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Collectivités, santé et bien-être

La majeure partie des recherches menées jusqu'ici quant aux effets du climat sur les systèmes anthropiques de l'Arctique abordent la question à l'échelle de l'individu ou d'une sous-population (p. ex., les chasseurs d'une localité). Les études de cas visant des collectivités, comme celles réalisées par Ford et al. (2006b), sont surtout axées sur de petites populations autochtones isolées et donnent des indications sur la vulnérabilité de certains résidents du Nord. La difficulté de comprendre la vulnérabilité de toute la région nordique est aggravée par la diversité des types de collectivités et leur nature dynamique. Les facteurs qui ont une incidence sur la vulnérabilité des collectivités (voir le chapitre 2) varient énormément selon qu'il s'agit de petites collectivités isolées à prédominance autochtone, de centres régionaux ou de municipalités nordiques d'envergure.

Des ateliers (p. ex., Council of Yukon First Nations et Arctic Athabaskan Council, 2003; Anonyme, 2006; Nickels et al., 2006) ont permis de repérer diverses incidences locales et préoccupations pour l'avenir dans l'ensemble des territoires du Nord. Au cours de l'un des rares ateliers axés sur les municipalités, les résidents de Yellowknife ont soulevé de nombreux domaines d'incidence et de préoccupation, notamment ceux portant sur les eaux municipales et l'assainissement de l'eau, les routes et infrastructures municipales, les sources d'électricité, les stratégies d'adaptation et la planification (Anonyme, 2006). Bien que peu d'études se soient penchées sur la façon dont le changement climatique est pris en considération ou intégré dans la planification ou d'autres processus décisionnels aux échelons municipal et régional, certaines collectivités des Territoires du Nord-Ouest ont élaboré des processus de planification intégrée qui font intervenir à la fois la réduction des gaz à effet de serre et le développement d'une capacité d'adaptation à long terme (Bromley et al., 2004). Un atelier régional a eu lieu au Nunavut et d'autres sont prévus qui porteront sur la planification de l'adaptation au changement climatique; des projets définis à caractère communautaire ont aussi été lancés à la suite de la tenue de cette première rencontre (Government of Nunavut, 2006). Les préoccupations communes des petits établissements isolés concernent non seulement les effets de la fonte du pergélisol et de l'érosion des côtes sur l'infrastructure, mais aussi les conséquences déjà perceptibles d'un climat en évolution sur leurs relations avec l'environnement local, les services qu'ils en tirent (p. ex., les aliments traditionnels, l'eau brute, certains aspects liés à la santé et au bien-être) et la place de l'environnement dans la culture, les traditions et l'identité locales (p. ex., Council of Yukon First Nations et Arctic Athabaskan Council, 2003; Nickels et al., 2006).

Les effets du changement climatique sur les systèmes biophysiques et économiques du Nord (voir les sections 3 et 4), lorsqu'ils interagissent avec les facteurs de stress non reliés au climat, ont des répercussions tant directes qu'indirectes sur les résidents, leur santé et leur bien-être. La répartition et l'ampleur de ces impacts dépendent des vulnérabilités existantes et des caractéristiques de la capacité d'adaptation aux échelles individuelle et collective (Ford et Smit, 2004).

5.1 EFFETS DIRECTS SUR LA SANTÉ ET LE BIEN-ÊTRE

Les effets directs du climat sur la santé et le bien-être des habitants des collectivités nordiques sont surtout reliés aux températures et phénomènes météorologiques extrêmes et aux risques naturels (voir le tableau 15). Furgal et al. (sous presse) ont décrit en détail les aspects vulnérables de la santé humaine face au climat dans le Nord canadien. D'autres études (p. ex., Berner et al., 2005) ont porté sur les effets sur les résidents du Nord des changements du niveau d'exposition aux rayons ultraviolets-B.

TABLEAU 15 : Sommaire des impacts directs possibles sur la santé associés au climat dans les régions nordiques (selon Furgal et al., 2002).
Changement climatique constaté Impacts directs potentiels sur la santé
Élévation (ordre de grandeur et fréquence) des températures extrêmes) Augmentation de la morbidité et de la mortalité associées à la chaleur et au froid
Augmentation de la fréquence et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes (p. ex. tempêtes, etc.)
Augmentation des conditions météorologiques non caractéristiques
Augmentation de la fréquence et de la gravité des accidents de chasse et de transport qui entraînent des blessures, la mort ou un stress psychosocial
Augmentation de l'exposition au rayonnement ultraviolet-B Augmentation des risques de cancer de la peau, de brûlures, de maladies infectieuses, d'affections oculaires (cataractes), d'immuno-suppression

Dans toutes les régions de l'Arctique canadien, des résidents de petites localités à prédominance autochtone signalent que les conditions météorologiques sont moins prévisibles qu'autrefois et, dans certains cas, que les tempêtes progressent plus rapidement (p. ex., Huntington et al., 2005; Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006). Cette imprévisibilité limite les déplacements et la participation aux activités sur terre et de subsistance, et fait croître le risque de se perdre ou d'avoir des accidents sur terre (Ford et Smit, 2004; Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006). Selon les résidents d'Arctic Bay (Nunavut), la « fréquence accrue des tempêtes » augmente les risques de la navigation estivale et limite l'accès à certains territoires de chasse (Ford et al., 2006b). Ces changements ont des répercussions économiques sur les particuliers et les ménages, qui voient augmenter les dommages subis par leur équipement et diminuer ou disparaître les prises de nourriture traditionnelle. Les températures extrêmes, qu'elles soient basses ou hautes, agissent directement sur la santé. Le Council of Yukon First Nations indique que 7 p. 100 des blessures subies par les jeunes sont li ées au froid, comme l'hypothermie et les gelures (Council of Yukon First Nations, 2006); on signale aussi des cas de stress associ é à la chaleur, surtout chez les personnes âgées, dans plusieurs régions (p. ex., Collectivités du Labrador et al., 2005; Collectivités de la région désignée des Inuvialuits et al., 2005). Selon des données qualitatives, l'incidence de blessures découlant d'accidents attribuables aux conditions météorologiques est en hausse dans les petites collectivités côtières de toutes les régions du Nord (Nickels et al., 2006). Bien qu'une analyse préliminaire (Noonan et al., 2005) ait démontré une augmentation de la variabilité quotidienne des conditions météorologiques au Nunavut et que les modèles climatiques prévoient une hausse de la fréquence et de la gravité des phénomènes extrêmes (tempêtes, inondations, formation de glace sur des couches de neige, sécheresses), les impacts de ce type de phénomènes sur la santé demeurent difficiles à prévoir (Berner et al., 2005).

Afin de faire face à l'évolution des conditions météorologiques, les résidents du Nord signalent qu'il faut améliorer l'infrastructure permettant de communiquer l'information météorologique, notamment les services de téléphonie cellulaire et de radio émettant sur la bande CB, et construire sur les terres de nouveaux abris permanents qui serviront de refuge durant les temp êtes (Collectivités de la région désignée des Inuvialuits et al., 2005). Dans les collectivités de Repulse Bay et d'Arctic Bay, au Nunavut, les résidents affirment que, lorsqu'ils partent à la chasse ou en voyage sur la terre, ils emportent plus de réserves qu'auparavant, par exemple des vêtements chauds additionnels, des briquets et de la nourriture supplémentaire, afin d'être prêts à affronter des conditions météorologiques imprévues (Collectivité de Repulse Bay et al., 2005; Ford et al., 2006b). Les gens deviennent, en outre, plus craintifs face au risque et certains résidents limitent leurs déplacements et leurs activités de chasse pour éviter les tempêtes. Dans plusieurs localités, les chasseurs déclarent avoir de plus en plus recours aux systèmes de positionnement par satellites (GPS) pour la navigation et à des véhicules plus gros ou plus rapides pour compenser les difficultés causées par un temps inclément ou imprévisible. Ces adaptations peuvent cependant accroître l'exposition aux risques en créant une impression de sécurité chez les chasseurs et en encourageant les déplacements dans des circonstances dangereuses.

