Évaluation de la vulnérabilité et progrès
4.1 ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ
Il apparaît clairement dans ce chapitre que certaines régions et certains secteurs du Canada atlantique sont sensibles au changement climatique. Les principales constatations qui ressortent sont que les zones c ôtières sont sensibles à l'élévation du niveau de la mer et aux phénomènes météorologiques extrêmes, les écosystèmes marins réagissent aux changements des conditions océaniques, les ressources en eau, aux changements de la température et des précipitations, les systèmes gérés comme l'agriculture et la foresterie sont sensibles aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux infestations de ravageurs et d'agents pathogènes. Un grand nombre de recherches ont porté sur chacun de ces aspects, comme on l'a vu dans les sections correspondantes. D'autres secteurs, comme les transports, l'énergie et le tourisme, subiront également les répercussions du changement climatique, mais on dispose de moins de documentation à leur sujet, en particulier à l'échelle locale.
Pour comprendre la vulnérabilité, il faut tenir compte de la capacité d'adaptation. Bien qu'on ne dispose que de peu d'écrits scientifiques sur la capacité d'adaptation de la région de l'Atlantique, on peut tout de même en tirer des conclusions. Les ressources économiques limitées de nombreuses collectivités rurales restreignent considérablement leur capacité d'adaptation. La petite taille des exploitations agricoles par rapport au reste du Canada et la mauvaise qualit é des sols réduisent la capacité des agriculteurs à s'adapter. La surpêche passée restreint les choix de certains pêcheurs professionnels et collectivités de pêcheurs, et la réglementation adoptée en fonction des conditions climatiques du passé pour la construction des bateaux, la détermination des saisons de pêche et d'autres activités, pourra ne plus convenir aussi bien à mesure que le climat continuera de changer. Le coût du déplacement d'infrastructures essentielles situées à des endroits vulnérables peut s'avérer exorbitant. Les coutumes et les traditions locales, ainsi que l'attachement personnel à la terre, font en sorte qu'il est difficile, voire impossible, pour beaucoup de gens de déplacer ou d'abandonner des maisons situées sur la côte ou dans des plaines inondables.
Le Canada atlantique dispose, par contre, d'importants atouts qui renforcent sa capacité d'adaptation. Ses habitants ne se laissent pas facilement abattre. Ils ont réussi à s'adapter aux conditions météorologiques actuelles. Les scénarios de changement climatique indiquent que les nouvelles conditions leur seront famili ères en ce qui a trait aux types de phénomènes climatiques qui se manifestent habituellement, mais l'on assistera à une augmentation de leur fréquence et de leur intensité. Des tempêtes du passé, comme le coup de vent dit « Saxby Gale » de 1869 et le grand ouragan de 1775, peuvent servir d'indicateurs de remplacement pour les tempêtes à venir, tant par leurs effets physiques que par la réaction individuelle et communautaire des habitants à ces phénomènes. Bien que les ressources économiques puissent faire défaut dans certaines collectivités, leur résilience et leur cohésion sociale compensent aisément cette lacune et favorisent leurs efforts d'adaptation.
Le succès de l'adaptation dépend de la prise de conscience du problème et de l'application d'idées et de ressources. Pour ce faire, il sera essentiel de mettre en place des programmes d'éducation et d'information et, surtout, de modifier l'attitude des gens à propos du changement climatique si l'on veut accélérer le temps de réaction (particulièrement en ce qui a trait aux mesures d'adaptation) des collectivités. La capacité de l'homme d'agir sur le secteur en question entre également en jeu. Dans le cas des écosystèmes marins et terrestres, secteurs sur lesquels l'homme ne peut guère intervenir directement, le potentiel d'adaptation est relativement faible. Dans ces domaines, l'homme s'adapte surtout en reconnaissant et en surveillant les changements qui se produisent, quelle qu'en soit la cause, et en appliquant des techniques de gestion qui réduisent au minimum les stress de nature non climatique sur ces écosystèmes.
L'adaptation dans des secteurs comme l'agriculture, l'énergie, le transport et les collectivités implique également de reconnaître la nature des changements et d'y réagir. Dans bien des cas, l'adaptation a déjà commencé. Par exemple, on adopte de nouveaux types de cultures; on s'efforce de conserver l'énergie et l'eau; on conçoit des infrastructures de transport routier et de transport de l'énergie plus robustes; on met au point des technologies d'énergies renouvelables. Des collectivités comme Annapolis Royal, Channel-Port aux Basques, Beaubassin, Tignish et Halifax ont toutes entrepris des projets en vue de s'adapter au changement climatique en cours. En évaluant les écrits traitant des impacts du changement climatique et des mesures d'adaptation à ce changement au Canada atlantique, et en tenant compte de ces généralisations sur la capacité d'adaptation, les auteurs ont dressé un tableau résumant la vulnérabilité des secteurs abordés dans le présent chapitre (voir le tableau 5). Sur une échelle allant de faible à élevée, ce tableau présente une évaluation subjective de la vulnérabilité, fondée sur des discussions entre les auteurs principaux et leurs collaborateurs. Il s'agit donc d'une opinion d'experts, fondée sur l'état des connaissances actuel. Du fait de la vaste portée de l'analyse, il a fallu avoir recours à des généralisations et à des moyennes, et cette classification ne s'appliquera pas nécessairement telle quelle à tous les endroits et à toutes les industries.
