Applications en agriculture
L'utilisation de l'imagerie RSO en agriculture a fait l'objet d'importants travaux, notamment puisque l'on peut collecter des données à tout moment au cours de la saison de croissance. On a découvert que les données RSO polarimétriques monocanal ne fournissaient pas autant d'information que les données optiques multispectrales. Toutefois, le recours à des séries temporelles de données RSO permet de contourner ce problème. En effet, on peut distinguer les différentes cultures en tirant partie des changements des propriétés diffusantes des plantations occasionnés par la croissance et le mûrissement, et qui sont caractéristiques des plantes semées.
La rétrodiffusion par des cibles agricoles est composée (1) de la diffusion à la surface, due au sol, (2) de la diffusion dans le volume, causée par les plantes et (3) d'un « terme » décrivant l'interaction des signaux rebondissant sur la végétation et le sol. Les contributions relatives de chaque composante dépendent des paramètres du système et de la cible. Dans la bande C, les échos sont généralement formés d'une combinaison de ces composantes : au commencement de la saison végétative, le terme décrivant la surface du sol est le plus intense, tandis que pendant la période de croissance maximale, le terme le plus intense est celui de la rétrodiffusion dans le volume des plantes. À la fin de la croissance, on observe une combinaison d'échos dont la composante la plus intense provient de l'interaction sol-végétation. Cet état de chose complique l'extraction d'information selon que l'on s'intéresse au sol ou à la culture. En effet, les autres composantes ajoutent du « bruit » au signal ce qui peut provoquer des erreurs importantes dans le processus d'évaluation. Dans ce cas également les observations multi-temporelles simplifient aussi le travail, mais sans aplanir toutes les difficultés.
Les recherches effectuées jusqu'à présent ont démontré que les données sur la magnitude et la phase comprises dans les données totalement polarimétriques accroissent le contenu informatif utile à l'agriculture et diminue d'autant le besoin de recourir à l'imagerie répétée dans le temps.
Rendement agricole et variations intra-champs
Le rendement des cultures dépend de nombreux facteurs, notamment, les propriétés des sols, les variables climatiques et les pratiques de gestion. La biomasse des cultures, l'indice foliaire vert et la durée de la phase végétative sont des indicateurs de la condition des récoltes et de leur rendement potentiel. L'utilisation d'images radar dans les micro-ondes pour suivre l'évolution de la biomasse et de l'indice foliaire vert fait actuellement l'objet de recherches. La sensibilité des données RSO aux conditions des cultures dépend des variables d'imagerie, comme la longueur d'onde, l'angle d'incidence et la polarisation, ainsi que de paramètres dépendant du type de culture et du stade phénologique (p. ex. : la taille, la distribution, l'orientation et les propriétés diélectriques des éléments composant le couvert).
Nous présentons dans les paragraphes qui suivent deux exemples d'utilisation de données polarimétriques pour la surveillance de la condition des cultures, tirés des travaux de McNairn et coll. ) :
- L'utilisation de l'imagerie dans plusieurs polarisations pour distinguer diverses zones de croissance, selon l'état des cultures.
- 2. L'utilisation de l'algorithme H-A- de Cloude et Pottier pour distinguer diverses zones de croissance, à partir des mécanismes de diffusion présents.
9.1.3.1 Les variations intra-champs et la polarisation
Voici un exemple de la capacité de détecter les variations intra-champs, à partir de données polarimétriques RSO dans la bande collectées le 30 juin 1999 au dessus du Sud ontarien par McNairn et coll. . Ils ont étudié les quatre combinaisons de polarisation en émission et réception (HH, VV, HV et VH), ainsi que deux polarisations circulaires en réception (DD et GD).
Un champ planté de blé d'hiver permet d'illustrer la cartographie des variations intra-champs (figure 9 6a). Une image simple RVB (rouge : VV, vert : HV et B : HH) révèle les régions faiblement rétrodiffusantes. Les données de productivité collectées deux semaines après les données RSO montrent que ces régions peu rétrodiffusantes correspondent à un rendement inférieur à 70 boisseaux par acre (BPA).
Figure 9-6. a) images dans la bande C d'un champ semé de blé d'hiver (rouge : VV, vert : HV, bleu : HH); b) données classées du contrôle du rendement en boisseaux par acre (BPA) ; c) données RSO classées distinguant les zones de rendement faible ou élevé (Noetix Research Inc., 2001).
Il faut noter que l'image HH dans la bande C n'aurait pas, seule, permis de distinguer les zones de productivité différente (figure 9 7). On a découvert que c'est l'image du canal de polarisations orthogonales HV qui présentait les plus forts contrastes entres les zones de haut et bas rendements (4,1 dB), suivies des images VV, DD et GD qui montraient des différences d'environ 2 dB.
