonction de nouvelles conditions de temp érature de l'eau et de régime de la glace de mer.
Les exploitations aquacoles sont théoriquement en mesure de réagir aux changements de climat avec plus de souplesse que les pêcheurs qui récoltent des ressources sauvages. L'adaptation serait très efficace si les exploitations aquacoles jouissaient d'assez de souplesse pour pouvoir changer d'espèce ou de période de culture.
De plus, l'adaptation sera nécessaire pour aider le secteur des pêches de l'Atlantique à faire face aux problèmes de santé et de sécurité des pêcheurs liés à l'augmentation des tempêtes, aux ondes de tempête et à l'élévation du niveau de la mer. La nécessité de naviguer plus loin en mer afin de trouver les ressources recherchées expose le bateau et l'équipage à un risque accru si les tempêtes sont plus fréquentes. Par conséquent, les entreprises de recherche et de sauvetage, en particulier la garde côtière, seront davantage sollicitées. Ce problème se trouve aggravé par la réglementation fédérale actuelle qui précise la longueur des bateaux, sans restrictions correspondantes quant à la largeur maximale et à la hauteur, ce qui fait qu'on risque de concevoir des bateaux trop lourds du haut, qui se renverseront donc plus facilement en cas de temp êtes violentes. Plusieurs provinces révisent présentement la planification et la conception des bateaux (p. ex., Centre canadien pour l'innovation dans le domaine des pêches, 2004; Newfoundland Fisheries and Aquaculture, 2006), et il vaudrait la peine de poursuivre les recherches dans ce domaine.
3.4 EAU
Les ressources en eau douce des quatre provinces de l'Atlantique représentent moins de 4 p. 100 de toute l'eau douce disponible au Canada. La région de Terre-Neuve-et-Labrador dispose de presque 90 p. 100 des ressources totales d'eau douce du Canada atlantique (Ressources naturelles Canada, 2006a, b), situées surtout au Labrador. Les plus grands bassins hydrographiques sont ceux du fleuve Churchill (79 800 km2) et de la rivière Saint-Jean (35 500 km2 au Canada). Les changements de la température et des précipitations influent sur l'évaporation, le ruissellement et la quantité d'eau stockée dans les glaciers, les lacs, les terres humides et les eaux souterraines (Freeze et Cherry, 1979; Jones, 1997; Hornberger et al., 1998; Rivard et al., 2003). Ces répercussions, à leur tour, entraînent des changements de la quantité et de la qualité de l'eau disponible pour utilisation humaine, ce qui a un impact sur les écosystèmes et l'habitat.
Ces changements des ressources hydriques peuvent avoir des conséquences de grande portée. Les réductions du débit estival des cours d'eau prévues pour le Canada atlantique pourraient influer sur le tourisme et les loisirs, la p êche en eau douce, la production hydroélectrique, l'approvisionnement en eau des municipalités et l'agriculture. Les effets ne seront pas toutefois les mêmes partout dans la région. Dans certains cas, la variabilité actuelle des précipitations annuelles et saisonnières est plus grande que les répercussions prévues du changement climatique (p. ex., Barnard et Richter, 2004).
3.4.1 Sensibilités
Eaux de surface
Selon des projections climatiques, les précipitations globales dans presque tout le Canada atlantique, à l'exception peut-être de l'ouest et du centre du Labrador, vont continuer d'augmenter (voir la figure 5b). Par contre, une augmentation des précipitations n'accroît pas nécessairement la quantité d'eau présente dans les rivières, les lacs et les terres humides. L'élévation de la température en été fera monter le taux d'évaporation, phénomène qui ne sera peut-être pas contrebalancé par le taux de précipitations, entraînant ainsi une baisse des niveaux d'eau. Les tendances générales du débit des cours d'eau semblent indiquer que ce dernier augmentera au Labrador, mais diminuera partout ailleurs au Canada atlantique (Milly et al., 2005). On a remarqué une diminution du débit des rivières Saint-Jean et Sainte-Croix, au Nouveau-Brunswick, entre 1970 et 2000 (Bruce et al., 2003).
Dans la plupart des régions du Canada atlantique, l'augmentation des précipitations constatée depuis 1948 (Lines et al., 2003) n'est pas répartie également d'une saison à l'autre. La baisse des précipitations estivales observée à plusieurs endroits de Terre-Neuve (Catto et Hickman, 2004; Slaney, 2006) a contribu é à l'assèchement saisonnier de cours d'eau et de terres humides, phénomène qui a eu des répercussions sur les populations de salmonidés (p. ex., Marcogliese, 2001; Schindler, 2001) et entraîné des pénuries d'eau pour usage domestique à St. John's et ailleurs à Terre-Neuve au cours des étés 1997, 2003, 2004 et 2005.
Les terres humides représentent un élément clé de l'approvisionnement en eau des systèmes fluviaux, en particulier durant les mois secs de l'été. De plus, elles atténuent les inondations en réduisant l'apport d'eau dans les systèmes fluviaux immédiatement après une pluie abondante (Freeze et Cherry, 1979; Jones, 1997; Hornberger et al., 1998). La surexploitation des terres humides, des mesures de protection inadéquates et la destruction des habitats qui y sont présents aggravent les problèmes causés par les changements survenus dans la saisonnalité des pluies (Schindler, 2001). Dans les zones urbaines, construire sur des terres humides et des plaines inondables peut contribuer à la fois à une baisse du niveau d'eau en été et à des inondations après des pluies abondantes (p. ex., Watt, 1989; Catto et St. Croix, 1998; Wohl, 2000; Catto, 2006b; Liverman et al., 2006). Même dans les régions sans aménagement urbain important, le défrichement des forêts et le drainage des terres humides ont fait augmenter le risque d'inondation (p. ex., Bosch et Hewlett, 1982).
La sécheresse estivale ferait probablement diminuer les superficies de terres humides, et les effets en seraient surtout ressentis dans les r égions exposées à d'autres stress. Dans les collectivités où les terres humides n'ont pas fait l'objet d'efforts de mise en valeur considérables, des baisses du taux de pluviosité en été, alors que les précipitations globales annuelles ne font qu'augmenter, n'ont pas provoqué d'assèchement général (p. ex., Slaney, 2006). Par conséquent, le maintien des terres humides est un mécanisme efficace pour réduire l'effet des variations saisonnières des précipitations sur le débit des cours d'eau.
La baisse du niveau ou du débit des rivières pourrait également altérer la qualité de l'eau potable dans certaines régions. Un bon nombre de municipalités du Canada atlantique s'approvisionnent dans des eaux de surface et sont donc exposées à la baisse du niveau des étangs et des rivières, de même qu'à la contamination de l'eau. S'il y a moins d'eau qui parvient aux usines de traitement, sa turbidité pourrait augmenter et il faudrait la traiter encore davantage (Falkingham et al., 2001; Agence de santé publique du Canada, 2002; Dolgonosov et Korchagin, 2005).
Le réchauffement, l'allongement de la saison sèche en été et l'augmentation de l'intensité des pluies accroissent également le risque de contamination de l'eau potable par les parasites d'origine hydrique comme Giardia, Cryptosporidium et E. coli (Atherholt et al., 1998; Curriero et al., 2001; McMichael et al., 2003; Charron et al., 2004). On retrouve fréquemment des kystes de Giardia au Canada, même dans des échantillons d'eau traitée (Wallis et al., 1996), et très souvent dans des eaux d'égout non traitées. En 2005, on a prescrit à plus de 200 collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador de faire bouillir l'eau avant de la consommer (Newfoundland and Labrador Environmental Industries Association, 2005). On a fait de m ême à Charlottetown, à Moncton et à Saint John au cours des dix dernières années.
La modification de la couverture de neige aura elle aussi des répercussions sur l'approvisionnement en eau. On s'attend à une augmentation du pourcentage de précipitations tombant sous forme de pluie plutôt que de neige dans les provinces maritimes (Lines et al., 2003; Lines et Pancura, 2005). Avec le ruissellement hivernal, il y aura moins d'eau dans l'arrière-pays pour réapprovisionner les tronçons inférieurs des systèmes fluviaux durant l'été (El-Jabi et al., 2004). Par conséquent, une augmentation des précipitations en hiver n'augmenterait pas nécessairement la quantité d'eau dont disposent les résidents, à moins que le ruissellement d'hiver ne soit stocké dans des réservoirs. À Terre-Neuve et sur les côtes du Labrador, les précipitations hivernales vont augmenter, en particulier durant les hivers de phase positive de la NAO. Les périodes de dégel et de pluie en hiver pourraient faire augmenter le nombre d'inondations dues aux épisodes de pluie sur neige, comme on l'a constaté à Corner Brook depuis 1950 (Catto et Hickman, 2004). Les changements prévus des précipitations n'auront pas de répercussions importantes sur les régions les plus humides de la province, y compris la côte sud-ouest et la presqu'île Avalon (Barnard et Richter, 2004), mais des études s'imposent dans les autres régions. Dans l'intérieur du Labrador, la diminution de la couverture de neige risque d'avoir des répercussions sur la production hydroélectrique, mais l'augmentation des précipitations au printemps et à l'automne contribuerait au maintien du réservoir Smallwood, ce qui réduirait l'impact sur l'ensemble du système.
Eaux souterraines
Les réserves d'eaux souterraines du Canada atlantique sont composées d'eau provenant non seulement de précipitations récentes, mais également d'eau tombée il y a des décennies, voire des siècles. Si on prélève cette eau en quantités plus grandes que celles fournies n'est remplacée par les précipitations, le niveau de la nappe phréatique baissera. Dans des puits peu profonds du Canada atlantique, on constate des baisses de la nappe apr ès des périodes de sécheresse estivale. La nappe phréatique dans laquelle s'alimentent les puits profonds creusés dans le socle réagit généralement à des variations annuelles ou décennales des précipitations et des prélèvements.
Les régions du Canada atlantique qui dépendent le plus des eaux souterraines sont le sud de la Nouvelle-Écosse, l'est du Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard (Rivard et al., 2003). Les nappes souterraines pourraient baisser à cause d'une diminution des apports d'eau provenant des précipitations saisonnières, et ce, en raison de la combinaison d'une réduction des pluies en été et d'une augmentation du ruissellement des pluies d'hiver. Des températures plus élevées et des printemps phénologiques précoces amèneraient les végétaux à pousser plus tôt dans l'année, ce qui ferait augmenter l'évapotranspiration et réduirait le taux d'alimentation des eaux souterraines.
L'Île-du-Prince-Édouard dépend presque entièrement des eaux souterraines (Rivard et al., 2003; Savard, 2006). Les zones d'alimentation sur les hauteurs des terres sont adjacentes aux zones de décharge dans les terres basses. Les nappes phréatiques sont proches de la surface et les eaux souterraines épuisées après les périodes de sécheresse estivale (voir Government of Prince Edward Island, non daté). Dans une telle situation, les chutes de neige hivernales sont essentielles pour r éalimenter les eaux souterraines. Les pénuries d'eau peuvent être aggravées par l'augmentation de la demande en eau de la ville de Charlottetown, que ce soit pour r épondre à la demande du tourisme saisonnier ou aux besoins de l'agriculture. Les entreprises et les collectivités qui dépendent du tourisme pendant l'été sont particulièrement inquiètes. Durant l'été 2002, relativement sec, au moins 145 entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard à vocation touristique ont dû s'astreindre à faire bouillir l'eau (Prince Edward Island Eco-Net, 2003), situation qui a nécessité une surveillance étroite de leur système d'approvisionnement en eau et un entretien préventif. Présentement, la baisse de la nappe phréatique due à l'irrigation touche surtout les zones situées à proximité immédiate des puits (p. ex., Somers et Mutch, 1999), mais les ressources seront de plus en plus sollicitées par l'augmentation de la demande de la part de tous les usagers.
