Principaux concepts - RCC
Les Canadiens sont de plus en plus conscients que le changement climatique constitue un probl ème fondamental pour leur santé et leur bien-être, de même que pour l'environnement et l'économie. Presque tous les échanges en matière de politiques publiques ont porté principalement sur les mesures d'atténuation, indispensables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'atténuation s'avère une démarche essentielle faisant partie des efforts déployés en vue de réduire la vitesse du changement climatique et, à terme, son ampleur. La population est cependant moins au courant du fait que, quel que soit le succ ès des mesures d'atténuation à l'échelle mondiale, le changement climatique et les impacts qui y sont associés sont inévitables (p. ex., Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2007a). Même si les concentrations de gaz à effet de serre étaient stabilisées, le réchauffement et l'élévation du niveau de la mer vont se poursuivre pendant des centaines d'années à cause de la nature du système climatique et des rétroactions qui s'y produisent (Meehl et al., 2006; Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2007a). La présente évaluation met l'accent sur la nécessité de s'adapter, compte tenu du fait que le climat actuel du Canada est différent de celui du passé récent et qu'il continuera de changer au cours des années à venir.
Les mesures d'adaptation prises par divers gouvernements canadiens, des industries, des collectivit és et des particuliers sont, et continueront d'être, fondées sur la compréhension implicite ou explicite de la vulnérabilité. En ce qui concerne le changement climatique, cela implique de prendre en consid ération la façon dont le climat devrait changer, les impacts probables de ces changements et le potentiel d'adaptation. Pour comprendre le concept de vulnérabilité, les auteurs de la présente évaluation ont puisé dans de nombreux domaines, dont les sciences physiques, biologiques et sociales, ainsi que l'analyse économique. Ils ont ensuite intégré ces informations à d'autres sources de connaissances, dont le savoir local. Plusieurs concepts clés, qui utilisent une terminologie spécifique au domaine et qui ne peuvent être définis par une simple définition de dictionnaire, sont à la base de la présente analyse. Plutôt que de redéfinir les principaux concepts tout au long du rapport, ils sont expliqués en détail dans le présent chapitre. Il est à noter que le glossaire du rapport contient une liste plus longue de termes-clés relatifs aux impacts et à l'adaptation. Dans le reste du chapitre 2, les termes du glossaire sont indiqués en caractères gras/italique la première fois qu'ils sont mentionnés.
2.1 ADAPTATION
On entend par adaptation toute action qui réduit les impacts négatifs du changement climatique ou qui permet de tirer profit de nouvelles occasions qui se présentent. L'adaptation est nécessaire pour s'attaquer aux problèmes du changement climatique, en plus d'être un complément essentiel à l'atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre; voir l'encadré 1). Aux termes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et du Protocole de Kyoto, les parties, c'est-à-dire les pays, doivent faciliter l'adaptation. Les objectifs de l'adaptation sont, entre autres, 1) d'atténuer les impacts actuels (Füssel et Klein, 2006), 2) de réduire la sensibilité et l'exposition aux dangers du climat et 3) d'accroître la résistance aux facteurs de stress d'ordre climatique et non climatique, c'est-à-dire améliorer la capacité d'adaptation. Une adaptation réussie ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'impacts négatifs; cela veut plutôt dire qu'ils seront moins importants que s'il n'y avait pas eu d'adaptation.
Il y a de nombreux types d'adaptation (voir le tableau 2). L'adaptation comprend des mesures prises avant l'observation d'impacts (mesures anticipatoires), ainsi que d'autres prises après leur apparition (mesures réactionnelles). Ces deux types d'adaptation peuvent être planifiés, c'est-à-dire qu'ils sont le fruit de décisions politiques, alors que les mesures réactionnelles peuvent aussi se manifester de manière spontanée, c'est-à-dire sans planification. L'adaptation planifiée est un processus itératif comprenant quatre étapes de base : le développement informationnel et la conscientisation, la planification et la conception, la mise en &eolig;vre, ainsi que la surveillance et l'évaluation (voir la figure 1; Klein et al. 1999). Dans la plupart des cas, les mesures anticipatoires qui ont été planifiées seront moins coûteuses à long terme et plus efficaces que les mesures réactionnelles. Par contre, il y a des risques à appliquer des mesures d'adaptation relatives à un avenir incertain, dont les coûts de renonciation (l'utilisation de ressources qui, autrement, auraient pu être employées pour des priorités concurrentielles) et la possibilité d'avoir une mauvaise adaptation (voir Mendelsohn, 2006).