Très peu de documents témoignent des dangers naturels associés aux conditions météorologiques, comme les avalanches, dans les régions nordiques. Des avalanches mortelles et des dommages à la propriété ont été enregistrés au Nunavik (Québec arctique), au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, mais beaucoup moins souvent qu'en Colombie-Britannique ou en Alberta. Des phénomènes tels que l'avalanche de Kangiqsualujjuaq (Nunavik), qui a fait 9 morts et 25 blessés en 1999, illustrent la vulnérabilité des localités du Nord. Depuis quelques années, les résidents ont constaté une fréquence accrue des épisodes de gel et dégel hivernaux, qui créent des conditions favorables au déclenchement de glissements de neige et d'avalanches, surtout dans les régions de l'est de l'Arctique (Nickels et al., 2006). Certaines parties de l'ouest de l'Arctique dans lesquelles un fort réchauffement hivernal a déjà été enregistré (p. ex., les collectivités des régions montagneuses du Yukon) sont particulièrement vulnérables au risque d'avalanche. Les glissements de terrain associés à de fortes pluies et au dégel du pergélisol sont un autre danger naturel lié au climat. D'après certaines collectivités d'Arctic Bay et de la région désignée des Inuvialuits (Nunavut), ces phénomènes, constatés pour la première fois depuis quelques décennies (Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006), rendent les conditions de déplacement de plus en plus dangereuses (Ford et Smit, 2004; Collectivité d'Arctic Bay et al., 2006).

Peu de recherches ont examiné les risques associés à l'évolution du climat sur l'établissement des zones de risque et les stratégies d'adaptation des collectivités nordiques (Lied et Domaas, 2000). Newton et al. (2005) ont recommandé de réaliser des recherches appliquées en ce sens en collaboration avec les collectivités nordiques et les groupes autochtones, afin d'y inclure la compréhension et la connaissance locales des conditions climatiques. D'après certaines collectivités des régions montagneuses du Nord, compte tenu de l'augmentation de la menace de dangers naturels associés aux conditions météorologiques, il est de plus en plus important de disposer de personnel de recherche et de sauvetage en nombre suffisant et dot é d'une formation adéquate (p. ex., Collectivités du Labrador et al., 2005).

5.2 EFFETS INDIRECTS SUR LA SANTÉ ET LE BIEN-ÊTRE

Les répercussions indirectes d'un climat en évolution sur la santé et le bien-être des collectivités et les résidents du Nord sont attribuables aux changements des conditions de glace, à l'exposition à des maladies émergentes, à la transformation et à la détérioration de certains aspects de la sécurité alimentaire, aux conséquences de la fonte du pergélisol sur l'infrastructure communautaire et aux effets combinés des changements environnementaux et autres sur les habitants du Nord. Furgal et al. (sous presse) ont expliqué de façon détaillée les vulnérabilités de la santé humaine ayant des liens indirects avec le climat (voir le tableau 16). On trouvera ci-dessous un aperçu général des répercussions sur l'homme des changements de nature climatique dans les territoires nordiques.

TABLEAU 16 : Sommaire des impacts indirects possibles sur la santé associés au climat dans les régions nordiques (selon Furgal et al., 2002).
Changement climatique constaté Impacts indirects potentiels sur la santé
Élévation (ordre de grandeur et fréquence) des températures extrêmes Augmentation de l'incidence et de la transmission de maladies infectieuses, perturbations psychosociales
Diminution de la superficie, de la stabilité et de la durée de la couverture de glace Augmentation de la fréquence et de la gravité des accidents de chasse et de transport qui entraînent des blessures, la mort ou un stress psychosocial
Diminution de l'accessibilité des aliments traditionnels, réduction de la sécurité alimentaire, érosion des valeurs sociales et culturelles associées à la préparation, au partage et à la consommation d'aliments traditionnels
Transformation de la composition de la neige (augmentation de l'humidité entraînant une baisse de la qualité de la neige pour la construction d'igloos) Difficulté de construire des abris (igloos) pour assurer la sécurité des déplacements sur terre
Accroissement de l'aire de répartition et de l'activité des agents infectieux nouveaux ou déjà présents (p. ex. les mouches piqueuses) Augmentation de l'exposition aux maladies à transmission vectorielle, nouvelles ou déjà présentes
Changement de l'écologie locale des agents infectieux d'origine hydrique ou alimentaire (introduction de nouveaux parasites et baisse perçue de la qualité des sources naturelles) Augmentation de l'incidence de maladies diarrhéiques et autres maladies infectieuses
Émergence de nouvelles maladies
Augmentation de la fonte et de l'instabilité du pergélisol Effets négatifs sur la stabilité de l'infrastructure de santé publique, de logement et de transport
Perturbations psychosociales associées au déménagement (partiel ou complet) des collectivités)
Élévation du niveau de la mer Perturbations psychosociales associées aux dommages causés à l'infrastructure et au déménagement (partiel ou complet) des collectivités
Changements de la pollution atmosphérique (contaminants, pollens et spores) Incidence accrue de maladies respiratoires et cardiovasculaires, augmentation de l'exposition aux contaminants environnementaux et répercussions subséquentes

Conditions de glace et sécurité

Selon des études scientifiques et les constatations locales des Autochtones, la période sans glace a tendance à s'allonger, tandis que l'épaisseur de la glace et l'étendue de la couverture de la glace de mer diminuent (voir la section 3.1; Huntington et al., 2005; Walsh et al., 2005; Ford et al., 2006b; Gearheard et al., 2006; Nickels et al., 2006). Les modèles prévoient une poursuite de ces récentes tendances tout au long du XXIe siècle, la plus forte perte estivale de glace de mer étant prévue dans la mer de Beaufort (Walsh et al., 2005). Flato et Brown (1996) ont estimé que la poursuite du réchauffement provoquera une diminution de 0,06 m de l'épaisseur de la glace de rive et une réduction de la durée de couverture de 7,5 jours/1 °C . Si ces prévisions se révèlent fondées, une localité comme Arctic Bay (Nunavut) pourrait voir sa glace de rive s'amincir de 50 cm et la période de couverture raccourcir de deux mois d'ici 2080 à 2100 (Ford et al., 2006b).

