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Applications à la surveillance de la glace de mer

L'imagerie par radar à synthèse d'ouverture est très bien adaptée à la cartographie et la surveillance de la glace de mer. Cette capacité a été une justification importante pour la mise au point de RADARSAT-1. Le Canada et plusieurs autres pays utilisent RADARSAT-1 pour cartographier et surveiller la glace de mer.

Toutefois, les données produites par un radar à synthèse d'ouverture comme celui de RADARSAT 1 ne permettent pas toujours de suivre la glace de mer, particulièrement en dehors des périodes froides de l'hiver et dans les zones de la marge glaciaire. Parmi les difficultés d'interprétation et d'analyse, on trouve l'ambiguïté entre l'eau et la glace lors des observations à faible angle d'incidence ou en condition de vents intenses, la confusion entre l'eau et la glace mince, le masquage de la signature de la glace en condition humide (au printemps) et l'identification du type de glace. Dans ce qui suit, nous montrons comment les observations polarimétriques avec un radar à synthèse d'ouverture apportent des informations qui peuvent résoudre ces difficultés d'interprétation et d'analyse.

Structures et types de glace

On peut étudier les signatures de polarisation dérivées des matrices de diffusion pour interpréter les propriétés diffusantes d'une cible et comprendre l'irrégularité, la dépendance selon la polarisation et les mécanismes de diffusion du type de glace en cause. La figure 9-20 montre les signatures copolarisées (a) d'une nouvelle glace tourmentée (en crête) et (b) de glace lisse de l'année couverte de quantités variables de neige. On notera que pour la glace tourmentée, le maximum pour la polarisation VV est moins accentué étant donné l'inégalité de la surface et la dépendance moins grande de la polarisation sur la glace. Ceci est partiellement dû à la présence dans la neige de minces plaques de glace qui donnent lieu à des réponses différentes dans les canaux HH et VV.

Figure 9-20
Figure 9-20. Signature de copolarisation dans la bande C pour A une glace jeune et tourmentée (à crêtes) et B pour une glace lisse de l'année, recouverte de quantités variables de neige. (Tiré de Israelsson & Askne).

On peut faire la démonstration de l'utilité des signatures de polarisation pour déduire le type de glace présente, en comparant les signatures de la glace nouvelle, de la glace grise, de la glace grise rugueuse et de la glace d'eau de mer dessalée - quatre étapes de l'évolution de la glace. La figure 9-21 montre leurs signatures de polarisation et montre la migration de la réponse maximale de HH à VV, qui provient de la diminution de la constante diélectrique de la surface de la glace pendant l'évolution. On remarquera que la réponse de polarisation retourne vers un maximum en HH, avec l'évolution de la glace, alors que sa rugosité augmente et sa teneur en sel diminue.

Figure 9-21
Figure 9-21. Signatures de copolarisation de (A) glace de mer nouvelle, (B) glace grise, (C) glace grise rugueuse et (D) glace de mer dessalée, dans la bande C, calculées à partir de mesures diffusiométriques. On remarquera comment l'évolution de la glace, de glace nouvelle à glace dessalée, modifie la réponse maximale au signal polarisé. (Tiré de Onstott & Gaboury ).

Distinguer la glace de l'eau

Aux angles d'incidence aigus, particulièrement en présence de vents forts, il est difficile de distinguer l'eau libre et la glace de mer dans les images obtenues par un RSO monocanal, tel que RADARSAT-1, ERS-1 ou ERS-2. L'imagerie réalisée avec un RSO à polarisations multiples permet de réduire cette confusion de deux façons différentes. Puisque l'intensité du signal diffusé par l'eau est très faible dans les canaux de polarisation orthogonale (HV ou VH), on peut utiliser les images tirées de ces canaux pour mieux distinguer les classes « eau », « glace » et « terre ». La terre et, jusqu'à un certain point, la glace diffusent les ondes radar dans les trois dimensions, ce qui produit un signal dans les canaux orthogonaux. On peut le constater en examinant la figure 9-15 qui reproduit la même région de la mer du Labrador montrée à la figure 9-14.

Figure 9-15
Figure 9-15. Images monocanal de l'intensité de la rétrodiffusion dans la bande C, obtenues avec le RSO-C, au dessus de la mer du Labrador. On y remarque que le contraste de la limite entre la glace de l'année et l'eau est plus accentué dans l'image du canal HV, la diffusion du signal sur l'eau ne comportant pas de réflexions multiples. (Tiré de Scheuchl et coll., 2001c).