ENCADRE 1: Adaptation et atténuation
Il y a deux catégories de mesures qui peuvent être prises face au changement climatique : les mesures d'atténuation et les mesures d'adaptation. Dans la documentation sur le changement climatique, ces deux termes sont d éfinis de façon claire et distincte, et présentent des différences fondamentales (voir le tableau 1). L'atténuation concerne seulement une « intervention anthropique cherchant à réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre » (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). Comme l'atténuation vise à réduire ou à prévenir des changements dans le système climatique, elle cible les causes du changement climatique (Schipper, 2006).
Caractéristique | Adaptation au changement climatique | Atténuation du changement climatique |
---|---|---|
Systèmes qui en bénéficient | Certains systèmes | Tous les systèmes |
Échelle de l'effet | Locale à régionale | Mondiale |
Durée | Années à siècles | Siècles |
Efficacité | Généralement moins certaine | Certaine |
Avantages connexes | La plupart du temps | Quelquefois |
Suivi | Plus difficile | Relativement facile |
L'adaptation, au contraire, vise les conséquences du changement climatique (Schipper, 2006) et tente d'en réduire ou d'en prévenir les impacts sur les systèmes humains et naturels.
Malgré la distinction entre les deux termes, l'adaptation et l'atténuation sont codépendantes. Les mesures d'atténuation, en ralentissant la vitesse et l'ampleur des changements du système climatique, ont une incidence sur la demande de stratégies d'adaptation ainsi que sur leur potentiel de réussite. Plus les changements seront d'un ordre de grandeur important, plus il faudra de l'adaptation; et plus les changements seront rapides, plus l'adaptation sera difficile. En outre, certaines actions peuvent être considérées comme des mesures à la fois d'atténuation et d'adaptation. Planter des arbres en milieu urbain, par exemple, permet d'augmenter les puits de gaz à effet de serre (atténuation) et de refroidir les environs (adaptation au réchauffement). Cette codépendance prouve qu'il est nécessaire d'élaborer des politiques sur le changement climatique qui visent les deux types de mesures en m ême temps (Mendelsohn, 2006).
Alors que la distinction terminologique entre l'adaptation et l'atténuation est claire dans le milieu s'intéressant au changement climatique, tous les domaines n'emploient pas ces termes de la même façon. Celui des risques naturels, par exemple, a longtemps employé « atténuation » pour parler des actions qui réduisent les conséquences des risques naturels. Dans celui de l'aménagement du territoire, les efforts en vue de réduire les développements dans les plaines inondables seraient considérés comme une mesure d'atténuation pour les chercheurs du domaine des risques naturels, mais comme une mesure d'adaptation dans le contexte du changement climatique.
De nombreux groupes, dont des particuliers, des organisations, des industries et tous les ordres de gouvernement, participent à faciliter l'adaptation, de même qu'à choisir et à appliquer des mesures spécifiques d'adaptation. Ces mesures sont très variées et peuvent inclure des changements de comportement, des modifications en matière d'opérations, des interventions technologiques, de même que la révision des pratiques de planification et d'investissement, ainsi que des législations. Un des rôles des gouvernements est de fournir des renseignements et des outils, en plus d'établir des cadres d'action susceptibles de promouvoir les mesures d'adaptation (Stern, 2006).
Beaucoup d'études sur les impacts du changement climatique offrent une liste de stratégies d'adaptation potentielles, qui en illustre la diversité. De nombreux exemples sont présentés dans les chapitres consacrés aux régions de la présente étude. Néanmoins, les exemples ne sont qu'un point de départ pour l'analyse. Avant de prendre des décisions concernant la meilleure mesure d'adaptation à prendre pour contrer un impact spécifique, ou une série d'impacts, il faut comprendre le processus d'adaptation et les concepts qui s'y rattachent - vulnérabilité, capacité d'adaptation et résilience (voir les sections 2.2 à 2.4). L'adaptation ne sera pas seulement une réponse au changement climatique, elle devra aussi tenir compte de différents facteurs, lesquels peuvent donner naissance tant à des synergies qu'à des conflits. Une attention particulière doit être apportée à la faisabilité, à la probabilité et aux mécanismes d'adoption des stratégies d'adaptation. Il y a certaines questions essentielles à poser, notamment (Smit et Wandel, 2006) : « Qu'est-ce qui peut être fait au niveau pratique ? » « Qui le fera ? » « Comment cela sera-t-il mis en œuvre ? » Les recherches portant sur ces questions sont actuellement rares dans le domaine du changement climatique (Smit et Wandel, 2006).
