État de l’adaptation
2.1 L'ADAPTATION : UN IMPÉRATIF
La réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas suffisante pour relever les défis associés au changement climatique. Il faut également des mesures d'adaptation. On constate déjà partout au Canada (voir les chapitres 3 à 8) et ailleurs dans le monde (voir le chapitre 9; GIEC, 2007a, b) de nombreux impacts du changement climatique. D'autres sont inévitables; la Terre et son atmosphère vont subir des changements d'ordre climatique pendant encore plusieurs siècles, qui s'accompagneront d'une élévation du niveau de la mer (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, 2007a).
L'adaptation est un impératif, cela ne fait pas de doute. Il s'agit maintenant de déterminer à quel moment elle se fera et quelle forme elle prendra. Certaines mesures seront prises spontan ément, et on en voit déjà des exemples au Canada et ailleurs dans le monde. D'autres exigeront une planification, une coop ération et une coordination rigoureuses. Il ne fait pas de doute qu'une approche proactive augmentera les chances de succ ès des mesures d'adaptation et en réduira les coûts.
L'adaptation et l'atténuation sont complémentaires et également essentielles à la lutte contre le changement climatique. Jusqu'à maintenant, on s'est relativement peu intéressé au rôle de l'adaptation et à son rapport avec l'atténuation (p. ex., Klein et al., 2007) contrairement à l'attention portée à l'atténuation comme telle, mais il est évident que les mesures d'adaptation seront plus faciles à mettre en œuvre et plus efficaces si le rythme et l'ampleur du changement climatique diminuent. Si l'on en conna ît peu sur les coûts de l'adaptation (p. ex., Churchill et al. 2006; Stern, 2006), on sait par contre que plus le rythme et l'ampleur des changements climatiques augmenteront, plus les mesures d'adaptation seront difficiles à mettre en œuvre et coûteuses. Il y a évidemment des limites à l'adaptation.
Quelques innovateurs donnent le ton actuellement. Les particuliers, les collectivités, la société civile, le secteur privé, le milieu des affaires, le secteur commercial et tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer dans l'adaptation. Le nombre et la diversité des intervenants sont des indicateurs de la complexité de l'adaptation, en particulier à l'échelle régionale et nationale. Cette complexité tient en partie à la répartition inégale des impacts, des coûts et des avantages entre les régions et les localités, entre les secteurs de l'économie et entre les différents groupes sociaux, de même qu'aux différences de capacité d'adaptation au changement climatique entre ces acteurs.
Il y a un large consensus autour de la nécessité d'accorder une plus grande attention à l'adaptation, et on commence à prendre des mesures concrètes en ce sens. La connaissance des risques et des possibilités découlant du changement climatique et la compréhension des processus d'adaptation ont progressé considérablement. Les résultats des recherches présentés dans les chapitres précédents du présent rapport d'évaluation témoignent des progrès accomplis au Canada. Même si les efforts ont été axés davantage sur les impacts, le rapport mentionne des exemples concrets de mesures d'adaptation prises au Canada et ailleurs dans le monde, qui contribuent à accroître la compréhension des processus d'adaptation.
Cela dit, il reste des lacunes à combler sur le plan des connaissances. Entre autres, il importe de trouver des r éponses aux questions suivantes :
- Dans quelle mesure peut-on s'attendre à ce que les gens et l'industrie prennent des mesures spontanément, de leur propre chef et dans leur propre intérêt?
- De quelle information a-t-on besoin au sujet des risques associés au changement climatique et où devrait-on aller la chercher?
- Dans quelle mesure est-il nécessaire d'encadrer et de promouvoir l'adaptation?
- Comment peut-on coordonner les réponses et comment les responsabilités et les coûts seront-ils répartis?
- De quel type d'adaptation a-t-on besoin dans l'intérêt de la sécurité publique?
Les réponses à ces questions aideraient à cerner les priorités en matière d'adaptation. S'il est vrai qu'il faut produire davantage de connaissances, encore faut-il pouvoir les communiquer efficacement. Le manque de connaissances est l'un des principaux obstacles à une adaptation efficace dans le Canada d'aujourd'hui.