En plus des conséquences énumérées dans les sections 3 et 4, les changements de la couverture de glace sont également importants à la poursuite d'un bon nombre d'activités traditionnelles et de subsistance. La glace de mer constitue une plate-forme stable que les r ésidents du Nord peuvent emprunter pour se déplacer ou chasser; par ailleurs, elle est essentielle à la reproduction et à la survie de plusieurs espèces marines de l'Arctique (voir la section 4.8). Des résidents inuits font état d'une modification récente des caractéristiques de la glace, d'un danger croissant et d'un accès plus difficile aux territoires de chasse et de récolte d'aliments traditionnels dans l'ensemble des territoires (Riedlinger et Berkes, 2001; Huntington et al., 2005; Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006). L'augmentation perçue du nombre d'accidents et de noyades associés aux conditions glacielles (Lafortune et al., 2004; Barron, 2006) pourrait se refléter dans les statistiques recueillies, lesquelles indiquent une incidence accrue de d écès et de blessures accidentels dans les petits établissements des Territoires du Nord-Ouest (Government of the Northwest Territories, 2004). La vitesse et le volume accrus de l'écoulement provenant de la fonte de la glace et de la neige créent un danger pour les jeunes enfants dans les collectivités nordiques. Parmi les impacts économiques qui découlent des changements de l'état de la glace figurent la perte de revenus due à la baisse des récoltes de phoques ou de narvals, les dommages causés à l'équipement et la difficulté d'accéder aux ressources fauniques pour se nourrir (Ford et al., 2006b). Ces changements nuisent en outre à la cohésion sociale et au bien-être mental des résidents en perturbant le cycle traditionnel des pratiques liées à la terre (p. ex,. Furgal et al., 2002; Berner et al., 2005). On signale que des changements semblables touchent les glaces en eau douce et l'accès aux ressources halieutiques, éléments essentiels pour beaucoup de populations autochtones et non autochtones du Nord (voir la section 4.7). Pour s'adapter à l'évolution des conditions glacielles, les habitants ont dû modifier leurs comportements personnels et adopter de nouvelles technologies. Plusieurs collectivit és déclarent avoir modifié leurs activités de chasse en réaction aux changements des conditions de la glace sur la mer, les lacs ou les cours d'eau. La collectivité d'Arctic Bay (Nunavut) a reporté une partie de son quota de chasse au narval du printemps à l'été afin d'atténuer les risques pour la sécurité liés à une rupture des glaces hâtive et moins prévisible, tout en augmentant les chances de récolter des animaux (Armitage, 2005; Collectivité d'Arctic Bay et al., 2005). Certains chasseurs emportent désormais de petites embarcations au cas où ils resteraient pris sur des glaces à la dérive (Ford et al., 2006b). Les chasseurs des collectivités côtières signalent qu'ils empruntent de nouvelles routes terrestres ou littorales pour accéder à des zones autrefois accessibles en circulant sur la glace de mer (Tremblay et al., 2006). Certains résidents ont commencé à consulter l'imagerie satellitaire de l'état des glaces sur Internet avant de se rendre à la lisière de la banquise et nombre d'entre eux emportent un système de positionnement par satellites pour augmenter l'efficacité des déplacements et de la chasse et pour en atténuer les risques (Collectivités du Nunavut et al., 2005; Ford et al., 2006b; Gearheard et al., 2006).

Réchauffement et maladies émergentes

Il y a, à l'heure actuelle, de nombreuses zoonoses chez des espèces hôtes de l'Arctique (p. ex., l'infection par Trichinella chez le morse et l'ours blanc et l'infection par Cryptosporidium chez les mammifères terrestres et marins), et certaines régions ont déjà signalé des cas majeurs de zoonoses chez les humains dans le passé (Proulx et al., 2000). La relation entre les zoonoses et la température est confirmée par l'augmentation des cas de maladie et d'infections parasitaires chez les mammifères terrestres et marins, les oiseaux, les poissons et les mollusques et crustacés des régions arctiques pendant les années chaudes associées au phénomène El Niño-oscillation australe (El Niño-Southern Oscillation; Kutz et al., 2004). Il est probable que l'allongement de la saison chaude qui résultera d'un climat en évolution transformera le type et l'incidence de maladies susceptibles de se transmettre de ces espèces aux résidents du Nord (Bradley et al., 2005).

On doit aussi prévoir des changements dans la manifestation géographique de ces maladies.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, les maladies d'origine alimentaire et hydrique les plus courantes sont la giardiase (contractée en buvant de l'eau contaminée) et l'infection à Salmonella et aux campylobactéries, qu'on contracte habituellement en mangeant des aliments contaminés crus ou insuffisamment cuits (Government of the Northwest Territories, 2005). Depuis quelques ann ées, malgré la consommation de certains aliments traditionnellement mangés crus dans les collectivités autochtones, le taux d'infection à Salmonella et au campylobactéries a chuté dans les Territoires du Nord-Ouest (Government of the Northwest Territories, 2005). Cependant, des collectivit és du centre et de l'est de l'Arctique ont constaté une multiplication des parasites chez le caribou depuis quelques années, constatation corroborée d'ailleurs par des études sur le bœuf musqué (Kutz et al., 2004), et ils ont manifesté leur inquiétude quant à la comestibilité de cette viande (Nickels et al., 2006).

Comme les hausses de température favorisent la survie hivernale et la répartition de certaines espèces d'insectes, le risque que représentent les maladies à transmission vectorielle d'origine humaine et animale endémiques à la région s'accroît, tout comme les possibilités d'introduction de nouvelles maladies dans les régions arctiques (Parkinson et Butler, 2005). Dans l'ouest de l'Arctique, des résidents inuvialuits ont signalé un nombre croissant d'insectes et d'espèces jamais observées auparavant à cet endroit, y compris des mouches piqueuses et des abeilles (Collectivités de la région des Inuvialuits et al., 2005).

Sécurité alimentaire

Beaucoup de résidents du Nord se nourrissent d'une combinaison de produits alimentaires importés et d'aliments récoltés sur place (aliments traditionnels). Ces aliments traditionnels provenant du sol et de la mer, aussi bien des esp èces animales que végétales, fournissent une grande part de l'énergie et des protéines nécessaires, aident les gens à satisfaire ou à dépasser leurs besoins nutritionnels quotidiens en plusieurs vitamines et éléments essentiels, aident l'organisme à lutter contre certains types de maladies cardiovasculaires et peuvent contribuer à atténuer les effets toxiques des contaminants (Blanchet et al., 2000; Kuhnlein et al., 2000; Van Oostdam et al., 2005). La proportion du régime alimentaire que représentent les aliments traditionnels est beaucoup plus élevée chez les Autochtones et les personnes âgées que chez les autres résidents (Kuhnlein et al., 2000; Van Oostdam et al., 2005).

Par ailleurs, la chasse, la pêche et la cueillette occupent une place prédominante dans l'économie monétaire des collectivités nordiques et sont importantes pour préserver les relations sociales et l'identité culturelle des populations autochtones (Nuttall et al., 2005). Les collectivités isolées, dont l'accès à des produits du marché frais et abordables est très limité, ont un plus grand besoin d'aliments traditionnels que les autres (voir la section 2.2 et le tableau 7). Malgré l'importance de ces aliments, les populations nordiques ont tendance à s'en éloigner pour privilégier de plus en plus les produits alimentaires du commerce, une tendance particuli èrement marquée chez les jeunes et les résidents des collectivités qui y ont plus facilement accès (Receveur et al., 1997).

Les modifications constatées dans la répartition des animaux, l'écologie locale et l'accès des habitants du Nord aux espèces comestibles traditionnelles par suite du changement climatique ont une incidence marqu ée sur la sécurité des aliments (Furgal et al., 2002; Ford et al., 2006b; Guyot et al., 2006; Pratley, 2006). On signale que certains changements liés au climat qui touchent les espèces terrestres et marines (voir la section 4.8) ont une incidence sur la récolte d'espèces sauvages à certains endroits. Des résidents inuvialuits, par exemple, indiquent que les changements de la répartition des poissons et d'autres espèces sauvages, ajoutés aux violentes tempêtes et aux changements de la glace de mer et de la stabilité du pergélisol, rendent la récolte plus difficile qu'autrefois (Riedlinger, 2001). De nombreuses autres collectivités signalent aussi que la sécurité des aliments traditionnels souffre du changement des conditions environnementales (p. ex., Berkes et Jolly, 2002; Huntington et al., 2005; Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006). Ces difficultés ne sont pas exclusives aux collectivités côtières. Les résidents de Beaver Creek (Yukon) et la Première nation Deh Gah Got'ie de Fort Providence (Territoires du Nord-Ouest), par exemple, ont également été témoins de changements d'ordre climatique qui touchent certains aspects de leur récolte d'aliments traditionnels (Guyot et al., 2006). Les discussions des impacts du changement climatique sur les moyens de subsistance des peuples autochtones concernent en premier lieu le maintien des relations entre l'homme et ses ressources alimentaires, et doivent tenir compte du fait que ces impacts risquent de provoquer des changements sociaux irr éversibles (Nuttall et al., 2005).

