Les appareils photographiques et la photographie aérienne
Les appareils photographiques et les photographies aériennes constituent le système de télédétection le plus simple et le plus ancien utilisé pour observer la surface de la Terre. Les appareils photographiques sont des systèmes qui enregistrent un cliché presque instantané d'une région (A) de la surface. Ces appareils sont des capteurs optiques passifs qui utilisent une lentille (B) (ou un système de lentilles que l'on appelle système optique) afin de former une image sur le plan focal (C), plan sur lequel l'image est bien définie.
La pellicule photographique est sensible à la lumière (énergie) d'une longueur d'onde de 0,3 à 0,9 microns, couvrant l'ultraviolet (UV), le visible et le proche infrarouge (PIR). Les pellicules panchromatiques sont sensibles aux ondes dans l'ultraviolet et dans le visible. Ces pellicules produisent des photographies noir et blanc et sont les plus utilisées en photographie aérienne. La photographie des ultraviolets utilise aussi ce type de pellicule, mais un filtre est utilisé avec l'appareil photographique afin d'absorber la lumière visible. Ceci permet d'enregistrer les cibles qui réfléchissent les ultraviolets. Cependant, cette technique n'est pas utilisée très souvent car l'atmosphère diffuse et absorbe beaucoup d'énergie dans ces longueurs d'onde. La photographie noir et blanc des longueurs d'onde de l'infrarouge utilise une pellicule sensible dans cette bande et permet de détecter des différences dans le couvert végétal.
La photographie couleur et pseudo-couleur (ou couleur infrarouge (CIR)) nécessite l'utilisation de trois niveaux de sensibilité dans la pellicule, chaque niveau étant sensible à trois bandes de longueurs d'onde. Pour une photographie couleur normale les niveaux sont sensibles à la lumière bleue, verte et rouge, comme notre oeil. Ces photos nous apparaissent de la même façon que notre oeil perçoit l'environnement et les couleurs nous apparaissent normales (ex. : les feuilles sont vertes). Pour les photographies couleur infrarouge, les trois niveaux de sensibilité enregistrent le vert, le rouge et une portion du proche infrarouge qui sont ensuite traités pour apparaître bleu, vert et rouge respectivement. Pour les photographies pseudo-couleur, les cibles ayant une forte réflexivité dans le proche infrarouge apparaissent rouges, celles qui ont une forte réflexivité dans le rouge apparaissent vertes et celles avec une forte réflexivité dans le vert apparaissent bleues.
Les appareils photographiques peuvent être installés sur plusieurs types de plates-formes (terrestre, aérienne ou spatiale). Des photographies très détaillées sont prises à partir d'avions et sont utilisées là où l'identification de petits détails est nécessaire. La superficie couverte par une photo dépend de différents facteurs dont la distance focale de la lentille, l'altitude de la plate-forme et la dimension de la pellicule. La distance focale contrôle le champ de vision angulaire de la lentille (concept similaire au champ de vision instantanée introduit à la section 2.3) et détermine la superficie « vue » par l'appareil photographique. La distance focale typique pour ces appareils est de 152 mm, mais on utilise aussi des lentilles de distance focale de 90 mm et 210 mm. Plus la distance focale est grande, plus la superficie couverte au sol est petite mais plus il y a de détails (c-à-d. une échelle plus grande). La superficie couverte dépend aussi de l'altitude de la plate-forme. En haute altitude, l'appareil photographique « verra » une plus grande surface au sol mais il y aura moins de détails (c.-à-d. une échelle plus petite). Les photos aériennes peuvent avoir une résolution spatiale de moins de 50 cm. La résolution spatiale d'une photographie aérienne est une fonction complexe qui dépend de plusieurs facteurs qui changent pour chaque image.
Les photographies verticales prises avec un appareil photographique à lentille unique sont les photos aériennes les plus communes en télédétection et en cartographie. Ces appareils photographiques sont spécialement faits pour exécuter rapidement une série de clichés, en limitant la distorsion géométrique. Ils sont souvent reliés à un système de navigation à bord de l'avion, ce qui permet une identification précise des coordonnées géographiques qui sont automatiquement assignées à chaque photographie. La plupart de ces systèmes ont aussi un mécanisme qui compense pour l'effet du déplacement de l'avion par rapport au sol, de façon à limiter, encore une fois, toutes distorsions dans l'image.
Afin d'obtenir des photographies aériennes verticales, l'avion survole la surface terrestre le long de lignes appelées lignes de vol. Les photos sont prises rapidement, l'appareil photographique étant pointé directement vers le sol. Deux photos successives ont un pourcentage de chevauchement de 50% à 60% (A). Ce chevauchement entre les images assure une couverture totale de la superficie le long de la ligne de vol et facilite le visualisation stéréoscopique des photographies. Grâce au chevauchement, les photos montrant la même région mais prises d'une perspective différente, sont jumelées et visionnées à l'aide d'un dispositif appelé le stéréoscope. Ce dispositif permet d'avoir une vue en trois dimensions de la région appelée un modèle stéréo. Cette méthode de visualisation est très utilisée.