2.2 JETER LES BASES DE L'ADAPTATION
L'adaptation au climat, même au climat « normal », a toujours été une nécessité (Burton, 2004); on la pratique couramment parmi les spécialistes et les gestionnaires dans certaines disciplines ou professions. Cette tradition a favorisé une croissance rapide de la recherche et de la documentation sur l'adaptation au changement climatique depuis que la CCNUCC a été ouverte à la ratification en 1992 (p. ex., Smit et al., 1999, 2000). On a élaboré des politiques-cadres en matière d'adaptation (Programme pour le développement des Nations Unies, 2005), on a développé la notion de vulnérabilité (voir le chapitre 2) et on a proposé une première série d'indicateurs quantitatifs de la vulnérabilité (Adger et al., 2004; Downing et Patwardhan, 2005). En outre, on a constitué des recueils d'outils et de méthodes d'évaluation des impacts et de l'adaptation (Feenstra et al., 1998; Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2005) et on a examiné le besoin et les possibilités de développement et de transfert de technologies (Klein et al., 2006). Ainsi, on a jeté des bases solides pour l'élaboration de politiques d'adaptation et la mise en œuvre de mesures d'adaptation.
Au Canada, comme d'ailleurs presque partout dans le monde industrialisé, l'adaptation au changement climatique n'en est qu'à ses débuts. Les experts canadiens ont apporté une large contribution au développement de la théorie et de la pratique de l'adaptation, par leurs travaux au sein de certaines organisations telles que le Groupe intergouvernemental d'experts sur l' évolution du climat (GIEC). Les mesures d'adaptation qui contribuent à rendre à la fois le présent et l'avenir plus durables, qu'on appelle aussi mesures de type « sans regrets », sont souvent considérées comme la clé pour aller de l'avant en dépit des incertitudes. Les mesures d'adaptation intégrées à la conception des bâtiments et des infrastructures, à la conservation de l'eau et de l'énergie, à la production de sources d'énergie renouvelable et à la diversification des économies sont avantageuses en tout état de cause; dans les collectivités, elles constituent un bon point de départ pour accroître la capacité d'adaptation.
Les professionnels, les experts et les gestionnaires ont l'habitude d'utiliser leurs propres processus et outils institutionnels pour gérer les risques, planifier la rotation des stocks et présenter des analyses de rentabilité. Tous ces groupes doivent désormais tenir compte du changement climatique dans leur travail; ils seront tous confrontés aux mêmes difficultés lorsque viendra le temps de concevoir la meilleure façon d'y parvenir. Dans les façons de faire traditionnelles (qui demeurent inchangées dans bien des cas), on présume que les « normales » climatiques du passé vaudront également pour l'avenir, et on a largement recours à des analyses empiriques des données climatiques antérieures. Or, cette présomption ne tient plus et, par conséquent, ce type d'analyse ne peut plus constituer une base de raisonnement raisonnable pour prendre des décisions en matière d'adaptation. De plus en plus, on s'efforce d'intégrer l'information sur les tendances et les projections climatiques dans le processus décisionnel. On s'en remettra davantage au jugement des experts, qui sera plus facile à accepter si les analyses des tendances et les scénarios climatiques concordent. C'est le cas pour la plupart des impacts climatiques au Canada, mais il y a des exceptions. Par exemple, malgré les tendances historiques à la diminution du ruissellement dans une bonne partie du nord du Québec, les modèles climatiques prévoient systématiquement une augmentation du ruissellement (voir le chapitre 5). Il semble toutefois que, dans un avenir prévisible, dans un grand nombre de domaines spécialisés, la meilleure stratégie en vue d'assurer la prise en considération du changement climatique dans le processus décisionnel résidera dans une combinaison d'analyses des tendances et de projections climatiques (Carter et al., 2007).