2.2 VULNÉRABILITÉ
Dans les ouvrages consacrés au changement climatique, la vulnérabilité se définit comme étant le degré selon lequel un système risque de subir ou de tolérer les effets néfastes du changement climatique (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) précise que la « vulnérabilité dépend du caractère, de l'ampleur et du rythme des variations climatiques auxquels un système est exposé, ainsi que de sa sensibilité et capacité d'adaptation » (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). La vulnérabilité présente donc à la fois une dimension externe, l'exposition au climat et des caractéristiques internes au système à l'étude, soit la sensibilité et la capacité d'adaptation (Füssel et Klein, 2006). Il faut aussi comprendre les processus biophysiques et socio économiques en jeu (Adger, 2006).
ADAPTATION | |||
Selon | Type d'adaptation | ||
L'intention | Spontanée | Planifiée | |
L'action (par rapport au stimulus climatique |
Réactive | Simultanée | Préventive |
L'étendue temporelle | À court terme | À long terme | |
L'étendue spatiale | Localisée | Étendue |
Ainsi, l'évaluation de la vulnérabilité d'une exploitation agricole au changement climatique nécessite que l'on comprenne la façon dont le climat devrait changer (p. ex., températures plus élevées, sécheresses plus fréquentes), la sensibilité du système à ces changements (p. ex., la relation entre le rendement de culture et la température ou la sécheresse) et la possibilité pour le système de s'adapter aux changements (p. ex., en plantant des cultures différentes, en irriguant). Même si l'exploitation agricole peut être très sensible au changement climatique, puisque le rendement des cultures est fortement r égi par la température et la sécheresse, le système ne serait pas considéré comme très vulnérable si des mesures d'adaptation efficaces, telles que planter des cultures plus résistantes à la sécheresse, étaient faciles à mettre en œuvre.L'exemple ci-dessus illustre trois autres aspects importants de la vulnérabilité. Premièrement, par définition, la vulnérabilité met l'accent sur les impacts négatifs, c'est-à-dire « les effets défavorables du changement climatique » (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). Il est cependant accepté que le changement climatique aura des avantages aussi bien que des impacts négatifs. Dans cet exemple, les températures plus élevées peuvent aussi se traduire par de meilleurs rendements de culture. De ce fait, un des autres objectifs de l'adaptation est de faire des ajustements pour mieux tirer profit des avantages que peut pr ésenter le changement climatique. Deuxièmement, les aspects du changement climatique les plus importants pour une prise de d écisions éclairée concernant l'adaptation sont rarement ceux qui retiennent le plus l'attention au cours des discussions sur les paramètres du climat : les changements des températures et des précipitations moyennes. Dans l'exemple mentionné, il faudrait également prendre davantage en considération les paramètres suivants dans le cas de rendements de culture : le moment de survenue des pr écipitations, l'occurrence d'épisodes de pluies extrêmes, les degrés-jours de croissance et la sévérité de sécheresses. Troisièmement, et d'ailleurs l'aspect le plus important, lorsque la vulnérabilité d'un système est considérée comme relativement faible à cause de sa forte capacité d'adaptation, ce dernier peut tout de même subir d'importantes conséquences si des mesures d'adaptation ne sont pas appliquées. Dans l'exemple, si l'exploitant continuait à planter les mêmes cultures sans faire d'ajustements, il pourrait subir de graves conséquences ou ne pas être en mesure de tirer profit de nouvelles occasions.
Reconnaître la nécessité de prendre en considération la capacité d'adaptation des systèmes est ce qui distingue la vulnérabilité de la sensibilité. La sensibilité ne tient pas compte de l'effet modérateur de l'adaptation, alors que la vulnérabilité peut être vue sous l'angle des conséquences qui subsistent après le recours aux mesures d'adaptation. Les premières études sur les impacts du changement climatique mettaient souvent l'accent sur la sensibilité, alors qu'on accepte maintenant que les mesures d'adaptation auront une grande influence sur l'ampleur des impacts du changement climatique. En effet, des chercheurs ont fait remarquer que « les études sur les conséquences du changement climatique sont sans intérêt si la vaste gamme d'options dont on dispose en matière d'adaptation n'est pas prise en considération » (Adger et Kelly, 1999 [traduction]). La plupart des études les plus récentes sont axées sur l'évaluation de la vulnérabilité, et non de la sensibilité.