Secteur | Exposition | Sensibilité | Capacité d'adaptation | Vulnéra-bilité | Seuil de confiance |
---|---|---|---|---|---|
Écosystèmes terrestres | Faible à modérée | Faible à modérée | Modérée à élevée | Faible à modérée | Modérée à élevée |
Zone côtière | Élevée | Élevée | Modérée | Élevée | Élevée |
Écosystèmes marins | Élevée à modérée | Élevée à modéré | Faible à modérée | Élevée à modéré | Modérée à élevée |
Ressources hydriques | Modérée | Modérée | Élevée | Modérée | Élevée |
Foresterie | Faible | Faible | Faible à modérée | Faible à modérée | Modérée |
Agriculture | Élevée | Élevée | Modérée | Modérée | Modérée à élevée |
Transport | Faible | Faible à modérée | Modérée à élevée | Faible à modérée | Modérée |
Énergie | Faible | Faible à modérée | Modérée à élevée | Faible à modérée | Élevée |
Tourisme | Modérée | Modérée | Modérée | Modérée | Faible à modérée |
Collectivités rurales | Modérée à élevée | Élevée | Faible à modérée | Élevée | Modérée |
Collectivités urbaines | Modérée à élevée | Modérée | Faible à modérée | Modérée | Élevé |
Le tableau 5 montre que les zones côtières, l'agriculture et les collectivités rurales sont les secteurs les plus vulnérables dans la région de l'Atlantique.
4.2 PROGRÈS
Il est évident que les efforts d'adaptation réussis présenteront plusieurs avantages. Les répercussions d'ordre social, économique et environnemental seraient réduites si l'on était conscient des risques liés au climat et si l'on réagissait de façon appropriée. On peut y parvenir en fournissant de meilleurs outils permettant l'intégration du changement climatique et de ses répercussions à long terme dans l'élaboration des processus décisionnels, en adoptant de nouveaux codes de construction qui permettent de limiter les dommages et en renforçant les politiques visant à protéger les écosystèmes fragiles. On pourrait, par exemple, gérer plus efficacement les ressources marines en intégrant le changement climatique dans les évaluations et l'élaboration des politiques.
De telles politiques doivent tenir compte du fait que le climat continuera d'évoluer pendant encore bien des décennies, voire des siècles.
Dans bien des cas, les meilleures mesures d'adaptation sont des applications de principes déjà connus, susceptibles de créer des avantages malgré le changement climatique (de type « sans regrets »). Par exemple, une gestion améliorée des ressources en eau, la diversification des sources d'énergie, un usage plus efficace de l'eau, de l'énergie et d'autres ressources sensibles au climat et l'amélioration des réseaux de transport bénéficieraient à tous les habitants. La désignation de zones à risque d'inondation est une autre mesure d'adaptation de type « sans regrets ». Les résidents du Canada atlantique sont en mesure de désigner des régions qui ne conviennent pas à de nouvelles constructions en raison des dangers naturels, mais ils doivent aussi faire en sorte qu'on n'y installera aucune structure dans les années à venir.
De nombreux auteurs s'accordent à dire que les connaissances dont on dispose sont suffisantes pour justifier la mise en œuvre de mesures d'adaptation, mais qu'il serait important de poursuivre certaines recherches et de procéder à certaines évaluations qui pourraient étayer les décisions en matière d'adaptation, du moment qu'elles soient prises en considération (Adger et al., 2005; Baethgen et al., 2005; Martin et Chouinard, 2005). De nombreuses études font également ressortir que les collectivités ne sont pas suffisamment sensibilisées à la gravité des répercussions du changement climatique ni à la nécessité de s'y adapter de façon proactive. Il est donc nécessaire de poursuivre non seulement les recherches, mais également les efforts de sensibilisation.
Les recherches en cours continuent d'examiner les relations et les interactions entre l'homme et l'environnement. Afin de pouvoir prévoir les répercussions à venir, il vaut mieux comprendre les répercussions des tempêtes du passé, surveiller les changements qui se produisent présentement et reconnaître les interactions entre les divers secteurs. Un des principaux bénéfices de la recherche sur le changement climatique est qu'on comprend maintenant beaucoup mieux les conditions climatiques actuelles et les nombreuses influences qu'elles exercent sur l'homme.
Il serait bon que les nouvelles recherches ciblent des domaines pour lesquels un plus grand niveau de confiance aiderait au processus de prise de d écisions. Il est, par exemple, nécessaire d'avoir une meilleure compréhension des impacts qui peuvent se produire et des processus qui peuvent avoir lieu. Entre autres, les lacunes sur le plan des connaissances portent sur :
- les changements de la fréquence et l'ordre de grandeur des feux de forêt et leurs répercussions sur l'écosystème;
- les répercussions du problème des espèces envahissantes et l'élaboration de mesures d'adaptation en vue d'en réduire les conséquences et de protéger la biodiversité;
- les répercussions du changement de la température de l'eau sur les espèces dulcicoles et marines;
- les relations entre les espèces dans l'océan et dans les estuaires;
- les conséquences du changement climatique sur le tourisme au Canada atlantique;
- le ressort des collectivités et leur capacité à réagir au changement climatique;
- l'élaboration et l'essai de mesures visant à améliorer la capacité d'adaptation à l'aide de mécanismes existants, comme l'évaluation environnementale, les codes de construction et les outils intégrés de prise de décisions.
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