2.3 EXEMPLES D'ACTIVITÉS D'ADAPTATION EN COURS
Il y a déjà un bon moment que l'on utilise des politiques et des mesures pour faire face à la variabilité et aux extrêmes climatiques au Canada. En fait, l'histoire du Canada est dans une large mesure celle d'une constante lutte pour prospérer sous un climat difficile qui varie d'une région à l'autre. Pour s'adapter à des changements climatiques continus, il faudra à la fois poursuivre les initiatives déjà entreprises et avoir recours à des approches nouvelles. Plusieurs des leçons tirées de l'expérience (heureuse ou malheureuse) d'adaptation aux conditions climatiques antérieures, à la variabilité et aux extrêmes climatiques, seront riches d'enseignement pour les décisions qui seront prises en matière d'adaptation. Ce qui différencie l'adaptation à un climat « normal » de l'adaptation au changement climatique, ce sont le rythme du changement prévu et les incertitudes qui s'y rattachent. Il faut bien comprendre qu'il n'y aura pas de retour à la « normale ». Il faut s'attendre, au contraire, à une série de changements qui se poursuivront pendant des décennies, voire des siècles. Il ne s'agit donc pas de planifier en fonction d'un climat différent mais stable; il faut plutôt se donner la capacité et la souplesse nécessaires pour composer avec le climat de demain, quel qu'il soit.
Il faut à la fois mettre en œuvre des mesures d'adaptation opérationnelles et faciliter les efforts futurs en augmentant la capacité d'adaptation (Smit et Wandel, 2006). Idéalement, les initiatives à cet égard seraient intégrées à d'autres programmes et mues par des objectifs qui vont au-delà de la simple préparation au changement climatique. On se trouve au tout début d'un processus d'intégration des risques climatiques dans le processus décisionnel, qui fera en sorte que les décisions en matière d'adaptation soient fondées sur une connaissance des variations des paramètres tant climatiques que non climatiques (Klein et al., 2007).
La capacité d'adaptation varie considérablement entre les régions, les collectivités et les secteurs d'activité au Canada, en raison d'un grand nombre de facteurs économiques, sociaux, institutionnels et géographiques (p. ex., Smit et Wandel, 2006). Une foule de motivations sous-tendent l'adaptation, depuis la protection de la santé et de la sécurité au cours des phénomènes météorologiques extrêmes jusqu'au désir de rendre les entreprises plus compétitives, efficientes et rentables et d'assurer un rendement économique durable à long terme. Les exemples présentés dans le tableau 2 montrent que de nombreux acteurs — les particuliers, les groupes communautaires, le secteur privé et tous les ordres de gouvernement — interviennent dans l'adaptation au changement climatique et indiquent de quelle fa çon les Canadiens et les Canadiennes commencent à s'adapter.
Comme le constate le Conference Board du Canada, les possibilités d'adaptation sont considérables dans le secteur privé (Churchill et al., 2006). Cependant, même si tout indique que les Canadiens sont de plus en plus sensibilisés au problème, son rapport fait état de la nécessité d'accentuer les préparatifs et de prendre d'autres mesures préventives (Churchill et al., 2006). Des organisations industrielles et professionnelles, comme le Conseil canadien des ingénieurs et l'Institut canadien des urbanistes, ont entrepris d'inclure l'adaptation au changement climatique dans leurs programmes d'études. D'autres, comme l'Air and Waste Management Association et l'Association canadienne des ressources hydriques, inscrivent également l'adaptation au changement climatique dans leurs programmes. Les obstacles à l'adaptation dans le secteur privé sont les coûts perçus de l'innovation et la position désavantageuse où les entreprises risquent de se retrouver si les consommateurs ne réclament pas un relèvement des normes ou si les gouvernements n'établissent pas des codes plus rigoureux.
Le rôle des gouvernements en matière d'adaptation consiste souvent à trouver un juste équilibre entre la protection de la sécurité du public et la facilitation et la promotion de l'adaptation sans décourager l'innovation, l'initiative et l'esprit d'entreprise. Le Quatrième rapport national du Canada sur les changements climatiques (Environnement Canada, 2006) d écrit un certain nombre d'initiatives et de programmes récents du gouvernement qui facilitent l'adaptation. Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire au nom de la sécurité publique d'emprunter la voie de la réglementation et de réviser les codes et les normes applicables aux infrastructures, pour faire en sorte que les risques liés au changement climatique soient pris en considération dans la conception et la construction des ouvrages. Au moment où ces lignes sont écrites, le Conseil canadien des ingénieurs, l'Association canadienne de normalisation et la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie ont mis en œuvre des initiatives qui ont pour but d'étudier différents aspects de l'adaptation des infrastructures au Canada. Le tableau 2 donne des exemples de mesures d'adaptation prises par différents acteurs, qui donnent une idée de la nature des interventions que rendra nécessaire le changement climatique à une échelle beaucoup plus grande. Il reste à déterminer comment les activités de ce genre pourront être étendues avec rapidité et efficacité. Il est clair, cependant, que la collaboration entre tous les ordres de gouvernement, le secteur privé, la société civile et les chercheurs, et à l'intérieur de chacun de ces groupes, est essentielle. Comme dans d'autres domaines de la politique publique, un manque d'intégration et de collaboration peut être lourd de conséquences.