Évaluer la vulnérabilité demande que l'on considère les principaux stress, tant climatiques que non climatiques, qui s'exercent sur un système ou une région, de même que les influences des conditions socio-économiques sur la capacité d'adaptation (voir la section 2.3; Füssel et Klein, 2006). On reconnaît généralement que la participation des intervenants est une première étape essentielle dans le processus d'évaluation des études de la vulnérabilité (Lim et al., 2005). Alors que les impacts sont souvent quantifiés (p. ex., pourcentage d'augmentation de la productivité, pertes de revenus), ce n'est pas le cas de la vulnérabilité (Füssel et Klein, 2006), qui cherchent plutôt à mieux saisir les processus en cause et les facteurs susceptibles d'intervenir. Les influences sociales et biophysiques changent facilement dans le temps et dans l'espace (Adger, 2006). Il en résulte que la vulnérabilité est généralement caracterisée, plutôt que mesurée même si des améliorations dans la quantification du concept sont en cours (voir Adger, 2006).
2.3 CAPACITÉ D'ADAPTATION
Dans le domaine du changement climatique, on entend par « capacité d'adaptation » « le potentiel, les moyens ou la capacité d'un système à s'adapter aux stimuli du changement climatique ou à ses effets ou impacts » (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). Le terme « système » a un sens large qui comprend tous les niveaux et les types d'unités, notamment les régions, les collectivités, les secteurs économiques, les institutions et les entreprises privées.
L'expression « capacité d'adaptation » est relativement nouvelle dans le milieu de la recherche sur le changement climatique, apparaissant pour la premi ère fois dans la documentation scientifique en 1999 environ et n'étant citée fréquemment qu'à partir de 2003. L'adoption et l'utilisation de l'expression ont probablement été popularisées par la publication du Troisième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (2001) qui, dans le chapitre 18 intitulé Adaptation in the Context of Sustainable Development and Equity (Adaptation dans le contexte du développement durable et de l'équité; Smit et al., 2001), explique le concept en détail. L'adaptation et la capacité d'adaptation sont étroitement liées (voir l'encadré 2), et l'amélioration de la capacité d'adaptation est une mesure d'adaptation de type « sans regrets », qui offre des avantages quels que soient les changements du climat. Les stratégies visant à améliorer la capacité d'adaptation sont donc un bon moyen de passer à l'action, malgré les incertitudes entourant les prévisions climatiques (Smit et Pilifosova, 2003). En augmentant la capacité d'adaptation, on réduit des facteurs de stress, dont la vulnérabilité au climat actuel et futur.
Lorsqu'on parle de la capacité d'adaptation, il faut se poser deux questions : « La capacité d'adaptation de quoi ? » « La capacité d'adaptation à quoi ? » (Smit et al., 1999). On peut prendre en (système) à un climat plus aride (changement climatique), ou encore celle d'une collectivité (système) à des vagues de chaleur plus fréquentes (changement climatique). La capacité d'adaptation est influencée par un certain nombre de déterminants d'ordre spécifique selon l'endroit, qui dépendent de l'état social, économique et institutionnel du système ou de la région à l'étude (voir la figure 2). Les déterminants agissent pour réduire ou améliorer la possibilité de s'adapter (Kelly et Adger, 2000), et ils varient à la fois selon l'endroit et le temps (Smit et al., 2001).
Encadré 2 : Faire la différence entre l'adaptation et la capacité d'adaptation
Les termes de « capacité d'adaptation » et « d'adaptation », même s'ils sont liés, sont bien distincts dans la documentation sur le changement climatique. La capacité d'adaptation est une caractéristique d'un système qui indique son aptitude à s'adapter efficacement au changement. Un système doté d'une grande capacité d'adaptation serait capable de faire face aux changements du climat, et peut-être même d'en tirer profit, alors qu'un système de faible capacité d'adaptation serait plus susceptible de souffrir des mêmes changements. L'adaptation, quant à elle, se rapporte à un processus ou à une action spécifique.
Accroître la capacité d'adaptation fait partie des stratégies d'adaptation (Brooks et al., 2005), et un système avec de nombreuses options d'adaptation a généralement une plus grande capacité de s'adapter qu'un système n'en ayant que peu ou pas (Yohe et Tol, 2002). Certains pensent que la capacité d'adaptation peut être vue comme un potentiel d'adaptation et, lorsque la capacité d'adaptation est utilisée à cette fin, la vulnérabilité s'en trouve réduite (Brooks, 2003).