Par ailleurs, les aliments traditionnels sont la principale source d'exposition aux contaminants environnementaux pour les résidents du Nord (Van Oostdam et al., 2005). Le changement climatique favorisera probablement le transport des contaminants, leur d épôt et leur absorption par les espèces sauvages de l'Arctique, ce qui aura des conséquences sur l'exposition de l'homme à ces contaminants (voir la section 4.8; Kraemer et al., 2005). On connaît les effets nocifs des substances chimiques en cause sur les fonctions immunitaires et neuromotrices chez les enfants (Arctic Monitoring and Assessment Program 2003a; Despr és et al., 2005). Le degré actuel d'exposition au mercure et à d'autres contaminants organochlorés de certains segments de la population du Nunavut dépasse le niveau recommandé de sécurité (Van Oostdam et al., 2005).

La hausse des températures et l'allongement de la période de croissance offrent des possibilités de développement et de mise en valeur d'une agriculture nordique de petite échelle, surtout dans l'ouest de l'Arctique. En exploitant ces possibilités, on pourrait créer de nouvelles sources locales, plus rentables que les précédentes, de certains aliments. Le réchauffement aura, en outre, pour effet de rallonger la période sans glace et d'accroître la navigabilité des eaux nordiques (voir la section 4.5), ce qui permettrait éventuellement d'augmenter la fréquence des arrivages de produits dans les différentes localités et de réduire les coûts associés à certains produits du commerce.

Les individus s'adaptent de différentes façons aux difficultés d'accès aux aliments traditionnels, notamment en modifiant le calendrier de leurs activit és de chasse et en changeant de mode de transport (p. ex., les véhicules tout terrain remplacent les motoneiges) pour atteindre les territoires de chasse et de p êche. Dans toutes les régions nordiques, des résidents ont affirmé avoir remplacé sur leur calendrier habituel d'activités de chasse des espèces maintenant difficiles à trouver par d'autres plus accessibles. Dans la localité de Kugaaruk (Nunavut), des résidents signalent que, lorsqu'il est trop dangereux de se déplacer sur la glace, les gens vont maintenant à la pêche au lieu de chasser le phoque sur la glace. Certaines régions ont indiqué qu'elles doivent avoir plus souvent recours au programme d'installation de congélateurs collectifs (Collectivités du Nunavik et al., 2005; Collectivités de la région désignée des Inuvialuits et al., 2005) ou qu'elles doivent mettre en place des programmes d'échanges intercommunautaires (p. ex., Collectivités du Nunavik et al., 2005; Collectivité d'Arctic Bay et al., 2006). Les coûts supplémentaires associés à quelques unes de ces initiatives (p. ex., l'achat d'embarcations plus grandes, la consommation accrue de carburant pour atteindre les nouvelles voies de migration du caribou) n'ont pas fait l'objet d'évaluations, même s'ils ont des conséquences sur les budgets familiaux.

Qualité de l'eau

L'accès aux ressources en eau douce et leur qualité suscitent de graves préoccupations dans de nombreuses localités du Nord (voir l'encadré 1). Au Yukon, 25 p. 100 des résidents des Premières nations ont déclaré ne pas disposer d'eau de boisson salubre (Council of Yukon First Nations, 2006). Environ 2 p. 100 des r ésidents des Premières nations du Yukon tirent leur eau à usage domestique directement d'une source naturelle (Council of Yukon First Nations, 2006). On prévoit que les effets du climat sur le volume, la qualité et l'accessibilité des ressources en eau potable toucheront surtout les petites localités isolées du Nord, dont quelques-unes ont des problèmes à utiliser efficacement les systèmes de traitement municipaux (Moquin, 2005). Dans l'ouest de l'Arctique, on a signalé que l'élévation des températures a favorisé la croissance d'algues et de végétaux qui nuisent à la qualité de l'eau de source non traitée.

ENCADRÉ 1

Constatations locales des changements touchant les ressources hydriques

« L'eau douce n'est plus aussi bonne qu'avant. Elle a un goût marécageux parce qu'elle reste trop immobile. Il y a beaucoup moins d'eau dans les ruisseaux maintenant… Certaines sources d'eau potable ont disparu. » (Résident de Tuktoyaktuk; Collectivité de Tuktoyaktuk et al., 2005 [traduction])
« Les glaciers, qui autrefois descendaient jusqu'à la mer, ont tous reculé; certains ne sont même plus visibles. La neige, qui demeurait toute l'année dans les coins ombragés, a commencé à fondre; on ne peut plus compter sur elle pour s'approvisionner en eau durant l'été … Les Inuits ont vraiment besoin de cette eau pour leur thé. » (Pijamini, Nunavut Tunngavik Incorporated Elders Conference, 2001 [traduction])

La baisse de la qualité et de l'accessibilité de l'eau pousse les résidents du Nord à emporter de plus en plus d'eau embouteillée pour leurs expéditions de chasse et de pêche (Nickels et al., 2006). Plusieurs collectivités ont indiqué qu'il faut accroître la fréquence des essais de qualité de l'eau, aussi bien pour l'eau de source non traitée que pour celle des réseaux municipaux, afin d'en garantir la salubrité et de rassurer les consommateurs d'eau potable.

Infrastructure communautaire

Les changements que subit le pergélisol risquent d'avoir d'importantes conséquences pour divers ouvrages d'infrastructure publique des établissements nordiques, y compris les réseaux d'égout et de traitement des eaux usées, les réseaux de distribution d'eau par canalisations, les logements et autres bâtiments et les routes d'accès (Warren et al., 2005). Les problèmes actuels de surpeuplement, de qualité et de coût des logements que connaissent de nombreux résidents du Nord compliquent davantage la situation. En 2001, 54 p. 100 des résidents du Nunavut, 35 p. 100 de ceux de la région désignée des Inuvialuits, aux Territoires du Nord-Ouest, et 43 p. 100 de ceux du Yukon vivaient dans des logements surpeuplés (Statistique Canada, 2001; Council of Yukon First Nations, 2006), tandis que 16 p. 100 des logements des Territoires du Nord-Ouest et 33 p. 100 de ceux du Yukon avaient besoin de réparations majeures, comparativement à la moyenne nationale de 8 p. 100 (Statistique Canada, 2001; Government of the Northwest Territories, 2005; Council of Yukon First Nations, 2006). Les petites localités sont les plus durement touchées par ces problèmes (Government of the Northwest Territories, 2005).

Les localités côtières situées sur des terres basses, dans les zones à haut risque de fonte du pergélisol (c.-à-d. là où on trouve beaucoup de glace massive dans le sol), sont les plus susceptibles de voir leur infrastructure subir des dommages (voir Smith et Burgess, 2004). Quelques collectivités de ces régions font déjà état de dommages à leurs bâtiments causés par les forces combinées de l'érosion côtière et de la dégradation du pergélisol (voir la section 3.7; Collectivité d'Aklavik et al., 2005; Collectivité de Tuktoyaktuk et al., 2005).

La dégradation du pergélisol et l'érosion côtière ont aussi des endommagé d'importants sites culturels (Colette, 2007), impacts susceptibles un jour d'obliger certaines collectivités à déménager leurs installations, en tout ou en partie (Barrow et al., 2004). Bien qu'à certains endroits, comme à Tuktoyaktuk, on ait solidifié la côte pour atténuer l'érosion associée à l'intensification des ondes de tempête, à la réduction de la couverture de glace de mer et à la hausse du niveau de l'eau, la solution reste temporaire. La collectivité de Tuktoyaktuk a entrepris des consultations sur un éventuel plan de déplacement de certaines parties de ses installations (Collectivité de Tuktoyaktuk et al., 2005). Dans de nombreuses localités, les résidents réagissent à l'érosion en éloignant les bâtiments de la côte (Collectivités de la région désignée des Inuvialuits et al., 2005).