Dans les collectivités côtières, l'abaissement de la nappe phréatique adjacente à l'océan, conjuguée à l'élévation du niveau de la mer, permet l'infiltration d'eau de mer dans l'intérieur des terres, ce qui peut contaminer les puits et rendre l'eau impropre à la consommation. Les régions les plus exposées sont les plaines côtières, comme le sud-est du Nouveau-Brunswick et une grande partie de l'Île-du-Prince-Édouard (Scott et Suffling, 2000). Les basses terres adjacentes à la baie de Fundy, comme Wolfville, en Nouvelle-Écosse, et Moncton, au Nouveau-Brunswick, sont également exposées, car ces deux régions doivent répondre à une demande accrue d'eau douce aux fins de l'agriculture et en raison de la construction de nouvelles habitations (Boesch et al., 2000).
Le prélèvement rapide d'eau souterraine dans les régions côtières peut entraîner l'infiltration d'eau salée en relativement peu de temps. À l'Anse-aux-Meadows, avec l'élévation du niveau de la mer et le passage d'environ 35 000 touristes dans le cadre des célébrations du millénaire des Vikings, de la mi-juillet à la mi-août 2000, le puits creusé au site de la reconstitution historique de Norstead a été rabattu et salinisé en l'espace d'un mois (G. Noordhof, communication personnelle, 2006). La salinisation qui se poursuit à l'Anse-aux-Meadows a forcé les exploitants-propriétaires du seul restaurant de la collectivité à creuser un nouveau puits chaque année depuis 2002, afin de pouvoir fournir leur entreprise en eau douce; la salinisation a également empêché l'établissement d'autres entreprises touristiques à l'Anse-aux-Meadows. Dans ce dernier cas, c'est l'augmentation de l'utilisation des eaux souterraines par les touristes qui a grandement accéléré la progression de la salinisation.
Inondations
Les changements de la quantité, de la nature et de la période des précipitations peuvent faire augmenter la fréquence des inondations (Clair et al., 1998; Ashmore et Church, 2001). Dans le climat boréal du Canada atlantique, l'augmentation des précipitations et des changements marginaux de la température en hiver pourraient faire monter le nombre d'épisodes de pluie sur neige, au cours desquels une grande portion de cette eau s'écoule rapidement au lieu de pénétrer dans le sol. Les inondations dues aux épisodes de pluie sur neige ont déjà augmenté dans la rivière Saint-Jean (Beltaos, 1997; Catto, sous presse) et dans la région de Corner Brook (Catto et Hickman, 2004). En Nouvelle-Écosse, on compte déjà plus de 50 inondations graves survenues à la suite des épisodes de pluie sur neige depuis qu'on a commencé à tenir un registre en 1759 (voir Environnement Canada, 2004a), y compris les récentes inondations survenues dans les comtés de Colchester, Cumberland, Hants et Kings (p. ex., Catto, sous presse a). L'inondation de janvier 1956 a provoqué la destruction de plus de 100 ponts en Nouvelle-Écosse (Environnement Canada, 2004a). Une inondation due à la pluie sur neige a creusé un chenal de dix mètres de profondeur à travers les chutes Bishops, à Terre-Neuve, détruisant le barrage et la centrale de l'Abitibi-Price, toutes les grandes routes et de nombreuses structures, et exigeant l'évacuation de la collectivité (Ambler, 1985); ce désastre a occasionné des dépenses de plus de 34 millions de dollars (dollars de 1983). À la fin de l'hiver 2006, des épisodes de pluie sur neige ont affecté les péninsules de Burin, de Baie Verte (villages de Middle Arm, Fleur-de-Lys et Baie Verte) et le nord-est de la p éninsule Avalon. Sur la rivière Miramichi, des cimetières et des lieux historiques seront de plus en plus menacés puisque plusieurs sites historiques et petites collectivités se trouvent sur la côte. Des cimetières ont également été inondés à Appleton et Indian Bay, à Terre-Neuve (Catto et Hickman, 2004; Catto, sous presse).
Les provinces de l'Atlantique connaissent une alternance d'épisodes de froid et de temps doux tout au long de l'hiver et au début du printemps, ce qui entraîne chaque année plusieurs épisodes de gel et de débâcle des glaces sur les cours d'eau (Watt, 1989; Shabbar et Bonsal, 2003). Une couche de glace hivernale généralement plus épaisse (Clair et al., 1997) combinée à des redoux irréguliers risque de favoriser des embâcles dynamiques suivis d'inondations. Les embâcles dynamiques de glace se produisent lorsque de la glace flottante bute contre un obstacle sur la rivi ère (Beltaos, 1983; Beltaos et Burrell, 2003). Ils se forment lorsqu'une couche de glace qui s'est consolidée au cours d'une vague de froid résiste à l'impact d'un courant très rapide. Ces dernières années, des embâcles dynamiques ont causé de graves inondations à Badger, à Terre-Neuve-et-Labrador (voir la figure 22; Fenco Newfoundland Limited, 1985; Picco et al., 2003; Peddle, 2004) and Perth-Andover, NB (Beltaos and Burrell, 2003; Environment Canada, 2004a), à Perth-Andover, au Nouveau-Brunswick (Beltaos et Burrell, 2003; Environnement Canada, 2004a), et le long de la rivi ère Miramichi, au Nouveau-Brunswick (Beltaos et Burrell, 2003). Si la tendance de ces derni ères années se maintient, les débâcles et les inondations seront plus fréquentes et plus imprévisibles. Il s'ensuivra des dommages matériels, la destruction de routes et de ponts ainsi que des répercussions sur la production hydroélectrique.
Les inondations peuvent aussi être dues à des ouragans et à des tempêtes (voir la figure 23). Des tempêtes dans les latitudes moyennes, ont causé de graves inondations dans les collectivités du Canada atlantique, comme Stephenville et St. John's, à Terre-Neuve (p. ex., Liverman et al., 2006). Des épisodes de pluie extrêmes au-dessus des réservoirs hydroélectriques peuvent provoquer des inondations si le volume de pluie dépasse la capacité des réservoirs en question. Toutes les principales agglomérations du Nouveau-Brunswick ont déjà subi des inondations de rivières.
Quelle que soit la cause de l'inondation, elle a des répercussions délétères et peut entraîner des décès ou des blessures graves. La noyade, l'hypothermie et l'électrocution figurent parmi les risques directement associés aux inondations (Environnement Canada, 2004d; Jonkman et Kelman, 2005; Santé Canada, 2005). Les eaux d'inondation sont souvent contaminées par les eaux usées, les déchets et les produits chimiques domestiques, industriels ou agricoles, exigeant le recours à des processus de nettoyage longs et coûteux, et retardant le retour dans les collectivités abandonnées (p. ex., Peddle, 2004). Les réseaux d'égouts et les usines de traitement des eaux risquent d'être submergés par un afflux soudain d'eau de crue contaminée. L'inondation des édifices par les eaux de crue favorise la prolifération de moisissures et de champignons qui, si on ne les élimine pas, risquent d'entraîner des problèmes de santé aux occupants dès leur retour (Dales et al., 1991; Santé Canada, 2005). Les maladies et les parasites d'origine hydrique peuvent également se propager à la faveur de l'inondation (Curriero et al., 2001; McMichael et al., 2003; Charron et al., 2004). Le risque d'une épidémie d'origine hydrique fait plus que doubler durant les six semaines qui suivent une pluie extrême (Thomas et al., 2005). Les méthodes actuelles de traitement des eaux ne peuvent pas facilement abaisser ces risques.
Les recherches sur le changement climatique et les ressources en eau ont surtout port é sur leurs aspects physiques, mais moins sur leurs répercussions socio-économiques. Les répercussions sociales étant difficiles à quantifier, il se peut qu'on n'en ait pas tenu compte en termes de dollars dans l'évaluation du « coût total » des dommages causés par l'inondation (H. John Heinz Centre for Science, Economics and the Environment, 2000; Mitchell, 2003; Parson et al., 2003), même si elles peuvent persister beaucoup plus longtemps que les répercussions physiques.
3.4.2 Adaptation
L'adaptation aux changements touchant les ressources hydriques et les inondations consiste à mettre en œuvre des pratiques exemplaires bien établies. Toutes les adaptations proposées bénéficieraient au Canada atlantique et à ses résidents, même sans changement climatique. On pourrait contrer la pénurie d'eau destinée à la consommation humaine par une combinaison de mesures de gestion, de planification et de pr éservation des ressources et d'utilisation des sols, et par une réduction des utilisations de l'eau qui constituent un gaspillage inutile (Bruce et al., 2000). On a établi que la préservation des terres humides est un moyen d'adaptation efficace pour retenir les eaux de ruissellement, réduire les inondations au printemps et augmenter le débit des cours d'eau en été (voir Watt, 1989; Booth, 2000; Coote et Gregorich, 2000; Wohl, 2000). La construction de bassins de rétention pour l'entreposage de l'eau et la réduction des inondations, répandue dans de nombreuses régions de l'Ontario et de l'Ouest canadien (p. ex., Ministère de l'Environnement de l'Ontario, 1999; Marsalek et al., 2000; Environnement Canada, 2004d; Kuehne et Cairns, non daté), n'est pas une pratique courante au Canada atlantique. Il va falloir adapter les pratiques courantes de gestion de réservoirs afin de pouvoir s'ajuster aux changements de fréquence, d'intensité et de durée des épisodes de précipitation (voir Miller et Yates, 2006).
Ces dernières années, les municipalités urbaines du Canada atlantique ont été confrontées à des pénuries et à des problèmes de qualité de l'eau pendant l'été. Les municipalités ont réagi en modernisant leurs usines de traitement, en accélérant le développement de nouvelles sources d'approvisionnement en eau, en augmentant la sécurité autour des approvisionnements en eau de surface et en favorisant la conservation de l'eau par des programmes combinés d'éducation et de financement. On pourrait pousser tous ces mécanismes d'adaptation plus loin dans les années à venir.
La dépendance face aux eaux souterraines nécessite la conservation et une surveillance attentive de la qualité de l'eau, en particulier dans les zones côtières où l'infiltration d'eau salée consécutive à l'élévation du niveau de la mer est associée à une réduction des précipitations estivales. La surveillance méticuleuse des habitudes de consommation conjuguée à une évaluation des ressources s'avère une méthode d'adaptation efficace, telle que pratiquée dans la région de la rivière Baltic, dans l'Île-du-Prince-Édouard (Somers et Mutch, 1999).
Le moyen d'adaptation le plus efficace pour réduire les dommages dus à l'inondation est d'interdire les nouveaux travaux de construction dans les plaines inondables, de déplacer les structures existantes ainsi que les résidents lorsque c'est économiquement réalisable et de fournir et d'entretenir des infrastructures de drainage susceptibles de pouvoir faire face à des pluies abondantes (Catto et Hickman, 2004). Déplacer les structures et les collectivités exposées à un risque élevé s'est révélé efficace dans plusieurs régions (p. ex., Evans et Brooks, 1994; Shrubsole et al., 2003; Environnement Canada, 2004d; Carter et al., non daté), y compris au Canada atlantique (Peddle, 2004; Catto, 2006a). La cartographie des r égions susceptibles d'être inondées est un outil important de réduction des risques associés aux inondations, si on la combine à une bonne planification de l'utilisation des terres et à un zonage efficace du territoire. Pour ce faire, il faut établir des liens de communication efficaces entre les scientifiques, les planificateurs municipaux, les dirigeants communautaires et les résidents (Berger, 2006; Leroy, 2006). La cartographie intégrée et l'évaluation de tous les risques biophysiques auxquels une collectivité est exposée (p. ex., Schmidt-Thomé et al., 2006a, b) sont un point de départ efficace pour élaborer des réponses d'adaptation. Il est important également de comprendre les facteurs qui influent sur la vulnérabilité des diverses collectivités aux inondations (voir l'encadré 4).