Les expériences vécues agissent clairement sur la capacité d'adaptation. Vivant dans un climat très variable, les Canadiens ont une capacité d'adaptation plus grande au changement climatique. Un événement unique peut avoir des incidences tant positives que négatives sur la capacité d'adaptation (Smit et al., 2001).
L'expérience acquise lors d'une récente onde de tempête, par exemple, devrait permettre de mieux se préparer à d'autres événements semblables, et donc d'accroître la capacité d'adaptation. Par contre, si la même tempête a épuisé les ressources disponibles pour aider les sinistrés, la capacité d'adaptation pourrait être diminuée jusqu'à ce que les coffres soient regarnis. Les expériences vécues peuvent également jouer un rôle dans la perception des risques, aux niveaux individuel et institutionnel, phénomène qui agit lui aussi sur la probabilité de recours à une adaptation proactive (Grothmann et Patt, 2005).
La capacité d'adaptation est difficile à mesurer. Des indicateurs indirects, tels que le revenu par habitant, le niveau de scolarit é et la densité de la population, ont été utilisés dans le cas de certains déterminants (Yohe et Tol, 2002), mais d'autres sont plus complexes à évaluer. En outre, même si c'est au niveau local que la capacité d'adaptation prend tout son sens, à cause de la nature des données disponibles, elle n'est souvent évaluée qu'aux niveaux national et régional (Yohe et Tol, 2002).
Aux fins de la présente évaluation, les auteurs se sont concentrés sur la caractérisation des facteurs qui agissent sur la capacité d'adaptation dans leur région, s'attaquant également dans certains cas à la caractérisation au niveau du système (sous-régions ou secteurs). Même si l'étude de la capacité d'adaptation à l'échelle locale est rare dans la documentation sur le changement climatique, il est possible de tirer de pr écieux enseignements des analyses provenant d'autres domaines, notamment ceux de la planification en cas d'urgence, du développement et de la diversification de l'économie, de même que de la sécurité alimentaire. Bien qu'elles dépassent généralement la portée de la présente évaluation, de telles analyses présentent une bonne voie à suivre pour les recherches futures sur les impacts et l'adaptation (voir le chapitre 10).
2.4 RÉSILIENCE
On entend par résilience « l'ampleur du changement dont un système peut être l'objet sans changer d'état » (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2001a). Le terme n'est pas employé aussi souvent dans la documentation sur le changement climatique que « capacité d'adaptation » ou « vulnérabilité ». Les études qui l'utilisent parlent généralement davantage des systèmes naturels que des systèmes humains, probablement à cause des racines du terme provenant du domaine de l'écologie. Certains chercheurs ont modifié la terminologie pour l'utiliser spécifiquement dans le contexte d'études portant sur le changement climatique et parlent maintenant de « résilience écosociale » et de « résilience sociale-écologique » (p. ex., Adger, 2006).
Ainsi que précédemment mentionné, presque toute la terminologie concernant les impacts et l'adaptation continue d'évoluer. À un certain moment, le terme « résilience » était employé de façon interchangeable avec « capacité d'adaptation ». Les deux termes désignent une caractéristique d'un système qui décrit sa capacité à faire face aux facteurs de stress externes, et chacun peut être limité ou amélioré par des facteurs internes ou externes. Par contre, étant donné que la définition de « résilience » suppose une caractéristique inhérente des systèmes à rester dans leur état actuel et à présenter les mêmes fonction et structure (Walker et al., 2004), cela peut aller à l'encontre des buts de l'adaptation, où les changements sont considérés comme des conséquences inévitables d'un climat en évolution.
La définition de « résilience » introduit deux concepts apparentés qui sont importants pour l'adaptation : « plages de tolérance » et « seuils ». On entend par « plage de tolérance » la variation du climat qu'un système peut subir sans qu'il y ait d'impacts significatifs. Les mesures d'adaptation ajusteront la plage et auront un effet similaire sur le niveau de résilience (voir la figure 3). Un « seuil » est le stade auquel surviennent des impacts significatifs, c'est-à-dire lorsque les limites de la plage de tolérance sont outrepassées, ou auquel le système connaît un changement d'état, c'est-à-dire lorsque la résilience est dépassée. Définir les seuils des systèmes naturels est un des objectifs principaux de beaucoup d'études sur les impacts du changement climatique (International Scientific Steering Committee, 2005), alors que comprendre les seuils propres aux syst èmes humains peut s'avérer l'élément clé de la prise de décisions éclairée concernant l'adaptation. Walker et Meyers (2004), par contre, se sont demandés si les seuils peuvent être établis avant d'être dépassés et n'ont trouvé aucun exemple, dans la littérature publiée, de seuils qui avaient été prévus.
