Plan d’adaptation aux changements climatiques de Le Goulet
Photo courtoisie de Le Goulet
DEPLACEMENT PREVU COMME SOLUTION A L’ELEVATION DU NIVEAU DE LA MER
Le Goulet est un petit village de pêche de 950 habitants de la péninsule acadienne au nordest du NouveauBrunswick. Le village est situé dans une zone côtière de faible élévation et peu accidentée, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux impacts des changements climatiques et à l’élévation du niveau de la mer.
Les résidants ont remarqué une augmentation de la fréquence et de l’intensité des conditions météorologiques exceptionnelles, notamment des ondes de tempête et des inondations, et sont préoccupés par les répercussions futures sur leurs maisons et leur subsistance. Ainsi, au cours des 15 dernières années, quatre inondations importantes causées par des ondes de tempête côtière ont endommagé jusqu’à 30 maisons du village. Ces inondations ont entraîné la contamination de l’eau potable (infiltration d’eau salée), le débordement des fosses septiques et le recouvrement de voies d’accès, nuisant aux interventions d’urgence. L’eau potable contaminée et la moisissure continuent de poser des problèmes dans un grand nombre de maisons.
Le Goulet est séparé du golfe du SaintLaurent par des dunes de sable et des marais salés, lesquels servent tous deux de zone tampon naturelle importante en cas de tempête. Le prélèvement de sable des dunes par les activités humaines au cours des années 1980 (activité maintenant illicite), combiné avec des taux d’érosion de la côte supérieurs à la normale (causés par la réduction du couvert de glace en hiver) et les quatre grandes ondes de tempête, ont entraîné l’érosion des dunes, les faisant passer d’une hauteur maximale de 2 m audessus du niveau de la mer à tout juste 50 centimètres (cm) aujourd’hui. En raison de la diminution de la hauteur des dunes, les résidants sont de plus en plus préoccupés par les répercussions des ondes de tempête à l’avenir.
Trois principales méthodes d’adaptation en région côtière
Retrait – Déplacement des établissements humains (maisons, routes et autres) afin de les éloigner des zones pouvant être éventuellement inondées, permettant à la mer montante de s’avancer à l’intérieur des terres.
Aménagement adaptatif – Prendre des mesures pour compenser les changements liés au climat (p. ex., construire des maisons sur pilotis en réponse à l’élévation du niveau de la mer).
Protection – Protéger l’utilisation actuelle des sols côtiers en mettant en œuvre des mesures comme des ouvrages longitudinaux, des digues, la recharge des plages et la restauration des terres humides.
En 2002, les ingénieursconseils engagés par la municipalité ont recommandé la construction d’un ouvrage longitudinal de 3,8 km du côté mer des dunes, à un coût estimatif de 3,3 millions de dollars, afin d’assurer une protection contre les pires répercussions des ondes de tempête. En 2004, les dirigeants de la collectivité ont demandé aux spécialistes en changements climatiques de l’Université de Moncton d’aider le village à se doter d’un plan local détaillé d’adaptation aux changements climatiques et à l’élévation du niveau de la mer. L’élaboration du plan comportait trois volets.
Volet I – Sensibilisation
En 2007, les spécialistes ont présenté trois exposés à Le Goulet sur différents aspects des changements climatiques, des ondes de tempête et de l’érosion côtière. Ces exposés visaient à procurer aux résidants des notions scientifiques solides leur permettant de prendre des décisions éclairées relativement à l’adaptation et à la planification. Trois principales méthodes d’adaptation en région côtière ont été présentées : le retrait, l’aménagement adaptatif et la protection (voir l’encadré).
Volet II – Groupes de discussion
Les chercheurs ont formé des groupes de discussion composés de 10 à 12 résidants, de l’intérieur et de l’extérieur de la zone à risque, ainsi que de dirigeants locaux (y compris le maire et des conseillers municipaux). Ces groupes avaient pour mandat de trouver des solutions d’adaptation à inclure dans le plan provisoire. Cet exercice de collaboration a notamment permis d’obtenir un consensus populaire sur la définition géographique de la zone à risque.
Volet III – Solutions d’adaptation
Les groupes de discussion ont arrêté leur choix sur deux principales solutions d’adaptation.