Les photographies aériennes s'avèrent très utiles lorsque la résolution spatiale est beaucoup plus importante que la résolution spectrale. La résolution spectrale de ces systèmes est généralement très grossière si l'on compare avec un système de capteurs électroniques. La géométrie utilisée dans les photos aériennes verticales est très connue. Il est donc possible de faire des mesures précises à partir de ces photos. Ces mesures sont utilisées en géologie, en foresterie, en cartographie et dans bien d'autres domaines. La photogrammétrie est la science qui s'intéresse aux mesures faites sur les photographies aériennes et est connue depuis le début de l'utilisation de ces photos. Ces photos sont, dans la plupart des cas, analysées par des humains qui les regardent en stéréoscopie. Elles peuvent aussi être numérisées afin d'être analysées par un ordinateur. Au chapitre 4, nous discuterons plus en détail les différentes méthodes, manuelles ou par ordinateur, qui sont utilisées pour interpréter les images provenant de systèmes de télédétection.
On obtient les photographies multibandes à l'aide de systèmes à plusieurs lentilles utilisant une combinaison de filtres afin de prendre simultanément des photos dans plusieurs bandes spectrales. Ce type d'appareil photographique a l'avantage de pouvoir enregistrer l'énergie réfléchie par la surface ou la cible dans plusieurs fenêtres spectrales, ce qui permet éventuellement de différencier et d'identifier plusieurs caractéristiques de cette surface ou de cette cible. Toutefois, l'analyse simultanée de ces photographies multiples peut devenir problématique. Les appareils photographiques numériques qui enregistrent l'énergie électromagnétique de façon électronique sont très différents des appareils photographiques utilisant une pellicule. Dans ces appareils numériques, la pellicule est remplacée par une grille de CCD (charge coupled devices, ou en français : dispositifs de couple de charges). Les CCD réagissent individuellement à la radiation électromagnétique les atteignant et produisent une charge électronique proportionnelle à l'intensité de l'énergie provenant de la surface. Une valeur numérique correspondante est ensuite assignée à chaque pixel pour chacune des bandes spectrales utilisées. Le format numérique de ces images peut être traité et stocké sur ordinateur ou utilisé pour produire une image sur papier photographique. Ces appareils photographiques permettent un meilleur contrôle de la résolution spectrale et une efficacité accrue lors de l'acquisition des données et lors de la consultation des données archivées. Les appareils photographiques numériques ont une résolution spatiale d'environ 0,3 m et une résolution spectrale allant de 0,012 mm à 0,3 mm. La dimension de la grille de CCD varie généralement entre 512 sur 512 et 2048 sur 2048.
Le saviez-vous?
« ...reculons pour mieux voir... »
...La navette spatiale américaine a été utilisée pour prendre des photographies à partir de l'espace. Les astronautes à bord de la navette ont pris plusieurs photos en utilisant des appareils photo manuels similaires à ceux utilisés sur Terre pour prendre des photos de vacances. Ils ont aussi utilisé des appareils photo sophistiqués et beaucoup plus gros, installés dans la soute de la navette, appelés des appareils photo grands formats. Ces grands appareils photo ont une distance focale très grande (305 mm) et prennent des photographies de qualité qui couvrent des centaines de kilomètres. La dimension exacte dépend bien sûr de l'altitude de la navette. Les photos doivent être prises lorsque le Soleil illumine la Terre et elles sont sensibles au couvert nuageux et autres atténuations atmosphériques. La navette a aussi été utilisée plusieurs fois pour observer différentes régions de la Terre à l'aide d'un capteur actif d'hyperfréquences appelé un RADAR. Le capteur RADAR peut travailler aussi bien le jour que la nuit, puisqu'il émet sa propre énergie qui a la capacité de traverser les nuages grâce à la grande longueur d'onde de l'énergie qu'il émet. Nous traiterons des radars au chapitre 3.
...Même si la prise de photographies dans la bande des UV est problématique à cause de l'absorption et de la diffusion atmosphériques dans cette bande de longueurs d'onde, elle peut être utile là où d'autres types de photographie ne le sont pas. Par exemple, dans le domaine de la recherche et de la gestion de la faune, on a utilisé des photographies UV afin de détecter et de compter les phoques sur les banquises de neige et de glace. Les phoques adultes ont une fourrure foncée tandis que leurs rejetons sont blancs. Sur une photographie normale, les adultes sont visibles facilement car leur fourrure contraste avec la neige et la glace, mais les rejetons ne sont pas visibles. Cependant, la fourrure des adultes et des petits absorbe très fortement la radiation UV. Sur une photographie UV, les phoques adultes et les petits apparaissent donc très foncés, ce qui permet de les détecter facilement. Cette méthode fiable permet de surveiller les populations de phoques sur de très grandes régions.
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