2.5 TECHNOLOGIES AUX FINS D'ADAPTATION
La technologie est souvent mentionnée comme une solution essentielle aux problèmes que pose le changement climatique. Cela s'applique particulièrement dans le cas de l'atténuation, où une gamme de nouvelles technologies ou de technologies en voie de développement pourrait permettre la découverte d'énergies de remplacement, la séquestration des gaz à effet de serre et l'amélioration de l'efficacité énergétique. La technologie jouera également un rôle dans l'adaptation (United Kingdom Climate Impacts Programme, 2005). L'accès à des technologies, et leur utilisation, est couramment mentionné comme un déterminant de la capacité d'adaptation. L'utilisation de technologies pour la conservation de l'eau, par exemple, peut améliorer la capacité à faire face aux impacts du changement climatique sur l'approvisionnement en eau (voir le chapitre 7). Les buts des technologies utiles à l'adaptation sont notamment d'améliorer la résilience et la souplesse, de prévenir des dommages additionnels et de réduire les coûts.
Même si peu de recherches ont mis l'accent sur le rôle actuel de la technologie dans l'adaptation au changement climatique, le concept de « technologies utiles à l'adaptation » a fait l'objet d'une étude approfondie par Klein et al., (2006). L'expression elle-même, contrairement à « technologies d'adaptation », veut dire que de nombreuses technologies pouvant être utilisées aux fins d'adaptation au changement climatique ont été élaborées à des fins qui ne sont pas nécessairement directement liées au changement climatique. En ce qui concerne l'atténuation, on vise la mise au point de nouvelles technologies, alors que l'adaptation privilégie le transfert de technologies existantes qui sont ensuite ajustées pour satisfaire aux besoins locaux. Dans la documentation traitant du changement climatique, la d éfinition du terme est habituellement très large. On parle, par exemple, « d'une pièce d'équipement, d'une technique, d'une connaissance pratique ou de compétences permettant d'accomplir une tâche particulière » (Metz et al., 2000 [traduction]), ce qui inclut donc virtuellement toutes les options d'adaptation possibles. En règle générale, on fait une distinction entre les technologies « dures » et les technologies « douces », les premières étant des produits physiques et les secondes, des pratiques et des méthodes de planification. Les stratégies d'adaptation fructueuses incluront habituellement des technologies dures et douces (Klein et al., 2006). D'autres distinctions peuvent être établies entre les technologies traditionnelles, contemporaines, hautes et futures (Klein et al., 2006). Dans la présente évaluation, le terme « technologies » s'applique en général aux technologies dures.
2.6 SCÉNARIOS
Un scénario est une « description cohérente, structurée et vraisemblable d'un état futur possible du monde » (Parry et Carter, 1998 [traduction]). Il ne s'agit pas d'une prédiction, les termes « prévision » et « prédiction » désignant un futur plus probable. Un scénario est plutôt une représentation, parmi d'autres, d'un futur possible. Les scénarios climatiques et socioéconomiques fournissent des données pour analyser les impacts, la vulnérabilité et les mesures d'adaptation. Ils constituent un point de départ pour guider et étudier les conséquences des décisions en matière d'adaptation et d'atténuation, ainsi qu'en vue de sensibiliser la population aux problèmes du changement climatique. En proposant un éventail de futurs possibles, les scénarios font en sorte que l'on peut tenir compte des incertitudes associées aux différentes voies que peut emprunter le développement et établir les conséquences liées aux futurs changements d'ordre climatique, social et économique. Dans le cas des scénarios nationaux et régionaux couvrant une période supérieure à 30 ans, on a prêté une attention particulière à l'élaboration des scénarios climatiques, alors que les scénarios socio-économiques sont peu étoffés malgré le lien direct entre les deux.
Scénarios climatiques
La plupart des scénarios climatiques proviennent des données de sortie des modèles climatiques, habituellement des modèles de circulation générale à couplage atmosphère-océan (MCGAO, voir l'encadré 3). La pratique standard actuelle dans l'élaboration de scénarios est de calculer les changements entre la moyenne sur 30 ans (p. ex., 2040 à 2069) des prédictions de MCGAO et des conditions de référence (actuellement 1961 à 1990), et d'appliquer ces changements aux données d'observation. Les changements sont habituellement exprimés comme de simples différences dans le cas de la température, et les différences entre les précipitations sont exprimées en pourcentage. On calcule une moyenne sur 30 ans pour les données de sortie des modèles à la fois pour les conditions de base et les périodes futures, dans le but de s'assurer que la tendance du changement climatique à long terme est bien rendue. On entend par scénarios du changement climatique, ou champs de changement, les changements établis à partir des MCGAO. Un scénario climatique se compose des données résultant de l'application des champs de changement aux données climatiques constatées et représente une information sur le climat de la période future en question (p. ex., les années 2050).