ENCADRÉ 4 - Facteurs de vulnérabilité d'une collectivité aux inondations
Le degré de susceptibilité ou de vulnérabilité aux inondations varie d'une collectivité à l'autre au Canada atlantique, en partie à cause de différences au niveau de la sensibilisation aux dangers et des investissements consacr és à la mise en place de mesures d'adaptation efficaces. Les principaux facteurs physiques de la vulnérabilité comprennent, entre autres, la fréquence et la gravité des inondations. Les facteurs communautaires et sociaux, comme la dynamique des populations et la d émographie, l'emplacement des lotissements résidentiels et des infrastructures essentielles dans les secteurs menacés d'inondation, la valeur monétaire des propriétés, le degré de modification des voies naturelles de drainage par l'activité humaine, la résilience des voies de transport et de communication, la présence d'infrastructures qui minimisent le risque, la capacité d'atténuation, de restauration et d'adaptation ainsi que le recrecours à des plans d'urgence et d'aménagement déjà en place sont des éléments importants ayant une incidence sur la vulnérabilité d'une collectivité.
Les répercussions sociales peuvent être exacerbées par une mauvaise interprétation de la fréquence d'un risque donné d'inondation. On a en effet tendance à surestimer la fréquence de phénomènes entraînant des inondations qui sont moins susceptibles de se manifester (p. ex., à la suite d'un glissement de terrain qui obstrue une rivière ou d'un tsunami) et à sous-estimer les situations à probabilité plus élevée, comme les ondes de tempête, les épisodes de pluie sur neige et les embâcles dynamiques (Viscusi, 1993). Bien que certaines collectivités du Canada atlantique aient été inondées plusieurs fois dans des conditions similaires (p. ex., Liverman et al., 2006), les particuliers et les collectivités peuvent ne pas prendre les précautions nécessaires, ce qui entraîne des pertes d'argent, un stress individuel et collectif, et de nouveaux préjudices physiques, financiers et psychologiques.
La vulnérabilité des collectivités dépend en partie de la répartition de la population et du nombre de groupes à risque plus élevé; ces derniers disposent généralement de moins de ressources pour les aider à faire face aux conséquences d'une catastrophe naturelle. Des études menées après de telles catastrophes au Canada, aux États-Unis et au Japon indiquent que les quartiers et les collectivités qui étaient défavorisés ou en déclin sur le plan socio-économique avant la catastrophe n'ont pas réussi à retrouver le statut socio-économique dont ils jouissaient auparavant, même une fois les efforts de reconstruction en cours (Morrow, 1999; Morrow-Jones et Morrow-Jones, 1991).
La tendance des résidents des collectivités rurales et à faible densité du Canada atlantique à demeurer longtemps en place, tissant des liens serrés entre eux, contribue à réduire leur vulnérabilité. Par contre, dans de nombreuses collectivités du Canada atlantique, l'exode, le vieillissement et la baisse progressive des ressources socio-économiques au sein de ces populations les rendent plus vulnérables non seulement aux inondations, mais également à tous les dangers, risques et changements.
3.5 FORESTERIE
3.5.1 Sensibilités
Au Canada atlantique, l'élévation aussi bien de la température durant la saison de croissance que du taux de CO2 ne se soldera pas nécessairement par une productivité accrue de l'écosystème (Flannigan et al., 2000). Par exemple, dans le cas de l'épinette noire (Picea mariana), l'espèce dominante dans la forêt boréale du Labrador, la productivité nette de l'écosystème forestier augmentera probablement avec le réchauffement du printemps. Néanmoins, des températures élevées en été la feront probablement baisser à cause de l'augmentation des taux d'évapotranspiration.
La diminution des précipitations l'été (Lines et al., 2003) et l'élévation des températures augmentent la possibilité de perturbation par la sécheresse au Canada atlantique (McCurdy et Stewart, 2003). Les arbres à enracinement superficiel, comme la pruche et l'épinette, seront beaucoup plus sensibles à la sécheresse que ceux enracinés plus profondément (Dale et al., 2001).
Si les épisodes de sécheresse se font plus fréquents, la probabilité d'incendies de forêt augmente de façon importante et la saison des feux s'en trouve prolongée. L'analyse de données paléo-écologiques et des modélisations se basant sur des scénarios établis à partir du modèle de circulation générale (MCG) semblent indiquer une baisse du risque de feux de forêt dans l'est de l'Ontario et au Québec, mais une augmentation au Canada atlantique, y compris à Terre-Neuve et dans la plus grande partie du Labrador (Flannigan et al., 2001). La modification des caractéristiques propres aux feux de forêt pourrait mener à une altération considérable des forêts de l'intérieur en changeant le cycle des éléments nutritifs. Les feux de forêt ont également des répercussions sur la santé des résidents locaux, car la fumée et les particules qu'ils entraînent aggravent les maladies respiratoires (University of Washington, 2001; McMichael et al., 2003; University of British Columbia Okanagan, 2005; Moore et al., 2006).
Les incendies de forêt se sont très rarement manifestés dans les écosystèmes forestiers qui subissent l'influence de la mer, les perturbations y étant surtout causées par les vents et les tempêtes (voir la figure 24; Wein and Moore, 1979; Runkle, 1985; Seymour, 1992; Foster et al., 1998). L'augmentation de la force et de la fréquence des tempêtes de vent et des orages menace les forêts.
La vitesse du vent est le facteur déterminant de l'ampleur des dommages causés aux arbres (voir la figure 25). Ce sont les gros arbres qui risquent le plus d'être déracinés par le vent (McCurdy et Stewart, 2003), tout comme les peuplements récemment touchés par un incendie (Flannigan et al., 2000). Les dommages causés aux peuplements d'arbres augmentent la probabilité de contamination par des agents pathogènes et de mortalité des arbres (Ayers et Lombardero, 2000).
Le changement climatique entraîne aussi un risque d'augmentation de la fréquence des tempêtes de verglas (Dale et al., 2001). Ces tempêtes, comme celle qui a touché le Nouveau-Brunswick en 1998 (Ressources naturelles Canada, 2003b) et les monts Cobequid, en Nouvelle-Écosse, en 2002 (Nova Scotia Department of Environment and Labour, 2003), peuvent briser quelques branches ou d étruire un peuplement entier. Par ailleurs, la probabilité d'incendies de forêt augmente lorsqu'une période de sécheresse suit une tempête de verglas (Irland, 2000). Des épisodes fréquents de dégel hivernal et de gel printanier tardif causent aussi des problèmes, surtout aux espèces sensibles au froid comme le bouleau jaune (Cox et Arp, 2001; Bourque et al., 2005; Campbell et al., 2005).
Les variations de l'abondance des insectes, des agents pathogènes et des herbivores sont les phénomènes qui risquent le plus d'avoir des effets défavorables sur les forêts (Gray, 2005). Dans un climat plus chaud, on s'attend à ce que les insectes et les pathogènes migrent vers le nord (Gray, 2005) et résistent aux hivers, eux aussi plus chauds. Étant donné que ces espèces vivent relativement peu de temps, une augmentation du nombre de générations par saison leur permettra de s'adapter plus rapidement aux changements climatiques (Gray, 2005). Il y aura donc davantage d'insectes et d'agents pathogènes qui viendront perturber les écosystèmes forestiers, situation qui entraînera des changements dans les cycles des éléments nutritifs et dans la composition en espèces des forêts qui, à leur tour, pourront mener à une modification importante des associations de sol propres aux peuplements (Ayres et Lombardero, 2000). Toutefois, il se pourrait aussi que, dans certaines régions, les flambées d'agents pathogènes diminuent si le nouveau climat favorise une augmentation de l'abondance des prédateurs ou des espèces concurrentes (McCurdy et Stewart, 2003).
Les espèces envahissantes bénéficieront probablement elles aussi d'un changement de climat principalement en raison de leurs stratégies de reproduction rapide qui leur permettent de se propager rapidement (Simberloff, 2000). Les esp èces envahissantes peuvent altérer les cycles des éléments nutritifs des forêtse et, par conséquent, les cycles de succession et le régime des feux. L'activité accrue des herbivores et des prédateurs peut causer la disparition régionale d'espèces par hybridation avec des espèces indigènes et mener à une hausse de la mortalité consécutive à l'introduction de maladies exotiques (Dale et al., 2001).
Le changement climatique et la grande diversité des perturbations qui l'accompagneront auront des répercussions considérables sur la variation génétique des forêts. Cette dernière, qui constitue la base de la santé des forêts, prendra de plus en plus d'importance à mesure que le climat évoluera (Mosseler et al., 2003b).
3.5.2 Adaptation
La migration des essences en réaction au changement climatique exige du temps et il y a un grand décalage entre la création d'un climat approprié et l'établissement d'une forêt. Étant donné la durée de vie des essences, les options d'adaptation du secteur forestier peuvent être limitées à court terme. L'adaptation pourrait bénéficier de l'adoption de stratégies de gestion visant à améliorer la capacité des forêts à faire face à des conditions climatiques en évolution et au besoin de s'ajuster à la croissance dans des emplacements ayant préalablement été touchés (Beaulieu et Rainville, 2005). L'amélioration et la préservation de la variabilité génétique (p. ex., pendant la récolte et les travaux de reboisement) sont des préoccupations de toute première importance puisque cette dernière accroît la capacité d'un peuplement forestier à survivre à des infestations d'agents pathogènes ou d'insectes, conséquence importante si on veut conserver le couvert forestier actuel (Ayres et Lombardero, 2000).
3.6 AGRICULTURE
L'agriculture dans la région de l'Atlantique est un secteur diversifié et très intégré qui représente 4 p. 100 des exploitations agricoles canadiennes et utilise 2 p. 100 des terres agricoles du Canada (Statistique Canada, 2001a). En 1999, l'industrie agroalimentaire y représentait un peu plus de 2 p. 100 (Terre-Neuve) à plus de 12 p. 100 (Île-du-Prince-Édouard) du PIB provincial (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2005). Le Canada atlantique produit 45 p. 100 des pommes de terre, 39 p. 100 des baies et des raisins et 4,3 p. 100 du lait du pays (Statistique Canada, 2001a). La transformation des produits agroalimentaires occupe encore une place importante dans l'activité économique de toute la région (Hauer et al., 2002), soit plus de 50 p. 100 de l'activité économique totale du secteur (Krakar et Longtin, 2005).
L'agriculture dépend énormément des conditions climatiques. Pour pousser, les cultures ont besoin d'une période suffisamment longue de température favorable et de pluie tombant au moment opportun. Dans le cas de l'élevage, ce sont les conditions climatiques qui déterminent si les animaux seront menés au pâturage et combien de temps ils y resteront, de même que les dépenses associées à l'entretien d'abris adéquats. Au Canada atlantique, le changement climatique prévu présente à la fois des avantages et des risques (Wall et al., 2004). Au chapitre des avantages, on compte la possibilité de cultiver des espèces de plus grande valeur si la saison de croissance se prolonge. Du côté des risques, il faut envisager l'augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes, des changements dans la nature des ravageurs et des maladies, et l'incertitude des marchés internationaux.