Solution A : Retrait volontaire des maisons les plus à risque
Il a été décidé que le déplacement des maisons les plus menacées par les inondations (retrait) à des endroits plus élevés constituait la solution la plus souhaitable et la plus économique pour réduire les nombreux problèmes de santé et de sécurité découlant des inondations causées par les ondes de tempête. Bien que cette solution ait été unanimement appuyée par les groupes de discussion, elle demeure controversée pour de nombreux villageois.
Le déplacement serait, par exemple, complexe sur le plan logistique, et des fonds devraient être offerts pour compenser les coûts de déplacement et aider à convaincre les résidants de déménager. La solution A prévoit également des efforts de restauration des dunes et la modification du règlement municipal de zonage pour faire en sorte que seuls des projets d’aménagement adaptatif approuvés soient mis en œuvre dans les zones sujettes aux inondations.
Solution B : Construction d’un ouvrage longitudinal de 3,8 km
Pour certains résidants, la construction d’un ouvrage longitudinal constitue la solution la plus viable pour protéger la collectivité des ondes de tempête et des inondations. Toutefois, au cours des discussions en groupe, des résidants ont soulevé des doutes quant à l’efficacité de l’ouvrage pour empêcher les inondations et la contamination des puits d’eau potable des maisons situées dans la zone de faible élévation. Si un ouvrage longitudinal ne parvient pas à prévenir ces risques, il serait alors nécessaire de construire un réseau municipal d’aqueduc et d’égouts coûteux (approximativement 14 millions de dollars) pour assurer l’approvisionnement en eau potable et l’évacuation des eaux usées
Règlement de zonage novateur
Plutôt que d’interdire tout projet de développement dans les zones sujettes aux inondations de Le Goulet, la commission d’aménagement locale a privilégié une approche plus ciblée. La commission a utilisé les résultats issus des groupes de discussion pour établir une zone où les impacts des changements climatiques sont considérés comme un risque important dont les promoteurs doivent tenir compte dans leurs plans. Le règlement municipal de zonage procure la possibilité d’informer les promoteurs des risques que posent les changements climatiques pour les humains et l’infrastructure, et assure que des mesures appropriées, sans toutefois être normatives, sont prises à l’égard de ces risques. De concert avec le ministère de l’Environnement du Nouveau-Brunswick, la commission élabore des critères en matière d’adaptation que les promoteurs devraient tenir en compte dans leur projet de développement.
Les groupes de discussion ont relevé plusieurs études importantes à effectuer avant de choisir l’une ou l’autre des solutions : i) l’élaboration d’une carte numérique des risques qui superpose divers scénarios de changements climatiques (inondations et érosion) aux traits topographiques et à l’infrastructure actuels; ii) une analyse de modélisation des impacts d’un ouvrage longitudinal sur l’érosion côtière et l’infiltration d’eau salée; et iii) une analyse détaillée des coûts des diverses mesures d’adaptation.
Le partenariat entre l’université et la collectivité a permis de lancer un débat important sur l’avenir de la collectivité et a incité la prise de mesures. D’abord, en 2009, la Commission d’aménagement de la Péninsule acadienne a modifié le règlement de zonage du village en vue d’empêcher les projets de développement ne convenant pas aux zones sujettes aux inondations (voir l’encadré). Ensuite, le ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick a accepté de produire une carte altimétrique numérique haute résolution du littoral, une information requise pour orienter toutes les solutions d’adaptation possibles. La collecte des données pour la carte a eu lieu à l’été 2010.
Bon nombre de petites collectivités ne disposent pas des ressources pour élaborer et mettre en œuvre des plans exhaustifs d’adaptation aux changements climatiques. À Le Goulet, les décideurs ont pu compter sur la proximité de chercheurs de l’Université de Moncton pour obtenir de l’information impartiale sur les impacts et l’adaptation, pour faciliter un processus de discussions et pour élaborer un plan axé sur les résultats des discussions. Voilà un exemple de l’importance de la collaboration entre les résidants et les spécialistes en changements climatiques pour préparer des plans d’adaptation à l’intention des petites collectivités.
Personne-ressource :
Benjamin Kocyla Directeur – Conseiller en urbanisme Commission d’aménagement de la Péninsule acadienne Téléphone : 506-727-7979 Courriel : benjaminkocyla@nb.aibn.com
Détails de la page
- Date de modification :