En raison des incertitudes entourant les projections du climat (voir l'encadré 3), il est essentiel que les études sur les impacts et l'adaptation prennent en considération une variété de scénarios de changement climatique. L'utilisation des scénarios climatiques dans la présente évaluation est expliquée à la section 5.3. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, les lecteurs peuvent consulter l'évaluation des scénarios portant sur les répercussions climatiques réalisée par le Groupe de travail du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (1999).
Scénarios socio-économiques
Les conditions sociales et économiques ne resteront pas stables à mesure que le climat changera, et comprendre la nature probable des changements socio- économiques est important si l'on cherche à caractériser la vulnérabilité au changement climatique. Ces scénarios, qui renferment de l'information sur la population et le développement humain, les conditions économiques, la couverture terrestre et l'utilisation des terres, et la consommation d'énergie, fournissent des renseignements précieux qui permettent une meilleure compréhension de la capacité d'adaptation. Les scénarios socio-économiques à l'échelle planétaire, qui vont jusqu'à 2100, sont le point de départ du rapport spécial sur les scénarios d'émissions intitulé Special Report on Emissions Scenarios, commandé par le GIEC (voir l'encadré 3; Carter et al., 2001). Il n'est cependant pas certain que ces scénarios puissent être ramenés à une échelle suffisamment petite pour que l'on puisse étudier les impacts et les mesures d'adaptation. Des prédictions socio-économiques à l'échelle nationale et régionale peuvent être plus pertinentes pour ce genre d'études.
ENCADRE 3 : Modélisation du climat
Modèles de circulation générale à couplage atmosphère-océan (MCGAO) Note de bas de page 2
La complexité extrême du système climatique terrestre, qui comprend des interactions dynamiques entre l'atmosphère, les océans, la cryosphère, la surface des terres et la biosphère, nécessite l'utilisation de modèles de la circulation générale à couplage atmosphère-océan (MCGAO) très complexes pour prévoir le changement climatique à venir. Ces modèles sont des représentations mathématiques en trois dimensions des processus physiques à grande échelle du système Terre-atmosphère-océan-surface des terres, qui offrent une vue complète et intrinsèquement cohérente du changement climatique à venir. Dans les MCGAO, le système climatique de la planète est divisé en un réseau quadrillé de cubes interconnectés, et les processus physiques qui régissent le système sont représentés par des équations mathématiques fondamentales décrivant la conservation de la quantité de mouvement, de la masse et de l'énergie. Des effets de rétroaction en jeu dans le système climatique, tels que ceux qui interviennent entre la neige et la glace et la r éflectivité sur la surface de la Terre (albédo), sont inclus dans ces modèles, même si certains processus de rétroaction ne sont pas complètement spécifiés et qu'ils sont médiocrement quantifiés.
Pour prévoir le climat à venir, on doit alimenter les MCGAO avec des renseignements sur la composition future de l'atmosphère. L'évolution des concentrations de gaz à effet de serre et d'aérosols dépend d'une foule de facteurs, dont la croissance de la population, l'activité économique, de même que l'utilisation d'énergie et de technologies. On appelle « scénarios d'émissions » les scénarios qui rendent compte de toutes les situations possibles en ce qui concerne les émissions. Pour son Troisième rapport d'évaluation, le GIEC a commandé un rapport spécial sur les scénarios d'émissions, en décrivant une quarantaine (Carter et al., 2001). Six d'entre eux sont considérés comme des « scénarios repères » dont l'emploi est recommandé par les spécialistes de l'élaboration de modèles climatiques, soit les scénarios A1FI, A2, A1B, B2, A1T et B1 (présentés en ordre décroissant de forçage radiatif d'ici 2100). Aux extrêmes, le scénario A1F1 décrit un monde où les combustibles fossiles sont utilisés intensivement, où il y a une très rapide croissance économique, une population mondiale qui atteint son sommet vers 2050 et une introduction rapide de nouvelles technologies. Quant au sc énario B1, il décrit un monde convergent où la population atteint aussi son sommet vers 2050, mais où il y a de rapides changements économiques vers une économie de services et de l'information, de même que l'introduction de technologies écologiques et écoénergétiques (Carter et al., 2001). Les meilleures estimations et les plages probables des changements de temp ératures et de l'élévation du niveau de la mer moyennés à l'échelle de la planète pour chacun de ces scénarios repères sont illustrées au tableau 3.