3.6.1 Sensibilités
Une augmentation de la variabilité du climat et de la fréquence des phénomènes extrêmes pourrait avoir un effet défavorable sur le secteur agricole. Un seul phénomène extrême (gel tardif, sécheresse prolongée, excès de pluie durant la saison des récoltes) peut éliminer tout avantage découlant de l'amélioration des conditions « moyennes ». Les scénarios de changement climatique prévoient une augmentation de la variabilité du climat, y compris une augmentation de la fréquence des jours chauds durant la saison de croissance, des vagues de chaleur, du nombre de jours froids, des gels de fin de printemps et de d ébut d'automne, du nombre de jours secs consécutifs et des épisodes de précipitations abondantes (Lines et al., 2003; Lines et Pancura, 2005). Ces situations peuvent toutes avoir des répercussions considérables sur la production agricole. Une saison de croissance plus chaude et plus humide pourrait augmenter la production de fourrage, mais des hivers plus chauds entra îneraient une plus grande mortalité en hiver, annulant du même coup cet avantage (Bélanger et al., 2001). De même, si les étés plus chauds permettent de cultiver une plus grande variété de raisins et de fruits, des phénomènes extrêmes plus nombreux au printemps et à l'automne pourraient avoir des conséquences fâcheuses sur la productivité. Les arbres fruitiers, que l'on ne peut déplacer qu'avec difficulté, sont plus susceptibles d'être endommagés que les cultures, ces dernières pouvant être replantées les saisons suivantes. La capacité de réagir à des phénomènes extrêmes est liée au statut économique général du secteur (voir l'encadréx 5) de même qu'à la pertinence des programmes conçus pour faire face au risque économique, comme la stabilisation du revenu et l'assurance-récolte.
ENCADRÉ 5 - Capacité d'adaptation du secteur agricole dans les provinces de l'Atlantique
Plusieurs facteurs influent sur la capacité d'adaptation du secteur agricole au Canada atlantique, dont l'état économique actuel de l'agriculture, le profil démographique des producteurs, la santé des collectivités rurales et l'aptitude à offrir de nouvelles technologies (Wall et al., 2004).
Les producteurs agricoles du Canada atlantique avaient en moyenne 53 ans en 2003. En tout, 43 p. 100 d'entre eux détenaient un diplôme d'études postsecondaires (la proportion la plus élevée au Canada), et 36 p. 100 avaient l'intention de prendre leur retraite d'ici 2008 (Aubin et al., 2003). La plupart des exploitations agricoles des provinces de l'Atlantique ont un seul propriétaire (55 p. 100). Seulement 28 p. 100 des exploitants ont l'intention d'agrandir leur propriété dans les années à venir, soit la proportion la plus faible au Canada (Aubin et al., 2003). Le profil démographique du secteur agricole des provinces de l'Atlantique constitue à la fois un terrain favorable et un risque en termes de réaction au changement climatique. La possibilité de recruter de nouveaux candidats en agriculture, très instruits, améliorerait la capacité du secteur à s'adapter. Mais, en raison du climat économique actuel, peu de jeunes choisissent l'agriculture. Cette tendance n'est pas nouvelle : depuis 1981, le nombre d'exploitations agricoles a diminué de 27 p. 100 au Canada atlantique (Statistique Canada, 2001a), soit la plus importante diminution au Canada. Le secteur de l'agriculture de la région de l'Atlantique est donc très vulnérable à cet égard.
Ce secteur est également sur le plan du soutien institutionnel, notamment en ce qui a trait aux programmes de développement agricole et aux programmes de sélection. Le nombre d'inscriptions aux facultés d'agriculture n'a cessé de diminuer dans tout le pays depuis dix ans. En réaction, bon nombre d'écoles d'agriculture se sont transformées en centres d'études environnementales, et on forme moins de scientifiques dans le domaine de l'agriculture. Cette diminution se reflétera sur la capacité de générer et de diffuser l'information nécessaire à toute tentative de modification des pratiques de gestion en vue de permettre l'adaptation au changement climatique, phénomène qui aura pour effet d'accroître encore plus la vulnérabilité du secteur.
Les phénomènes climatiques extrêmes peuvent également augmenter les répercussions des activités d'exploitation agricole sur l'environnement (Coote et Gregorich, 2000; De Kimpe, 2002). Les principaux problèmes environnementaux liés à l'agriculture dans les provinces de l'Atlantique ont trait à la qualité de l'eau et du sol, et, à un degré moindre, à la qualité de l'air. Les producteurs des provinces de l'Atlantique reconnaissent l'importance de ces répercussions, ayant reconnu la pollution de l'eau (52 p. 100) et l'érosion des sols (47 p. 100) comme étant les impacts environnementaux les plus importants touchant l'agriculture (Aubin et al., 2003). Au cours de la dernière décennie, on a assisté à des efforts de mise en œuvre de pratiques de gestion qui réduisent au minimum les répercussions sur l'environnement, comme l'amélioration de la rotation des cultures, des mesures de conservation des sols et un usage plus efficace des éléments nutritifs. Dans bien des régions du Canada atlantique, la gestion du fumier est le sujet de préoccupation le plus important (p. ex., dans le comté de Kings, en Nouvelle-Écosse), alors qu'ailleurs les préoccupations portent surtout sur les pratiques d'intensification de la production, impliquant l'érosion des sols et la présence de pesticides dans les eaux de ruissellement dues à la culture intensive de la pomme de terre pour ne citer qu'un exemple (Milburn et al., 1995). La qualité de l'eau est un sujet particulièrement préoccupant à l'Île-du-Prince-Édouard, où les eaux souterraines sont la seule source d'eau potable. Les inondations augmentent les répercussions possibles dues à l'agriculture sur les eaux de surface et les eaux souterraines.
Une importante limite de l'agriculture dans la région est la profondeur des terres agricoles et leur fertilité. Les sols sont pour la plupart relativement fragiles, et un bon nombre de terres agricoles sont aujourd'hui détériorées en raison de l'érosion, de la compaction et de la perte de matière organique dues à des rotations de cultures moins diversifiées et plus courtes, et à la réduction du couvert de résidus de culture (voir la figure 26). Les sols de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick sont les plus intensément exploités, avec respectivement 67 p. 100 et 38 p. 100 des terres agricoles qui étaient cultivées en 2001 (Statistique Canada, 2001a). La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont des proportions moins élevées de terres en culture (29 p. 100 et 21 p. 100 respectivement), et on y a davantage recours à des systèmes de couverture végétale permanente, comme les pâturages et la production de foin. À Terre-Neuve, la quantité de terres arables disponibles est une contrainte importante à l'implantation de mesures d'adaptation au changement climatique. Maintenir la productivité des sols tout en prévenant l'augmentation des effets défavorables sur le milieu environnant sera un élément important à prendre en considération dans ces efforts d'adaptation (Coote et Gregorich, 2000).
Il sera important aussi de connaître l'ampleur des changements de la température et des précipitations durant la saison de croissance (voir la section 2.1) afin de déterminer comment le secteur agricole pourra s'adapter. Bootsma et al. (2005a, b) ont examiné les répercussions éventuelles des changements prévus au terme de la première génération du Modèle couplé canadien de circulation générale (MCCG1, Boer et al., 2000) dans le cadre du scénario d'émissions IS92a. En émettant l'hypothèse d'une augmentation des degrés-jours de croissance effectifs et d'une diminution des deficits hydriques (que l'on définit comme un excédent du taux d'évapotranspiration par rapport au taux de précipitations) au cours de la saison de croissance dans une grande partie de la région, pour la période s'étendant de 2040 à 2069, Bootsma et al. (2005a, b) en arrivent à la conclusion que le recours à la rotation maïs-soja-céréale, telle que pratiquée présentement dans le sud de l'Ontario, pourrait donner les meilleurs résultats. Ces résultats pourraient faire doubler le revenu tiré de ces terres par rapport à leur affectation actuelle. Dans cette analyse, les auteurs ne recommandent pas d'adopter la rotation maïs-soja-céréale, mais présentent simplement un exemple des conséquences possibles du changement climatique sur la production agricole. L'étude insiste également sur le fait que, dans une même région, la réaction d'adaptation variera d'un endroit à un autre en raison des différences du climat local.
Un climat plus chaud et plus humide permettra de cultiver des variétés et des produits qui exigent une saison plus longue et un nombre d'unités thermiques plus élevé pour croître. Dans les conditions actuelles du marché, il en résulterait une production accrue de cultures commerciales comme le maïs et le soja, et l'exploitation d'autres arbres fruitiers. De nouvelles occasions de marché, comme la possibilité de produire les matières premières nécessaires à la production de biocarburants (p. ex., éthanol et biodiesel) ou une demande accrue d'aliments organiques, influeront sur les choix de cultures.
Le changement climatique aura également des répercussions sur les populations de ravageurs et de leurs prédateurs (Coakley et al., 1999). Les conditions plus chaudes et plus humides prévues pour le Canada atlantique tendront à favoriser une diversification des ravageurs (Rosenzweig et al., 2000). L'interaction complexe entre les ravageurs des cultures, leurs prédateurs et la croissance des végétaux rend difficile toute prédiction des répercussions possibles du changement climatique. Le taux de changement de la taille des populations de ravageurs et leur diversit é demeurent d'importantes lacunes sur le plan des connaissances dans le milieu agricole. Il faut beaucoup de temps pour mettre au point et adopter des mesures de lutte contre ces esp èces nuisibles, en particulier si les nouveaux agents chimiques conçus à cette fin doivent être homologués (Coakley et al., 1999). En raison du fait que le marché agricole n'est pas très grand au Canada atlantique, les coûts de mise au point et d'homologation de nouveaux produits peuvent être considérés comme non rentables. En outre, l'élaboration et la diffusion d'agents de lutte biologique contre les espèces nuisibles et de nouvelles pratiques culturales visant à les éliminer dans la production biologique ne se font pas rapidement.
Tout comme dans le cas des cultures, les répercussions du changement climatique sur le secteur de l'élevage sont multiples; il s'agit entre autres d'une augmentation des coûts de production qui découlent de l'accroissement de la demande d'énergie pour climatiser les bâtiments d'élevage. En outre, les conditions climatiques influent de façon importante sur les maladies animales et leur propagation.
Les abeilles ont une grande valeur économique en agriculture au Canada atlantique en tant que pollinisateurs. L'apifaune, déjà sujette aux espèces envahissantes, au parasitisme et aux maladies, subira probablement des répercussions fâcheuses à cause du changement climatique (Richards et Kevan, 2002).
3.6.2 Adaptation
L'adaptation au changement climatique dans le secteur de l'agriculture au Canada atlantique exigera de revoir les systèmes de culture, y compris le choix des variétés et les pratiques de gestion des sols. Le choix des cultures est régi par de nombreux facteurs de nature agronomique, économique, environnementale, sociale et culturelle. Les analyses se sont généralement limitées jusqu'à maintenant aux facteurs économiques et, à un moindre degré, aux facteurs agronomiques. Par exemple, Bootsma et al. (2005b) n'ont pas évalué l'éventail des systèmes de culture qui pourraient convenir au climat prévu, si les sols de la région étaient en mesure de supporter les changements proposés sur le plan des pratiques de culture, la relation avec les marchés existants, ni l'adéquation des connaissances et des infrastructures agronomiques actuelles. Tous ces facteurs influeront pourtant sur les d écisions d'adaptation éventuelles.
Il est également important d'évaluer les répercussions possibles des nouveaux systèmes de culture proposés. Un climat plus chaud et plus humide permettrait certes d'adopter des systèmes de culture plus intensifs (Bootsma et al., 2005b), mais cette transition augmenterait probablement les répercussions sur l'eau en raison de l'augmentation de l'érosion et du lessivage des sols qui en résulterait. L'intégration des productions animales et végétales constitue un autre facteur important. Un des problèmes actuels dans certaines régions est la concentration de la production animale sur un territoire limité. Les nouveaux systèmes de culture pourraient fournir une solution à ce problème.
L'augmentation de la demande de produits biologiques et leur production dans la région (Webb, 2002; Connell et Morton, 2003) pourraient également mener à l'adoption de nouvelles pratiques de culture. Bien qu'aucun effet du changement climatique ne touche plus spécifiquement les systèmes de production biologiques, la forte dépendance de ces derniers vis-à-vis des légumineuses et leur recours aux pratiques culturales dans la lutte contre les ravageurs pourraient en rendre la gestion particuli èrement difficile dans un climat en évolution.