La figure 9-16 montre comment on peut utiliser la carte du rapport HH/VV et obtenir des résultats similaires, puisque l'on peut exploiter les différentes propriétés diffusantes des deux cibles dans les canaux HH et VV pour obtenir un contraste supérieur à celui d'une carte monocanal.

Figure 9-16
Figure 9-16. Images des rapports entre les images HH, VV et HV, tirées de données collectées au-dessus de la mer du Labrador par l'instrument RSO-C. On peut constater l'amélioration du contraste de la limite entre la glace de l'année et l'eau obtenue par la division des images des canaux coporalisés. (Tiré de Scheuchl et coll., 2001c).

On peut utiliser les techniques de décomposition polarimétrique pour produire des critères de discrimination polarimétrique que l'on pourra utiliser pour faciliter l'interprétation ou le classement. Les figures 9-17 et 9-18 montrent des exemples du contraste entre la glace et l'eau visible sur les images dans les bandes C et L. On notera en particulier l'amélioration du contraste dans l'image de l'anisotropie dans la bande C et de l'entropie dans la bande L.

Figure 9-17
Figure 9-17. Images de l'entropie (H), de l'anisotropie (A) et de l'angle alpha (alpha) du signal dans la bande C de la mer du Labrador. On peut voir que le contraste entre la glace et l'eau est accentué dans l'image de l'anisotropie. (Tiré de Scheuchl et coll., 2001a).

Figure 9-18
Figure 9-18. Images de l'entropie (H), de l'anisotropie (A) et de l'angle alpha (A) et de l'angle alpha (alpha) dans la bande L de la mer du Labrador. On peut voir que le contraste entre la glace et l'eau est accentué dans l'image de l'entropie. (Tiré de Scheuchl et coll., 2001a).

Analyse polarimétrique de la glace de mer

On peut utiliser les données RSO polarimétriques pour créer une série de produits, notamment des images multipolarisation en intensité, ainsi que des grandeurs polarimétriques. On peut afficher les données acquises dans diverses combinaisons de polarisation à l'émission et la réception dans une seule image ou en les combinant pour produire des cartes de rapports (quotients) ou des images composites en fausses couleurs. La figure 9-14 montre les images dans trois polarisations linéaires, par canal et combinées dans une image composite en fausses couleurs. L'image montre la glace et l'eau libre dans la mer du Labrador, au large de Terre-Neuve.

Figure 9-14
Figure 9-14. Composite en fausses couleurs et images monocanal des intensités du signal rétrodiffusé dans la bande C, observé avec le RSO-C, dans une région de la mer du Labrador envahie par la glace de mer, au large de Terre-Neuve. Les données ont été collectées le 18 avril 1994 avec des angles d'incidence entre 26 et 31°. (Tiré de Scheuchl et coll., 2001c)

On peut aussi utiliser les données complexes pour produire des signatures polarimétriques, ainsi que des grandeurs polarimétriques que l'on pourra utiliser pour faciliter l'interprétation des mécanismes de diffusion et leur compréhension. On pourra aussi produire des critères polarimétriques qui seront utilisés aux fins der classification. Dans ce qui suit, nous présentons des exemples d'utilisation de ces méthodes pour la glace de mer.

Classement de la glace de mer

Pouvoir classer de façon sûre et non ambiguë les types de glace est une application pratique et importante de la polarimétrie radar. Or, dans ce domaine, la capacité des RSO monocanal est importante. Étant donné la plus grande quantité d'informations apportée par les polarisations supplémentaires et les données sur les phases, les RSO polarimétriques offrent, potentiellement, une plus grande précision de la classification. On met actuellement au point des méthodes de classification de la glace de mer pour les données RSO polarimétriques qui montrent une plus grande capacité à distinguer les glaces, à partir des réponses dans les bandes C et L. Nous illustrons, à la figure 22, le résultats de ces travaux avec des données dans la bande C, collectées en mars 2001, au large de l'Île-du-Prince-Édouard à bord du Convair 580. Nous avons découvert que, bien que les données de polarisations multiples permettaient déjà de mieux distinguer les classes que les données d'un seul canal polarisé, les données d'un RSO complètement polarisé contenaient assez d'information pour classer efficacement les types de glace.

Figure 9-22

Figure 9-22

Code des couleurs
Couleur Description
bleu glace fixée lisse et mince
rouge glace fixée rugueuse
magenta glace de l'année rugueuse
cyan glace de l'année rugueuse et épaisse
blanc glace de l'année rugueuse et épaisse ou terre
vert terre
vert foncé terre
noir terre
gris classes non utilisées pour la comparaison dans les diagrammes de dispersion (blanc, vert foncé et noir)

Figure 9-22. Image classifiée de la rive nord de l’Île-du-Prince-Édouard. Image en bande C polarimétrique acquise par le RSO du Convair-580 et classifiée en utilisant un classificateur complexe de Wishart, avec 8 classes initiales et 12 itérations (de Scheuchl & Cumming).