Dans l'une des rares études réalisées sur les coûts d'adaptation de l'infrastructure, Hoeve et al. (2006) ont dressé la liste des fondations de bâtiments de six collectivités des Territoires du Nord-Ouest et, à l'aide d'une méthode à base de scénarios, ils ont évalué le coût d'adaptation pour l'ensemble du territoire. Si on présume que les localités choisies étaient représentatives de celles de l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest, l'évaluation des dépenses initiales associées à l'adaptation pourrait atteindre jusqu'à 420 millions de dollars (étant donné la situation du pire scénario possible, soit dans le cas où toutes les fondations auraient besoin de réfection).

Multiplicité des stress et des impacts

Les changements environnementaux agissent aussi sur la santé et le bien-être mentaux des nombreux résidents du Nord dont le gagne-pain et le mode de vie sont étroitement associés au milieu local. C'est particulièrement le cas pour environ la moitié des habitants de l'Arctique, dont la culture, la langue et l'identité sont inextricablement liées à la terre et à la mer de par leur patrimoine et leur identité autochtones (voir les encadrés 2 à 4). La perturbation des cycles et des habitudes de chasse traditionnels (Ford et al., 2006b; Nickels et al., 2006), la baisse de la capacité des aînés de prévoir les conditions météorologiques et de transmettre l'information aux autres membres de la collectivité, et l'inquiétude de voir disparaître des cimetières et des logements sous l'effet de l'érosion côtière (Collectivité de Tuktoyaktuk et al., 2005) sont quelques exemples des perturbations sociales qui peuvent toucher des collectivit és déjà aux prises avec d'importantes transformations dues à des forces internes et externes. Des chercheurs ont associé le stress qui résulte de ces changements multiples à certains symptômes de détresse psychosociale, mentale et sociale, comme l'alcoolisme, la violence et le suicide (Berner et al., 2005; Curtis et al., 2005).

Chaque région du Nord du Canada est unique en ce qui a trait aux forces environnementales, sociales, culturelles, économiques et politiques qui régissent le changement aux échelles locale et régionale. Cet état de choses concerne particulièrement les régions et localités qui connaissent divers types de changements accélérés dans plusieurs secteurs à la fois (Chapin et al., 2005). Dans plusieurs régions, par exemple, la place grandissante de l'économie basée sur les salaires a réduit non seulement le besoin de chasse, de pêche et de cueillette, mais aussi le temps disponible pour pratiquer ces activités. Dès lors, il s'est développé et transmis moins de connaissances traditionnelles et de respect pour l'environnement, au détriment des jeunes générations, et les avantages de la consommation d'aliments locaux pour la santé s'en sont trouvés réduits. L'économie basée sur les salaires apporte cependant des ressources permettant aux gens de s'adapter en achetant de l'équipement de chasse (p. ex., des embarcations, des VTT, des motoneiges) qui leur permet de chasser un plus grand nombre d'espèces sur un territoire plus vaste. Les divers aspects de l'évolution du climat peuvent renforcer, affaiblir ou modifier les principaux facteurs de changement dans une localit é ou région donnée (McCarthy et al., 2005). Après avoir examiné les principaux facteurs et leurs interactions, Chapin et al. (2005) ont conclu que la détérioration des liens culturels avec les activités traditionnelles et de subsistance, et tout ce qu'elles représentent, est la cause la plus alarmante de la diminution du bien-être constatée à l'heure actuelle chez les Autochtones des régions arctiques circumpolaires (Chapin et al., 2005).

5.3 CAPACITÉ D'ADAPTATION

L'adaptation se fait au niveau de l'individu, de la collectivité ou du système et aux échelles locale, régionale ou nationale (voir le chapitre 10; Gouvernement du Canada, 2001). Dans de nombreux cas, les mesures d'adaptation les plus efficaces et durables se prennent à l'échelle locale et impliquent directement les personnes concernées (Clark, 2006; Furgal et Seguin, 2006). Les institutions qui facilitent les relations entre diff érentes échelles aident à accroître la résilience face au changement (Berkes et al., 2005). À ce jour, les études de l'adaptation réalisées sur le Nord du Canada portent principalement sur les collectivités isolées regroupant surtout des résidents autochtones (p. ex., Berkes et Jolly, 2002, et des chapitres de cet ouvrage; Nickels et al., 2002; Ford et al., 2006b). La documentation scientifique aborde assez rarement les effets de l'évolution du climat sur les résidents non autochtones ou l'adaptation dans les grandes municipalités. L'importance de questions comme celles ayant trait aux impacts et aux vulnérabilités des infrastructures municipales et de transport a été reconnue cependant et, depuis quelques années, certains gouvernements font des efforts pour trouver les solutions qui s'imposent (p. ex., Government of Nunavut, 2006).

ENCADRÉ 2

Points de vue autochtones sur les impacts du changement climatique et l'adaptation nécessaire : les préoccupations et les priorités des Inuits (préparé par l'Inuit Tapiriit Kanatami)

Le Canada compte environ 53 400 Inuits, regroupés dans la région désignée des Inuvialuits, sur la mer de Beaufort; dans les régions de Kitikmeot, Kivalliq et Qikiqtani, au Nunavut; au Nunavik, dans le nord du Québec; et au Nunatsiavut, dans le nord du Labrador (Statistique Canada, 2001). Les collectivit és inuites partagent plusieurs caractéristiques qui les distinguent des autres Autochtones du Nord et des populations du sud du Canada et qui ont une grande incidence sur leur vuln érabilité à l'évolution du climat.

Dans presque tous les cas, les collectivités inuites ont été établies au cours des 50 à 60 dernières années, sont situées sur la côte de l'Arctique ou de l'Atlantique, ne disposent d'aucun accès routier et dépendent de la santé et de la gestion des terres et des océans pour soutenir un mode de vie fondé principalement sur les activités et les ressources marines. Avant de se regrouper en collectivités, la majorité des Inuits étaient nomades, vivant dans des camps de chasse dispersés dans l'Arctique et suivant les espèces sauvages en migration. Aujourd'hui, les collectivités tentent de trouver le moyen de fournir une infrastructure et des services suffisants pour r épondre aux besoins existants tout en anticipant les pressions supplémentaires qui s'exerceront sur une population jeune en croissance rapide. Comme les autres peuples autochtones du Canada, les Inuits ont vu leur société, leur langue et leur culture changer rapidement et fondamentalement depuis le moment où a eu lieu le contact initial, et ces changements se poursuivent. D'importants écarts séparent les Inuits des autres Canadiens dans des domaines comme la santé, le niveau de scolarisation secondaire et postsecondaire, les besoins de logement, l'accès aux initiatives de développement préscolaire, le taux d'incarcération, le taux d'emploi et le revenu.

Les institutions politiques et administratives innovantes mises sur pied par les Inuits, sous la forme des quatre accords sur les revendications territoriales visant des territoires inuits traditionnels, jouent un r ôle essentiel pour résoudre les difficultés et saisir les occasions liées au changement climatique. Le Nunaat inuit (les terres inuites visées par les quatre accords) représente environ 40 p. 100 de la masse terrestre du Canada et une proportion encore plus grande de la superficie totale, terrestre et marine, du Canada. Il comprend un peu moins de la moitié des côtes du Canada, la quasi-totalité d'un territoire (le Nunavut) et des parties de deux autres territoires (les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon) et de deux provinces (le Qu ébec et Terre-Neuve-et-Labrador). À titre de propriétaires fonciers de quelques-unes des régions du pays les plus sensibles et les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, les Inuits ont un rôle essentiel à jouer dans la résolution de ce problème crucial.