Les cultures vivaces, comme les baies, le raisin et les arbres fruitiers, occupent une place importante dans l'économie de la région. Des étés plus chauds et plus humides pourraient permettre d'en cultiver d'autres espèces et variétés, mais les hivers plus doux pourraient également endommager davantage ces nouvelles cultures (Bélanger et al., 2001).
L'adaptation nécessitera probablement aussi une meilleure gestion de l'eau utilisée pour l'agriculture. On pourrait y parvenir en améliorant, d'une part, les mesures de drainage et de lutte contre l'érosion conçues en fonction de l'évacuation rapide des champs de l'eau apportée par les précipitations abondantes et, d'autre part, les mesures de gestion et de stockage de l'eau destinée à l'irrigation en période de sécheresse, aussi bien à l'échelle de l'exploitation agricole qu'à celle de la région. Autre considération tout aussi importante, on pourrait envisager de restaurer et de maintenir les terres humides qui serviraient à traiter l'eau des champs cultivés en réduisant l'écoulement vers les cours d'eau et en retenant les éléments nutritifs et les sédiments.
3.7 TRANSPORTS
Dans les provinces de l'Atlantique, les transports contribuent de façon considérable au PIB canadien, mais surtout provincial (voir le tableau 2) et à l'économie de l'Atlantique par habitant (voir le tableau 3). Les répercussions sur les transports influeront directement sur d'autres secteurs, comme la fabrication, le tourisme, la croissance urbaine, l'approvisionnement et le commerce. En revanche, les changements survenant dans les autres secteurs influeront sur la demande de transports (Yevdokimov, 2003). Un climat plus chaud caract érisé par divers changements dans le régime des précipitations aura ainsi des répercussions directes et indirectes sur le secteur des transports (Burkett, 2003 ). Les transports sont liés à de nombreuses activités socio-économiques (Zimmerman et Cusker, 2001; Transports Canada, 2003; Yevdokimov, 2003).
Provinces | Dépenses (en millions de dollars) | Pourcentage du PIB canadien total | Pourcentage du PIB provincial total |
---|---|---|---|
Terre-Neuve-et-Labrador | 448,7 | 1,1 | 3,5 |
Île-du-Prince-Édouard | 74,4 | 0,2 | 2,4 |
Nouvelle-Écosse | 1 015,0 | 2,4 | 4,3 |
Nouveau-Brunswick | 1 011,6 | 2,4 | 5,4 |
Provinces | Dépenses (en millions de dollars) | Dollars par habitant |
Pourcentage des dépenses personnelles provinciales totales | Pourcentage des dépenses personnelles canadiennes totales pour le transport | Pourcentage de la demande intérieure provinciale finale |
---|---|---|---|---|---|
Terre-Neuve-et- Labrador |
1 452 | 2 801 | 15,2 | 1,4 | 1,4 |
Île-du-Prince-Édouard | 372 | 2 711 | 14,2 | 0,4 | 8,1 |
Nouvelle-Écosse | 2 720 | 2 711 | 14,2 | 2,6 | 8,2 |
Nouvelle-Écosse | 2 240 | 2 982 | 15,8 | 2,2 | 9,1 |
Canada | 103 131 | 3 257 | 15,0 | 100 | 8,9 |
3.7.1 Sensibilités
Transport routier
Le transport routier est de loin la principale composante du secteur des transports au Canada atlantique. Dans un nouveau climat, le r éseau routier sera touché par les épisodes de chaleur ou de froid extrêmes, l'augmentation des cycles de gel-dégel et la réduction de la couche de glace. L'augmentation du nombre de journées chaudes, déjà constatée à l'intérieur du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, entraînera probablement le ramollissement du revêtement (Mills et Andrey, 2003). Les dommages causés aux routes par la chaleur élevée et l'augmentation des soulèvements dus au gel exposent les régions touchées à souffrir d'interruptions des approvisionnements et des services.
Dans de nombreuses collectivités côtières, l'élévation du niveau de la mer exigera de déplacer les routes situées en bordure de la mer ou d'en reconstruire à des endroits plus élevés afin d'éliminer ou de réduire le risque d'inondation. Dans certaines régions qui subissent une érosion des côtes, on a déjà déplacé des routes, qu'il faudra déplacer de nouveau. Par exemple, l'autoroute 117 de Bouctouche à Saint-Édouard, au Nouveau-Brunswick, a été déplacée deux fois au cours des 30 dernières années (Arsenault, communication personnelle), 2004. Dans le sud du Nouveau-Brunswick et le nord-ouest de la Nouvelle- Écosse, des digues acadiennes ont réduit l'impact de l'élévation du niveau de la mer sur les routes en protégeant les terres de l'érosion et de l'inondation. Cependant, elles ont été construites il y a plus de cent ans, et les frais d'entretien pourraient en faire une mesure d'adaptation coûteuse (Shaw et al., 1998). Les dommages causés aux routes par les tempêtes sont également une source de préoccupation (voir la figure 27).
Transport maritime
Dans les provinces de l'Atlantique, le transport par bateau se fait surtout par cabotage, sur de courtes distances dans les eaux c ôtières, et sans entrer en haute mer. En outre, le secteur inclut les ports de pêche, les ports pour petits bateaux et les traversiers (Pêches et Océans Canada, 2006). Les ports de plaisance prennent actuellement de l'ampleur dans toute la région. Les services de traversier, assurés par Marine Atlantic Inc., Bay Ferries et Northumberland Ferries, occupent une place importante dans l'économie. En 2004, 419 548 passagers et 223 044 véhicules ont fait la traversée entre Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse (Transports Canada, 2004). De même, la circulation des bateaux de croisière internationale augmente au Canada atlantique. En 2004, Halifax a accueilli 212 000 passagers (Halifax Port Authority, 2006), et Saint John, 138 622 (Administration portuaire de Saint John, 2005). Les bateaux de croisi ère sont considérés comme un élément important de l'économie, et on a entrepris de creuser les ports afin de pouvoir accueillir de plus grands navires à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et à St. John's, à Terre-Neuve.
Peu de travaux ont tenté d'évaluer les sensibilités du système de transport maritime, en particulier des voies navigables. Catto et al. (2006) ont étudié les effets des vents de tempête et des ondes de tempête sur le transport routier et maritime à Channel-Port-aux-Basques (Terre-Neuve-et-Labrador), et ils en sont arrivés à la conclusion que les vents d'est de plus en plus forts représentent un danger. Les retards des services de traversier de la Marine Atlantic Inc. dus au mauvais temps ont entraîné des pertes économiques de plus de cinq millions de dollars en 2004 (Catto et al., 2006). La construction de nouveaux quais devra tenir compte de l'élévation du niveau de la mer et des épisodes de tempêtes, et il faudrait surélever les quais pour en éviter l'inondation (Mills et Andrey, 2003). Bien qu'il ne soit pas toujours recommandé d'installer des brise-lames lors de la construction de nouveaux quais, parce qu'ils risquent de déranger les courants, l'augmentation de l'activité cyclonique pourrait inciter à recourir à ces structures pour en réduire les répercussions et pour limiter les dommages aux infrastructures (McLean et al., 2001).
Bon nombre des navires présentement en service ont été construits au cours des 30 dernières années et continueront sans doute de naviguer encore longtemps. Les plus gros de ces navires pourraient certes faire face aux changements de conditions m étéorologiques en mer mais, beaucoup d'entre eux devront être modernisés (Green et al., 2004).
Avec des hivers plus chauds et une période sans glace plus longue, le transport en hiver, au printemps et à l'automne pourrait être plus facile (Easterling, 2002; Langevin, 2003), permettant ainsi son accroissement dans certaines régions. On observe déjà ce phénomène dans le nord des provinces de l'Atlantique, par exemple sur la côte du Labrador, où la saison de navigation est maintenant plus longue. À mesure que la couverture de glace d'hiver rétrécira, la navigation maritime deviendra probablement de plus en plus importante pour le transport de biens et de services vers les r égions du nord (Goos et Wall, 1994).
L'augmentation de la fréquence des tempêtes et des phénomènes extrêmes aura pour conséquence que l'on fera davantage appel aux services d'intervention en cas d'urgence assurés par la garde côtière canadienne (Burkett, 2003). Le raccourcissement des hivers et la diminution de la glace de mer, en particulier dans des r égions comme le détroit de Northumberland, pourraient donner naissance à de nouveaux types d'urgences, y compris celles provoquées par la poussée des glaces. Il faut pouvoir déterminer avec précision l'emplacement des blocs de glace pour éviter l'augmentation du nombre d'incidents. Tous les aspects du transport maritime et de la sécurité en mer dépendent de l'accès à des informations en temps réel et à une gestion intégrée.
Transport ferroviaire
Les impacts du changement climatique sur le transport ferroviaire au Canada atlantique, de m ême que la capacité d'adaptation du secteur, n'ont fait l'objet que de très peu de recherches. Au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, les chemins de fer jouent pourtant un rôle important. Le facteur le plus inquiétant demeure le risque de perturbations à l'endroit du lien de communication crucial traversant l'isthme de Chignecto (marais de Tantramar) sous l'effet d'inondations causées par des ondes de tempête ou de la destruction ou de l'endommagement éventuels des digues acadiennes (Forbes et al., 1998; Shaw et al., 1998). Il faudrait donc continuellement revoir les plans de gestion afin de s'assurer qu'ils tiennent compte de l'élévation du niveau de la mer. Le transport ferroviaire dans les Maritimes est également exposé aux changements survenant sur la scène des marchés et du commerce (Nederveen et al., 2003). Son relatif manque de souplesse pour ce qui est des trajets et des horaires, et la nécessité de transférer.
Transport aérien
Les problèmes causés par le givrage et le brouillard sont les principaux effets du climat dans les a éroports du Canada atlantique. Les changements de la nébulosité et des températures hivernales pourraient avoir des répercussions sur le dégivrage des avions. Les inondations et les tempêtes pourraient influer sur les activités aéroportuaires de Stephenville, à Terre-Neuve-et-Labrador. Les aéroports d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et de St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, pourraient enregistrer davantage de retards et de fermetures en raison des temp êtes. L'augmentation du gel raccourcirait la durée de vie des pistes d'atterrissage asphaltées. Les conséquences sociales et économiques pourraient être importantes pour les collectivités qui, surtout en hiver, dépendent du transport aérien pour tout, depuis l'approvisionnement en nourriture jusqu'aux services médicaux.
3.7.2 Adaptation
Les investissements et les décisions en matière de transport ont généralement lieu à l'échelle provinciale (en plus de quelques règlements fédéraux et d'investissements privés). Un bon point de départ est d'identifier les établissements ou endroits clés qui risquent de subir les conséquences du changement climatique, comme les quais et les aérogares, de même que les stations-service (Potter, 2003). On recommande également d'évaluer la résistance des infrastructures aux tempêtes et aux phénomènes extrêmes, et de déterminer les mesures en cas d'urgence et les ressources requises pour réagir aux phénomènes extrêmes (Transports Canada, 2003).
Avec une plus grande fréquence des cycles de gel-dégel durant l'hiver, il faudra modifier les méthodes d'entretien des routes et avoir recours à l'utilisation du sel pour réduire les dommages aux revêtements et améliorer la sécurité. Durant les vagues de chaleur et de froid extrêmes, les routes tendent à être endommagées par les changements de température, rendant ainsi la conduite dangereuse. Pour l'instant, on ne dispose que de peu de moyens d'adaptation à cet égard. La sécurité routière demeurera donc une priorité.