L'incertitude quant aux prévisions climatiques augmente avec le temps. Les scénarios d'émissions représentent une source particulière d'incertitude, liée aux futures voies de développement. Même si cette incertitude ne peut être évitée, il est important de mentionner que les scénarios d'émissions ne deviennent une source d'incertitude importante qu'après 2030 (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2007a). Une autre source d'incertitude tient des différences entre les MCGAO, et la façon dont les processus physiques et les rétroactions sont simulés. Ces disparités font que les différents MCGAO simulent des valeurs différentes de réchauffement planétaire par unité de changement propre au forçage radiatif. De nouvelles façons de traiter les incertitudes ont vu le jour depuis 2001 (Solomon et al., 2007).
Modèles climatiques régionaux (MCR)
Les données issues des modèles climatiques régionaux ont une résolution spatiale plus élevée, c'est-à-dire plus détaillée que celle des MCGAO, puisqu'un MCR à résolution élevée est emboîté dans un MCGAO à résolution plus faible. Comme les MCR s'appuient sur les données du MCGAO, ils peuvent comporter les mêmes erreurs systématiques (Institut canadien d'études climatologiques, 2002). Un de leurs avantages, par contre, réside dans le fait qu'ils fournissent de l'information de nature spatiale plus détaillée et dont l'échelle convient ainsi mieux aux études sur les impacts du climat (Laprise et al., 1998). Actuellement, les sorties de MCR ne sont disponibles par contre que pour un nombre limit é de combinaisons de MCGAO et de scénarios d'émissions, et elles ne couvrent généralement pas une gamme complète d'avenirs vraisemblables. Toutefois, les travaux dans ce domaine évoluent rapidement puisque l'analyse et la quantification de la confiance et de l'incertitude associées aux MCR représentent aujourd'hui un domaine de recherche très important (Caya, 2004; Déqué et al., 2005; Plummer et al., 2006).
Case | Changement dans la température (°C pour 2090-2099 par rapport à 1980-1999)a | Élévation du niveau de la merb (m pour 2090-2099 par rapport à 1980-1999) Plage couverte par les modèles, excluant des changements dynamiques futurs rapides dans l'écoulement de la glace |
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Meilleure estimation | Plage de probabilité | ||
Concentrations constantes durant l'année 2000c | 0,6 | 0,3 - 0,9 | NA |
Scénario B1 | 1,8 | 1,1 - 2,9 | 0,18 - 0,38 |
Scénario A1T | 2,4 | 1,4 - 3,8 | 0,20 - 0,45 |
Scénario B2 | 2,4 | 1,4 - 3,8 | 0,20 - 0,43 |
Scénario A1B | 2,8 | 1,7 - 4,4 | 0,21 - 0,48 |
Scénario A2 | 3,4 | 2,0 - 5,4 | 0,23 - 0,51 |
Scénario A1Fl | 4,0 | 2,4 - 6,4 | 0,26 - 0,59 |
aCes estimations sont évaluées selon une hiérarchie de modèles qui comprennent un modèle climatique simple, plusieurs modèles de complexité intermédiaire du système Terre (MCIST) et un grand nombre de modèles de circulation générale à couplage atmosphère-océan (MCGAO). | |||
bLes estimations de l'élévation du niveau de la mer sont fondées sur les taux d'écoulement constatés au Groenland et en Antarctique de 1993 à 2003. Ceux-ci peuvent augmenter ou diminuer dans le futur. S'ils devaient croître de façon linéaire avec l'élévation de la température planétaire moyenne, les plages supérieures du tableau augmenteraient de 0,1 à 0,2 m. | |||
cLa composition constante au niveau de l'année 2000 a seulement été tirée des MCGAO. |
Au Canada, les chercheurs ont accès à une quantité limitée de données provenant du modèle régional canadien du climat (MRCC), par l'entremise du Centre canadien de modélisation et de l'analyse climatique (voir http://www.cccma.ec.gc.ca/french/data/data.shtml). Laprise et al., (2003) et Plummer et al. (2006) traitent également de la sensibilité et de la validation du modèle. Le consortium Ouranos fournit des services d'aide à l'élaboration du MRCC et a utilisé des scénarios fondés sur les MCR pour analyser les impacts du changement climatique (voir le chapitre 5).
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