Par l'entremise de leurs organisations régionales, nationales et internationales, les Inuits ont pris des mesures pour déterminer les impacts de la variabilité et de l'évolution du climat qui ont une importance particulière pour leurs populations; le tableau 17 en donne un aperçu. L'accord de partenariat conclu le 31 mai 2005 entre les Inuits du Canada et le gouvernement f édéral comprend un plan d'action des Inuits qui décrit les activités et les initiatives à réaliser dans un délai de trois ans. Une des plus importantes questions abordées par ce plan est celle de la variabilité et du changement du climat. À cet égard, le plan demande : 1) un processus stratégique qui intègre les connaissances inuites et scientifiques; 2) la mise en place d'un processus dirigé par les Inuits pour traiter des préoccupations qui leur sont propres; 3) une collaboration accrue des Inuits et du gouvernement du Canada dans l'examen de moyens d'atténuer le changement climatique et de s'y adapter, aux échelles nationale et internationale; 4) un processus de suivi des recommandations de l' Arctic Climate Impact Assessment; 5) l'élaboration d'outils de renforcement durable des capacités pour soutenir le travail de recherche et de planification effectué par les Inuits relativement aux impacts et à l'adaptation; 6) l'établissement d'une stratégie sur le changement climatique dans l'Arctique canadien qui vise à la fois l'atténuation et l'adaptation. Le plan d'action insiste en outre sur l'importance de la collaboration dans les grandes activités internationales en matière de changement climatique, comme celles qui découlent de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements cl imatiques (CCNUCC), de la Convention sur la diversité biologique (CDB), de la Commission nord-américaine de coopération environnementale et du Conseil de l'Arctique.

TABLEAU 17 : Priorités des Inuits du Canada en matière d'impacts du changement climatique et d'adaptation à ce changement.
Question prioritaire Importance pour les Inuits
Espèces sauvages Pour les Inuits, les espèces sauvages ne sont pas uniquement une question de subsistance et d'alimentation. Elles jouent un rôle dans la préservation et la promotion de la langue, de la culture et du savoir traditionnel. Aujourd'hui encore, la chasse est un processus social d'apprentissage et de transmission des connaissances au sein des collectivités. Certaines espèces clés (p. ex., l'ours blanc) doivent faire l'objet d'une attention particulière afin que l'on trouve un équilibre entre les intérêts de la conservation et ceux de la gestion en vue d'une exploitation judicieuse par les Inuits dans l'avenir.
Infrastructures Les collectivités inuites, principalement situées sur les terres basses des zones côtières, doivent, dans bien des cas prendre des mesures immédiates pour protéger les côtes et les bâtiments. Elles doivent aussi envisager un futur déménagement par suite des dommages que ne cesse de causer une érosion dévastatrice.
Santé humaine De nombreuses collectivités inuites témoignent déjà d'impacts sur la santé. L'état de santé des Inuits est menacé et le climat agira sur les vulnérabilités (sociales, physiques et mentales) existantes. La capacité d'adaptation est limitée par des facteurs tels que l'accessibilité des services médicaux et d'urgence, déjà beaucoup moindre dans les localités inuites qu'ailleurs dans le pays.
Sécurité alimentaire et contaminants Les impacts déjà observés sur la sécurité alimentaire des Inuits devraient s'ajouter aux effets actuellement reconnus des contaminants présents dans les aliments traditionnels. L'adaptation de la réaction à la présence de contaminants dépend de l'éducation et de la disponibilité des renseignements venus de l'extérieur. Actuellement, la capacité de surveillance et de recherche nécessaire pour prendre des décisions éclairées est limitée. Pour le moment, les Inuits ne disposent que d'un accès économique restreint aux aliments de remplacement (produits alimentaires sains du marché).
Savoir traditionnel Le savoir environnemental traditionnel (cycles saisonniers, prévision météorologique, migration des animaux, qualité et volume de la glace de mer) forme une partie importante de la culture des Inuits. Les connaissances inuites jouent un rôle essentiel dans l'élaboration des politiques du Nord et des règlements sur les espèces en péril et la gestion des espèces sauvages. Le changement climatique, associé à l'évolution des collectivités, menace et érode le savoir traditionnel des Inuits. La contribution de ce savoir à la capacité d'adaptation permet cependant de s'éveiller à sa valeur et à son importance pour l'avenir.
Économie Le changement climatique nuit à la capacité des Inuits de gagner un revenu, mais accroît leurs dépenses. Les Inuits ont déjà commencé à s'adapter, mais les ménages doivent porter le fardeau des impacts économiques, qui ne peut que s'alourdir.
Gestion des urgences La protection civile est très critique pour les petites localités isolées, comme celles où vivent de nombreux Inuits. Les dangers environnementaux, de plus en plus graves et variés, mettent en péril un nombre croissant de jeunes Inuits lors des déplacements sur les terres. Les opérations de recherche et de sauvetage, de plus en plus fréquentes, deviennent aussi plus dangereuses. En raison de la multiplication des risques potentiels pour la santé, il faut améliorer la capacité et les plans d'intervention d'urgence, ainsi que les stratégies de secours.
Sécurité et souveraineté Les terres traditionnelles inuites comprennent une grande partie des côtes de l'Arctique, et presque toutes les localités inuites sont côtières. L'accroissement du transport maritime et l'ouverture de ports dans l'Arctique apporteront d'importants changements dans les collectivités inuites, y compris des risques associés à d'éventuelles catastrophes environnementales (déversements), des changements socioculturels et certains avantages (multiplication des possibilités d'emploi rémunéré).

ENCADRÉ 3

Points de vue autochtones sur les impacts du changement climatique et l'adaptation nécessaire : les collectivités des Premières nations du Yukon (préparé par le Council of Yukon First Nations)

Le Council of Yukon First Nations (CYFN) représente 11 des 14 Premières nations du Yukon, de même que quatre Premières nations Gwich'in de la région du delta du Mackenzie. Le CYFN s'est engagé à promouvoir une gestion responsable des ressources humaines et naturelles au sein de tous les territoires traditionnels des Premi ères nations qui en sont membres. Des aînés et d'autres membres de Premières nations ont déjà signalé certains effets observables du changement climatique sur les écosystèmes, par exemple la modification du débit saisonnier des cours d'eau, des infestations d'insectes et la transformation de la composition des forêts. En partenariat avec l'Arctic Athabaskan Council (AAC), le CYFN a participé à l' Arctic Climate Impact Assessment et appuie la mise en œuvre de ses principales recommandations. Le CYFN a axé sa propre stratégie en matière de changement climatique sur ces mêmes objectifs. La réponse de l'organisation s'articule autour de trois grands thèmes :

  • la capacité fondamentale de coordonner et de gérer les réactions des Premières nations du Yukon aux impacts du changement climatique;
  • le soutien à la recherche communautaire dirigée;
  • la communication, l'éducation du public et l'élaboration de partenariats.

Pour comprendre de façon globale les possibilités d'adaptation, on estime important de mener les recherches et la surveillance à l'échelle locale. Pour le CYFN, ce type de recherche et de surveillance soulignerait non seulement l'importance d'accumuler des connaissances détaillées sur les perspectives locales et de comprendre le changement climatique, mais aussi la nécessité que l'information soit mise en commun entre divers groupes, notamment les collectivités, les scientifiques et les décideurs. Les différents ateliers et conférences organisés par le CYFN depuis quelques années ont permis de documenter les préoccupations et les priorités des collectivités. On y retrouve des préoccupations quant aux effets possibles du changement climatique sur les aspects traditionnels et non traditionnels de la soci été, sur les interactions sociales et culturelles de la collectivité et sur les activités économiques d'échelles locale et régionale. Les documents décrivent, en outre, les problèmes que les collectivités estiment bien présents aujourd'hui ou susceptibles de se présenter dans l'avenir, ainsi que la façon de s'organiser, à l'aide de mesures d'adaptation efficaces, pour tirer parti des nouvelles possibilités. Le tableau 18 présente les principaux thèmes de recherche définis en consultation avec les collectivités de Premières nations.