Les principaux projets de transport devront tenir compte du changement climatique (Almusallam, 2001; Burkett, 2003). Comme les v éhicules et les infrastructures ont une courte durée de vie (moins de 25 ans dans la plupart des cas), il faudra mettre en place des changements qui, gr âce à des améliorations dans la conception, en rendraient le remplacement moins coûteux (Mills et Andrey, 2003). Les ponts, dont la durée de vie prévue est plus longue, devront être examinés à la lumière de l'élévation constante du niveau de la mer et d'une augmentation de la fréquence des débordements de cours d'eau. De nouvelles structures devraient être installées à l'extérieur des zones d'impact touchées par l'élévation du niveau de la mer (Zimmerman et Cusker, 2001).
3.8 ÉNERGIE
3.8.1 Sensibilités
Pour le Canada atlantique, les problèmes énergétiques prioritaires liés à l'adaptation au changement climatique sont l'augmentation de l'offre et de la demande, de même que des répercussions sur l'exploration, la production et le transport, et sur d'autres infrastructures. Par rapport aux autres secteurs, les répercussions du changement climatique sur le secteur de l'énergie au Canada atlantique n'ont fait l'objet que de très peu de recherches (Bell et McKenzie, 2004). Pour l'instant, les prévisions de charge relatives à l'électricité ne tiennent pas compte du changement climatique et ne sont pas calculées jusqu'à 2020 (H. Booker, Market Advisory Committee, Nouveau-Brunswick, communication personnelle, 28 novembre 2005). En termes de production d'électricité, les provinces de l'Atlantique diffèrent beaucoup les unes des autres dans le type d'énergie utilisé (voir le tableau 4). C'est ainsi qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, 97 p. 100 de l'électricité produite (2002) est de l'hydroélectricité, tandis que l'électricité au Nouveau-Brunswick provient du charbon, du pétrole, de l'énergie nucléaire et de l'hydroélectricité. L'Île-du-Prince-Édouard dépend presque entièrement de l'électricité qu'elle achète au Nouveau-Brunswick, mais elle en produit aussi une petite quantité à partir de l'énergie éolienne et du pétrole; la Nouvelle-Écosse, pour sa part, dépend surtout de l'électricité produite à partir du charbon et du pétrole (voir le tableau 4).
Province | Charbon (p. 100) | Pétrole (p. 100) | Gaz naturel (p. 100) | Nucléaire (p. 100) |
Hydro-électricité (p. 100) |
Autres (p. 100) |
Produc-tion totale, provin-ces de l' Atlanti-que (2002) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Nouveau- Brunswick |
32 | 29 | 0 | 20 | 15 | 4 | 24,00 |
Terre- Neuve- et- Labrador |
0 | 3 | 0 | 0 | 97 | 0 | 59,62 |
Nouvelle- Écosse |
66 | 23 | 0 | 0 | 9 | 2 | 16,35 |
Île-du- Prince- Édouard |
0 | 10 | 0 | 0 | 0 | 90 | 00,03 |
Total | 18 | 13 | 0 | 5 | 63 | 1 | 100,00 |
Au Canada atlantique, la demande d'électricité atteint son maximum actuellement en hiver. L'élévation des températures entraînera une baisse de la demande d'énergie pour le chauffage en hiver, mais une augmentation de la demande d'électricité aux fins de climatisation et de réfrigération en été. Cette modification de la demande marquera ainsi le passage de l'utilisation directe de combustibles fossiles aux fins de chauffage à l'utilisation de l'électricité aux fins de climatisation. En réponse à une hausse de la demande en électricité dans le nord-est des États-Unis (Ressources naturelles Canada, 2003a; Energy Information Administration, 2005), un accroissement des exportations d'énergie pourrait s'imposer.
Les infrastructures énergétiques sont sensibles aux effets des phénomènes météorologiques extrêmes, comme on l'a constaté lors des tempêtes de 2004, dont les dommages causés aux lignes électriques ont coûté 12,6 millions de dollars en Nouvelle-Écosse et 4 millions de dollars au Nouveau-Brunswick (Bell et McKenzie, 2004). Les ph énomènes météorologiques, tels que les tempêtes, peuvent entraîner des problèmes de production et de transport, suivis de pannes d'électricité, comme ce fut le cas en Nouvelle-Écosse en 2006, au Nouveau-Brunswick en 2002 et à Terre-Neuve en 1984 (Catto, sous presse a) .
L'hydroélectricité est une méthode de production d'électricité importante à Terre-Neuve-et-Labrador. Des modifications à long terme des précipitations annuelles et saisonnières auraient des répercussions sur la capacité de production en général, bienque les systèmes de production électrique nantis de barrages et de réservoirs seront probablement en mesure de s'y adapter (voir St. George, 2006). L'augmentation des pluies n'accroît pas nécessairement la quantité d'eau dans les rivières et les lacs en raison de l'augmentation concomitante du taux d'évapotranspiration qu'entraînent des températures plus élevées. La réduction du débit des cours d'eau (Bruce et al., 2003) aura probablement des répercussions sur la production au cours des étés secs, mais une augmentation des précipitations au printemps et à l'automne permettra de maintenir le niveau des réservoirs, de façon à en atténuer l'impact global.
L'énergie éolienne est la source d'énergie renouvelable qui progresse le plus rapidement au Canada atlantique (voir la figure 28) Les atlas éoliens révèlent la présence de ressources éoliennes à l'Île-du-Prince-Édouard (Gasset et al., sous presse) et en Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Wind Energy Project, 2004). Terre-Neuve ne compte pour l'instant aucun parc éolien, mais le gouvernement de cette province a lancé un appel d'offres pour une centrale de 25 MW (voir Association canadienne de l'énergie éolienne, 2006a) et des entreprises privées ont proposé plus de dix endroits pour l'érection d'éoliennes dans la province. D'ici le milieu du siècle, les vents d'été pourraient bien avoir diminué de 10 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique, mais on ne s'attend à aucun changement pour ce qui est des vents d'hiver (Price et al., 2001). Le verglas représente une menace pour les éoliennes, que l'on pourrait devoir arrêter temporairement en vue de prévenir les dommages (American Wind Energy Association, 2003). Toutefois, les répercussions de l'accumulation de glace sur les pales des turbines semblent limitées (Association canadienne de l'énergie éolienne, 2006b; Australian Wind Energy Association, 2006).
L'exploration et la production pétrolières en mer sont sensibles aux changements survenant dans les régimes de tempêtes, de la glace de mer et des icebergs. La réduction de la glace de mer dans la région de l'Atlantique (Drinkwater et al., 1999; Hill et Clarke, 1999; Hill et al., 2002) permettrait d'accroître les activités d'exploitation au large, mais la grande variabilité de son étendue pourrait rendre difficiles la prévision et la réponse aux phénomènes météorologiques extrêmes, comme on a pu le constater lors de l'incident survenu au large de l'île de Sable au printemps 2004, lorsque la glace de mer a forcé l'abandon temporaire mais très coûteux de la plate-forme de la Canadian Superior (Bell et McKenzie, 2004). Les infrastructures énergétiques côtières, comme les centrales électriques (Pointe Lepreau et Coleson Cove, au Nouveau-Brunswick, Lingan/Aconi, en Nouvelle- Écosse, Holyrood, à Terre-Neuve-et-Labrador), les raffineries (Saint-John, au Nouveau-Brunswick, Dartmouth, en Nouvelle- Écosse, Come-By-Chance, à Terre-Neuve-et-Labrador), les projets de terminal de gaz naturel liquéfié (Saint-John, au Nouveau-Brunswick, Bear Head et Goldboro, en Nouvelle-Écosse), et les endroits où les pipelines du large touchent terre (Goldboro, en Nouvelle-Écosse), peuvent être vulnérables aux répercussions d'une élévation du niveau de la mer, des ondes de tempête et de l'érosion des côtes.
3.8.2 Adaptation
L'adaptation du secteur de l'énergie au changement climatique dans les provinces de l'Atlantique exigera de revoir les normes de conception des infrastructures de transport et de distribution afin qu'elles puissent mieux résister aux phénomènes météorologiques extrêmes. Il faudra également prévoir les changements de la demande (selon la saison et selon la source de combustible), planifier en fonction de l'éventualité de phénomènes extrêmes et tirer profit des nouvelles occasions favorables. La conservation de l'énergie, l'augmentation de la fiabilité du réseau grâce à la diversification et la modélisation des ressources que sont le vent, le soleil et la biomasse sont des mesures d'adaptation éventuelles du type dit « sans regrets ».
3.9 TOURISME
3.9.1 Sensibilités
Le tourisme est présentement le plus grand secteur économique de l'Île-du-Prince-Édouard (Government of Prince Edward Island, 2004) et constitue un volet important de l'économie des quatre provinces de l'Atlantique. La durabilité économique de la plupart des collectivités du littoral de l'Atlantique dépend beaucoup du tourisme, qui est considéré comme un élément clé de la revitalisation économique de collectivités jusque-là tributaires de la pêche. L'activité économique a d'ailleurs récemment augmenté de façon notable en été dans certaines collectivités rurales.
L'état de l'environnement joue un rôle important en ce qui concerne les choix faits par les touristes potentiels, en particulier lorsque le milieu naturel s'avère le principal attrait (Braun et al., 1999; Scott et Suffling, 2000). À mesure que le changement climatique touche le Canada atlantique, le tourisme, dans ces provinces, pourrait en subir des cons équences à la fois favorables et défavorables (DeBaie et al., 2006). Il faut donc tenir compte à la fois des répercussions du changement climatique sur le tourisme et de l'impact des touristes sur l'environnement. Un niveau de la mer plus haut, une érosion accrue des côtes, des plages plus étroites et au sable plus grossier, de même que des tempêtes plus fréquentes, voilà autant de facteurs qui ont des répercussions fâcheuses sur le tourisme dans les régions côtières (Mimura, 1999; Uyarra et al. 2005). Les dommages causés aux infrastructures sont un problème supplémentaire. L'aménagement du littoral et la construction d'une infrastructure protectrice contraindraient la migration des plages et des dunes vers l'intérieur. L'énergie des vagues s'exercerait sur des zones de plus en plus petites, favorisant ainsi surtout l'élimination du sable; en conséquence, les plages se rétréciraient et seraient composées de particules plus grossières. Là où l'apport en sable est déjà restreint, il en résulterait la formation de plages de galets, moins attrayantes pour les touristes. Ces changements auraient d'importantes répercussions économiques sur les collectivités dont la durabilité repose sur le tourisme (Cambers, 1999; Fish et al., 2005; Uyarra et al., 2005).
Les stress géomorphologiques induits par le changement climatique, combinés à l'augmentation du nombre de visiteurs, à l'allongement de la saison touristique et à l'utilisation accrue des zones côtières par les touristes, ont accéléré le taux d'érosion des sites touristiques côtiers de la région et pourraient avoir des répercussions sur la viabilité à long terme du tourisme côtier (Daigle et al., 2006). Une augmentation du nombre de piétons et de véhicules qui circulent sur les plages et les dunes (voir la figure 29) a également contribué à cette érosion (p. ex., Catto 2002, 2006a, b; Catto et al., 2002). Les parcs provinciaux et nationaux sont également vulnérables à l'élévation du niveau de la mer et aux ondes de tempête.
L'observation des icebergs est devenue une activité prisée des touristes le long des côtes de Terre-Neuve. Depuis le milieu des années 1990 à 2003, le nombre d'icebergs a augmenté avec le vêlage au Groenland (Petersen, 2005), ce qui pose des problèmes aux entreprises pétrolières, mais attire les touristes. Le nombre d'icebergs et l'observation des icebergs ont diminué sur la côte nord-est de Terre-Neuve de 2004 à 2006, phénomène qui a inquiété les entreprises touristiques de la région (p. ex., G. Noordhof, l'Anse-aux-Meadows, communication personnelle, 2006). Le nombre d'icebergs est directement lié à l'activité glaciaire du Groenland et à la température de l'eau dans la mer du Labrador (voir Institut canadien d'études climatologiques, 1999-2005; Hadley Centre, 2006).