Figure 9-7. Force de la rétrodiffusion dans les canaux de position linéaire et circulaire, pour les zones de rendement faible et élevé de blé blanc d'hiver (tiré de : ).
On constate un assez bon accord (77%) entre les zones peu productives révélées par l'imagerie dans les trois polarisations et celles repérées par le contrôle au sol.
A) zone d'accord (rendement élevé) : 77 %
B) zone d'accord (rendement faible) : 77 %
C) « erreurs » (oublis ou fausses identifications) : 23 %
Figure 9-8. Pourcentage d'accord entre la classification RSO et le contrôle du rendement sur le terrain.
Mécanismes de diffusion et variations intra-champs
La relation entre le signal rétrodiffusé et les conditions des cultures n'est pas toujours directe. Par exemple, au moment de l'observation, une zone d'un champ de blé contenant beaucoup de biomasse peut, relativement à une autre moins riche, présenter une rétrodiffusion moins ou plus intense, à cause du stade phénologique de la culture ou des conditions environnementales (notamment l'humidité du sol). Par exemple, dans un champ de blé dont le sol est très humide, les zones contenant peu de biomasse rétrodiffuseront davantage le signal que les zones plus riches en biomasse. L'inverse peut être vrai si l'humidité volumique du sol est faible.
On peut utiliser des algorithmes de classification , comme ceux dérivés de l'algorithme H-A- de Cloude et Pottier pour identifier le mécanisme de diffusion et donc faciliter l'interprétation du signal rétrodiffusé.
Les données présentées ont été collectées à proximité d'Indian Head (Saskatchewan) avec le RSO-C, à bord du Convair 580. On a pu synthétiser plusieurs polarisations à partir des données complexes. On a réalisé une classification non dirigée des images avec les polarisations HH, VV, HV, DD, DG et avec des polarisations linéaires orientées à 45°et 135°. La carte résultante montre six zones de rendement pour trois cultures (figure 9 9).
Lors d'une de leurs études, McNairn et coll. ont collecté des données polarimétriques avec le RSO C, près d'Indian Head (Saskatchewan) en juin 2000. Ils ont synthétisé des données dans plusieurs polarisations à partir des données complexes, dont deux polarisations circulaires (DD et DG). Les polarisations linéaires ont été synthétisées en fixant l'ellipticité () à 0°et en augmentant l'orientation () par intervalles de 45° depuis 0° jusqu'à 180°. Les angles d'incidence au dessus du site expérimental se situaient entre 42°et 46°. Ils ont classé l'image radar en 16 groupements (nuages), à partir de sept polarisations - nommément HH, VV, HV, DD, DG et les polarisations linéaires orientées à = 45° et = 135°. - et un algorithme à K moyennes (figure 9 9). À partir de ces sept images, ils ont classés les parcelles d'un champ de blé en six classes représentant trois zones de culture : excellente croissance (zone 1), croissance moyenne (zone 2) et croissance médiocre (zone 3).
Figure 9-9. Zones de productivité révélées par la classification non dirigée d'images dans les polarisations HH, VV, HV, DD, DG et les polarisations linéaires orientées à = 45° and = 135° °, pour le blé (1), le canola (2) et les pois (3). Les données ont été collectées le 28 juin 2000.
On a utilisé comme masque pour extraire les grandeurs du plan H- de Cloude et Pottier, ces trois zones de croissance représentant la quantité de biomasse (d'abondante à faible) dans des champs de blé. La figure 9 10 présente le plan H- d'un site contenant beaucoup de biomasse. En général, les régions 1, 4 et 7 correspondent à des régions ou les diffusions multiples sont prévalentes, les régions 2, 5 et 8 sont celles ou prédomine la diffusion dans le volume, tandis que les régions 3, 6 et 9 sont caractéristiques d'une diffusion surtout en surface.
La figure 9-10 suggère que le signal diffusé par les zones contenant beaucoup de biomasse soit le fait d'une diffusion de volume. La figure 9-11 provient d'une zone de croissance moyenne et, encore, la diffusion de volume par le couvert végétal est le mécanisme de diffusion principal. La figure 9-12 montre les données d'une zone de croissance médiocre, où prédomine la diffusion en surface (McNairn, communication personnelle).
Zone 24 : Blé, ligne 0, passe 0 0
Alpha () en fonction de l'entropie (H) - histogramme de densité
A : diffusions multiples B : diffusion de volume C : diffusion en surface
D : entropie basse E : entropie moyenne F : entropie élevée
Entropie | Anisotropie | |||
---|---|---|---|---|
Moyenne | 0,81 | 0,43 | 42,04 | 17,51 |
Écart-type | 0,03 | 0,07 | 2,65 | 2,89 |
Figure 9-10. Plan H / avec ses limites et son découpage montrant une zone forte en biomasse dans un champ de blé.