2.4 DIMENSION INTERNATIONALE DES IMPACTS ET DE L'ADAPTATION
Les impacts du changement climatique au Canada se répercuteront sur d'autres pays, et vice versa (voir le chapitre 9). Cette interaction tient en partie à la compétitivité et à la dynamique de l'offre et de la demande sur le marché mondial. Par exemple, si la saison de croissance s'allongeait et devenait plus chaude, le Canada aurait moins besoin d'importer des fruits et des légumes. Les impacts du changement climatique sur la santé et la migration des populations humaines et sur les eaux limitrophes posent également des problèmes. Le chapitre 9 analyse la question des effets directs et indirects que pourraient avoir sur le Canada le changement climatique qui se produit ailleurs dans le monde. Les auteurs concluent que pour bien apprécier toute l'ampleur des impacts du changement climatique au Canada, il faut tenir compte de leur dimension internationale.
Il est important également de tenir compte de la dimension internationale dans les décisions d'adaptation. Par exemple, les mesures et les politiques adoptées dans un pays donné pourraient ériger des barrières commerciales ou instaurer des subventions, ce qui ne manquerait pas de susciter des réactions sous le régime des accords commerciaux internationaux. Ces changements s'effectueraient probablement de fa çon progressive. Il est néanmoins important pour les décideurs et l'industrie du Canada de connaître ces implications économiques de l'adaptation au changement climatique.
Beaucoup d'autres nations, en particulier parmi les pays en développement, seront vraisemblablement plus touchées par le changement climatique que le Canada. L'augmentation de la fréquence et de la sévérité des désastres d'origine météorologique constitue déjà un obstacle de taille au développement et augmente les besoins en aide humanitaire (Red Cross/Red Crescent Climate Centre, 2007). Les pays en développement ont de plus en plus besoin d'aide technique et financière pour s'adapter au changement climatique et aux phénomènes extrêmes qui l'accompagne (voir le chapitre 9). En outre, l'augmentation des pertes attribuables aux désastres d'ordre météorologique à la grandeur de la planète a des répercussions sur les coûts d'assurance et de réassurance (Linnerooth-Bayer et Mechler, 2006).
Exemple d'adaptation | Référence ou chapitre |
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Particuliers | |
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Nickels et al. (2002) Chapitre 3 |
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Ford et al. (2006) Chapitre 3 |
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Chapitres 4 et 8 |
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Chapitres 4 et 8 |
Groupes communautaires et organisations | |
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Armitage (2005);Collectivité d'Arctic Bay et al. (2006) Chapitre 3 |
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Chapitre 4 |
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Medhi et al. (2006) Chapitre 4 |
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Egginton et al. (2007) Chapitre 6 |
Entreprises | |
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Chapitre 3 |
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EBA Engineering Consultants Ltd. (1995) Chapitre 3 |
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Wittrock et Koshida (2005) Chapitres 6, 7 et 8 |
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Cline et al. (2006); Mellgren et Heidersdorf (1984) Chapitre 7 |
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Pederson (2004) |
|
Risbey et al. (1999); Belliveau et al. (2006) |
|
Scott (2003) |
Gouvernements | |
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Chapitre 5 |
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Summit Environmental (2004) Chapitre 8 |
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Ressources naturelles Canada (2005) Chapitre 8 |
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Chapitres 4, 6 et 8 |
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Cecil et al. (2005) |
|
Rainham et al. (2005); Ministère de la Santé et des Services sociaux (2006) |
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Ministère de l'Environnement et des Gouvernements locaux du Nouveau-Brunswick (2002) |
|
Government of Alberta (2003) |
|
BC Ministry of Forests and Range (2007) |
|
Environnement Canada (2006) |
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