Les changements en matière de la persistance et de répartition de la neige en hiver auront des répercussions sur les activités de loisir de cette saison, comme la motoneige ou le ski de fond (Abegg et al., 1998; Harrison et al., 2001; Scott et al., 2003). Dans l'est de l'Amérique du Nord, le changement climatique réduirait, d'ici aux années 2020, le nombre de jours où il est possible de faire de la motoneige, de 38 p. 100 à 62 p. 100, comparativement aux années 1970 (McBoyle et al., 2006). D'ici à 2050, on prévoit que la saison de la motoneige durera moins d'une semaine à Sydney et à Gander, et de 0 à 20 jours à Fredericton (McBoyle et al., 2006). Les ventes de motoneige ont diminué de 38,4 p. 100 au Canada et aux États-Unis entre 1997 et 2005, et celles de VTT ont monté d'autant. Les fabricants se sont adaptés en augmentant la production de VTT, et les usagers potentiels achètent un VTT en tant que véhicule tout-terrain et toutes-saisons.
3.9.2 Adaptation
Au Canada atlantique, la promotion du tourisme est de plus en plus axée sur l'allongement des saisons et la variété des activités, et elle s'adresse à un public diversifié. Les visiteurs sont à la recherche d'activités culturelles, historiques et récréatives. Leurs préférences sont influencées par la mode, le coût du transport et le sentiment de sécurité; un événement unique peut donc avoir des répercussions disproportionnées, imprévues et durables.
Les entrepreneurs et les promoteurs du secteur touristique, y compris les divers paliers de gouvernement, peuvent adapter les campagnes publicitaires aux conditions. Certains aspects du tourisme au Canada atlantique, dont les étés plus longs, sont des répercussions favorables du changement climatique. À mesure que les étés se réchauffent plus rapidement au centre de l'Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, les étés relativement frais du Canada atlantique sont de plus en plus perçus par les touristes comme un milieu intéressant pour des vacances ou une résidence d'été.
Il faudrait procéder à une évaluation complète des stress induits par les activités touristiques sur les sites côtiers en vue de connaître le risque d'érosion et de modification des sédiments des plages, et ce, avant qu'on assiste à une importante dégradation. Des sites touristiques importants, comme le parc provincial Panmure Island, à l'Île-du-Prince-Édouard, et la dune de Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, sont présentement menacés d'érosion côtière, et il faudrait ériger des ouvrages pour les protéger. Il est possible d'intégrer le tourisme dans la conception des ouvrages de protection des côtes. Par exemple, des préoccupations d'ordre esthétique peuvent influer sur la conception des ouvrages de protection du littoral (comme dans le parc Victoria, à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard) et les structures peuvent se concevoir de manière à servir également de sentiers pédestres (comme à Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et à Trout River, à Terre-Neuve-et-Labrador).
Dans le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard, les ondes de tempête ont nécessité de nombreuses réparations. La tempête de l'hiver 2004, survenue alors qu'il n'y avait encore aucune couverture de glace, a gravement endommagé les infrastructures. À titre de mesure d'adaptation, on a retiré des abris du terrain de camping. On s'est servi de pierres armées pour protéger certaines sections de route et des ponts. On a également dû procéder à de nombreuses réparations de routes, de promenades et d'autres infrastructures. Dans le parc national Kouchibouguac, certaines structures ont été consolidées, surélevées, déplacées ou enlevées après la saison, en réaction aux tempêtes ou en vue d'en prévenir les dommages. On procède constamment à de tels travaux depuis la création du parc.
3.10 COLLECTIVITÉS
3.10.1 Sensibilités
Les répercussions de l'élévation du niveau de la mer, les modifications des régimes de vagues, les ondes de tempête, les changements de la gravité et de la fréquence des tempêtes, et des modifications de la durée de la couverture de glace auront tous des impacts sur les collectivités du Canada atlantique (McLean et al., 2001; Thompson et al., 2005; Catto et al., 2006). Les inondations et les ouragans qui ont récemment endommagé des propriétés et des infrastructures, causé des blessures et entraîné des décès, de même que la difficulté d'accès aux services médicaux d'urgence et les pannes de courant, témoignent de la vulnérabilité des collectivités de la région de l'Atlantique aux conditions climatiques.
Selon leur situation géographique (à l'intérieur des terres ou sur les côtes), les collectivités de la région de l'Atlantique subiraient divers effets, répondant à divers degrés de sensibilité et de vulnérabilité. Les collectivités côtières, comme Annapolis Royal et Halifax, doivent faire face aux ondes de tempête (voir les encadrés 6 and 7). En contraste, celles de l'intérieur sont plus vulnérables aux changements de la température et des précipitations, qui influent sur l'approvisionnement en eau, les inondations, l'agriculture et les forêts. On remarque qu'il existe une distinction entre les collectivités rurales et urbaines, quoique les différences concernent davantage leur capacité d'adaptation respective. Dans toutes les collectivités, les influences du climat se superposent à d'autres facteurs, de nature politique, socio-économique et technologique, qui ont tous un effet sur la vulnérabilité (voir les encadrés 4, 5).
Les collectivités rurales du Canada atlantique, dans bien des cas, font face à des difficultés économiques dues à leur dépendance à une seule ressource naturelle. Or, le changement climatique, en menaçant des ressources comme les espèces marines ou les produits agricoles, risque d'empirer la situation dans nombre de ces collectivités. On ne devrait donc pas considérer le changement climatique comme un facteur dominant et indépendant, mais comme faisant partie d'un ensemble de plusieurs facteurs exerçant des stress sur la pêche, l'agriculture et les collectivités agricoles. L'interaction de nombreux facteurs de stress augmente considérablement la vulnérabilité des collectivités rurales de tout le Canada atlantique qui dépendent d'une seule ressource.
Des effets sociaux ou relatifs à la santé accompagneront les effets directs du changement climatique dans des secteurs comme le tourisme, l'agriculture et la pêche (Brklacich et al., 2007). Une perte de revenu ou d'emploi peut entraîner des troubles mentaux ou des maladies mentales liés au stress (Sowder, 1985; Santé Canada, 2005). Les phénomènes météorologiques extrêmes et les dangers naturels qui les accompagnent peuvent amener les gens à devoir se déplacer et à séjourner dans des abris surpeuplés, ce qui augmente le risque d'épidémies. Les résidents subissent également le stress lié à de telles situations, ce qui peut mener à divers troubles mentaux, dont la dépression induite par des pertes financières, des blessures et la nécessité de déménager. (Abrahams et al., 1976; Noji, 1997; Greenough et al., 2001; Soskolne et Broemling, 2002; Soskolne, 2004). Ces effets psychologiques persistent souvent plusieurs ann ées après la catastrophe (Bennet, 1970; Powell et Penick, 1983; Sowder, 1985).
Pour les collectivités de l'intérieur, les risques pour la santé découlent de la contamination des eaux souterraines et des eaux de surface par les fortes pr écipitations, car le ruissellement en surface peut polluer les sources d'approvisionnement en eau en y entraînant des pesticides ou des déchets animaux. Les épisodes de précipitations extrêmes peuvent également surcharger les usines de traitement de l'eau ou faire déborder les systèmes d'égout, ce qui ajoute au risque de contamination (ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, 2005; Santé Canada, 2005). Une augmentation des épisodes de fortes précipitations aura également des répercussions sur les égouts pluviaux. Leur sensibilité dépend de la nature de l'infrastructure et de l'abondance des précipitations (Watt et al., 2003). Des enquêtes menées auprès de certaines collectivités urbaines du Nouveau-Brunswick ont révélé que la gestion des égouts pluviaux ne tient pas compte des augmentations prévues, bien que quelques collectivités fassent preuve de prévoyance en y intégrant un facteur d'incertitude (p. ex., 20 p. 100 à Moncton, au Nouveau-Brunswick).
ENCADRÉ 6 - Annapolis Royal : carte d'une onde de tempête et de l'inondation du littoral
L'étude d'une onde de marée par le groupe de citoyens Clean Annapolis River Project (CARP) est un parfait exemple de projet qui a augmenté la capacité d'adaptation d'une collectivité face au changement climatique (Belbin et Clyburn, 1998).
La ville d'Annapolis Royal, située à l'extrémité ouest de la vallée de l'Annapolis, sur la côte nord-ouest de la Nouvelle-Écosse, craignait l'inondation durant les marées de périgée printanières et les phénomènes météorologiques extrêmes. Annapolis Royal risque l'inondation, car la région se trouve en grande partie en dessous du niveau de la mer, sur laquelle, au XVIIe siècle, les colons acadiens avaient gagné en construisant des digues. En outre, la terre s'est enfoncée avec le temps. Des routes, des ponts et des édifices ont d'ailleurs déjà été inondés, mettant ainsi la ville en péril.
Toutes les données recueillies pour ce projet ont été obtenues de sources existantes. Les registres historiques sur des phénomènes extrêmes du passé ont été tirés de musées, de journaux et de sociétés historiques de la région. Le coup de vent dit « Saxby Gale » des 4 et 5 octobre 1869 a servi de modèle pour les prévisions du niveau de la mer.
Il n'y a que quelques centimètres de différence entre une inondation désastreuse et une tempête sans conséquence. Des cartes avec des contours de niveau de 2 m et des points cotés de 0,1 m ont permis de déterminer les endroits les plus exposés au flux de l'onde de marée et les régions les plus menacées par l'inondation. Ces cartes révèlent des situations particulièrement inquiétantes, dont le fait que le service d'incendie est situé sur une petite hauteur. Durant l'inondation, ce service se retrouverait sur une île, isolé de la collectivité. À la suite de cette étude, on a réparti l'équipement de secours d'urgence un peu partout dans la ville; auparavant, on gardait tout au service d'incendie. Ce dernier s'est également doté d'un bateau afin de pouvoir transporter le personnel et l'équipement, et offrir l'accès à la terre ferme en cas d'inondation.
L'organisation des mesures d'urgence (OMU) a commencé à surveiller de près le comportement et les hauteurs des marées de la région. Cette surveillance se fait maintenant à l'échelle de la province, parce qu'on s'est rendu compte que le risque ne se limite pas à la région d'Annapolis.
Ce projet a donné naissance à une autre initiative importante, la simulation d'un scénario de catastrophe. Annapolis Royal a simulé toutes les étapes de son intervention d'urgence. Maintenant, la ville connaît les étapes à suivre pour mieux prévenir les dommages ou les blessures en cas de véritable catastrophe. Dans le cadre d'une simulation sur papier, on a évacué une partie de la ville en réponse à un scénario d'onde de tempête élaboré à l'échelle du comté. L'OMU a mis en œuvre de nouveaux mécanismes visant à intégrer parfaitement les services. Les résultats de l'étude de cas d'Annapolis Royal servent présentement à élaborer une trousse d'outils à l'intention des planificateurs de l'utilisation des terres (Parks, 2006).
Cette étude de cas révèle que les petites collectivités sont aptes à prendre elles-mêmes en main leurs mesures de préparation aux impacts du changement climatique. En déterminant les dégâts que pourrait causer un phénomène météorologique extrême, la ville a pu adopter des mesures préventives susceptibles de réduire le risque d'importantes pertes économiques attribuables à une inondation.