Zone 48 : blé, ligne 0, passe 0 0
Alpha () de Cloude en fonction de l'entropie (H) - histogramme de densité
A : diffusions multiples B = diffusion de volume C : diffusion en surface
D : entropie basse E : entropie moyenne F : entropie élevée
Entropie | Anisotropie | |||
---|---|---|---|---|
Moyenne | 0,75 | 0,53 | 41,34 | 16,39 |
Écart-type | 0,03 | 0,06 | 1,76 | 3,19 |
Figure 9-11. Diffusion dans le plan H/ plane for a medium biomass area within the spring wheat field.
Zone 13 : blé, ligne 0, passe 0 0
Alpha () de Cloude en fonction de l'entropie (H) - histogramme de densité
A : diffusions multiples B = diffusion de volume C : diffusion en surface
D : entropie basse E : entropie moyenne F : entropie élevée
Entropie | Anisotropie | |||
---|---|---|---|---|
Moyenne | 0,74 | 0,44 | 35,52 | 15,27 |
Écart-type | 0,04 | 0,06 | 3,45 | 2,99 |
Figure 9-12. Diffusion dans le plan H/ d'une zone contenant peu de biomasse, dans un champ de blé de printemps.
Comparez les différences de phase de polarisation d'un champ en jachère et d'un champ de maïs sur pied.
Dans le premier cas, la différence de phase polarisée serait proche de zéro, avec un petit écart type et, dans le deuxième, la différence de phase ne sera pas égale à zéro et son écart-type serait plus élevé.
Conservation des sols - travail du sol et résidus végétaux
La conservation des sols est une question majeure en agriculture. Les méthodes de labour ont un effet direct sur leur sensibilité à l'érosion éolienne et hydrique et leur qualité, notamment la préservation de la matière organique du sol. Il est important, pour la conservation des sols de pouvoir surveiller les labours et les résidus.
Le volume de résidus et le labour modifient le caractère de la surface (en fonction des instruments aratoires utilisés et du nombre de passages de la charrue) , , . Étant donné que les signaux rétrodiffusés dépendent fortement des propriétés des champs, notamment leur irrégularité, les données polarimétriques pourraient s'avérer très utiles pour la surveillance des labours et des résidus de récoltes.
On a prouvé que plusieurs grandeurs polarimétriques permettaient de distinguer les labours et les résidus. Nous présentons dans les paragraphes qui suivent des exemples d'utilisation des signatures de copolarisation et des différences de phases entre les canaux copolarisés
9.1.2.1 Signatures polarimétriques
Les signatures de polarisation sont une méthode graphique qui permet de visualiser la diffusion du signal par la cible, en fonction des polarisations du signal émis et du signal reçu. Les signatures de polarisation nous donnent une représentation graphique des propriétés diffusantes des cibles, ce qui permet, ensuite, de les distinguer. Les exemples qui suivent montrent comment différents types de labour et diverses couvertures de résidus peuvent modifier les signatures de polarisation.
Les graphiques sont tirés d'une étude de McNairn et coll., ils proviennent d'images obtenues avec l'instrument SIR C de champs présentant différents types de labour et de résidus.
A) Champs labourés avec peu ou aucun résidus
Les graphiques de copolarisation qui suivent proviennent d'images dans les bandes C (figure 9-1) et L (figure 9-2), de champs labourés recouverts d'une couche variable de résidus. Ces observations ont été prises avec des angles d'incidence entre 42° et 50°.
Les champs les plus lisses, c'est à dire ceux dont la couverture de résidus est la plus fine, sont caractérisés par une rétrodiffusion maximale dans la polarisation VV (angle d'orientation de 90°). La rétrodiffusion des champs recouverts de résidus de canola, de blé ou d'orge et de tournesol est approximativement égale pour toutes les polarisations linéaires, ce qui suggère que ces champs soient plus inégaux.
Cet exemple d'observation dans la bande L montre les réponses typiques de la surface de champs labourés ou couverts d'une couche très fine de résidus. La réponse maximale est observée pour un angle d'orientation de 90°. La réponse semble plate en fonction de la longueur d'onde. La signature polarimétrique de ces champs présente une faible hauteur de socle (de 0,18 à 0,24), ce qui indique qu'il y a peu de dépolarisation, et donc confirme que, dans ce cas, la diffusion sur la surface est le mécanisme principal. Ces surfaces ne sont pas assez irrégulières ou ne portent pas assez de matières végétales pour provoquer des échos multiples ou une diffusion de volume. Les différences dans les canaux de rétrodiffusion VV et HH sont beaucoup plus prononcées dans la bande L que dans la bande C, puisque les surfaces semblent plus lisses lorsqu'elles sont observées avec une grande longueur d'onde.