L'essentiel de la méthode adoptée par le CYFN pour améliorer la capacité d'adaptation des collectivités consiste à fournir les bons renseignements aux bonnes personnes, au moment opportun. D'après les conclusions des plus récentes recherches et évaluations, on fait valoir que, pour promouvoir et soutenir le maintien des moyens de subsistance et des traditions culturelles des peuples et collectivit és autochtones, il faut transmettre ces renseignements aux décideurs de tous ordres afin de favoriser l'élaboration et la mise en œuvre proactives de politiques et de mesures appropriées. Les aînés des Premières nations du Yukon ont mis sur pied le comité des aînés sur le changement climatique, et participé et contribué à la direction des travaux du CYFN sur les questions liées au changement climatique. Ils estiment qu'en communiquant leur savoir, ils apporteront un nouvel éclairage qui favorisera la compréhension nécessaire pour formuler des stratégies nationales et circumpolaires visant à étudier et à résoudre la question. À court terme, les efforts du CYFN ont pour objectif premier de faire participer ses collectivit és membres et de les aider à comprendre et à développer leur propre capacité d'adaptation, ainsi qu'à résoudre les conflits face aux impacts du changement climatique.

TABLEAU 18 : Thèmes prioritaires pour la recherche sur le changement climatique tels que définis par le Conseil des Premières nations du Yukon, en consultation avec les collectivités de Premières nations du Yukon.
Question prioritaire Importance pour les collectivités du Council of Yukon First Nations
Sécurité alimentaire Les pratiques traditionnelles liées aux ressources, comme la chasse, la garde de troupeaux, la pêche et la cueillette, demeurent d'une importance cruciale pour l'économie, la culture et la santé locales des Premières nations du Yukon. Depuis des siècles, les conditions environnementales caractéristiques de la région ont permis aux collectivités et aux peuples de mettre au point des techniques et des connaissances, transmises de génération en génération. Mais les conditions changent et les pratiques liées aux ressources s'en ressentent déjà.
Les accords actuels protègent l'accès des Premières nations du Yukon aux poissons et aux espèces sauvages, ainsi que leur droit juridique de chasser et de pêcher, mais ces institutions risquent d'être remises en question par suite de l'évolution du climat. Pour protéger ces ressources au profit des membres des Premières nations, il est donc essentiel de bien comprendre les conséquences politiques qui touchent à la sécurité alimentaire.
Santé et bien-être communautaires L'introduction possible de nouvelles maladies au Yukon menace directement les collectivités de Premières nations. Les effets combinés des changements biophysiques (climatiques), sociaux, économiques et culturels actuellement en cours risquent fort d'avoir des conséquences néfastes sur la santé, déjà attaquée de toutes parts. Les impacts possibles sur la durabilité de l'économie traditionnelle du Yukon et l'incidence indirecte sur la santé et le bien-être sont énormes, mais mal connus.
Conflits d'utilisation des ressources En raison de la forte participation à l'économie basée sur les salaires comme à l'économie traditionnelle, et de l'incidence éventuelle du changement climatique sur ces deux secteurs économiques, il est essentiel de bien comprendre les conflits susceptibles de naître des impacts et de la concurrence entre ces secteurs. Il faut comprendre les effets cumulatifs, y compris les effets du climat, associés aux grands développements au Yukon.
Protection civile Actuellement, on connaît trop peu le niveau de protection civile des collectivités de Premières nations du Yukon et les effets possibles du climat sur les localités isolées, surtout au vu de l'augmentation des risques associés aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux catastrophes naturelles connexes, comme les feux de forêt.

ENCADRÉ 4

Points de vue autochtones sur les impacts du changement climatique et l'adaptation nécessaire : la Nation dénée (tiré de Paci et al., 2005)

La Nation dénée est l'organisation politique autochtone mandatée pour représenter les intérêts et les convictions du Denendeh, qui regroupe plus de 25 000 résidents répartis dans 29 localités et cinq zones culturellement et géographiquement distinctes. Comme les Premières nations des autres régions de l'Arctique, les Dénés constatent et signalent des changements d'ordre climatique et environnemental propres aux habitants de leur région. Un groupe de travail environnemental du Denendeh (Denendeh Environmental Working Group, ou DEWG) rassemble des Dénés et des invités du gouvernement, d'universités et d'organisations non gouvernementales dans des ateliers sur les connaissances et les constatations relatives au changement climatique. Des ateliers ont déjà eu lieu sur les thèmes du changement climatique et de ses impacts sur les forêts, l'eau et les poissons. Jusqu'ici, quatre grandes questions ont orienté les discussions du DEWG sur le climat (Paci et al., 2005, p. 80) :

  • Le Denendeh est-il différent de ce qu'il était autrefois? Le changement climatique joue-il un rôle dans ces modifications? Peut-on envisager d'autres causes?
  • Quels sont les programmes disponibles en matière de changement climatique? Comment les collectivités dénées peuvent-elles participer davantage à la recherche et à la communication à ce sujet?
  • S'il est important de documenter les perspectives et les connaissances des Dénés sur le changement climatique, comment devrait-on les rassembler et les communiquer aux d écideurs, aux gouvernements et aux gens de l'extérieur de la région nordique?
  • Le DEWG est-il un mécanisme efficace pour discuter du changement climatique? De quoi devrait-on parler? Que doit-on faire d'autre?

Une description plus complète du changement climatique et de ses effets constatés au Denendeh par des Dénés figure dans l'Arctic Climate Impact Assessment (Paci et al., 2005).

Il ressort des ateliers et des projets de recherche menés dans l'ensemble de la région nordique que les particuliers ont déjà commencé à s'adapter pour réduire les impacts du changement climatique sur divers aspects de leur vie et de leurs moyens de subsistance, surtout de fa çon réactionnelle (voir les exemples des sections ci-dessus). La capacité d'adaptation dépend de facteurs tels que l'accès aux ressources économiques, à la technologie, à l'information et aux compétences, les dispositions institutionnelles, l'équité entre les membres du groupe, la perception du risque et l'état de santé (voir le chapitre 2; p. ex., Kovats et al., 2003; Smit et Pilifosova, 2003). Comme le décrit la section 2.2, nombre de ces facteurs varient grandement d'une région à l'autre, mais également au sein d'une même région, entre les petites localités isolées et les municipalités ou centres régionaux plus grands. C'est ce qui explique que, face au changement climatique et autres, la capacité d'adaptation et la résilience des individus et des collectivités varient en fonction de facteurs géographiques, sociodémographiques, économiques et culturels. On peut, cependant, repérer un certain nombre de sources de résilience et de vulnérabilité sociales et économiques communes à beaucoup de sociétés de l'Arctique et y associer des possibilités d'adaptation (voir le tableau 19; Chapin et al., 2006).