Le Canada atlantique est reconnu comme l'une des quatre régions du Canada où la pollution de l'air est la plus importante, surtout à case du transport atmosphérique en provenance des États-Unis (Labelle, 1998). L'ozone est le polluant atmosphérique le plus courant; la concentration nationale d'ozone troposphérique a augmenté de 16 p. 100 entre 1990 et 2003 (Statistique Canada, 2005c). Une augmentation des vagues de chaleur, combin ée à la pollution de l'air augmenterait la fréquence des épisodes de smog dans les régions urbaines et, donc, des problèmes de santé qui les accompagnent, comme l'asthme et d'autres maladies respiratoires, de même que le stress dû à la chaleur et les maladies qui en découlent (McMichael et al., 2003; Epstein et Rogers, 2004; Santé Canada, 2005). Le changement climatique pourrait aggraver les répercussions des vagues de chaleur, des journées de smog et des particules en suspension libérées par les feux de forêt. On s'attend à ce qu'augmente le nombre de maladies et de décès qui en découlent, en particulier dans les régions urbaines où la dégradation de la qualité de l'air empire les maladies cardiovasculaires et respiratoires (McMichael et al., 2003; Santé Canada, 2005).
Au Canada, on a diagnostiqué de l'asthme chez 12 p. 100 des gens âgés de moins de 12 ans et chez 8 p. 100 des gens âgés de plus de 12 ans (Statistique Canada, 2005c), et le nombre d'adultes qui en souffrent est passé de 2,3 p. 100 en 1979 à 6,1 p. 100 en 1994 (Santé Canada, 1998). C'est au Canada atlantique que l'on retrouve certains des plus hauts taux d'asthme du pays (Agence de santé publique du Canada, 1998; Conseil canadien de développement social, 2006). Les vagues de chaleur et les épisodes de smog peuvent également augmenter le risque d'accident vasculaire cérébral, puisque certaines études ont révélé un lien entre, d'une part, les accidents vasculaires cérébraux et les maladies respiratoires et, d'autre part, les changements environnementaux (Epstein et Rogers, 2004). Par exemple, une corr élation positive existe entre l'augmentation des taux de particules en suspension (polluants atmosphériques) et l'augmentation des cas d'infarctus du myocarde et d'infections respiratoires exigeant l'hospitalisation ou causant la mort (Dominici et al., 2006; Murakami et Ono, 2006). De même, certains auteurs soulignent l'accroissement possible, lié à une augmentation de CO2, d'allergènes qui ont également des répercussions sur le système respiratoire (Epstein et Rogers, 2004).
3.10.2 Adaptation
Bien qu'on ait beaucoup discuté de la capacité des diverses collectivités à réagir aux changements environnementaux (Pelling et High, 2005), moins de recherches ont porté sur l'acquisition de la capacité d'adaptation des collectivités (Smit et Pilifosova, 2003; Brklacich et al., 2007). Toutefois, des particuliers, des groupes et des gouvernements municipaux du Canada atlantique ont d éjà entrepris des efforts d'adaptation, surtout sous la forme de mesures de protection des côtes.
Les collectivités rurales et urbaines du Canada atlantique présentent de grandes différences quant à leur profil démographique, de même qu'à leur résilience et leur vigueur économiques. C'est pourquoi leurs capacités d'adaptation, et donc leur vulnérabilité, varient beaucoup d'une collectivité à l'autre. Les centres urbains disposent habituellement de plus grandes ressources financi ères, institutionnelles et humaines pour faire face aux difficultés, y compris au changement climatique. Les collectivités rurales n'ont pas les moyens d'appliquer le genre de mesures d'adaptation adoptées par la municipalité régionale d'Halifax.
Les administrations locales participent activement aux efforts d'adaptation. À la suite de dommages causés par des tempêtes, des sécheresses et des invasions d'insectes exotiques, la municipalité régionale d'Halifax a mis en œuvre une planification durable qui comprend un plan d'adaptation au changement climatique. Le programme Climate SMART collabore avec le secteur priv é pour prendre en considération les mesures de réduction des gaz à effet de serre et d'adaptation au changement climatique dans le processus de prise de décisions. La construction d'une usine de traitement des eaux usées, conçue en fonction d'une élévation de 3 m du niveau de la mer, et celle d'une usine de production combinée de chaleur et d'énergie électrique pour les hôpitaux et les universités sont deux projets inspirés par le projet Climate SMART (voir l'encadré 7). La localité de Rexton, au Nouveau-Brunswick, offre un autre exemple d'adaptation à l'échelle municipale. Cette collectivité a été touchée par les marées et les ondes de tempête sur la rivière Richibucto, qui ont entraîné de l'érosion et des inondations. Depuis plusieurs décennies, Rexton a pris les mesures nécessaires pour protéger activement des portions de rivage importantes sur les plans historique et culturel.
ENCADRÉ 7 - Réduction de la vulnérabilité au changement climatique à l'aide du projet Climate SMART
La municipalité régionale d'Halifax (MRH) occupe une superficie de plus de 5 000 km2 et compte plus de 350 000 habitants; on y trouve un aéroport et un port maritime ainsi que des centres commerciaux, éducatifs, scientifiques et technologiques desservant la région.
Ces dernières années, Halifax a subi un certain nombre de phénomènes météorologiques extrêmes et une augmentation des répercussions, des dommages et des coûts associés. L'ouragan Juan, de force 2 (septembre 2003), a touché terre à l'extérieur d'Halifax et poursuivi sa course à travers le centre de la Nouvelle-Écosse, causant des dommages importants aux propriétés, aux infrastructures et à l'environnement. Quelques mois plus tard, en février 2004, une violente tempête de neige, qu'on appellera par la suite « Juan blanc », a déversé plus de 90 cm de neige sur la MRH en une seule journée. Le déneigement et les réparations des infrastructures des services municipaux ont occasionné une dépense de cinq millions de dollars qui n'avait pas été prévue au budget. De tels phénomènes ont coûté à la MRH, à ses entreprises et à ses citoyens des millions de dollars, la perte de plusieurs vies, des dérangements de services et de grands inconvénients. Ils ont également attiré l'attention sur les répercussions potentielles du changement climatique et fait monter les craintes à ce sujet.
Avant Climate SMART, la MRH ne disposait d'aucune stratégie de planification face au changement climatique. Consciente de l'augmentation des risques attribuables au changement climatique pour les infrastructures, les propri étés et les citoyens, et plus particulièrement de l'augmentation prévue de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes, la MRH s'est mise à la recherche d'un mécanisme de planification et de mise en œuvre de stratégies à cet effet.
Elle a élaboré le projet Climate SMART (Sustainable Mitigation and Adaptation Risk Toolkit /trousse d'outils pour l'atténuation et l'adaptation durables face aux risques), conçu en vue d'intégrer les mesures d'atténuation et d'adaptation au processus de planification et de prise de décisions municipal. Il s'agit d'un partenariat des secteurs public et privé. Les partenaires du projet prototype de la MRH sont la Fédération canadienne des municipalités, Ressources naturelles Canada, Environnement Canada, le ministère de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse, le ministère de l'Environnement et du Travail de la Nouvelle-Écosse, l'Association des industries de l'environnement de la Nouvelle-Écosse, les membres de ClimAdapt, plusieurs groupes communautaires et entreprises locales et la MRH. Climate SMART est le premier projet canadien à préconiser une approche pleinement intégrée d'échelle municipale face au changement climatique. La MRH et ses partenaires ont officiellement lancé le projet Climate SMART en mars 2004. Les principales tâches de Climate SMART, le projet prototype de la MRH, sont d'élaborer :
- des évaluations de la vulnérabilité et des analyses de durabilité;
- des évaluations des coûts par rapport aux avantages;
- des outils de gestion et d'atténuation des émissions;
- un plan de gestion du risque associé au changement climatique;
- une méthode de gestion des émissions et des mesures d'adaptation qui prévoit des méthodologies pour chaque secteur de la collectivité;
- des projets de communication et de sensibilisation du public.
Plusieurs éléments du projet contribuent déjà aux efforts généraux de planification stratégique environnementale d'Halifax. Pour les années à venir, la MRH compte définir et mettre en œuvre des évaluations du risque et de la vulnérabilité, et élaborer des outils de gestion de mesures d'adaptation qui lui permettront de tenir compte du changement climatique dans son processus de prise de d écisions et de planification municipal.
Bon nombre de collectivités demandent de l'aide à leur gouvernement provincial pour la protection de leurs côtes, et toutes les provinces commencent à réagir aux répercussions du changement climatique. Le comité spécial de l'Île-du-Prince-Édouard sur le changement climatique a présenté, en avril 2005, son rapport final, aux termes duquel il recommande des mesures de protection des zones côtières (Special Committee on Climate Change, 2005). Le rapport fait également état de la suppression des permis de carrière pour les plages et d'une révision des mesures en cas d'urgence. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a publié en 2005 (Government of Nova Scotia, 2005) un document intitulé Adapting to a Changing Climate in Nova Scotia : Vulnerability Assessment and Adaptation Options (Adaptation au changement climatique en Nouvelle-Écosse : évaluation de la vulnérabilité et mesures d'adaptation). En Nouvelle-Écosse, on s'efforce également de déterminer la sensibilité de diverses zones côtières (Nova Scotia Government of Energy, 2001), mais le rapport ne fait guère mention de mesures d'adaptation. À Terre-Neuve-et-Labrador, on a publié en juin 2005 un plan d'action comprenant des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de même que des mesures d'adaptation (Government of Newfoundland and Labrador, 2005).
Bon nombre de discussions avec des groupes du Nouveau-Brunswick ont porté sur des questions de gouvernance, en particulier dans les régions rurales. Ces dernières se sont regroupées en districts de services locaux, et un comité local de représentants non élus présente au gouvernement provincial des recommandations sur leurs besoins. Un bon nombre de particuliers sont d'avis que ce mécanisme ne donne pas beaucoup de pouvoir aux collectivités et que leurs demandes relatives aux mesures d'adaptation propres à leur région se confondent avec les demandes provenant des autres districts de services locaux (Martin et Chouinard, 2005). En l'absence d'autres mécanismes, les résidents de la collectivité de Pointe-du-Chêne ont pris l'initiative d'intervenir après de récentes ondes de tempête. Un comité spécial a organisé un abri d'urgence et participe à des discussions avec différents paliers du gouvernement en vue de rechercher des solutions à long terme pour résoudre le problème causé par les inondations dues aux ondes de tempête.
L'augmentation de l'activité des ouragans que l'on constate actuellement dans l'Atlantique Nord, semble indiquer qu'il faudrait améliorer la préparation en cas d'urgence et les mesures d'adaptation (Goldenberg et al., 2001). À titre de mesure préventive, l'Organisation des mesures d'urgence a adopté une nouvelle campagne de sensibilisation qui vise à aider les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard à mieux se préparer aux effets des ouragans. Dans le même esprit, le Centre canadien de prévision d'ouragan a accru ses efforts pour sensibiliser la population aux avertissements d'ouragans (Environnement Canada, 2004c).
Un des principaux obstacles à la mise en œuvre des mesures d'adaptation demeure la vision à court terme des promoteurs et des fonctionnaires par rapport aux répercussions à long terme du changement climatique (Fédération canadienne des municipalités, 2002). Le manque de ressources constitue également un obstacle majeur auquel font face les particuliers et les collectivités dans la mise en œuvre de mesures d'adaptation (Fédération canadienne des municipalités, 2002). La construction de structures de protection coûte cher et, dans certains cas, elle a fait naître des conflits entre les résidents, certains n'étant pas en mesure de contribuer à des structures jugées nécessaires par d'autres; en effet, les structures sont plus efficaces si elles ne présentent pas d'interruption sur un littoral donné.
On aura besoin de connaissances accrues sur le changement climatique à tous les niveaux de prise de décisions. De cette façon, les collectivités pourront mieux s'adapter, réduisant ainsi leur taux de vulnérabilité au changement climatique. À cet effet, de plus en plus, on lie les collectivités à des projets de recherche de manière à leur permettre d'être consultées et de mieux comprendre les impacts possibles du changement climatique (p. ex., Vasseur et al., 2006). Un moyen très efficace d'y parvenir est d'intégrer les répercussions du changement climatique et les questions d'adaptation dans le processus d'évaluation de l'impact environnemental.
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