B. Diffusion multiple sur des champs non labourés, couverts de résidus,
Les graphiques de copolarisation qui suivent proviennent d'images dans les bandes C (figure 9-3) et L (figure 9-4), de champs labourés recouverts d'une couche variable de résidus.(Tiré de )
Hormis l'image (a), les graphiques dans la bande C présentés à la figure 9-3, montrent la surface en forme en selle, typique d'une double réflexion. Le socle de ces signatures de copolarisation est plus élevé, ce qui indique que la diffusion par un champ non labouré est plus dépolarisée relativement aux champs labourés avec une mince couverture de résidus. La réponse du champ de résidus de la culture du pois (figure 9-3a) est similaire à celle d'un champ couvert de résidus de pois, mais qui a été labouré (figure 9-1a). La comparaison de ces deux figures indique qu'une mince couche de résidus a peu d'effet sur la réponse radar, puisque cette cible semble « lisse » dans la bande C.
Les signatures de copolarisation dans la bande L sont radicalement différentes de celles dans la bande C. Par rapport à la bande C, la diffusion par double réflexion est très réduite, un sommet dans la polarisation VV est souvent présent, ce qui indique une importante diffusion en surface des résidus de blé ou d'orge et de tournesol.
L'étude de McNairn et coll. donne une présentation complète des effets des différentes techniques de labour et de différentes couvertures de résidus sur les graphiques polarimétriques et les autres grandeurs polarimétriques. McNairn et al
9.1.2.2 Différence de phase copolarisée
La différence des phases copolarisée est une autre grandeur polarimétrique utile pour caractériser les mécanismes de rétrodiffusion. Par exemple, dans la convention dans le sens de l'onde, une diffusion avec une seule réflexion (ou un nombre impair de réflexion) produira une différence de phase relative de 0° entre les canaux HH et VV, alors que pour une diffusion avec une double réflexion (ou un nombre pair de réflexion), la différence de phase sera de 180°. Si on choisit plutôt la convention ' vers la cible ', on provoque un changement de signe qui ajoutera 180° à la différence de phase. À titre d'exemple, un sol nu diffuse à la surface (plutôt qu'en volume) ce qui implique que la différence des phases copolarisées sera égale à 0° avec un petit écart-type.
Ulaby et coll. ont suggéré que c'est dans la distribution de ces différences (exprimées sous la forme de l'écart-type) que l'on peut tirer le plus d'informations dans les différences de phases copolarisées. Par exemple, la distribution de phase d'un champ labouré inégalement sera plus large que celle d'un champ plus lisse hersé avec des disques.
Dans leur étude, McNairn et coll. ont montré que la différence moyenne des phases copolarisées était presque nulle pour la plupart des champs couverts de résidus et qu'on ne pouvait pas en tirer beaucoup d'informations. Les cultures à maturité et non récoltées se caractérisent par des différences de phase très supérieures à 0°, la différence moyenne variant d'un champ à l'autre en fonction des diffusions multiples probables. Les différences de phase moyennes ne permettent pas de déterminer si les champs ont été, ou non, labourés, ou quel type de résidus les recouvre. Par contre on peut distinguer les champs de culture à maturité non récoltés des champs récoltés. Par exemple, les champs de maïs ou de tournesol à maturité montrent des différences de phases moyennes beaucoup plus élevées. Elles varient entre -30° et -130° et entre -30°et -90°pour les bandes C et L respectivement. On peut utiliser les données de distribution de phase, par champ, pour distinguer des champs labourés avec peu de résidus, des champs non labourés avec un grand volume de résidus. L'écart-type des différences de phases des champs avec peu de résidus est inférieur à 30°, tandis que l'écart-type des champs non labourés dépassait 45°. Ces résultats sont conformes à ceux publiés par Ulaby et coll. . La figure 9.5 (tirée de et modifiée) montre la distribution des champs en fonction des différences de phase moyennes.
Figure 9-5. Dans la bande C, la distribution des différences de phase copolarisées, par champ, ne varie pas en fonction des propriétés des résidus. (Tiré de McNairn et coll. et modifié.)
Question éclair
Question : Comparez les différences de phase de polarisation d'un champ en jachère et d'un champ de maïs sur pied. La réponse...
Question éclair - réponse
Réponse : Dans le premier cas, la différence de phase polarisée serait proche de zéro, avec un petit écart type et, dans le deuxième, la différence de phase ne sera pas égale à zéro et son écart-type serait plus élevé.
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