TABLEAU 19 : Sources de résilience et de vulnérabilité sociales et économiques qui caractérisent de nombreux systèmes arctiques (tiré de Chapin et al., 2006).
Caractéristiques de l'Arctique Sources de résilience Sources de vulnérabilité Possib d'adaptation
Propriétés sociales et institutionnelles Partage des ressources et des risques entre les réseaux de parenté
Personnes possédant plusieurs emplois et compétences (« hommes à tout faire »)
Infrastructure scolaire insuffisante pour planifier en vue des changements à venir
Infrastructure scolaire insuffisante pour planifier en vue des changements à venir
Main-d'œuvre relativement peu qualifiée
La grande diversité culturelle favorise l'apprentissage et l'innovation
Les méthodes de tenure et les droits d'utilisation des terres varient d'une région à l'autre; les plus fermes offrent une souplesse suffisante pour l'adaptation
Propriétés économiques La combinaison de l'économie de subsistance et de l'économie basée sur les salaires comporte la souplesse requise pour l'adaptation au changement Dissociation des stimulants et des conséquences économiques du changement climatique
L'économie d'extraction non diversifiée résulte en une alternance d'expansion et de récession
Certaines politiques et infrastructures font obstacle aux déménagements requis par le changement climatique
Remplacement des importations coûteuses (aliments, combustibles) par des ressources locales
Richesse nationale suffisante pour investir dans l'adaptation
Le prélèvement de rentes associées au développement varie d'une région à l'autre; là où il existe, ce système permet de bâtir l'infrastructure et le capital social nécessaires à l'adaptation et à la diversification

Érosion des capacités traditionnelles

L'Arctique a déjà connu d'importants changements climatiques. Les enregistrements archéologiques, les analyses ethnohistoriques et la mémoire des aînés autochtones relatent en détail l'influence dominante que les changements périodiques, irréguliers et souvent spectaculaires des écosystèmes, déclenchés par des périodes de réchauffement et de refroidissement et des phénomènes météorologiques extrêmes, exercent depuis toujours sur la vie humaine dans l'Arctique. La présence continue des peuples autochtones dans l'Arctique ne peut s'expliquer que par la capacité de leurs pratiques sociales, économiques et culturelles de s'ajuster à la variabilité et à l'évolution du climat. Durant des millénaires, les populations de l'Arctique se sont adaptées à des changements environnementaux graduels, ou même soudains, en déplaçant leurs établissements vers des milieux plus favorables et le long des voies migratoires des animaux (Nuttall et al., 2005). Les énormes changements sociaux, culturels et économiques survenus depuis que les peuples autochtones se sont établis dans des localités permanentes, surtout au cours des 50 à 60 dernières années, ont considérablement érodé les aspects traditionnels de leur résilience socio-écologique et de leur capacité d'adaptation (Berkes et Jolly, 2002). Les nouvelles possibilités économiques qui pourraient découler du changement climatique devraient entraîner une hausse de l'emploi salarié, susceptible à son tour de réduire les occasions personnelles d'acquérir les compétences et les connaissances traditionnelles basées sur la terre qui sont nécessaires pour maintenir certains aspects de la subsistance et des modes de vie traditionnels.

Ressources économiques

Si petites ou isolées soient-elles, les collectivités nordiques ont un lien économique et politique avec les courants nationaux. Les obstacles au commerce, les r égimes de gestion des espèces sauvages et les intérêts politiques, juridiques et de conservation nuisent à la capacité des habitants du Nord d'affronter les défis que pose un climat en évolution. Parmi les enjeux qui concernent le Nord, plusieurs ne s'appliquent à aucune autre région du Canada. Par exemple, même si le gouvernement du Nunavut estime qu'il en coûterait environ 35 millions de dollars canadiens par année pour remplacer les aliments obtenus au moyen d'activités traditionnelles et de subsistance, il est pratiquement impossible de convertir cette richesse traditionnelle en argent pour acheter, faire fonctionner et entretenir l'équipement des chasseurs. L'abandon de la chasse et le remplacement des aliments traditionnels par des aliments import és seraient non seulement nuisibles pour la santé, mais aussi extrêmement coûteux (Nuttall et al., 2005).

Dans de nombreuses régions nordiques, l'économie axée sur l'exploitation des ressources naturelles constitue une base économique qui soutient diverses adaptations aux changements environnementaux. C'est pourquoi certaines régions bien placées pour profiter de ces activités ont une capacité d'adaptation à court terme beaucoup plus grande que les autres. Cependant, comme le note le juge Berger (Berger, 2006), les Inuits (comme tous les autres gens du Nord, d'ailleurs) doivent être éduqués et prêts à saisir les occasions économiques susceptibles de découler des changements à venir dans le Nord, comme la multiplication des projets d'exploration et de développement pétroliers et gaziers, la mise en valeur intensive des ressources minières, l'amélioration de la navigation, la poursuite d'activités portuaires et de travaux d'infrastructure. À l'heure actuelle, le niveau de scolarité et de qualification de la main-d'œuvre limite souvent la capacité des résidents du Nord à tirer parti de possibilités de ce genre.

Information et technologie

Dans leurs analyses de la vulnérabilité au changement climatique, Ford et al. (2006b) ont examiné l'importance des techniques et des connaissances traditionnelles, des réseaux sociaux et de la flexibilité quant à l'utilisation des ressources, particulièrement chez les chasseurs. De nombreuses autres études ont signalé l'importance de conjuguer les connaissances scientifiques et traditionnelles pour s'efforcer de comprendre les divers aspects du changement climatique, de ses impacts et des solutions envisagées à l'échelle locale (p. ex., Parlee et al., 2005; Furgal et al., 2006; Gearheard et al., 2006; Laidler, 2006). Les techniques et les systèmes de connaissances traditionnels, essentiels à de nombreuses réactions individuelles au changement environnemental, sont malgré tout remis en question et parfois érodés par les forces combinées des changements environnementaux et sociaux que connaissent les collectivités nordiques (Nuttall et al., 2005; Ford et al., 2006b; Lacroix, 2006). Ce phénomène est particulièrement marqué chez les jeunes résidents autochtones qui occupent un emploi rémunéré à plein temps. Malgré tout, si leur capacité d'adaptation au changement environnemental s'atténue d'une part, elle s'accroît d'autre part grâce à un accès amélioré aux ressources économiques et à la technologie. C'est pourquoi il est difficile de prévoir l'effet résultant de la combinaison de toutes les forces de changement dans un avenir tant soit peu lointain.

Politiques et capacité institutionnelle

Chapin et al. (2006) et Ford et al. (2007) ont recommandé des politiques d'adaptation visant à soutenir divers aspects de la résilience au sein des collectivités et des secteurs nordiques. Il s'agit notamment, entre autres, d'assurer la souplesse des régimes de gestion des ressources (p. ex., Adger, 2003), de soutenir l'enseignement structuré des compétences et des connaissances traditionnelles, et d'apporter un soutien économique au maintien des modes de vie traditionnel et de subsistance (p. ex., Ford et al., 2007). Ces auteurs insistent en outre sur l'enseignement et le développement de compétences qui permettront aux résidents du Nord d'être mieux préparés pour s'adapter à l'évolution accélérée du milieu social, économique et physique du Nord, et à pouvoir en tirer profit (p. ex., Berger, 2006).

Pour élaborer et mettre en œuvre ce type de politiques, les institutions doivent être sensibilisées à la question et faire preuve de vision. Le mode d'interaction entre les organisations et les individus est particulièrement important, aussi bien dans le secteur public et dans l'ensemble des organisations gouvernementales et non gouvernementales qu'au sein de la société (Adger, 2003; Willems et Baumert, 2003; Berkes et al., 2005). Il existe quelques exemples de la capacité des institutions dans le Nord de faire face au changement climatique. Là où, soit les ministères gouvernementaux et les organisations ont réussi à élaborer et à mettre en place des plans d'adaptation, soit des groupes se sont assuré le concours d'organismes autochtones, de représentants du gouvernement et du public en général en vue d'identifier les problèmes qu'ils ont en commun et les moyens de les résoudre, on constate l'impact que peut avoir la mobilisation des ressources locales, territoriales et régionales. De toute façon, tout indique que la mise en œuvre des politiques et des mesures appropriées ne pourra se faire de façon efficace sans qu'on maintienne et renforce l'expertise en matière de climat, et qu'on crée même de nouvelles dispositions institutionnelles dans divers domaines stratégiques propres au Nord, surtout liés à la sécurité publique et au développement économique. Il est important de viser à avoir recours à la capacité actuelle des institutions d'intégrer les préoccupations climatiques (générales) aux domaines couverts à l'heure actuelle par les politiques et les programmes.

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