La décomposition polarimétrique permet de montrer que les données polarimétriques contenaient des informations supplémentaires. La figure 9 23 montre les cartes de l'entropie (H), de l'anisotropie (A) et de l'angle alpha (Greek small letter alpha)tirées de ces données. Le panneau du bas montre la terre, tandis que dans le panneau central on distingue la glace fixée et dans le panneau du haut la glace rugueuse de l'année. La glace lisse présente l'entropie la plus basse, puisque la diffusion est homogène, alors que la diffusion de la terre est plus entropique. L'anisotropie est plus faible pour la terre et plus élevée pour la glace, ce qui donne le meilleur contraste entre la terre et la glace et entre les types de glace. La valeur de l'angle alpha est basse pour la glace lisse ce qui confirme, avec la basse valeur d'entropie, que la diffusion de surface domine. L'angle alpha et l'entropie de l'écho diffusé sur la glace de l'année plus rugueuse sont supérieurs ce indique davantage de diffusion dans le volume - une observation confirmée par les intensités dans le canal orthopolarisé.

Figure 9-23
Figure 9-23

Figure 9-23. Images de l'entropie (H), de l'anisotropie (A) et de l'angle alpha (alpha)tirées des images obtenues dans la bande C, d'une zone au large de la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, en mars 2001, par le Convair 580. Le panneau inférieur montre la terre, alors que la glace fixée est accentuée dans le panneau central et la glace rugueuse de l'année ressort clairement dans le panneau supérieur. (Tiré de Scheuchl & Cumming).

Le saviez-vous ?

Les données sur la glace de mer en arctique de 1953 à 1998 indiquent que six des dix années d'étendue minimale de glace de mer, ont eu lieu depuis 1990, et que la variabilité régionale s'est accrue depuis quelques années. L'été 1998 a été singulière : l'eau libre est apparue plus tôt que les années précédentes et, en septembre, la glace recouvrait une surface 25 % plus petite que la plus petite étendue jamais enregistrée.

 

L'utilisation d'un RSO polarimétrique multifréquence, comme l'appareil AIRSAR du JPL, est intéressante puisque les fréquences additionnelles permettent l'extraction de plus d'informations sur les cibles. Par exemple, les différentes capacités de pénétration permettent de séparer encore mieux les types de glace, particulièrement les glaces pluri-annuelles et les glaces de l'année. On peut illustrer l'utilisation de techniques de décomposition polarimétrique dans plusieurs fréquences pour distinguer les cibles selon leurs propriétés de diffusion en surface ou dans le volume. La figure 9 24 montre le classement des diffusions de surface et de volume avec cette technique, tandis que la figure 9 25 montre les résultats du classement. Les prochains systèmes RSO satellitaires seront conçus pour les observations dans les bandes C et L. Ainsi, on prévoit que l'imagerie RSO polarimétrique multifréquence sera bientôt possible.

Figure 9-24
Figure 9-24

Figure 9-24. Images de la puissance reçue calculées à partir de la décomposition Freeman-Durden des données AIRSAR dans les bandes C-L et P, montrant la diffusion de surface relativement à la diffusion de volume. (Tiré de Scheuchl et al 2002b).

Figure 9-22

Figure 9-25

Classement des types de glace
Classe Couleurs Description
NGMF / GAL bleu nouvelle glace mince en formation / glace de l'année lisse
GTA / D orange
vert
noir
Glace tourmentée de l'année / débris
GAC rose
vert
pastel
glace de l'année comprimée
GP blanc
gris
glace pluriannuelle

Figure 9-25. . Résultats de la classification par type de glace à partir des données collectées par le radar AIRSAR du JPL. Douze itérations ont été nécessaires, à partir de huit classes. (Tiré de Scheuchl et al 2002c).

Question éclair

pomme

Question: Comment la glace nouvelle et la glace pluri-annuelles diffèrent-elles dans leur façon de diffuser les ondes ? Comment utiliseriez-vous la polarimétrie pour déterminer cette différence ? La réponse...

Question éclair - réponse

pomme

Réponse : Le mécanisme de diffusion le plus important de la nouvelle glace est la diffusion de surface et alors que pour la glace pluri-annuelle, la diffusion dans le volume est plus importante. La hauteur du socle indique la rugosité. L'image HV permettrait de déceler une diffusion dans le volume. La classification polarimétrique aiderait aussi à établir les régions où il y a diffusion dans le volume.

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